3 : Preuve de la transformation

La présente section examine la transformation du décaBDE afin de déterminer s'il y a lieu d'être préoccupé par sa transformation en produits bioaccumulables dans les organismes (c.-à-d. in vivo par métabolisation) et dans l'environnement (c.-à-d. par des processus abiotiques et de biodégradation). Les données fournies par des études qui quantifient la transformation sont souvent influencées par les limites suivantes :

  1. Degré de pureté du composé d'origine inconnu ou non caractérisé et présence (souvent non quantifiée) de PBDE moins bromés dans les matériaux utilisés. Il est possible que des congénères moins bromés de PBDE soient présents sous la forme d'impuretés dans la nourriture utilisée dans le cadre des études in vivo sur la transformation métabolique. Certains congénères moins bromés peuvent avoir un facteur d'accumulation plus élevé que celui du décaBDE. Par conséquent, même si de telles impuretés étaient présentes dans la nourriture (ou dans la substance décaBDE soumise à l'essai) à des concentrations inférieures au seuil de détection, elles pourraient quand même s'accumuler dans l'organisme et atteindre des concentrations mesurables durant l'expérience;
  2. Contamination possible au décaBDE et à d'autres PBDE des échantillons et des échantillons à blanc;
  3. Se servir d'études en laboratoire pour tirer des conclusions concernant les processus de transformation dans l'environnement.

Ces questions sont examinées en détail plus loin dans le présent document.

Les points suivants résument les données de débromation du décaBDE qui étaient disponibles en 2004 et antérieurement, et qui ont été prises en considération dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE (Environnement Canada, 2006b).

Poissons

Stapleton et collaborateurs (2006) ont exposé 45 alevins de truite arc-en-ciel à de la nourriture additionnée de décaBDE (laboratoires Cambridge Isotopes Laboratories, degré de pureté > 98 %) pendant une période de 5 mois. Les substances débromées représentaient environ 73 % de la charge totale de PBDE dans les carcasses. Les principales substances identifiées étaient le BDE208 (nonaBDE), le BDE202 et le BDE201 (octaBDE) ainsi qu'une petite quantité de BDE188 (heptaBDE). Les nonaBDE (principalement le BDE207 et le BDE208) représentaient 26 % de la charge dans le sérum, avec seulement de petites quantités d'octaBDE, et le décaBDE non transformé représentait le reste de la charge (environ 68 %). La charge dans le foie était surtout constituée de décaBDE avec seulement une petite partie de PBDE moins bromés (principalement des nonaBDE). Le BDE202 résultant de la débromation du décaBDE était prédominant et présent en quantités semblables dans les tissus de la truite arc-en-ciel (étudiés ici) et dans ceux de la carpe d'une étude antérieure. Stapleton et collaborateurs (2006) ont également réalisé une étude in vitro avec des microsomes du foie de la truite arc-en-ciel en vue de confirmer la capacité métabolique des tissus de la truite arc-en-ciel et la formation de métabolites potentiels. Les résultats ont indiqué que les microsomes du foie de la truite arc-en-ciel avaient transformé jusqu'à 22 % du décaBDE en octaBDE et nonaBDE. Les auteurs ont comparé ces résultats avec ceux d'une étude précédente qui indiquaient que les microsomes du foie de la carpe avaient transformé jusqu'à 65 % du décaBDE.

Les auteurs ont conclu que leurs résultats corroboraient l'hypothèse selon laquelle les enzymes déiodinases agissaient comme catalyseurs de la débromation du décaBDE. Ils ont cependant également appelé à la prudence en disant qu'il n'était pas possible d'exclure l'activité concomitante ou substitut des enzymes P450. Les travaux de Stapleton montrent que la perte d'atomes de brome a lieu de préférence aux positions de substitution méta et para (renseignements obtenus par H.M. Stapleton auprès de John Pasternak, d'Environnement Canada, en janvier 2008; non cité en référence). Il est intéressant de mentionner que les congénères de bromodiphényléthers qui prédominent dans les mélanges commerciaux de pentaBDE (La Guardia et coll., 2006) sont des bromodiphényléthers qui ont subi une bromation en position para (p. ex. BDE47, -74, -85, -99, -100, -153 et -154) et, certains, en position méta (p. ex. BDE42, -74, -97, -102, -126 et -138). Par conséquent, ce schéma de débromation n'est peut-être pas la cause des concentrations appréciables de congénères de bromodiphényléthers identifiés dans les mélanges commerciaux.

Tomy et collaborateurs (2004) ont étudié l'absorption de douze congénères tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE et heptaBDE ainsi que du décaBDE par des alevins de truite grise ayant consommé de la nourriture additionnée de ces substances. Trois congénères PBDE moins bromés (soit des pentaBDE et des hexaBDE non identifiés, et le BDE140) semblaient s'être bioformés dans les tissus des poissons exposés et les auteurs ont avancé l'hypothèse que la débromation du décaBDE constituait une explication potentielle. Ils ont suggéré que la structure semblable des bromodiphényléthers et de la thyroxine (T4) voulait peut-être dire que les enzymes déiodinases contribuaient à la débromation des PBDE fortement bromés en PBDE moins bromés. Ils ont toutefois suggéré l'implication possible d'autres activités enzymatiques, comme les enzymes du cytochrome P450 1A et 2B (c.-à-d. des enzymes métaboliques de phase I) qui sont connus pour hydroxyler les contaminants aromatiques tels les BPC et les HAP. Les auteurs ont conclu que le degré de biotransformation du décaBDE tout particulièrement risquait probablement de varier considérablement d'une espèce à l'autre, entraînant ainsi une grande variabilité potentielle de la bioaccumulation entre les espèces.

D'après les résultats d'autres études avec des rats (p. ex. Mörck et coll., 2003), il est possible que le décaBDE soit transformé par les poissons en congénères débromés hydroxylés et méthoxylés. Si ces congénères se forment dans les poissons, les données de l'absorption nette des bromodiphényléthers neutres sous-estimeraient l'absorption totale réelle du décaBDE. Ce phénomène pourrait expliquer l'efficacité d'absorption beaucoup plus faible chez les poissons comparativement à l'efficacité d'absorption observée chez les rats, où des bromodiphényléthers neutres, mais aussi hydroxylés et méthoxylés ont pu être analysés. De plus, si d'autres métabolites que l'heptaBDE, l'octaBDE et le nonaBDE se forment dans les tissus du poisson et sont persistants, les études sur l'accumulation du décaBDE qui ne mesurent que les bromodiphényléthers neutres sous-estiment alors le potentiel d'accumulation total des composés dérivés du décaBDE.

La Guardia et collaborateurs (2007) ont examiné la débromation in vivo potentielle du décaBDE chez les organismes aquatiques vivant dans le milieu récepteur d'une station d'épuration des eaux usées de Roxboro, en Caroline du Nord, qui, selon les rejets déclarés par l'industrie en vertu de l'inventaire des rejets de substances toxiques (Toxics Release Inventory) de l'USEPA, recevait les eaux usées d'une importante installation de fabrication de matières plastiques. Le profil des congénères de PBDE a été suivi de près à partir de l'effluent de la station d'épuration jusqu'aux sédiments et au biote du milieu récepteur afin d'évaluer si une importante débromation s'était produite. Des échantillons de boues d'épuration, de sédiments et de biote (crapet-soleil, mulet à cornes et écrevisse) ont été recueillis en 2002. Puis, en 2005, des échantillons de boues d'épuration, de sédiments et de biote (seul le crapet-soleil) ont été recueillis. Les échantillons de biote aquatique ont été recueillis à l'aide de nasses à vairon installées 15 m en aval de l'émissaire de la station d'épuration. Tous les échantillons ont été prélevés et purifiés par chromatographie sur gel, puis analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse en mode d'ionisation négative par capture d'électrons et en mode d'ionisation électronique aux fins de détection de PBDE.

Au total, 23 congénères de PBDE ont été décelés dans les échantillons de biote. Parmi ceux-ci, le décaBDE n'a été décelé que dans 2 002 échantillons de crapet-soleil (2 880 µg/kg de lipides) et d'écrevisse (21 600 µg/kg de lipides). Les concentrations beaucoup plus élevées observées chez l'écrevisse sont attribuées à l'association de cette espèce avec les sédiments et les auteurs ont avancé l'hypothèse que l'écrevisse servait peut-être de lien entre les sédiments et les organismes pélagiques. Les auteurs ont également émis l'hypothèse que les concentrations de décaBDE non décelées chez le mulet à cornes étaient peut-être le résultat d'une capacité accrue de l'espèce à métaboliser cette substance. Le mulet à cornes est étroitement lié à la carpe qui possède une capacité accrue de débromation du décaBDE selon des études antérieures (Stapleton et coll., 2004). Deux congénères octaBDE et trois congénères heptaBDE qui n'avaient pas été décelés dans les boues d'épuration et les sédiments ont été observés dans les tissus du mulet à corne, ce qui suggère la bioformation de ces substances homologues. D'après ces résultats, les auteurs ont conclu que le décaBDE était biodisponible dans le milieu naturel et pouvait subir une débromation métabolique sur le terrain, entraînant une bioformation de PBDE moins bromés.

Lebeuf et collaborateurs (2006) ont examiné les effets du décaBDE et du PCB126 sur les concentrations de PBDE et de PBDE méthoxylés dans le foie du poulamon. Le décaBDE utilisé dans le cadre de leur expérience (DE-83R, Great LakEs Chemical Corp.) était composé de plus de 96 % de BDE209, alors que les BDE153, -183 et -203 ont été décelés dans une proportion variant entre 0,00024 et 0,034 % sur la base de la masse. Une caractérisation plus poussée a révélé que jusqu'à 7 PBDE non précisés avaient été décelés qualitativement (soit 4 heptaBDE et 3 octaBDE) en plus des 3 nonaBDE. Les poissons ayant servi durant l'étude ont été capturés dans l'estuaire du Saint-Laurent en 2001 et acclimatés aux conditions de laboratoire pendant environ 6 mois. Les poissons étaient nourris de capelan 2 fois par semaine jusqu'au début d'avril, puis d'éperlan jusqu'à la fin de l'étude. Après la période d'acclimatation, 200 poissons ont été aléatoirement divisés en groupes de 25 poissons et placés dans 8 réservoirs de fibre de verre de 500 l. Au jour 0, les poissons de la moitié des réservoirs ont été anesthésiés dans l'eau. La moitié de ces poissons (c.-à-d. des poissons de 4 réservoirs) ont reçu une injection intrapéritonéale de PCB126 et l'autre moitié, d'huile de maïs. L'injection de PCB126 avait comme objectif d'évaluer les effets de l'induction du cytochrome P4501A (CYP1A) sur la biotransformation des PBDE injectés, contenus dans le mélange commercial décaBDE administré aux poissons. Après 21 jours, les poissons de 2 des 4 réservoirs de poissons ayant reçu une injection de PCB126 et les poissons de 2 des 4 réservoirs n'ayant reçu qu'une injection d'huile de maïs ont reçu une injection de décaBDE (une dose de 400 ng/g de poisson; les poissons des autres réservoirs n'ont reçu qu'une dose d'huile de maïs).

Les poissons ont été échantillonnés et analysés aux fins de détection du décaBDE et de dérivés potentiels 7 semaines après l'administration du mélange commercial décaBDE. Du BDE209, du BDE208, du BDE207, du BDE206, du BDE203 et trois octaBDE non identifiés ont été retrouvés dans le foie des poissons. Tous ces congénères étaient essentiellement absents chez les poissons des groupes témoins. Ces congénères ont également été mesurés dans le mélange commercial administré lors de l'expérience et leur présence ne peut donc pas être attribuée exclusivement à la biotransformation. De plus, la présence de ces substances pourrait s'expliquer par la dégradation thermique du mélange commercial décaBDE durant l'analyse ou par une transformation dans le réservoir à la suite de l'expulsion du décaBDE dans la matière fécale. Malgré une augmentation de l'activité de l'enzyme EROD dans le foie des poulamons ayant reçu une injection de PCB126 et de décaBDE par rapport aux poulamons n'ayant reçu qu'une injection de décaBDE, aucune autre augmentation des concentrations hépatiques de PBDE n'a été observée. Cependant, des concentrations décroissantes de BDE17 et de 6-méthoxy-BDE47 (deux substances mesurées dans les groupes témoins) ont été observées chez les poissons ayant reçu une injection de décaBDE, mais pas chez les poissons des groupes témoins, ce que les chercheurs ont attribué à l'activité d'enzymes métaboliques hépatiques autres que le CYP1A. La diminution des concentrations de BDE17 était encore plus importante chez les poissons ayant reçu une injection de PCB126 par rapport aux poissons n'ayant reçu que du décaBDE. Les concentrations de BDE203 étaient également significativement plus faibles chez ces poissons.

Bien que les poissons de l'étude n'aient affiché qu'une capacité de métabolisation du décaBDE restreinte, l'étude démontre l'importance du choix de la méthodologie pour évaluer les sources potentielles des substances décelées chez les organismes après l'administration d'un mélange commercial décaBDE.

Organismes terrestres

Sandholm et collaborateurs (2003) ont réalisé une étude de la biodisponibilité, de l'absorption et de la transformation métabolique du décaBDE chez des rats Sprague-Dawley. Au total, 36 rats mâles pesant entre 200 et 220 g ont chacun reçu une dose unitaire de décaBDE à raison de 2 µmol/kg et la biodisponibilité, l'élimination et la formation de métabolites dans le plasma ont été suivies de près pendant une période de 6 jours. Un sous-ensemble de 18 rats a reçu une dose orale par gavage tandis qu'un second sous-ensemble de 18 rats a reçu une dose par intraveineuse. Le plasma sanguin était surveillé à intervalles réguliers (à 1, 3, 6, 24, 48, 72, 96, 120 et 144 heures) durant la période de surveillance de 6 jours. De plus, des échantillons de plasma prélevés dans le cadre d'une étude distincte de 7 jours pendant laquelle une dose unitaire de décaBDE radiomarqué était injectée (Mörck et coll., 2003) ont été analysés afin de déterminer la radioactivité totale associée aux fractions neutres et phénoliques du plasma de rats exposés au décaBDE.

On a déterminé que la biodisponibilité orale était de 26 % et que les concentrations maximales dans le plasma (264 pmol/ml) étaient mesurées 6 heures après l'administration de la dose. La biodisponibilité orale a été définie comme la fraction du composé d'origine administré qui atteint la circulation systémique. Les auteurs ont indiqué que cette concentration était beaucoup plus élevée que celles publiées dans le cadre d'études précédentes sur le décaBDE (p. ex. : Norris et coll., 1975; NTP, 1986; El Dareer et coll., 1987). Selon l'analyse des échantillons de plasma recueillis lors de l'étude du décaBDE radiomarqué de 7 jours, la radioactivité observée dans le plasma aux jours 3 et 7 était 4 fois celle de la fraction neutre, ce qui suggère une transformation métabolique oxydante importante du décaBDE neutre et des métabolites débromés, et une plus grande exposition aux métabolites phénoliques qu'aux métabolites ou composés d'origine neutres. Vu la présence de métabolites phénoliques, on a présumé que la biodisponibilité réelle du décaBDE dans l'alimentation était supérieure à la biodisponibilité mesurée pour le décaBDE administré seul. L'élimination du décaBDE du plasma se faisait en plusieurs étapes et les demi-vies les plus longues étaient de 51 heures (exposition orale) et de 58 heures (exposition par intraveineuse).

On a déterminé que les composés neutres constituant le plasma étaient le décaBDE (> 99,5 %) ainsi que 3 métabolites nonaBDE (< 0,5 %). En plus des composés neutres, 13 métabolites phénoliques ont été décelés dans le plasma, les principaux étant un octaBDE hydroxylé, un nonaBDE hydroxylé et un hexaBDE hydroxy-méthoxylé de type guaiacol. En s'appuyant sur la composition observée de composé d'origine et de métabolites, la séquence de transformation métabolique générale suivante a été proposée :

  1. la débromation réductive du décaBDE;
  2. l'oxydation ultérieure en métabolites phénoliques;
  3. la formation de métabolites de type guaiacol grâce à un oxyde arénique et un dihydrodiol, ou par suite de deux étapes d'oxydation séquentielle suivies d'une méthylation.

Quoique certaines propriétés physiques du décaBDE semblent lui conférer un fort potentiel de bioaccumulation une fois qu'il est absorbé (c.-à-d. de manière semblable à d'autres substances organiques persistantes qui sont surtout absorbées par l'alimentation et par séparation des lipides, puis métabolisées très lentement), les résultats de ces études laissent supposer que le décaBDE s'élimine rapidement, principalement par transformation métabolique. En outre, le décaBDE ne semblait pas être stocké dans le tissu adipeux.

Les auteurs ont également décrit comment l'octaBDE hydroxylé et le nonaBDE hydroxylé pouvaient avoir une affinité pour la transthyrétine (TTR) qui agit d'habitude comme protéine de transport de la thyroxine dans le plasma. La liaison avec la transthyrétine pourrait expliquer la grande quantité de métabolites phénoliques observée dans le plasma et peut-être faire en sorte que les métabolites aient tendance à persister dans le plasma sous la forme de résidus liés. La liaison entre les métabolites phénoliques et la transthyrétine pourrait perturber le transport de la thyroxine dans le sang et, par conséquent, avoir des effets hormonaux néfastes. Les auteurs ont indiqué que cette activité était semblable à l'activité des métabolites des BPC déclarée.

Hakk et Letcher (2003) ont résumé les résultats obtenus par Orn et Klasson-Wehler (1998), Hakk et collaborateurs (2002) et Mörck et Klasson-Wehler (2001) concernant la formation de métabolites fécaux et biliaires chez des rats exposés au décaBDE. Ils ont conclu que le décaBDE avait subi une débromation oxydante et s'était transformé en guaiacols (bromodiphényléthers hydroxy-méthoxylés), en bromodiphényltéthers hydroxylés et en nonaBDE, ce qui est généralement en accord avec les résultats publiés par Sandholm et collaborateurs (2003) et Mörck et collaborateurs (2003). Hakk et Letcher (2003) ont de plus tiré les conclusions suivantes :

Huwe et Smith (2007a, b) ont étudié l'accumulation de décaBDE présent dans l'alimentation de rats, sa débromation et son élimination. La charge dans les tissus corporels et les matières fécales d'un congénère nonaBDE (BDE207) et de deux congénères octaBDE (BDE201 et BDE197) était supérieure à ce qui pouvait s'expliquer par la dose totale de chaque congénère associée aux concentrations de fond de l'alimentation des rats. Les auteurs ont donc conclu que les charges élevées résultaient de la débromation réductive du décaBDE. La formation de BDE197 et de BDE207 résulte de la débromation du BDE209, soit la perte d'un atome de brome en position méta, tandis que la perte d'un atome de brome en position para et méta est à l'origine de la formation du BDE201. Les auteurs ont proposé que l'action catalytique de la débromation du décaBDE en position méta par les enzymes déiodinases expliquait probablement la plus grande quantité de congénères PBDE moins bromés présents. Ces enzymes déiodinases agissent normalement comme catalyseurs de la déhalogénation en position méta de l'hormone thyroïdienne, la thyroxine, et sont présents dans de nombreux tissus de l'organisme.

Toutefois, la charge totale de BDE207, de BDE201 et de BDE197 ne représentait que 1 % de la dose totale de décaBDE, ce qui suggère que la débromation n'était pas la voie métabolique principale ou que les substances débromées subissaient rapidement une métabolisation supplémentaire. Dans l'ensemble, 45 % du décaBDE administré ne pouvait s'expliquer par les concentrations observées dans les tissus et les matières fécales des rats; les auteurs ont avancé l'hypothèse que la formation de métabolites liés ou hydroxylés, qui ne faisaient pas partie de leur analyse, expliquait probablement le bilan massique incomplet du décaBDE.

KierkEgaard et collaborateurs (2007) ont publié les résultats d'une étude de 3 mois sur les effets de PBDE administrés dans l'alimentation de 2 vaches laitières. Le profil des congénères présents dans les tissus adipeux et les organes était différent du profil dans les produits d'ensilage et les congénères BDE207, -197, -196 et -182 représentaient une proportion beaucoup plus élevée de la charge totale dans les tissus que dans les produits d'ensilage. Le traçage de la dégradation potentielle du décaBDE durant l'extraction et le nettoyage à l'aide de composés radiomarqueurs a permis d'exclure la débromation photolytique comme origine de la présence de ces heptaBDE, octaBDE et nonaBDE durant l'extraction et le nettoyage. Les auteurs n'ont également pas tenu compte du fait qu'une plus importante absorption des congénères présents dans l'alimentation pouvait avoir eu lieu pour expliquer les différences observées entre les concentrations dans l'alimentation et dans les tissus car l'absorption accrue de congénères semblables (c.-à-d. BDE183 par rapport à BDE182) ne semblait pas évidente. Par conséquent, on a conclu que les augmentations observées de BDE207, -197, -196 et -182 étaient probablement dues à une débromation réductive du décaBDE. Les auteurs ont proposé les 2 voies de transformation potentielles suivantes pour le décaBDE :

  1. Une débromation en position ortho pour former du BDE206, suivie d'une débromation en position méta pour former du BDE196, puis d'une débromation en position méta pour former du BDE182;
  2. Une débromation en position méta pour former du BDE207, suivie d'une débromation en position méta pour former du BDE197.

Van den Steen et collaborateurs (2007) ont étudié l'accumulation du BDE209 dans les tissus et la débromation de cette substance chez l'Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) en utilisant des implants en silastique pour administrer la substance. Les implants étaient insérés sous la peau par une petite incision le long des côtes. Ils contenaient du BDE209 dissous dans de l'isooctane et mélangé à de l'huile d'arachide. On procédait à l'évaporation de l'isooctane en chauffant le mélange d'huile jusqu'à ce qu'il ait atteint un poids constant. Après la préparation, aucune concentration d'autres congénères de PBDE n'était décelable dans la solution d'huile. Au total, 7 étourneaux adultes mâles ont été nécessaires pour l'étude, soit 4 qui avaient reçu une dose implantée de 46,8 ± 2,2 µg de BDE209 et 3 (le groupe témoin) qui avaient reçu un implant ne contenant que de l'huile d'arachide. Durant la période d'exposition de 76 jours, des échantillons de sang ont été prélevés tous les 3 à 7 jours. Les oiseaux ont ensuite été euthanasiés, et le muscle pectoral et le foie ont été excisés. Des échantillons à blanc constitués d'eau plutôt que de sang ont été inclus dans chaque lot d'échantillons et leur concentration de PBDE a été soustraite des valeurs déterminées pour les échantillons biotiques.

Avant l'insertion des implants, les concentrations de BDE209 dans le sang étaient inférieures au seuil de quantification (c.-à-d. 0,8 et 0,5 µg/l pour le BDE209 et d'autres bromodiphényléthers, respectivement). Les concentrations accumulées de BDE209 ont atteint une valeur maximale dans le sang des étourneaux exposés au jour 10 (16 ± 4,1 µg/l). Après ce sommet, les concentrations dans le sang ont diminué pour se fixer à 3,3 ± 0,4 µg/l à la fin de la période d'exposition de 76 jours, ce qui semble être une indication de l'élimination de la substance. Chez le groupe témoin, les concentrations dans les tissus étaient inférieures à la limite de quantification (5,6 et 2,9 µg/kg de lipides dans les tissus musculaires et dans le foie, respectivement). Chez le groupe exposé, les concentrations étaient deux fois plus importantes dans les tissus musculaires que dans le foie (c.-à-d. 461 et 340 µg/kg de lipides dans les tissus musculaires par rapport à 269 et 337 µg/kg de lipides dans le foie). L'étude de Van den Steen et collaborateurs (2007) a permis de constater que différents PBDE étaient présents dans les tissus musculaires et dans le foie des spécimens du groupe témoin et du groupe exposé, et que les différences étaient les plus prononcées dans le cas de nonaBDE (BDE206, -207 et -208) et d'octaBDE (BDE196 et -197). Les concentrations des octaBDE BDE203 et BDE205 étaient semblables chez les 2 groupes. Les auteurs ont conclu que l'étude fournissait une preuve de la transformation du BDE209 en PBDE moins bromés chez les oiseaux chanteurs.

Poissons

La figure 3-1 illustre un modèle conceptuel du métabolisme du décaBDE chez les poissons qui est élaboré en fonction d'études disponibles et des renseignements examinés dans le cadre du présent rapport. Selon Stapleton et collaborateurs (2004, 2006), des renseignements obtenus par H.M. Stapleton auprès de John Pasternak, d'Environnement Canada, en janvier 2008 (non cité en référence), KierkEgaard et collaborateurs (1999), et Tomy et collaborateurs (2004), il est possible de faire les généralisations suivantes :

  1. Chez les poissons, la première étape du métabolisme du décaBDE (c.-à-d. BDE209) est sa débromation qui produit tout au moins des formes débromées d'heptaBDE, d'octaBDE et de nonaBDE, mais aussi potentiellement des pentaBDE et des hexaBDE;
  2. Les enzymes déiodinases, qui, en règle générale, éliminent l'iode de la thyroxine, semblent être des catalyseurs probables de cette voie de débromation;
  3. Selon les observations, la débromation provoquerait la perte préférentielle d'un atome de brome en position méta et para.

Chez certaines espèces, la réaction de débromation peut aller plus loin.

De plus, tant Stapleton et collaborateurs (2006) que Tomy et collaborateurs (2004) ont suggéré que les enzymes du cytochrome P450 pourraient également agir sur le décaBDE et des congénères débromés, ce qui soulève la possibilité que ces bromodiphényléthers pourraient être soumis aux métabolismes de phase I et de phase II des poissons. L'action du cytochrome P450 pourrait possiblement produire des bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés semblables à ceux observés chez les rats. Cette voie métabolique pourrait impliquer une oxydation secondaire entraînant la formation d'intermédiaires réactifs, qui pourraient alors être conjugués par des enzymes de phase II (p. ex. glutathion transférase) ou se lier aux lipides ou aux protéines dans les tissus, ayant ainsi des effets toxiques potentiels. En règle générale, la très faible efficacité d'absorption observée chez les poissons, qui est uniquement fondée sur le décaBDE et les métabolites débromés neutres, appuie la théorie d'une voie métabolique de substitution.

Mammifères

La figure 3-2 illustre un modèle conceptuel du métabolisme du décaBDE chez les mammifères qui est élaboré en fonction d'études actuellement disponibles et de données sur les rats et les vaches de laboratoire. D'après les notes de discussion et les conclusions de Sandholm et collaborateurs (2003), Mörck et collaborateurs (2003), Hakk et Letcher (2003), Huwe et Smith (2007a, b), et KierkEgaard et collaborateurs (2007), il est possible de faire les généralisations suivantes :

  1. La débromation réductive du décaBDE en nonaBDE, octaBDE et heptaBDE est probablement la première étape du métabolisme du décaBDE;
  2. Comme c'est le cas chez les poissons, la débromation résulte peut-être de l'action des enzymes déiodinases;
  3. Les métabolites débromés neutres semblent ensuite subir une hydroxylation et former des phénols ou des catéchols, possiblement par l'entremise d'un oxyde arénique. Les enzymes du cytochrome P450 participeraient peut-être à la réaction;
  4. Les bromodiphényléthers hydroxylés risquent probablement de faire concurrence à la thyroxine aux fins de liaison avec la transthyrétine, une protéine de transport de la thyroxine présente dans le sérum sanguin;
  5. Les catéchols sont ensuite méthylés, possiblement par l'action de l'enzyme catéchol O-méthyltransférase, et forment les guaiacols observés;
  6. Les métabolites du guaiacol pourraient s'oxyder davantage et se transformer en quinones, qui sont très réactives, puis se lier aux macromolécules cellulaires, ayant ainsi des effets toxiques potentiels;
  7. Les intermédiaires réactifs seraient également soumis à une réaction de conjugaison rapide par l'entremise de processus métaboliques de phase II, ce qui entraînerait la formation de métabolites hydrosolubles qui seraient excrétés dans la bile et les matières fécales, tel qu'il a été observé dans l'expérience avec les rats conventionnels et canulés.

Selon l'étude menée par Huwe et Smith (2007a, b), les métabolites débromés neutres semblent constituer une très faible proportion (~ 1 %) du bilan massique total des bromodiphényléthers chez les rats exposés au décaBDE. Ces résultats laissent supposer que les voies d'hydroxylation et de méthylation, et les métabolites qui résultent de ces réactions sont très importants dans le métabolisme du décaBDE.

Figure 3-1 : Modèle conceptuel des voies de transformation métabolique potentielles du décaBDE chez les poissons

Figure 3-1 : Modèle conceptuel des voies de transformation métabolique potentielles du décaBDE chez les poissons

Figure 3-2 : Modèle conceptuel des voies de transformation métabolique potentielles du décaBDE chez les mammifères

Figure 3-2 : Modèle conceptuel des voies de transformation métabolique potentielles du décaBDE chez les mammifères

Les données actuelles sur la débromation et le métabolisme du décaBDE suggèrent des voies métaboliques qui entraînent la formation de :

  1. PBDE moins bromés (jusqu'aux congénères heptaBDE chez les mammifères et, potentiellement, jusqu'aux congénères pentaBDE chez les poissons);
  2. bromodiphényléthers hydroxylés;
  3. bromodiphényléthers hydroxylés;
  4. produits chimiques inconnus.

Chez les mammifères, on s'attend à ce que tous ces métabolites se forment par suite de l'accumulation du décaBDE dans les tissus et de son métabolisme. Chez les poissons, les études disponibles n'ont identifié et analysé que des PBDE moins bromés, mais il est possible que ces substances aient subi une transformation métabolique plus poussée et se soient transformées en métabolites hydroxylés ou hydroxy-méthoxylés.

Afin d'évaluer si ces métabolites avaient le potentiel de se bioaccumuler ou de se bioamplifier dans les réseaux trophiques, des prédictions ont été faites à l'aide du modèle BAF-QSAR et du modèle de bioamplification terrestre de Gobas et collaborateurs (2003). On reconnaît, dans certains cas, que les facteurs de bioaccumulation ou de bioamplification de quelques PBDE moins bromés pourraient avoir été calculés sur le terrain ou en laboratoire. Néanmoins, les données de terrain ou de laboratoire sur la bioaccumulation des métabolites de bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés bioformés sont en général insuffisantes et l'application des modèles à tous les types de métabolites était considérée comme une façon cohérente d'accroître nos connaissances en matière de bioaccumulation et de bioamplification de ces métabolites. Le document de travail à l'appui de l'évaluation préalable des PBDE (Environnement Canada, 2006b) fournit un sommaire des facteurs de bioconcentration et de bioaccumulation des mélanges commerciaux de pentaBDE et d'octaBDE mesurés en milieu aquatique. Ces études ont démontré que les facteurs de bioconcentration et de bioaccumulation des tétraBDE, des pentaBDE et des hexaBDE étaient supérieurs à 5 000 (ces résultats sont compatibles avec les résultats obtenus dans le cadre de l'exercice de modélisation du présent examen).

Afin de prédire le facteur de bioaccumulation à l'aide du modèle BAF-QSAR, le logarithme Koe de chaque métabolite était, dans la mesure du possible, établi en fonction de mesures connues. En l'absence de mesures connues, le logarithme Koe était estimé à l'aide de modèles QSAR. Pour chaque métabolite, deux scénarios de prédictions ont été réalisés : le premier n'incluait aucune correction pour tenir compte de la transformation métabolique et le second comportait des corrections adaptées au métabolisme qui s'appuyaient sur les observations en laboratoire de Stapleton et collaborateurs (2004) et de Tomy et collaborateurs (2004). Quand il n'était pas possible d'estimer la constante du taux métabolique kM de PBDE moins bromés à partir de données de laboratoire, des approximations raisonnables qui tenaient compte des taux de métabolisme de congénères semblables étaient faites. Pour les bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, aucune donnée ne permettait d'estimer la constante kM; par conséquent, une valeur de 0,026/jour (c.-à-d. équivalente à la valeur estimée pour le décaBDE), normalisée en fonction du poids corporel des poissons de niveau trophique intermédiaire du modèle, à 15 °C (~ 0,02/jour), a été choisie à titre explicatif. Bien que l'on s'attende à ce que ces métabolites soient davantage métabolisés, on ne connaît pas les taux métaboliques réels. La valeur choisie et les facteurs de bioaccumulation qui en découlent constituent des prédictions hypothétiques raisonnables. L'annexe D donne plus de détails sur les estimations du logarithme Koe et de la constante kM.

La figure 3-3 présente des histogrammes de fréquence des prédictions groupées relatives aux facteurs de bioaccumulation pour tous les métabolites potentiels, au niveau trophique intermédiaire. En l'absence d'une activité métabolique, on prévoit que les facteurs de bioaccumulation de tous les métabolites seront supérieurs à 5 000. Cependant, lorsqu'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioaccumulation prévus varient entre 295 et environ 6 000 000. Selon la courbe de distribution normale de l'histogramme des facteurs de bioaccumulation corrigé pour tenir compte du métabolisme, on prévoit qu'environ 74 % des facteurs de bioaccumulation prédits pour les métabolites seront supérieurs à 5 000. Les groupes métabolites illustrés dont le facteur de bioaccumulation dépasse 5 000 sont notamment les pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE hydroxy-méthoxylés, les hexaBDE hydroxylés, et les pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE et octaBDE. Selon les prévisions, les autres groupes métabolites (26 %), qui sont composés d'octaBDE et de nonaBDE hydroxylés, et de nonaBDE, ont un facteur de bioaccumulation inférieur à 5 000. L'importante proportion de facteurs de bioaccumulation élevés, même lorsque la transformation métabolique est prise en considération, suggère que de nombreux métabolites du décaBDE sont potentiellement bioaccumulables.

En ce qui concerne les métabolites hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, le taux métabolique réel n'est pas connu et, par conséquent, les prédictions des facteurs de bioaccumulation sont incertaines. Si la transformation secondaire de ces métabolites était beaucoup plus rapide qu'environ 0,02/jour, les facteurs de bioaccumulation pourraient donc être beaucoup plus faibles. Chez certaines espèces, il est également possible que les enzymes à l'origine du métabolisme de phase II soient moins développées ou présentes en nombre insuffisant, ce qui favorise la persistance de ces métabolites dans les tissus et entraîne des facteurs de bioaccumulation beaucoup plus élevés, qui s'approchent de ceux dont les valeurs ne sont pas corrigées.

En ce qui concerne les métabolites des PBDE moins bromés, on considère que les prédictions des facteurs de bioaccumulation corrigés en fonction du métabolisme ont un degré de certitude plus élevé que les prédictions des formes substituées car les valeurs de la constante du taux métabolique kM choisies pour le modèle s'appuyaient sur des observations en laboratoire dans la plupart des cas (la seule exception est les nonaBDE, pour lesquels le taux métabolique qui avait été déterminé pour le décaBDE a été utilisé). Il faut mentionner que les demi-vies choisies pour alimenter le modèle étaient souvent relativement courtes (le métabolisme est relativement rapide) comparativement aux demi-vies maximales observées dans les études en laboratoire (se reporter à l'annexe D). Les valeurs des facteurs de bioaccumulation prédits sont par conséquent moins conservatrices (c.-à-d. inférieures) que si les demi-vies plus longues observées avaient été choisies. Malgré l'utilisation de demi-vies moins conservatrices, les facteurs de bioaccumulation prédits pour le pentaBDE, l'hexaBDE, l'heptaBDE et l'octaBDE étaient supérieurs à 5 000.

On reconnaît que les métabolites du décaBDE se forment dans les tissus et que l'accumulation dans les tissus après une exposition en phase aqueuse (quantifiée par le facteur de bioaccumulation) n'est peut-être pas très pertinente en ce qui concerne le décaBDE. Ces prédictions des facteurs de bioaccumulation aident néanmoins à donner une idée du potentiel de bioaccumulation des produits chimiques métabolites. Les résultats du modèle soulèvent des préoccupations selon lesquelles de nombreux métabolites qui se forment dans les tissus des poissons à la suite de l'accumulation et du métabolisme du décaBDE sont potentiellement bioaccumulables et peuvent avoir tendance à se bioamplifier dans les réseaux trophiques, augmentant ainsi possiblement l'exposition des organismes de niveau trophique supérieur et les risques qu'ils courent.

Figure 3-3 : Distributions des fréquences combinées des facteurs de bioaccumulation prédits pour les métabolites du décaBDE (prédictions pour le niveau trophique intermédiaire)

(a) Aucune correction pour tenir compte du métabolisme

Figure 3-3 : Distributions des fréquences combinées des facteurs de bioaccumulation prédits pour les métabolites du décaBDE (prédictions pour le niveau trophique intermédiaire). (a) Aucune correction pour tenir compte du métabolisme

(b) Valeurs corrigées pour tenir compte du métabolisme

Figure 3-3 : Distributions des fréquences combinées des facteurs de bioaccumulation prédits pour les métabolites du décaBDE (prédictions pour le niveau trophique intermédiaire). (b) Valeurs corrigées pour tenir compte du métabolisme

Les facteurs de bioamplification prédits pour les métabolites du décaBDE chez les loups ont été obtenus au moyen d'une version de calcul électronique du modèle de Gobas et collaborateurs (2003). Les valeurs de logarithme Koe ont été choisies en fonction des justifications décrites à l'annexe D, où le logarithme Koa de chaque métabolite est estimé à l'aide du modèle de prévision du coefficient de partage octanol-air KoaWIN. Deux scénarios de prédictions ont été réalisés : le premier ne tenait pas compte de la transformation métabolique, tandis que le second tenait compte du métabolisme et s'appuyait sur les observations en laboratoire de Huwe et Smith (2007a, b). Quand il n'était pas possible d'estimer la constante du taux métabolique kM des PBDE moins bromés à partir de données de laboratoire, des approximations raisonnables qui tenaient compte du taux métabolique de congénères semblables étaient faites. En ce qui a trait aux bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, aucune donnée ne permettait d'estimer la constante kM et, par conséquent, une valeur de 0,004/jour a été choisie à titre explicatif. Cette valeur correspond à la demi-vie la plus longue observée pour le décaBDE, les nonaBDE et les octaBDE et calculée par Huwe et Smith (2007a, b), normalisée au poids corporel du loup dans le modèle de Gobas. Bien que l'on s'attende à ce que les métabolites de bromodiphényléthers hydroxylés et hydroxy-méthoxylés soient davantage métabolisés, les taux métaboliques réels ne sont pas connus.

Le calcul des facteurs de bioamplifiation des bromodiphényléthers a été corrigé pour tenir compte de l'efficacité d'assimilation alimentaire selon la relation EA p/r log Koe décrite dans l'étude de Kelly et collaborateurs (2004) qui s'applique à des vaches laitières comme homéotherme représentatif. En l'absence d'une activité métabolique, on s'attend à ce que les facteurs de bioamplification de tous les métabolites soient très élevés et qu'ils varient entre 2 et 106 pour les produits chimiques compris dans l'intervalle du logarithme du Koe et du logarithme du Koa qui ont été estimés pour les métabolites du décaBDE. Toutefois, si l'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification prédits sont moins élevés et varient entre 0,1 et environ 4,0. Les facteurs de bioamplification corrigés pour tenir compte du métabolisme étaient supérieurs aux valeurs comprises dans l'intervalle seulement pour les métabolites de l'hexaBDE et de l'heptaBDE hydroxylés, et ce, principalement en raison du plus faible logarithme Koe et d'une plus importante efficacité d'assimilation alimentaire calculés pour ces substances.

En ce qui concerne les métabolites hydroxylés et hydroxy-méthoxylés, le taux métabolique réel n'est pas connu et, par conséquent, les prédictions des facteurs de bioamplification sont incertaines. Si la transformation secondaire de ces métabolites s'effectue beaucoup plus rapidement que le taux de 0,012/jour, il est alors possible que le facteur de bioamplification soit plus faible et ne dépasse pas 1. Chez certaines espèces, il est également possible que les enzymes à l'origine du métabolisme de phase II soient moins développées ou présentes en nombre insuffisant, ce qui favorise la persistance de ces métabolites dans les tissus et entraîne des facteurs de bioamplification beaucoup plus élevés, qui s'approchent des valeurs estimées sans tenir compte de la transformation métabolique.

Vu que les métabolites du décaBDE se forment dans les tissus, le facteur de bioamplification, qui quantifie le potentiel de transfert des produits chimiques des tissus de la proie aux tissus du prédateur, est considéré comme un indicateur de bioaccumulation et de bioamplification potentiel sûr. Les facteurs de bioamplification prédits qui sont supérieurs à 1 pour les formes hydroxylées du pentaBDE et de l'hexaBDE soulèvent des préoccupations selon lesquelles les métabolites qui se forment dans les tissus des mammifères à la suite de l'accumulation et du métabolisme du décaBDE peuvent potentiellement se bioamplifier dans les réseaux trophiques, augmentant ainsi possiblement l'exposition des organismes de niveau trophique supérieur et les risques que ceux-ci courent.

Les points suivants résument les données sur la débromation abiotique du décaBDE qui ont été examinées dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE (Canada, 2006; Environnement Canada, 2006b).

Biodégradation

Les points suivants résument les données sur la biodégradation du décaBDE qui ont été examinées dans le cadre de l'évaluation préalable des PBDE (Canada, 2006; Environnement Canada, 2006b).

Dégradation abiotique

Bezares-Cruz et collaborateurs (2004) ont étudié la photodégradation de décaBDE (degré de pureté de 98 %, obtenu auprès de la Great LakEs Chemical Company) dissous dans l'hexane et exposé à la lumière naturelle du soleil. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) dissous dans l'hexane, à une concentration de 2 à 5 μM, se dégradait rapidement en congénères PBDE moins bromés lorsqu'il était exposé à la lumière du soleil. Jusqu'à 99 % de la réduction de la concentration de décaBDE pouvait être observée dans les 30 premières minutes (exposition à la lumière du soleil d'été). On a estimé la valeur de la constante du taux de dégradation de premier ordre à 1,86 × 10-3/s quand les échantillons étaient exposés au soleil de juillet (demi-vie = 6,2 minutes) et à 1,11 × 10-3/s quand les échantillons étaient exposés au soleil d'octobre (demi-vie = 10,4 minutes). Malheureusement, étant donné que l'hexane était utilisé comme solvant dans l'étude, il est difficile d'extrapoler ces résultats à un environnement naturel. Les auteurs ont conclu que dans la nature la photodégradation serait restreinte par l'adsorption du décaBDE aux particules, l'atténuation de la lumière occasionnée par la matière humique et de plus faibles concentrations de produits chimiques libérant de l'hydrogène - qui peuvent également être des substances moins enclines à libérer des atomes d'hydrogène en milieu aquatique. Stapleton (2006a) a également conclu « ne pas s'attendre à ce que la dégradation de décaBDE dissous dans l'eau (ou des solvants organiques) soit pertinente d'un point de vue de l'environnement », conclusion qui est corroborée par le fait que le décaBDE est très peu soluble dans l'eau. Vu que l'étude ne peut s'appliquer à l'environnement naturel, on n'a pas davantage pris en considération ces résultats dans l'évaluation à savoir si le décaBDE subissait une importante débromation et se transformait en congénères bromodiphényléthers moins bromés dans l'environnement.

Eriksson et collaborateurs (2004) ont étudié la photodégradation de décaBDE ajouté à un mélange méthanol-eau 80:20, à une solution de méthanol pur, au tétrahydrofurane et à des mélanges d'eau et d'acides humiques, tous exposés à une lumière ultraviolette artificielle. Le décaBDE utilisé dans l'expérience avait un degré de pureté d'environ 98 %. Lorsqu'il était exposé à une lumière ultraviolette, le décaBDE dissous dans un solvant organique ou dans le mélange solvant-eau se dégradait rapidement, selon une constante du taux de dégradation d'environ 4 × 10-4/s dans le mélange méthanol-eau (demi-vie ~ 0,5 h), de 6,5 × 10-4/s dans le méthanol (demi-vie ~ 0,3 h) et de 8,3 × 10-4/s dans une solution de tétrahydrofurane pur (demi-vie ~ 0,23 h). En raison de l'utilisation de solvants organiques et de conditions artificielles non représentatives d'un environnement naturel, il est difficile d'extrapoler ces résultats au milieu naturel. On a par conséquent considéré que ces résultats n'étaient pas pertinents dans un environnement naturel.

Le mélange eau-acides humiques mis à l'essai par Eriksson et collaborateurs (2004) peut s'avérer une simulation de photodégradation en milieu naturel potentiellement plus appropriée étant donné que les acides humiques sont souvent présents dans les systèmes aquatiques et qu'ils pourraient jouer un rôle dans la photodégradation. Pour préparer la solution de l'expérience, 20 ml d'une solution saturée de décaBDE et d'éthanol ont été mélangés à 10 ml d'éthanol contenant 50μg d'acides humiques. Environ 10 ml d'éthanol ont été évaporés par un courant d'azote et le reste de la solution a été combinée à 2 l d'eau. La solution a ensuite été chauffée à une chaleur maintenue à 80 °C pendant une heure et soumise à un courant d'azote constant. La solution a été refroidie à la température ambiante, puis transférée dans des réacteurs cylindriques aux fins de l'expérience d'irradiation. Le gouvernement du Royaume-Uni (Royaume-Uni, 2007a) a estimé que la concentration finale de substances humiques était d'environ 25μg/l et conclu que des traces d'éthanol étaient peut-être présentes lors de l'expérience puisqu'il n'était pas clair quelle quantité d'éthanol aurait été perdue en chauffant la solution à 80 °C. L'expérience a été répétée de 2 à 5 fois, mais il n'était pas clair combien de réplicats avaient été effectués pour le traitement eau-acides humiques.

Le taux de dégradation du décaBDE dans une solution d'eau et d'acides humiques était de 3 × 10-5/s (demi-vie ~ 6,4 h). Les produits n'étaient pas présentés de façon détaillée dans l'article, mais étaient décrits comme étant presque identiques à l'éventail de PBDE moins bromés (dont 3 nonaBDE, au moins 7 octaBDE, 8 heptaBDE et de petites quantités d'hexaBDE), aux monoBDF, diBDF, triBDF, tétraBDF et pentaBDE (des monobromodibenzofuranes aux pentabromodibenzofuranes), et possiblement aux bromodibenzofuranes méthoxylés qui avaient tous été identifiés dans le cadre de l'expérience méthanol-eau. L'une des différences clés avec la solution eau-acides humiques était la formation d'une plus grande quantité de pentaBDE. Vu que l'eau et les acides humiques sont des substances d'origine naturelle, il est possible que des réactions semblables se produisent dans le milieu naturel. Cependant, les taux de dégradation réels et le degré de débromation sont incertains puisqu'une lumière artificielle a été utilisée pour l'expérience et qu'on ne sait pas quelle fraction du décaBDE dans l'environnement pourrait être associée aux acides humiques plutôt qu'aux particules. Les auteurs ont également présenté les résultats de l'expérience qui n'utilisait qu'une solution aqueuse, mais cette expérience s'est avérée très difficile car le décaBDE est très peu hydrosoluble. Par conséquent, les résultats de cette expérience étaient extrêmement incertains.

Dans le cadre de leur étude des effets de l'application de boues d'épuration sur les concentrations des PBDE présents dans le sol et les vers de terre, Sellström et collaborateurs (2005) présentent une brève analyse d'une étude sur la débromation photolytique de BDE209 ajouté au sol. Le BDE209 a été ajouté à des échantillons de sol recueillis à BjörkEtorp, lesquels ont été placés dans des éprouvettes de verre, elles-mêmes installées sur un appareil « oscillant », puis exposés à une lumière ultraviolette artificielle pendant 0, 7, 14 et 21 jours. Des échantillons témoins ont également été exposés à la même agitation, mais était protégés de la lumière. En fin de compte, aucune dégradation photolytique n'a pu être observée dans les échantillons de sol. Les auteurs ont conclu que le sol semblait encapsuler et protéger les contaminants de façon qu'ils risquaient moins de se dégrader au soleil.

Hagberg et collaborateurs (2006) ont observé la formation de congénères de PBDE provoquée par la décomposition photolytique du décaBDE dans le toluène. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) a été dissous dans une solution de toluène à une concentration de 2 × 106 µg/l, puis irradié aux rayons ultraviolets au moyen d'un tube fluorescent, avec ou sans filtre, de manière à produire un rayonnement ultraviolet A (longueur d'onde de 320 à 400 nm), un rayonnement ultraviolet A et B (de 280 à 400 nm) ou un rayonnement ultraviolet A, B et C (de 250 à 400 nm). La solution (déposée dans des boîtes de Petri) a été exposée aux différents rayons de lumière durant 2, 4, 8 et 16 heures (expositions parallèles) et des échantillons témoins non exposés aux rayonnements ont également été examinés. Tous les échantillons ont été soumis à une technique de nettoyage en série permettant de séparer les PBDF des PBDE, puis les PBDF ont pu être identifiés et quantifiés par chromatographie en phase gazeuse à haute résolution et spectrométrie de masse à haute résolution. La technique d'analyse permettait d'identifier les PBDF formés de 6 atomes de brome ou moins. L'heptaBDF et l'octaBDF ne faisaient pas partie du schéma d'analyse. Après l'irradiation de la solution de décaBDE-toluène aux rayons UVA, UVA et UVB, ou UVA, UVB et UVC, des monoBDF, diBDF, triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF ont été décelés, la majorité des congénères étant des tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF. Les PBDF formés représentaient 0,31 % (UVA), 0,35 % (UVA et UVB) et 1,2 % (UVA, UVB et UVC) de la quantité initiale de décaBDE en unités molaires. Les auteurs ont suggéré que le décaBDE avait tendance à se transformer davantage (mais à former des dérivés semblables) lorsque les longueurs d'onde des radiations étaient plus courtes. Les auteurs ont également conclu que les monoBDF, diBDF, triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF observés résultaient probablement d'une débromation progressive des PBDF fortement bromés étant donné qu'aucun monoBDE, diBDE, triBDE, tétraBDE, pentaBDE et hexaBDE n'a été décelé dans les solutions irradiées. Bien que ces résultats montrent qu'il est possible que le décaBDE se transforme en PBDF, on considère que ces substances ne s'appliquent que faiblement à l'environnement naturel. Cette étude a également été examinée par Olsman et collaborateurs (2006) qui se sont servis d'essais biologiques propres au mécanisme d'action de la dioxine pour étudier la formation photolytique des agonistes du récepteur Ah dans une solution de toluène et de décaBDE photolysée. L'influence du temps d'irradiation et de la longueur d'onde des rayons ultraviolets sur la formation a en outre été étudiée. L'exposition aux rayons ultraviolets de décaBDE ajouté à une solution de toluène durant 14 heures a rapidement entraîné la formation d'agonistes du récepteur Ah (principalement en raison des PBDF car aucun PBDD décelé) qui sont demeurés stables durant la période d'exposition de 16 heures aux rayons ultraviolets. Les chercheurs ont également exposé les solutions photolysées pour déterminer s'ils obtenaient des résultats semblables à ceux obtenus avec les essais biologiques propres au mécanisme d'action de la dioxine (c.-à-d. la capacité à stimuler le mécanisme d'action du récepteur Ah). Une réaction semblable n'a pas été constatée dans la solution initiale de décaBDE (non photolysée), mais on a pu observer des agonistes du récepteur Ah dans la solution photolysée. Aucune activité significative des agonistes du récepteur Ah ni aucune variation nette de l'activité des agonistes du récepteur Ah après une exposition aux rayons ultraviolets n'ont été démontrées dans le cadre des études des sols contaminés aux PBDE.

Barcellos da Rosa et collaborateurs (2003) ont étudié la photolyse de décaBDE dissous dans une solution de toluène. Du décaBDE (BDE209, Sigma-Aldrich, degré de pureté de 98 %) a été dissous dans le toluène, à une concentration de 0,31μM, puis exposé à la lumière d'une lampe au xénon à haute pression de 500 watts (W). Après avoir été exposés à la lumière, des échantillons de la solution de décaBDE et de toluène ont été analysés par chromatographie en phase gazeuse et détecteur à ionisation de flamme dans le but d'identifier et de quantifier le décaBDE et les congénères débromés (aussi faiblement bromés que l'hexaBDE). On a constaté que le congénère décaBDE subissait une décomposition exponentielle selon une constante du taux de photolyse de 3 × 10-4/s. On a décelé plusieurs congénères débromés dans la solution de décaBDE et de toluène et on a déduit que la dégradation du décaBDE se produisait selon une débromation séquentielle, soit au nonaBDE, à l'octaBDE puis à l'heptaBDE. Les auteurs ont conclu que même si leurs résultats décrivaient la débromation photolytique et démontraient qu'elle était possible, il était nécessaire d'entreprendre d'autres travaux pour confirmer la pertinence de la photolyse dans le toluène à l'échelle de l'environnement. Dans l'ensemble, on considère que les résultats de cette étude ne peuvent s'appliquer que de façon limitée à l'environnement.

Rahm et collaborateurs (2005) ont réalisé une étude pour déterminer la susceptibilité relative d'une variété de composés à l'hydrolyse, y compris le décaBDE, grâce à la substitution nucléophile aromatique. Quand le décaBDE réagissait avec le méthylate de sodium dissous dans le méthanol, la demi-vie de la substance soumise à la réaction d'hydrolyse était estimée à 0,028 heure, ce qui est le signe d'une réaction d'hydrolyse rapide. En ce qui concerne les PBDE moins bromés, la vitesse de réaction diminuait d'un facteur approximatif de 10 pour chaque atome de brome perdu à partir du décaBDE. Les auteurs ont conclu les composés nucléophiles présents dans l'environnement rendraient le décaBDE susceptible à une hydrolyse. Cependant, étant donné que le méthylate de sodium n'est d'habitude par présent en concentrations importantes dans l'environnement et que la réaction catalysée par des surfaces minérales et des enzymes, entre autres, constituerait le principal réactif de l'hydrolyse, l'extrapolation de ces résultats à l'environnement naturel est très hasardeuse.

Geller et collaborateurs (2006) ont publié les résultats d'une expérience de photolyse du décaBDE. Le décaBDE (congénère BDE209; degré de pureté de 98 %) a été dissous dans 3 ml de tétrahydrofurane jusqu'à saturation (10 g/l, contenant aussi d'autres particules de décaBDE en phase solide), puis irradié en utilisant 4 lampes pendant une période pouvant aller jusqu'à 48 heures. Après l'irradiation, des échantillons ont été analysés par chromatographie en phase liquide à haute résolution et par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse par ionisation par impact électronique. Les produits de dégradation ont pu être identifiés grâce aux temps de rétention. Des heptaBDE, octaBDE et nonaBDE ainsi que des triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF comptaient parmi les produits découlant de la photolyse. Une comparaison chromatographique des dibenzofuranes bromés aux positions 2, 3, 7 et 8 indiquait que ces substances n'étaient pas d'importants produits de dégradation. Ces résultats présentent les lacunes semblables à celles de résultats obtenus dans le cadre d'études utilisant des solvants organiques et ne sont pas considérés pertinents sur le plan de l'environnement naturel.

Kuivikko et collaborateurs (2007) ont étudié la photodégradation de décaBDE dissous dans l'isooctane et combiné les résultats à un modèle afin de prédire la demi-vie de photodégradation de 2 systèmes marins - la mer Baltique et l'océan Atlantique. Du décaBDE (BDE209; degré de pureté > 98,3 %) a été dissous dans l'isooctane (250 ng/ml). La solution a été placée dans des flacons d'autoéchantillonneur par chromatographie en phase gazeuse au quartz et les flacons ont été exposés à la lumière naturelle, à Helsinki, en Finlande, dans un bassin peu profond, durant 60 minutes, le 5 octobre. La concentration du décaBDE d'origine a été analysée 4 à 5 fois durant la période d'irradiation et chaque fois 3 échantillons, 1 échantillon témoin non exposé à la lumière et 1 échantillon à blanc étaient analysés. La quantité de décaBDE a été analysée par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse. La concentration de décaBDE a diminué selon une cinétique de premier ordre et la demi-vie du décaBDE était d'environ 0,03 jour.

Kuivikko et collaborateurs (2007) ont indiqué avoir mesuré un rendement quantique de 0,28 ± 0,04 pour le décaBDE. Le rendement quantique a été utilisé dans les simulations par modèle pour prédire la demi-vie par photodégradation dans la mer Baltique (à la surface et dans une couche de mélange de 10 m) et dans l'océan Atlantique (seulement dans une couche de mélange de 40 m). Dans les simulations par modèle, on présumait que des concentrations pertinentes pouvaient être observées dans l'environnement (de 3 à 4 pg/l et de 30 à 40 pg/l) en phase aqueuse et dans des conditions de rayonnement solaire d'été typique à la mer Baltique. On tenait également compte de l'atténuation lumineuse causée par les particules en suspension et la matière dissoute. Kuivikko et collaborateurs (2007) ont prédit des demi-vies de 1,8 jour (mer Baltique) et de 0,4 jour (océan Atlantique) dans la zone de mélange, qui étaient les mêmes pour les 2 concentrations de décaBDE.

Bien que le modèle semble simuler des conditions naturelles, il est important de prendre en considération que, dans la colonne d'eau, le décaBDE serait surtout adsorbé aux particules en suspension plutôt que dissous dans l'eau. Par conséquent, même si on prédit que la dégradation du décaBDE sous sa forme dissoute sera relativement rapide, cette dégradation ne représente qu'une très faible quantité du décaBDE total présent dans la colonne d'eau. Par conséquent, on n'est pas certain que les demi-vies prédites brosseraient un portrait représentatif de la persistance et de la dégradation du décaBDE dans la colonne d'eau.

Ahn et collaborateurs (2006a) ont étudié la débromation photochimique du décaBDE adsorbé aux principaux constituants d'aérosols de sol, de sédiments et de minéraux, y compris des minéraux argileux et des oxydes métalliques amorphes qui sont reconnus pour leur capacité à transférer des électrons. Le décaBDE utilisé dans l'étude avait un degré de pureté de 98 %. Parmi les matrices d'essai utilisées, mentionnons la montmorillonite, la kaolinite, des sédiments naturels riches en carbone organique (composés de 16,4 % de carbone organique), l'hydroxyde d'aluminium, l'oxyde de fer et le dioxyde de manganèse. Chacune des matrices d'essai auxquelles avait été ajouté du décaBDE (250μg) était combinée à 500 ml d'eau et les mélanges étaient ensuite irradiés à la lumière artificielle ou à la lumière naturelle du soleil. Pour l'irradiation à la lumière artificielle, des lampes de 24 W, offrant une puissance de sortie maximale de 350 nm, ont été utilisées durant une période de 14 jours. L'exposition à la lumière naturelle a été effectuée de juillet à novembre 2004, à West Lafayette, en Indiana, pendant une période pouvant aller jusqu'à 101 jours (une autre période d'exposition en novembre et en décembre n'a pas entraîné une dégradation supplémentaire du décaBDE). Les échantillons de décaBDE ont été quantifiés par chromatographie en phase liquide à haute résolution et les produits débromés, par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons.

Les échantillons témoins exposés et non exposés à la lumière ne semblaient pas s'être dégradés quoique l'étude ait signalé de faibles concentrations de pointe de nonaBDE et d'octaBDE dans les échantillons témoins non exposés à la lumière, qui étaient probablement des impuretés présentes dans le mélange de décaBDE. En ce qui concerne les échantillons exposés à la lumière artificielle, en présence de montmorillonite, de kaolinite, de sédiments naturels et d'hydroxyde d'aluminium, les demi-vies du décaBDE étaient, respectivement, de 36, 44, 150 et 178 jours. Pour les échantillons exposés à la lumière naturelle, en présence de montmorillonite, de kaolinite et de sédiments, les demi-vies du décaBDE étaient, respectivement, de 261, 408 et 990 jours. En présence d'hydroxyde d'aluminium, la dégradation du décaBDE était négligeable (prendre note que ces demi-vies correspondent à des journées d'exposition continue au soleil plutôt qu'à des journées réelles d'exposition, c'est-à-dire une exposition à la lumière et à l'obscurité). La dégradation du décaBDE était négligeable en présence d'oxydes de fer et de dioxyde de manganèse, que les échantillons aient été exposés à l'un ou l'autre des schémas de lumière. Il est important de mentionner que toutes ces demi-vies sont plus longues que le temps d'exposition à la lumière, ce qui fait penser que ces estimations sont possiblement hasardeuses. Les demi-vies observées pour les échantillons exposés à la lumière naturelle suggèrent que la photodégradation du décaBDE se produit lentement en milieu naturel.

La dégradation la plus rapide a été observée en présence de montmorillonite et de kaolinite. On s'est donc concentré sur ces matrices pour identifier les produits de débromation. Dans les échantillons exposés à la kaolinite ou à la montmorillonite et aux rayons du soleil, on a entre autres identifié des nonaBDE (c.-à-d. BDE208, -207, -206) et des octaBDE (BDE197 et -196) ainsi que des quantités traces de triBDE, tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE et heptaBDE dans les échantillons exposés plus longuement à la lumière du soleil. Des fractions plus importantes de triBDE, tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE et heptaBDE ont également été observées dans les échantillons exposés à la lumière artificielle. Plusieurs dérivés de l'octaBDE non identifiés ont également été observés sur les chromatogrammes. La formation des congénères identifiés était compatible avec une débromation progressive, c'est-à-dire la formation initiale de nonaBDE, puis d'octaBDE et ensuite d'heptaBDE.

Ahn et collaborateurs (2006b) ont étudié la débromation assistée d'un oxyde métallique du décaBDE en utilisant de la birnessite (minéraux d'oxyde de manganèse d'origine naturelle) dans des systèmes réactifs de tétrahydrofurane et d'eau, et d'eau et de catéchol. Le décaBDE utilisé dans les expériences avait un degré de pureté de 98 %. La birnessite modifiée était préparée en combinant, dans des éprouvettes de 15 ml, 0,1 ml d'une solution de réserve contenant 1μg/ml de décaBDE dissous dans le tétrahydrofurane avec 50μg de birnessite, puis en faisant sécher à l'air la préparation pendant une journée pour éliminer le tétrahydrofurane. La première série d'expériences visait à examiner la dégradation de décaBDE adsorbé à la birnessite dans des systèmes de tétrahydrofurane et d'eau. Pour ces expériences, la birnessite additionnée de décaBDE était mélangée à 5 ml d'une solution de tétrahydrofurane et d'eau selon un ratio variant entre 0:10 et 10:0. Des expériences de suivi examinaient i) la réactivité du décaBDE dissous dans une solution de tétrahydrofurane et d'eau selon un ratio de 7:3 en faisant varier la concentration de birnessite traitée de 0 à 50μg/ml et ii) le rôle du tétrahydrofurane en tant que donneur d'hydrogène pour la débromation du décaBDE, lequel était déterminé en mesurant la production d'acide succinique dans le système. Tous les traitements ont été effectués en triplicats et agités dans l'obscurité pendant une période de 24 heures, puis des sous-échantillons ont été recueillis à différents moments aux fins d'analyse. Une série distincte d'expériences visait à étudier la dégradation de décaBDE adsorbé à la birnessite dans des systèmes d'eau en présence de catéchol, un donneur d'hydrogène d'origine naturelle. Le catéchol était combiné (0,003, 0,045 et 46,135μMol) à 5 ml d'eau et mélangé avec 50μg de birnessite additionnée de décaBDE. Tous les traitements expérimentaux ont été agités dans l'obscurité pendant 23 jours et des sous-échantillons ont été recueillis à différents moments pour suivre de près la dégradation du décaBDE. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) a été extrait du tétrahydrofurane et analysé par chromatographie en phase liquide à haute résolution, tandis que les produits potentiels ont été quantifiés par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons et identifiés en faisant correspondre les temps de rétention de pointe avec des temps de rétention connus de PBDE moins bromés.

Une dégradation rapide du décaBDE a été observée lors des expériences qui utilisaient des systèmes réactifs de tétrahydrofurane et d'eau combinés, où > 75 % de la transformation du décaBDE se produisait durant la période de 24 heures avec certains ratios de tétrahydrofurane et d'eau. Cependant, les expériences de suivi ont démontré que le tétrahydrofurane réagissait avec la birnessite pour former de l'acide succinique et, ce faisant, agissait comme donneur d'hydrogène pour débromer le décaBDE adsorbé à la birnessite. Ainsi, les taux de dégradation relativement rapides observés semblent dépendre de la présence de tétrahydrofurane. Étant donné que le tétrahydrofurane n'est pas présent à l'état naturel dans l'environnement, le taux de dégradation du décaBDE n'est pas considéré comme étant réaliste pour des conditions observées en milieu naturel. Les taux de réaction rapides des expériences en présence de tétrahydrofurane et d'eau n'ont pas permis l'identification des produits débromés. Les congénères moins bromés formés et observés après 24 heures comptaient des tétraBDE, des pentaBDE, des hexaBDE, des heptaBDE, des octaBDE et des nonaBDE. La réaction semblait se produire progressivement, le décaBDE étant tout d'abord rapidement transformé en nonaBDE, suivi par d'autres réactions progressives de débromation entraînant la formation de PBDE moins bromés.

La deuxième série d'expériences, pour lesquelles des systèmes réactifs d'eau et de catéchol étaient utilisés, visait à étudier la dégradation potentielle du décaBDE en présence de catéchol, une substance d'origine naturelle. Dans le cadre des expériences où une quantité de 0,003 à 0,045μMol de catéchol était utilisée, aucune dégradation significative n'a été observée au cours de la période de 23 jours. Une dégradation lente a cependant été observée quand 46μMol de catéchol était utilisées, la masse du décaBDE présent dans les réacteurs diminuant alors et passant d'environ 0,1μMol à 0,085μMol durant l'expérience de 23 jours. Bien que les produits n'aient pas été quantifiés pour les systèmes d'eau et de catéchol, il est possible qu'ils suivent une tendance semblable à celle observée pour les systèmes de tétrahydrofurane et d'eau. La vitesse de réaction était lente dans des conditions naturelles simulées, mais il est possible que le décaBDE finirait au fil du temps par subir une débromation en présence de minéraux et de donneurs d'hydrogène d'origine naturelle, comme le catéchol.

Stapleton et Dodder (2006) ont publié les résultats d'une étude de débromation photolytique du décaBDE présent dans la poussière domestique. La poussière utilisée pour l'étude était un matériau de référence étalon du National Institute of Standards and Technology préparé à partir du contenu des sacs d'aspirateurs de maisons, de motels et d'hôtels des États-Unis. On sait que la poussière contient des PBDE (notamment du décaBDE) et les concentrations homologuées de 15 congénères étaient disponibles. Des études de photolyse ont été réalisées avec le matériau de référence étalon sous sa forme existante ainsi qu'avec le matériau de référence étalon exempt de PBDE (les PBDE ont été éliminés par extraction Soxhlet). Dans le deuxième cas, une quantité connue de décaBDE était ajoutée de façon à produire une concentration de 2 180 μg/kg de poids sec. L'analyse de la poussière qui était « non contaminée » avant l'ajout de décaBDE a confirmé que le décaBDE n'avait pas été décelé (< 0,2μg/kg). Des échantillons (0,5 g) de chaque type de poussière ont été placés dans des cuvettes UV, puis exposés à la lumière naturelle du soleil à l'extérieur, quand les prévisions n'annonçaient pas de précipitation, à Gaithersburg, dans le Maryland, entre 9 h et 17 h, pendant un total de 200 heures. Trois réplicats ont été utilisés pour chaque expérience ainsi que 3 échantillons témoins pour chaque type de poussière, lesquels étaient couverts d'un papier aluminium.

On a constaté que la concentration de décaBDE diminuait dans chaque type de poussière et que le taux de dégradation de premier ordre était de 2,3 × 10-3/h dans les échantillons additionnés de décaBDE et de 1,7 × 10-3/h dans les échantillons de poussière naturelle, ce qui correspond, respectivement, à des demi-vies de 301 et de 408 heures lorsque les échantillons sont exposés à la lumière du soleil. Les auteurs ont avancé l'hypothèse que la demi-vie plus longue observée pour les échantillons de poussière naturelle s'expliquait peut-être par des facteurs liés à la matrice qui contribuaient à atténuer la quantité de lumière atteignant les molécules de décaBDE ou par le fait que les sorbants présents dans la poussière naturelle aient été éliminés lors du processus d'extraction, exposant ainsi davantage le décaBDE (ajoutés à ces échantillons) à la photodégradation. Les auteurs ont également proposé l'explication que le décaBDE solide, qui a une surface de contact restreinte aux fins d'irradiation, pourrait être présent dans la poussière naturelle domestique. Les échantillons additionnés de décaBDE ont également été analysés aux fins de détection de produits de dégradation moins bromés. À la fin de la période d'exposition, environ 38 % de la concentration initiale de décaBDE avait été éliminée ou dégradée. Une partie du décaBDE éliminé (c.-à-d. environ 13 %) s'expliquait essentiellement par la débromation en 3 congénères nonaBDE, mais également par de plus faibles quantités de congénères octaBDE et heptaBDE. Le reste de la concentration initiale de décaBDE (25 %) ne pouvait être comptabilisé et a été perdu en suivant des voies de dégradation inconnues ou en se transformant en d'autres produits. L'étude de Stapleton et Dodder (2006) semblait indiquer que la présence de BDE201 et de BDE202 pouvait être une indication de la débromation du BDE209. Dans le mélange commercial d'octaBDE, la concentration de BDE201 est très faible (c.-à-d. d'une valeur inférieure au seuil de détection à 0,8 %) et le BDE203 ne peut être décelé.

Cette étude démontre de manière plutôt concluante que le décaBDE présent dans la poussière peut se photodégrader dans des conditions naturelles, c'est-à-dire en milieu naturel, et que des PBDE moins bromés peuvent se former. Les auteurs ont mentionné que les fenêtres et l'ombrage pouvaient restreindre les niveaux d'exposition de la poussière domestique à la lumière du soleil, mais que la poussière des voitures était soumise à des niveaux d'exposition beaucoup plus élevés, augmentant ainsi potentiellement la débromation du décaBDE présent dans la poussière des voitures.

Le gouvernement du Royaume-Uni (Royaume-Uni, 2007a) décrit les résultats d'une autre étude réalisée par Stapleton (2006b) sur la débromation de décaBDE présent dans la poussière domestique. La méthodologie utilisée était semblable à celle utilisée par Stapleton et Dodder (2006) sauf que l'exposition se déroulait entre 9 h et 16 h, pour un total pouvant aller jusqu'à 90 heures. Les expositions à la lumière du soleil ont eu lieu en juillet et en août 2004 et la température moyenne était de 27,4 °C. Durant la période d'exposition totale de 90 heures, la concentration de décaBDE dans la poussière domestique a diminué et est passée de 2 180 μg/kg de poids sec à 1 570 μg/kg de poids sec, ce qui indique qu'environ 28 % du décaBDE s'est dégradé. Les concentrations de décaBDE dans les échantillons témoins non exposés à la lumière du soleil n'étaient pas statistiquement différentes au début et à la fin de l'étude. On a estimé que la demi-vie du décaBDE était de 216 heures (exposition continue à la lumière du soleil ou 27 jours d'exposition en supposant une période de 8 heures de soleil par jour). Les produits de dégradation décelés sous la forme de PBDE moins bromés comprenaient 3 nonaBDE, 6 octaBDE et 1 heptaBDE. Selon le bilan massique du décaBDE et des congénères de bromodiphényléthers moins bromés, environ 17 % du décaBDE initial ne pouvait être expliqué, ce qui fait penser que des produits de substitution (non identifiés) se seraient formés ou que des PBDE moins bromés se seraient volatilisés.

Gerecke (2006) a déterminé le rendement quantique de décaBDE en présence de kaolinite, puis il a mesuré la pénétration de la lumière dans ce minéral afin de calculer le taux de photodégradation du décaBDE. Le décaBDE utilisé dans l'étude avait un degré de pureté de 98 %. La pénétration de la lumière dans la kaolinite a été estimée à l'aide de la théorie de Kubelka-Munk qui est fondée sur la mesure de l'absorption de la lumière (k) et sur sa diffusion (s). Dix différentes couches minces de kaolinite ont été préparées sur du verre de silice en vue d'estimer l'absorption et la diffusion de la lumière. Du décaBDE en solution dans un mélange d'isooctane et de toluène (95/5, v/v) a été ajouté à la kaolinite. Bien que la méthode utilisée pour ajouter le décaBDE n'ait pas été détaillée, on présume que le solvant était par la suite évaporé de façon à obtenir une couche solide de kaolinite additionnée de décaBDE sur du verre de silice étant donné que les expositions à la lumière étaient effectuées soit avec de la kaolinite séchée, soit avec de la kaolinite mouillée. Les couches de kaolinite additionnées de décaBDE étaient irradiées à la lumière du soleil de midi, lors de journées d'été sans nuage, à Dubendorf, en Suisse. L'expérience était réalisée dans un bain d'eau afin de maintenir une température constante. De plus, l'étude comprenait des échantillons témoins non exposés à la lumière et des précautions avaient été prises pour éviter une exposition à la lumière en dehors des heures précisées. Les concentrations de décaBDE et de produits potentiels ont été analysées par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse.

La lumière du soleil ne pénétrait que très faiblement dans les couches de kaolinite d'une épaisseur inférieure à 50μM et les auteurs ont conclu que seul le décaBDE adsorbé aux particules à la surface du sol pouvait potentiellement subir une photolyse. Lors des expériences avec la kaolinite additionnée de décaBDE, des demi-vies de 76 et de 73 minutes ont été déterminées dans des conditions sèches et mouillées, respectivement. La dégradation observée n'était cependant pas exponentielle, et ce, probablement en raison de la grande différence entre le taux de dégradation du côté supérieur et celui du côté inférieur de la couche de kaolinite. Dans des conditions sèches, les produits de dégradation identifiés étaient des PBDE moins bromés, tandis que dans des conditions mouillées, les produits n'ont pas été identifiés, ce qui donne à penser qu'il ne s'agissait pas de PBDE moins bromés. Ces résultats démontrent que même si la photodégradation de décaBDE adsorbé à des minéraux solides est possible dans l'environnement, le taux de dégradation et la quantité dégradée dépendent grandement de la pénétration de la lumière dans le sol et dans les couches minérales.

Nose et collaborateurs (2007) ont étudié les voies de dégradation du décaBDE standard (degré de pureté non mentionné, mais obtenu auprès de Wako Pure Chemical Industries, Ltd.) lors d'un traitement hydrothermique. Ils ont eu recours à un microautoclave en acier inoxydable rempli de 40 ml d'eau distillée pour effectuer leur évaluation. Initialement, le décaBDE était dissous dans le toluène, puis ajouté dans la cuve de l'autoclave, qui était ensuite fermé hermétiquement. La température était contrôlée à 300 ºC et la pression à 8 MPa pour la première période de chauffage de 25 minutes. L'expérience a été répétée à différents intervalles (0, 10, 30, 60, 120, 240 et 360 min), qui étaient définis comme les temps de traitement. Le temps de réaction était défini comme la somme du temps de chauffage et des temps de traitement. La cuve était ensuite refroidie à 100 ºC à l'aide d'un ventilateur, puis plongée dans de l'eau glacée durant 20 minutes.

Les auteurs de l'étude ont remarqué une certaine décomposition (~ 45 %) après environ 12 minutes à 200 °C et une dégradation presque complète (c.-à-d. > 99 %) après 10 minutes à 300 °C. Il a été possible de déterminer que le nonaBDE subissait effectivement une débromation. Néanmoins, la débromation en position méta et para, qui entraînait la formation de BDE208 et de BDE207, se produisait plus rapidement que la débromation en position ortho, qui entraînait la formation de BDE206. L'expérience a également été effectuée avec d'autres PBDE moins bromés et les résultats obtenus étaient semblables. Les auteurs ont donc conclu que la réactivité des atomes de brome en position para et méta était relativement élevée, tandis que celle des atomes de brome en position ortho était extrêmement faible lors de traitements hydrothermiques. Ils ont également pu confirmer la formation de PBDD et de PBDF durant l'étude. Bien qu'elle ne puisse s'appliquer que de manière limitée à l'environnement naturel, l'étude semble confirmer les conclusions d'autres études sur la débromation préférentielle en position méta et para (p. ex. Stapleton et coll., 2006; Gerecke et coll., 2005; Huwe et Smith, 2007a, b). Comme le mentionne l'évaluation préalable canadienne des PBDE (Canada, 2006 et Environnement Canada, 2006), tous les PBDE (y compris le décaBDE) peuvent se transformer en bromodibenzofuranes et en dibenzoparadioxines dans certaines conditions de combustion/pyrolyse et de photolyse. Ces produits de transformation sont des analogues bromés des polychlorodibenzofuranes et des dibenzoparadioxines de la voie 1 énoncés dans la Politique de gestion des substances toxiques (PGST). La destruction complète du décaBDE et de tout produit de dégradation potentiel semble se produire lorsque les substances sont exposées à des températures de 800 °C et plus pendant 2 secondes (Communautés européennes, 2002).

Li et collaborateurs (2007) ont examiné la débromation du décaBDE (DE-83R, degré de pureté > 97 %, obtenu auprès de la Great LakEs Chemical Company) par l'action de nanoparticules de fer zérovalent liées à la résine. Dans le cadre de l'étude, on a utilisé environ 50 éprouvettes remplies d'une solution d'acétone et de décaBDE qui était mélangée à un volume égal d'eau distillée de manière à obtenir une solution de 8 ml. Ensuite, 2 g de résine renfermant du fer zérovalent étaient ajoutés. Les éprouvettes étaient ensuite bouchées et agitées pendant une période variant entre 1 heure et 10 jours dans un bain d'eau (25 ± 0,5 °C). Des analyses ont été effectuées par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons, et par chromatographie en phase gazeuse à haute résolution et spectrométrie de masse à haute résolution. Les résultats ont démontré que le BDE209 subissait rapidement une débromation après environ 8 heures. Les auteurs ont déterminé que la réaction se produisait selon une transformation cinétique de premier ordre et ils ont pu calculer que la constante de vitesse était de 0,28 ± 0,04/h et la demi-vie, de 2,5 heures. Le BDE209 disparaissait et se transformait de manière séquentielle en nonaBDE, octaBDE, heptaBDE, hexaBDE, pentaBDE, tétraBDE et triBDE. Les 3 nonaBDE étaient présents en quantités significatives après 1 heure. Leur concentration avait augmenté de façon constante pendant 8 h, puis avait diminué sous le seuil de détection après 24 heures. Après 2 jours, les heptaBDE étaient dominants et, par la suite, ce sont les hexaBDE qui étaient les plus abondants. Après 10 jours, les pentaBDE étaient présents en quantités significatives.

Les auteurs ont mentionné avoir éprouvé des difficultés à identifier les produits de réaction principalement en raison de l'insuffisance de normes appropriées s'appliquant aux PBDE au moment de réaliser leur expérience, car de nombreuses concentrations de pointe ne correspondaient à aucune des concentrations de pointe disponibles pour 43 produits chimiques. Ils ont cerné des problèmes de coélution. Néanmoins, les 3 nonaBDE ont été identifiés avec certitude et 2 des 5 concentrations de pointe des octaBDE ont pu être déterminées (c.-à-d. BDE197 et BDE196). Les heptaBDE, hexaBDE, pentaBDE et tétraBDE qui ont été identifiés avec certitude comprenaient les BDE183, -153, -154, -99 et -47 (tous ces congénères ont un atome de brome aux 2 positions para). Dans l'ensemble, il est difficile de confirmer de manière concluante la préférence de position des voies de débromation puisque les concentrations de pointe n'ont pu être déterminées. Li et collaborateurs (2007) ont réalisé une étude identique avec le PCB209 qui était soumis à une réaction de déchloration beaucoup moins rapide que la réaction de débromation du BDE209. Après 10 jours, seulement 21 % du PCB209 avait été éliminé et seule la formation de nonaBDE et d'octaBDE pouvait être observée.

Biodégradation

Gerecke et collaborateurs (2006) ont publié les résultats d'expériences de suivi qu'ils ont réalisées ultérieurement à leur étude de 2005. La biodégradation anaérobie du mélange commercial de décaBDE (degré de pureté de 98 %) présent dans des boues d'épuration digérées a été étudiée à l'aide du même système d'essai employé par Gerecke et collaborateurs (2005), mais avec seulement des amorces simples, le 2,6-dibromophénol ou l'acide 4-bromobenzoïque. Chacune des amorces a provoqué la débromation du décaBDE par la perte d'un atome de brome en position para et sa transformation en BDE208, mais la réaction était lente (demi-vie de plus de 700 jours). En l'absence d'une amorce, la demi-vie était plus longue et pouvait aller jusqu'à 1 400 jours. Les auteurs ont également suivi de près l'activité de décaBDE présent dans une station d'épuration des eaux usées afin de déterminer si la biodégradation se produisait à l'intérieur d'un digesteur anaérobie pleine échelle. Des échantillons ponctuels de boues d'épuration ont été prélevés dans l'influent, dans le réacteur et dans l'exutoire d'une station d'épuration des eaux usées de Dubendorf, en Suisse. Les chercheurs ont constaté que la concentration de décaBDE dans les échantillons de l'exutoire était inférieure à la concentration mesurée dans les échantillons de l'influent, ce qui suggère une transformation de la substance à l'intérieur du digesteur pleine échelle. Cependant, en raison du temps de séjour relativement court à l'intérieur du réacteur (28 jours) et du petit nombre de réplicats (c.-à-d. un seul ensemble d'échantillons ponctuels), les auteurs ont fait une mise en garde et ont indiqué que ces résultats devaient être considérés comme étant préliminaires et pas nécessairement déterminants.

He et collaborateurs (2006) ont étudié la biodégradation du décaBDE (degré de pureté > 98 %) par des cultures de bactéries anaérobies. Les cultures de bactéries anaérobies renfermaient la souche 195 de Dehalococcoides ethenogenes, la Sulfurospirillum multivorans et la souche BAV1 de Dehalococcoides (qui ont toutes démontré une capacité de déchloration des composés organochlorés) ainsi qu'une culture enrichie de bactéries autotrophes contenant la souche 195 de D. ethenogenes et un enrichissement de bactéries de l'espèce Dehalococcoides. Toutes les cultures ont été multipliées dans ~ 500μM de trichloroéthane à l'exception de la souche BAV1 de l'espèce Dehalococcoides qui a été multipliée dans le chloroéthène.

Les expériences ont été réalisées dans des bouteilles à sérum de 160 ml contenant un milieu de culture et une source de carbone appropriée à chaque organisme. Pour D. ethenogenes, une culture de bactéries autotrophes était utilisée sans aucune source de carbone. Les bouteilles d'essai étaient fermées hermétiquement avant l'inoculation pour s'assurer d'avoir des conditions anaérobies et elles étaient ensuite passées à l'autoclave durant 25 minutes à 121 °C. Afin de déclencher chaque expérience, 5 ml d'une solution de réserve contenant du décaBDE dissous dans le trichloroéthane (TCE, ~ 1μM décaBDE) étaient ajoutés aux bouteilles d'essai de manière à obtenir une concentration finale de 1μM de trichloroéthane et de 0,1μM de décaBDE. Les bouteilles étaient ensuite inoculées avec l'une des cultures actives décrites précédemment à raison de 5 % ou 10 % v/v. Les échantillons témoins étaient incubés dans l'obscurité à 30 °C pendant une période pouvant aller jusqu'à 12 mois et des échantillons de 1 ml de culture étaient recueillis chaque semaine aux fins d'analyse du décaBDE et des produits de dégradation. Chaque expérience comptait 2 réplicats par traitement et était répétée au moins une fois pour confirmer les résultats. Des échantillons témoins abiotiques étaient également compris dans le concept expérimental. Des congénères des PBDE ont été décelés par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons.

Dans le cadre de l'expérience avec S. multivorans, on a pu observer une déchloration rapide du trichloroéthane, mais aucune dégradation du décaBDE durant les premières semaines d'incubation. Après 2 autres mois d'incubation sans que le trichloroéthane ne soit remplacé, le décaBDE se dégradait mais à des niveaux non décelables, tandis qu'il devenait possible de déceler des concentrations d'octaBDE et d'heptaBDE dans les 2 réplicats. Aucune dégradation évidente ne pouvait être observée dans les échantillons témoins abiotiques, ce qui indique qu'une dégradation abiotique avait provoqué l'élimination du décaBDE. Ces résultats suggèrent que certaines bactéries peuvent débromer le décaBDE dans des conditions appropriées. Aucune dégradation du décaBDE n'a pu être observée dans les expériences avec les autres cultures.

Parsons et collaborateurs (2004) ont étudié la possibilité que le décaBDE subisse une débromation réductive dans une suspension de sédiments en conditions anaérobies. L'expérience a été réalisée à l'aide de sédiments recueillis à Hansweert, dans l'Escaut occidental, qui sont reconnus pour leurs concentrations élevées de décaBDE. Des suspensions ont été préparées à l'aide d'un total de 20 g de sédiments et de 20 ml d'un milieu anaérobie; elles ont ensuite été additionnées de décaBDE (14μg/g de sédiments), puis incubées dans des conditions anaérobies, à la température ambiante, dans l'obscurité (aucune précision n'a été fournie sur le système d'essai anaérobie). Des suspensions témoins stérilisées ont également été préparées (aucune précision n'était fournie sur la procédure de stérilisation). Des échantillons expérimentaux et témoins extraits d'une solution d'hexane et d'acétone, à des intervalles variés et durant une période d'essai approximative de 205 jours (donnée lue sur un graphique), ont été soumis à un processus de nettoyage et analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse à basse résolution.

Les concentrations de décaBDE des échantillons additionnés de décaBDE ont diminué significativement durant les deux premiers mois d'incubation et la diminution coïncidait avec de nouveaux pics chromatographiques qu'on a identifié provisoirement comme étant des nonaBDE en raison du temps de rétention et de la masse spectrométrique. Les concentrations de nonaBDE étaient en général trop faibles pour être quantifiées et les auteurs ont avancé l'hypothèse que les nonaBDE subissaient une débromation plus poussée et se transformaient en congénères PBDE moins bromés. Ces résultats sont très incertains en ce qui a trait à la débromation anaérobie de décaBDE additionné aux sédiments puisqu'une diminution semblable du décaBDE a été observée chez les échantillons témoins stériles. Les auteurs ont suggéré que cette diminution était provoquée par une stérilisation incomplète des échantillons témoins, comme le confirmait la production de méthane lorsque de l'acide lactique, pyruvique et acétique étaient ajoutés aux préparations témoins. Cependant, il est également possible que la photodégradation du décaBDE ait été produite durant la manipulation, l'extraction ou l'analyse des échantillons. Par conséquent, bien que Parsons et collaborateurs (2004) aient observé une diminution du décaBDE présent dans des suspensions de sédiments anaérobies, cette diminution ne peut être clairement attribuée à une dégradation anaérobie.

Parsons et collaborateurs (2007) ont présenté les résultats d'une autre étude sur la débromation réductive du décaBDE dans des microcosmes de sédiments en conditions anaérobies. L'expérience a été réalisée à l'aide de sédiments recueillis à Hansweert, dans l'Escaut occidental, qui sont reconnus pour leurs concentrations élevées de décaBDE. Des suspensions ont été préparées à l'aide d'un total de 10 g de sédiments et de 50 ml d'un milieu anaérobie (contenant de l'acétate, du lactate et du pyruvate). On a ensuite ajouté du décaBDE ou des congénères nonaBDE aux suspensions, qui étaient ensuite incubées à la température ambiante, dans l'obscurité. Des échantillons expérimentaux et témoins extraits d'une solution d'hexane et d'acétone, à des intervalles variés et durant une période d'essai approximative de 260 jours (donnée lue sur un graphique), ont été soumis à un processus de nettoyage et analysés par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse selon un mode de détection d'ions déterminés.

Aucune diminution du décaBDE n'a été observée dans les microcosmes actifs et témoins bien que du nonaBDE ait été décelé dans les échantillons additionnés de décaBDE à des concentrations beaucoup plus élevées que les concentrations de fond connues des sédiments à l'étude.

Knoth et collaborateurs (2007) ont réalisé une étude de surveillance des PBDE, dont le décaBDE, présents dans les boues d'épuration de 11 stations d'épuration des eaux usées d'Allemagne. Au total, 39 échantillons de boues d'épuration ont été prélevés à différents stades de traitement - boues primaires, boues secondaires excédentaires et boues digérées (déshydratées) - de mars 2002 à juin 2003. Les échantillons étaient ensuite soumis à un processus de stérilisation et de lyophilisation, puis des isotopes stables de référence étaient ajoutés. On procédait ensuite à une extraction Soxhlet dans le toluène, à un nettoyage en quatre colonnes de l'extraction toluène et à une réduction des échantillons pour obtenir 100 ml. Les échantillons ainsi extraits et nettoyés étaient par la suite analysés par chromatographie en phase gazeuse et détection d'ions déterminés (ionisation électronique) en vue de quantifier le décaBDE et les congénères PBDE moins bromés.

Le décaBDE était prédominant dans les profils de congénères des différentes stations d'épuration et des différents stades de traitement, et sa concentration variait entre 97,1 et 2 217 ng/g de poids sec. Durant le traitement, la débromation du décaBDE en PBDE moins bromés était soit non existante, soit trop lente pour être décelée durant la période de rétention totale des boues (de 11 à 13 jours) dans les stations d'épuration des eaux usées d'Allemagne.

La Guardia et collaborateurs (2007) ont examiné le potentiel de débromation in vivo et dans l'environnement du décaBDE dans une station d'épuration des eaux usées et son milieu récepteur. Ils ont réalisé une étude de surveillance des concentrations de décaBDE et de PBDE moins bromés dans les boues, les sédiments et les poissons du milieu récepteur d'une station d'épuration située à Roxboro, en Caroline du Nord (l'étude est décrite plus en détail à la section 2.2). Le profil des congénères de PBDE a été suivi de près à partir de la station d'épuration jusqu'aux sédiments et au biote du milieu récepteur afin d'évaluer si une importante débromation s'était produite. En ce qui concerne les échantillons de boues, 17 congénères PBDE ont été identifiés en 2002, tandis qu'en 2005, 18 congénères PBDE étaient identifiés. Le principal congénère présent dans les boues était le BDE209, qui représentait 60 % (58 800 µg/kg de poids sec) de la charge totale de PBDE en 2002 et 87 % (37 400 µg/kg de poids sec) de la charge totale de PBDE en 2005. Les profils de congénères des boues étaient semblables aux mélanges commerciaux (pentaBDE et décaBDE), ce qui fait penser que la réaction de débromation était peu importante dans les boues des stations d'épuration. Les BDE209, -206, -99 et -47 comptaient parmi les principaux congénères de PBDE observés dans les sédiments du milieu récepteur et, dans chacun des échantillons de sédiments, le BDE209 constituait > 89 % de la charge totale de bromodiphényléthers. Les concentrations les plus élevées de décaBDE ont été observées entre 1 et 6 kM en aval de l'émissaire de la station d'épuration et elles affichaient des valeurs maximales variant entre 3 240μg/kg et 2 450μg/kg de carbone organique. La présence de congénères PBDE moins bromés a été attribuée au mélange commercial de pentaBDE, ce qui laisse supposer que la débromation de décaBDE présent dans les sédiments de surface est peu importante.

Tel qu'il est indiqué à la section 2.2.2, dans le cadre de leur étude sur la bioaccumulation dans les vers de terre, Sellström et collaborateurs (2005) ont recueilli des échantillons de PBDE dans des sites qui avaient été antérieurement amendés avec des boues d'épuration. Grâce aux échantillons prélevés en 2000 dans 3 stations de recherche (avec des parcelles de référence et des parcelles amendées avec des boues d'épuration) et sur 2 fermes (avec des sols de référence et des sols amendés ou inondés) de la Suède, ils ont déterminé que les concentrations de décaBDE dans le sol variaient entre 0,015 et 22 000 ng/g de poids sec. Les concentrations les plus élevées ont été observées dans les échantillons prélevés sur la ferme, soit un site qui n'avait reçu aucun amendement au cours des 20 dernières années. Les auteurs ont mentionné que le vieillissement du sol semblait encapsuler et protéger les contaminants de manière à ce qu'ils soient moins accessibles aux micro-organismes et à leur activité de décomposition. Les résultats semblaient indiquer que les PBDE étaient relativement persistants dans les conditions du milieu examinées.

Des études en laboratoire sur la transformation du décaBDE appuient la conclusion selon laquelle la transformation en bromodiphényléthers et bromodibenzofuranes moins bromés devraient se produire dans l'environnement. Il n'y a cependant pas de lien entre les résultats de ces études et ceux d'études de surveillance car il n'existe aucune donnée réaliste à l'appui d'une transformation importante du décaBDE dans l'environnement. Si ces études de laboratoire décrivaient exactement la transformation dans l'environnement, on s'attendrait à trouver des similarités entre la tendance observée dans l'environnement et celle associée aux dérivés du décaBDE dans les études en laboratoire. On s'attendrait à observer une quantité considérable de dérivés du décaBDE dans les différents milieux naturels comme les sédiments. L'évaluation préalable canadienne des PBDE (Canada, 2006) a montré que, dans le contexte des études de surveillance, ce sont les congénères des mélanges commerciaux de pentaBDE et d'octaBDE qui sont prédominants. Selon l'étude du Royaume-Uni (2007a), les données de surveillance disponibles n'offrent que des preuves circonstancielles limitées de la corrélation entre les concentrations de décaBDE et de PBDE moins bromés dans certains milieux naturels (p. ex. en faisant référence aux conclusions de Voorspels et coll., 2006a, b). On mentionne également dans l'étude du Royaume-Uni (2007a) que, selon l'étude de Gerecke et collaborateurs (2005), la biodégradation semble faire perdre de manière préférentielle à la molécule de bromodiphényléther des atomes de brome en position para, mais que ces PBDE ne sont pas couramment observés dans l'environnement. L'équipe du Royaume-Uni (2007a) suggère d'utiliser le BDE126 (3,3',4,4',5-pentaBDE) comme marqueur possible de la transformation du décaBDE dans l'environnement puisque selon l'enquête menée par l'industrie ce congénère ne peut être décelé dans les mélanges commerciaux, même si La Guardia et collaborateurs (2006) ont tenté de déterminer sa concentration dans deux mélanges commerciaux de pentaBDE.

Tokarz et collaborateurs (2008) ont réalisé des expériences concurrentes sur les PBDE (c.-à-d. BDE209, -99 et -47) au moyen de microcosmes de sédiments anaérobies et d'un système biomimétique additionné d'un cosolvant. Les microcosmes de sédiments étaient composés de sédiments naturels qui n'affichaient aucune concentration décelable de PBDE et qui avaient été recueillis au Celery Bog Park, à West Lafayette, en Indiana. Les PBDE avaient été dissous dans une solution de toluène, puis ajoutés aux sédiments et le solvant avait ensuite été évaporé. Ce mélange était ensuite combiné à des sédiments humides afin d'obtenir une concentration approximative de 5,0 µg/g pour le BDE99 et le BDE47 et de 3 µg/g pour le BDE29. Du méthanol et du dextrose étaient ensuite ajoutés aux microcosmes pour s'assurer d'avoir des conditions anaérobies et pour avoir des donneurs d'électrons. Des systèmes de contrôle autoclave étaient mis en œuvre. Dans le cadre de l'expérience biomimétique, on utilisait des fioles de verre avec bouchons en Teflon contenant 0,03μM de BDE209, de BDE99 ou de BDE47, mélangé à 5,0μM de citrate de titane et 0,2μM de vitamine B12, dans une solution tampon de 0,33 M de TRIZMA contenant du tétrahydrofurane. Des échantillons témoins sans citrate de titane étaient utilisés. Les produits de la débromation ont été identifiés et quantifiés par chromatographie en phase gazeuse avec capture d'électrons et par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse.

Le système biomimétique a démontré que la vitesse de la réaction de débromation réductive diminuait proportionnellement avec le nombre décroissant d'atomes de brome (p. ex. demi-vie de 18 secondes pour le BDE209 et de près de 60 jours pour le BDE47). Selon des observations échelonnées sur 3,5 ans, le BDE209 présent dans des microcosmes de sédiments naturels avait une demi-vie variant entre 6 et 50 ans, soit une demi-vie moyenne de 14 ans. Après 8 mois, les concentrations de BDE47 avaient diminué d'environ 30 % sans que les concentrations des produits de débromation issus par filiation n'aient augmenté de manière constante et simultanément. Bien qu'une débromation complète en diphényléther n'ait pas été exclue, elle semblait peu probable étant donné qu'aucun produit intermédiaire n'avait été identifié. Les chercheurs ont avancé l'hypothèse que des dérivés hydroxylés et méthoxylés du tétraBDE auraient pu se former. Ils ont synthétisé les données de leurs 2 systèmes et proposé les voies de débromation principales suivantes pour les sédiments et les systèmes biomimétiques : BDE209 > nonaBDE (BDE206, -207, -208) > octaBDE (BDE196, -197) > heptaBDE (BDE191, -184, 2 heptaBDE inconnus) > hexaBDE (BDE138, -128, -154, -153) > pentaBDE (BDE119, -99) > tétraBDE (BDE66, -47, -49) > triBDE (BDE28, -17). Plus précisément, au bout de 3,5 ans, leur analyse de la dégradation du BDE209 dans les sédiments a permis d'identifier les BDE208, -197, -196, -191, -128, -184, -138 et -128 ainsi que 3 octaBDE et 2 heptaBDE non identifiés.

Les résultats de Tokarz et collaborateurs (2008), qui démontraient une persistance prolongée du décaBDE dans les microscomes de sédiments, sont corroborés par l'étude sur le terrain d'Eljarrat et collaborateurs (2008). Eljarrat et collaborateurs (2008) ont examiné le sort de PBDE présents dans les boues d'épuration de stations d'épuration des eaux usées de 5 municipalités d'Espagne à la suite d'un épandage agricole en 2005. Les concentrations de PBDE variaient entre 197 et 1 185 ng/g de poids sec, le BDE209 étant le congénère prédominant avec des concentrations variant entre 80,6 et 1 083 ng/g de poids sec. Les concentrations de BDE209 dans le sol de 7 sites agricoles variaient entre 14,6 et 1 082 ng/g de poids sec. De fortes concentrations (c.-à-d. 71,7 ng/g de poids sec) ont même été mesurées à un site où aucun épandage de boues n'avait été fait depuis 4 ans, ce qui illustre la persistance du BDE209 dans le sol.

Zhou et collaborateurs (2007) ont évalué la capacité de moisissures ligninolytiques à dégrader le BDE209 dans un milieu de culture liquide et les effets du Tween 80 et du ß-cyclodextrin sur la dégradation du BDE209 par les moisissures ligninolytiques. Il a été démontré que les moisissures ligninolytiques entraînaient l'oxydation et la minéralisation rapides de nombreux composés aromatiques, notamment les BPC. Afin d'accroître la biodisponibilité des bromodiphényléthers, des agents solubilisants comme le surfactant Tween 80 ou la cyclodextrine ont été ajoutés aux systèmes d'essai. Les auteurs mentionnent que cette technologie est la plus appropriée pour les applications de biorestauration.

Zhou et collaborateurs (2007) ont utilisé 1 mL de décaBDE (degré de pureté de 98 %) en solution dans le dichlorométhane qu'ils ont versé dans des fioles d'une capacité de 250 ml. Le solvant était ensuite évaporé, ce qui créait une masse totale de BDE209 de 16 µg recouvrant le fond des fioles. Une partie aliquote (100 ml) d'un milieu aqueux (mélange d'eau distillée, d'extrait de malt, de glucose, de peptone et d'extrait de levure) a été ajoutée à chaque fiole. Des moisissures ligninolytiques ont été inoculées à la culture liquide et le système d'essai a été agité pendant 10 jours dans l'obscurité. Des systèmes d'essai identiques ont également été préparés, mais des concentrations variant entre 0 et 900μg/l de Tween 80 et de cyclodextrine étaient ajoutées. Des analyses ont été effectuées par chromatographie en phase liquide à haute résolution à l'aide d'un détecteur ultraviolet. Dans les systèmes d'essai auxquels seules des moisissures ligninolytiques avaient été ajoutées, la quantité de BDE209 avait diminué de 42,2 % sur une période de 10 jours. Aucune dégradation significative n'a été observée au fil du temps dans les échantillons témoins stériles. On a constaté qu'une concentration appropriée de Tween 80 favorisait la dégradation du BDE209 (dégradation maximale de 96,5 % après 10 jours). Il a également été démontré que la cyclodextrine favorisait la dégradation du BDE209 (dégradation maximale de 78,4 % après 10 jours). Aucun dérivé n'a été identifié dans cette étude.

La probabilité, la vitesse et les produits de débromation potentiels du décaBDE dépendront du milieu dans lequel il est présent et de la vitesse des différents processus de dégradation (p. ex. photodégradation, dégradation abiotique, biodégradation).

Afin d'illustrer les propriétés de partitionnement du décaBDE dans différents scénarios de débromation possibles, une modélisation de fugacité de niveau III a été réalisée à l'aide du modèle CHEMCAN (Webster et coll., 2004) et des paramètres qui s'appliquent à la région des « plaines à forêts mixtes de l'Ontario » ont été définis. Voici les principaux paramètres d'entrée du modèle :

En raison de ses propriétés chimiques, on s'attend à ce que le décaBDE soit surtout adsorbé aux fractions organiques. Le tableau 3-1 présente les fractions sommaires prédites dans chaque milieu qui seront rejetées dans l'air, l'eau ou le sol. D'après le tableau 3-1, les observations suivantes semblent évidentes.

  1. On s'attend à ce qu'une importante fraction (> 96 %) du décaBDE présent dans l'environnement soit associée soit aux particules du sol, soit aux sédiments (selon que la substance est rejetée dans le sol ou dans le milieu aquatique) et que le décaBDE soit presque entièrement associé à un substrat au sein de ces milieux environnementaux.
  2. Même si < 3,4 % du décaBDE dans l'environnement devrait être associé aux phases d'air libre et d'eau libre, on s'attend à ce que > 95 % de la masse de décaBDE présente dans l'air libre ou dans l'eau libre soit adsorbée soit aux aérosols, soit aux sédiments en suspension.
  3. Indépendamment du scénario de rejets, on prévoit que moins de 0,1 % du décaBDE présent dans l'environnement sera dissous dans l'eau ou dans une phase gazeuse.

Par conséquent, les études qui examinent la débromation du décaBDE présent dans les sols et les sédiments ou adsorbé à des particules ou du biote dans l'air ou dans l'eau définissent probablement le mieux la signification potentielle du processus de transformation dans l'environnement. En ce qui a trait aux études sur la débromation du décaBDE en solution ou en phase gazeuse, la transformation a une signification moins pertinente et est probablement faible car on prédit que la fraction dissoute ou gazeuse du décaBDE dans l'environnement sera infime. Selon Stapleton (2006a) :

Un autre aspect à prendre en considération lorsqu'on évalue l'information disponible en matière de débromation dans l'environnement est dans quelle mesure les conditions expérimentales représentent les conditions auxquelles on s'attendrait en milieu naturel. Par exemple, il est difficile d'extrapoler les résultats d'expériences qui utilisent des solvants organiques pour disperser ou dissoudre le décaBDE à des conditions du milieu normales puisque les solvants organiques ne sont pas chose courante dans l'environnement et que la solubilité du décaBDE est beaucoup plus faible que celle des solvants organiques. En outre, les solvants organiques sont des donneurs d'hydrogène beaucoup plus puissants que l'eau ou toute autre substance d'origine naturelle, ce qui entraîne des schémas de transformation du décaBDE non représentatifs. Il n'est alors plus certain que les études de dégradation qui utilisent des solvants organiques soient représentatives de la dégradation prévue de décaBDE dans l'environnement. De plus, les expériences qui utilisent la lumière naturelle ou simulée du soleil représentent probablement mieux les conditions naturelles que les expériences qui utilisent une lumière artificielle. En général, les études en laboratoire sur le sujet étaient fréquemment menées dans des conditions favorables à la débromation du décaBDE et pas nécessairement représentatives des conditions typiques dans l'environnement. Ainsi, bien que l'on s'attende à une certaine transformation du décaBDE dans l'environnement, les données qui démontrent que le décaBDE peut s'accumuler dans l'environnement (p. ex. consulter Canada, 2006, et Environnement Canada, 2006b) supposent également que cette substance est persistante.

Tableau 3-1: Prédictions du modèle CHEMCAN relatives au décaBDE dans la région des « plaines à forêts mixtes de l'Ontario »
1 kg/année rejeté dans l'eau [1] 1 kg/année rejeté dans le sol [1] 1 kg/année rejeté dans l'air [1]
[1] On présume que les rejets dans d'autres milieux sont nuls.
Masse dans l'air libre (kg) 1,27E-07 2,17E-07 2,23E-03
Fraction dans l'air libre 1,46E-06 % 7,64E-08 % 3,70E-03 %
Fraction dans l'air libre sous une forme gazeuse 0,21 % 0,21 % 0,21 %
Fraction dans l'air libre adsorbée aux aérosols 99,79 % 99,79 % 99,80 %
Masse dans l'eau libre (kg) 0,31 0,31 9,49E-02
Fraction dans l'eau libre 3,38 % 0,11 % 0,16 %
Fraction dans l'eau libre dissoute dans l'eau 0,12 % 0,01 % 0,12 %
Fraction dans l'eau libre adsorbée aux particules en suspension 95,25 % 95,35 % 95,25 %
Fraction dans l'eau libre accumulée dans les tissus des poissons 4,63 % 4,63 % 4,64 %
Masse dans le sol en vrac (kg) 3,32E-03 274,36 57,59
Fraction dans le sol en vrac 0,00 % 96,80 % 95,35 %
Fraction dans les poches d'air du sol en vrac 0,00 % 0,00 % 0,00 %
Fraction dans le sol en vrac dissoute dans l'eau du sol 0,00 % 0,00 % 0,00 %
Fraction dans le sol en vrac adsorbée aux particules du sol 100,00 % 100,00 % 100,00 %
Masse dans les sédiments en vrac (kg) 8,78E+00 8,78 2,71
Fraction dans les sédiments en vrac 96,60 % 3,10 % 4,49 %
Fraction dans les sédiments en vrac dissoute dans l'eau interstitielle 0,00 % 0,00 % 0,00 %
Fraction dans les sédiments en vrac adsorbée aux particules de sédiments 100,00 % 100,00 % 100,00 %

La figure 3-4 intègre dans un modèle conceptuel l'information disponible sur les voies potentielles de débromation du décaBDE dans l'environnement, tandis que le tableau 3-2 donne une liste des produits potentiellement formés après chaque processus de débromation. Un sommaire tabulé des données sur la débromation dans l'environnement est présenté à l'annexe E.

Les études qui s'intéressent au décaBDE adsorbé aux particules ou aux substrats et qui sont réalisées en l'absence de solvants organiques et en présence de lumière naturelle du soleil peuvent donner une idée réaliste de la transformation du décaBDE dans l'environnement. La figure 3-4a résume les voies de dégradation du décaBDE adsorbé aux particules ou aux substrats. Le décaBDE (c.-à-d. BDE209) adsorbé à la poussière ou à d'autres minéraux secs et à des particules semble se transformer rapidement; sa demi-vie varie entre 76 minutes (décaBDE adsorbé à une mince couche de kaolinite; Gerecke, 2006) et 408 heures (décaBDE adsorbé à la poussière domestique; Stapleton et Dodder, 2006). La transformation semble se produire selon une débromation réductive progressive et former des hexaBDE, des heptaBDE, des octaBDE et des nonaBDE. Quelques études ont également proposé des voies de réaction de substitution qui entraînent la formation de tétraBDE et de pentaBDE ainsi que des produits non identifiés.

En général, le décaBDE (c.-à-d. BDE209) adsorbé à des particules dans des systèmes aqueux semble se photodégrader plus lentement; sa demi-vie varie entre 73 minutes (décaBDE adsorbé à une mince couche de kaolinite en présence d'eau; Gerecke et coll., 2006) et 990 jours (décaBDE adsorbé à des molécules de carbone organique dans les sédiments et exposé à la lumière du soleil; Ahn et coll., 2006a). De plus, certaines études ont également permis de démontrer une dégradation importante du décaBDE (jusqu'à 71 %) sur une période de 60 à 72 heures. Les produits identifiés comprenaient des hexaBDE, des heptaBDE, des octaBDE et des nonaBDE, et certains PBDE moins bromés avaient aussi été observés. Le potentiel de transformation photolytique du décaBDE adsorbé semble varier en fonction de la capacité de la lumière solaire à pénétrer l'eau et l'agent sorbant. Gerecke et collaborateurs (2006) ont constaté que la lumière pénétrait la kaolinite à une profondeur de seulement 50μM, ce qui suggère que la photodégradation du décaBDE est principalement limitée à la quantité de la substance présente sur les surfaces exposées. La lumière solaire qui pénètre les eaux de surface et atteint les sédiments benthiques et en suspension est elle aussi atténuée dans une certaine mesure. Par conséquent, il est possible de conclure que bien que la photodégradation du décaBDE puisse se produire à des vitesses considérables lorsqu'il est adsorbé aux substrats, seule une fraction du décaBDE total présent dans l'environnement, soit la fraction qui est en contact avec la lumière du soleil, serait susceptible de se photodégrader. Cette explication est appuyée par les travaux de Sellström et collaborateurs (2005) qui n'ont constaté aucune dégradation du BDE209 lorsqu'il était adsorbé aux matrices de sol. La photodégradation, bien qu'elle soit une fonction des caractéristiques de la matrice (p. ex. capacité de protection) et du niveau d'exposition à la lumière du soleil, sera restreinte.

En plus d'être sujet à une photodégradation, le décaBDE adsorbé aux solides peut être soumis aux processus de biodégradation observés dans les sédiments aquatiques, les sols ou les stations d'épuration des eaux usées. La figure 3-4b présente sommairement les voies de biodégradation du décaBDE. Les résultats des études de biodégradation sont quelque peu divergents. Les premières études (MITI, 1992, Schaefer et Flaggs, 2001, et CMABFRIP, 2001) étaient centrées sur la minéralisation du décaBDE et elles ne démontraient qu'une dégradation infime du décaBDE, le cas échéant. Cependant, ces études n'examinaient pas particulièrement la débromation du décaBDE. Dans le cadre d'études en laboratoire qui utilisent des boues activées, Gerecke et collaborateurs (2005, 2006) ont déterminé que la demi-vie du décaBDE variait de 693 à 1 400 jours, selon qu'une amorce était utilisée ou non, et ils ont pu identifier des octaBDE et des nonaBDE comme produits de débromation. Lors d'une étude distincte, He et collaborateurs (2006) ont constaté, au bout de 2 mois, que le décaBDE se transformait complètement en heptaBDE et en octaBDE lorsqu'il était exposé à une culture anaérobie en particulier (Sulfurospirillum multivorans), mais qu'il ne subissait qu'une dégradation négligeable en présence d'autres cultures anaérobies. Les études de surveillance qui portent sur les boues des stations d'épuration des eaux usées (Knoth et coll., 2007; La Guardia et coll., 2007) fournissent peu de preuves de la débromation du décaBDE dans les stations d'épuration, possiblement parce que le temps de séjour dans ces stations est trop court pour qu'une importante débromation puisse être observée. De plus, les études sur les microcosmes de sédiments réalisées par Parsons et collaborateurs (2004, 2007) ne fournissent aucune preuve d'une débromation significative quoique Parsons et collaborateurs (2007) aient identifié de petites quantités de nonaBDE. Par conséquent, bien que les conditions expérimentales des études sur les boues activées soient pertinentes d'un point de vue de l'environnement, il est possible que les vitesses de dégradation soient trop lentes ou que les cultures utilisées soient trop spécifiques pour que la débromation observée soit significative dans l'environnement. Dans l'ensemble, il semblerait que le décaBDE adsorbé aux solides serait davantage sujet à une photodégradation qu'à une biodégradation.

Figure 3-4 : Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement

(A) Photodégradation du décaBDE absorbé à des particules (poussière, sol, aérosol et sédiments) dans des systèmes secs et aqueux

Figure 3-4a : Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement. (A) Photodégradation du décaBDE absorbé à des particules (poussière, sol, aérosol et sédiments) dans des systèmes secs et aqueux

(B) Biodégradation

Figure 3-4b : Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement. (B) Biodégradation

(C) Photodégradation du décaBDE en solution (solvants naturels et organiques)

Figure 3-4c : Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement. (C) Photodégradation du décaBDE en solution (solvants naturels et organiques)

(D) Dégradation abiotique

Figure 3-4d : Modèle conceptuel des voies de transformation possibles du décaBDE dans l'environnement. (D) Dégradation abiotique
Tableau 3-2: Sommaire des dérivés du décaBDE observés dans le cadre d'études de débromation dans l'environnement
Groupe de congénères formé Groupes ciblés aux fins d'une quasi-élimination en vertu de la LCPE (1999) Processus de transformation du décaBDE
Photodégradation du décaBDE adsorbé aux solides dans des systèmes secs et aqueux (renvois entre parenthèses) Photodégradation du décaBDE dissous dans des solvants naturels (renvois entre parenthèses) Photodégradation du décaBDE dissous dans des solvants organiques (renvois entre parenthèses) Biodégradation (renvois entre parenthèses) Dégradation abiotique (renvois entre parenthèses)
[*] Indique que seules de petites quantités ou des quantités traces se sont formées.
[**] En présence de tétrahydrofurane ou d'un système de solvants acétone:eau.
[***] L'identification des produits de débromation était en grande partie non concluante, même s'il y avait des preuves de la formation d'hexaBDE, d'heptaBDE, d'octaBDE et de nonaBDE.
† Dans les sédiments naturels.
†† Dans un système biomimétique additionné d'un cosolvant.
BDEs -bromodiphényléthers
BDFs -bromodibenzofuranes
Les résultats de Gerecke (2006) ne sont pas inclus car bien que les produits de dégradation aient été décrits comme des PBDE moins bromés, il n'y avait aucune indication à savoir quels PBDE avaient été formés.
Les résultats de Parsons et collaborateurs (2004) ne sont pas inclus car la dégradation en nonaBDE et en PBDE moins bromés a été observée tant dans les groupes expérimentaux que dans les groupes témoins.
nonaBDE X (2,3 [***],4,9,10,11) X (8) X (1,5,6,7,8,19) X (14,15,16,21† et †) X (12,13 [**],20 [**])
octaBDE X (2,3 [***],4,9,10,11) X (8) X (1,5,6,7,8,19) X (14,15,21† et †) X (12,13 [**],20**)
heptaBDE X (2,3 [***],9,10,11) X (8) X (1,5,6,7,8,19) X (15,21† et †) X (12,13 [**])
hexaBDE X X (2,3 [***],9) X (8) X (1,5 [*],6,7 [*]) X (21† et †) X (12,13 [**],20 [**])
pentaBDE X X (9*) X (1,6) X (21†) X (12,13 [**],20 [**])
tétraBDE X X (9*) X (1,6) X (21†) X (12,13 [**],20 [**])
triBDE X (9*) X (1,6) X (21†) X (20 [**])
hexaBDF X (18)
pentaBDF X (2) X (8,18)
tétraBDF X (2) X (8,18)
triBDF X (8,18)
diBDF X (18 [*])
monoBDF X (18 [*])
Produits chimiques non identifiés X (10,11,17) X (5)
  1. Watanabe et Tatsukawa 1987
  2. Söderstrom et coll. 2004
  3. Jafvert et Hua 2001
  4. Hua et coll. 2003
  5. Palm et coll. 2003
  6. Bezares-Cruz et coll. 2004
  7. Eriksson et coll. 2004
  8. Geller et coll. 2006
  9. Ahn et al. 2006a
  10. Stapleton et Dodder 2006
  11. Stapleton 2006b
  12. kEum et Li 2005
  13. Ahn et coll. 2006b
  14. Gerecke et coll. 2005
  15. He et coll. 2006
  16. Gerecke et coll. 2006
  17. Gerecke 2006
  18. Hagberg et coll. 2006
  19. Barcellos da Rosa et coll. 2003
  20. Li et coll. 2007
  21. Tokarz et coll. 2008

Bien que les expériences de photodégradation du décaBDE dissous dans l'eau représentent des conditions du milieu pertinentes, l'importance de toute débromation observée est incertaine puisque seule une très faible fraction du décaBDE serait présente dans la phase dissoute. La figure 3-4 illustre un modèle conceptuel des voies de photodébromation du décaBDE dissous dans des systèmes d'eau et de solvant. Deux des études connexes sont notables parce que les résultats sont possiblement pertinents à l'environnement naturel. Eriksson et collaborateurs (2004) ont observé que le décaBDE en solution dans des mélanges d'eau et d'acides humiques subissait une transformation relativement rapide (demi-vie = 6,4 heures) en hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE. Étant donné qu'une lumière artificielle a été utilisée, on ne sait pas avec certitude si la vitesse de transformation serait aussi rapide avec la lumière naturelle du soleil. Kuivikko et collaborateurs (2006, 2007) ont observé que la demi-vie de photodégradation du décaBDE en solution dans l'isooctane était de 0,3 jour, mais ils ont mis au point une modélisation et ont estimé que la demi-vie du décaBDE présent dans les eaux de surface de la mer Baltique et de l'océan Atlantique variait entre 0,2 et 1,8 jour.

En plus des études avec des systèmes d'eau, de nombreuses études ont fait état de la transformation rapide du décaBDE dissous dans des solvants organiques (p. ex. une réduction de 99 % en aussi peu que 30 minutes observée par Bezares-Cruz et collaborateurs, 2004). Bien qu'il soit grandement incertain de pouvoir observer ces taux de transformation dans des systèmes naturels, les études fournissent tout de même des données sur les voies de débromation du décaBDE, dont une débromation réductive progressive du décaBDE qui peut aller jusqu'aux triBDE ainsi que d'autres voies qui peuvent produire des triBDF, des tétraBDF, des pentaBDF et des hexaBDF.

En plus de la photodégradation et de la biodégradation, les expériences en laboratoire montrent que le décaBDE est sujet à une débromation abiotique lorsqu'il n'est pas exposé à la lumière. La figure 3-4d illustre de façon sommaire les voies de transformation de ces autres processus de dégradation abiotiques. kEum et Li (2005) ont observé que jusqu'à 90 % du décaBDE dissous dans l'acétate d'éthyle se transformait au bout de 40 jours en présence d'agents réducteurs comme le fer zérovalent, le sulfure de fer et le sulfure de sodium. Li et collaborateurs (2007) ont démontré que le décaBDE disparaissait complètement après 8 heures dans un système d'eau et d'acétone contenant du fer zérovalent nanométrique, tandis que Rahm et collaborateurs (2005) ont constaté que le décaBDE dissous dans du méthanol avait une demi-vie de 0,028 heure et qu'il réagissait avec le méthylate de sodium. Tout comme pour les études de photodégradation qui utilisent des solvants organiques, on ne sait pas avec certitude dans quelle mesure ces études sont représentatives des conditions naturelles et si de tels processus peuvent se produire dans des conditions naturelles, quoique la voie de débromation observée (c.-à-d. débromation progressive en monoBDE, diBDE, triBDE, tétraBDE, pentaBDE et hexaBDE) est généralement considérée comme étant pertinente au sort du décaBDE. Ahn et collaborateurs (2006b) ont observé que 15 % du décaBDE adsorbé à la birnessite dans un système d'eau et de catéchol subissait une débromation et se transformait en tétraBDE, pentaBDE, hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE au bout de 23 jours. Parce que le catéchol et la birnessite sont d'origine naturelle, il serait possible d'observer une voie de transformation semblable dans l'environnement et, bien qu'elle soit lente, la vitesse de transformation pourrait être grandement pertinente à d'autres processus comme la photodégradation du décaBDE adsorbé à la matière solide.

Les résultats de laboratoire existants relatifs à la transformation et à la débromation du décaBDE par l'entremise de processus environnementaux telles la photodégradation, la dégradation abiotique et la biodégradation sont le signe qu'il existe des voies de transformation potentielles qui entraînent la formation de :

  1. PBDE moins bromés;
  2. bromodibenzofuranes;
  3. produits de dégradation non identifiés

Par contre, les études de laboratoire indiquent également que tant les PBDE moins bromés que les PBDF moins bromés seraient eux-mêmes sujet à une dégradation plus poussée et on ne connaît pas l'importance réelle que revêt la formation de ces produits. Palm et collaborateurs (2003) et Eriksson et collaborateurs (2004) ont démontré que la diminution du taux de transformation des PBDE est proportionnelle à la diminution du nombre d'atomes ou de molécules de brome. À mesure que la débromation diminue, les diphényléthers ont tendance à moins chevaucher les spectres d'absorption de longueurs d'onde > 290 nm, qui correspondent à la gamme des longueurs d'onde du spectre solaire au sol, et on s'attend alors à ce que ces substances soient moins susceptibles à une dégradation que le décaBDE. Étant donné qu'on a démontré que les PBDE moins bromés se phototransformaient plus lentement que le décaBDE, on pourrait avancer l'hypothèse que le seul ajout de décaBDE dans un système entraînerait une accumulation continue de PBDE moins bromés, jusqu'à ce que le système atteigne l'état d'équilibre. Une certaine photodégradation pourrait néanmoins se poursuivre et produire jusqu'à des biphényléthers. L'ampleur de l'accumulation serait difficile à prédire puisque la formation et la dégradation ultérieure des PBDE dépendent du taux relatif de formation et de dégradation de ces substances dans l'environnement, qu'on ne connaît pas. De plus, l'ampleur de l'accumulation dépendrait des taux de charge du décaBDE dans l'environnement, qui sont également difficile à prédire (Royaume-Uni, 2004).

Afin d'évaluer le potentiel de bioaccumulation et de bioamplification de ces dérivés du décaBDE dans la chaîne alimentaire, on aura recours au modèle de prédictions des facteurs de bioaccumulation et de bioamplification (section 3.1). Dans le cadre de l'analyse, on présume que les transformations du décaBDE observées dans les études en laboratoire, lesquelles ont été abordées dans ce rapport, se produisent également en milieu naturel, bien que l'on reconnaisse que ce sujet est incertain. Tel qu'il a été mentionné précédemment, en l'absence d'une activité métabolique, on s'attend à ce que les facteurs de bioaccumulation des hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE soient supérieurs à 5 000. Cependant, lorsqu'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification estimés des hexaBDE, heptaBDE et octaBDE sont supérieurs à 5 000, tandis que ceux des nonaBDE sont inférieurs à 5 000.

On a également tenté d'estimer les facteurs de bioaccumulation des bromodibenzofuranes. En ce qui concerne ces dérivés, vu qu'aucune donnée ne permettait d'estimer la constante kM, une valeur égale à celle estimée pour le décaBDE a été choisie à titre explicatif. Bien que l'on s'attende à ce que les PBDE soient davantage métabolisés, on ne connaît pas les taux métaboliques réels. Même si la valeur choisie et les facteurs de bioamplification qui en découlent représentent des prédictions hypothétiques raisonnables, il est important de reconnaître que ces prédictions sont incertaines. Les estimations du logarithme Koe et de la constante kM sont plus amplement décrites à l'annexe D. En l'absence d'une activité métabolique, on prévoit que les facteurs de bioamplification des triBDF, tétraBDF, pentaBDF et hexaBDF seront supérieurs à 5 000 pour les poissons de niveau trophique intermédiaire. Lorsqu'on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification prédits sont tout de même supérieurs à 5 000 pour les poissons de niveau trophique intermédiaire, et ce, principalement en raison de la valeur élevée du logarithme Koe de ces substances.

En l'absence d'une activité métabolique, on s'attend à ce que les facteurs de bioamplification des hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE soient très élevés et qu'ils aient une valeur maximale de 106 pour les produits chimiques compris dans l'intervalle du logarithme du Koe et du logarithme du Koa qui ont été estimés pour les dérivés du décaBDE. Toutefois, quand on tient compte de la transformation métabolique (un scénario plus réaliste), les facteurs de bioamplification prédits pour les hexaBDE, heptaBDE, octaBDE et nonaBDE varient entre 0,1 et ~ 4,0. Les facteurs de bioamplification corrigés pour tenir compte du métabolisme étaient supérieurs à 1 seulement pour les métabolites hydroxylés de l'hexaBDE et de l'heptaBDE, et ce, principalement en raison d'un plus faible logarithme Koe et d'une plus importante efficacité d'assimilation alimentaire calculés pour ces substances. En ce qui concerne les bromodibenzofuranes, un facteur de bioamplification semblable de 117 était prévu en l'absence d'une transformation métabolique, mais quand ce facteur était corrigé pour tenir compte du métabolisme, sa valeur était ~ 5 (une valeur de kM semblable a été utilisée pour tous les bromodibenzofuranes et c'est donc le même facteur de bioamplification qui a été prédit pour tous les niveaux de bromation).

L'analyse modélisée de la formation potentielle de dérivés du décaBDE dans l'environnement prédisait que les facteurs de bioaccumulation seraient essentiellement supérieurs à 5 000 et que les facteurs de bioamplification de certains dérivés seraient supérieurs à 1. Ces prédictions soulèvent des préoccupations à savoir si les dérivés formés dans l'environnement obtenus à la suite d'une photodégradation, d'une biodégradation et possiblement d'une dégradation abiotique du décaBDE pourraient être bioaccumulés et bioamplifiés dans la chaîne alimentaire, contribuant ainsi à l'accroissement de l'exposition des organismes de niveau trophique supérieur à ces substances et donc aux risques qu'ils courent.


[7] Bien qu'une transformation dans l'environnement soit probable dans une certaine mesure, l'objectif de la simulation par modèle était d'examiner les propriétés de partitionnement du décaBDE.

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