Chapitre 1 : Introduction

La Convention de Stockholm sur les POP (disponible en anglais seulement), élaborée sous les auspices du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), est un accord international qui est entré en vigueur le 17 mai 2004. Son objectif est de protéger la santé humaine et l'environnement contre les POP. En tant que Partie à la Convention, le Canada est tenu, aux termes de l'article 7, d'élaborer et d'exécuter un plan national de mise en oeuvre (PNMO).1

L'objet du PNMO est d'informer la Conférence des Parties et le public des initiatives canadiennes en cours et prévues visant à remplir les obligations imposées par la Convention. Ces initiatives englobent les lois, règlements, normes et programmes facultatifs, politiques, programmes et autres dispositions connexes, y compris les mesures prises par les Canadiens, qui sont adoptés pour gérer les POP et les éliminer de l'environnement. L'article 5 de la Convention stipule que le PNMO doit comprendre un plan d'action national pour réduire les rejets de POP produits non intentionnellement, notamment les dioxines et les furannes, l'hexachlorobenzène (HCB) et les biphényles polychlorés (BPC).

L'alinéa 7.1b) de la Convention précise que chaque Partie :

transmet son plan de mise en oeuvre à la Conférence des Parties dans un délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la Convention à son égard.

La Convention est entrée en vigueur le 17 mai 2004 , ce qui fait que le Canada doit présenter son PNMO avant le 17 mai 2006. Il procédera également à des examens et actualisations périodiques du PNMO conformément au calendrier qui sera établi par la Conférence des Parties.

La première partie du présent document est constituée du PNMO du Canada, y compris un examen des initiatives en cours et prévues ayant trait à l'exécution des obligations prescrites par la Convention de Stockholm.

Les POP sont des composés organiques d'origine naturelle ou anthropique dotés d'une combinaison particulière de propriétés physiques et chimiques qui fait en sorte que, une fois rejetés dans l'environnement, ils résistent à la dégradation photolytique, chimique et biologique et demeurent intacts pendant des périodes exceptionnellement longues2. Ils comprennent les produits chimiques industriels tels que les BPC, les pesticides tels que le DDT et les sous-produits tels que les dioxines et les furannes. Caractérisés par une faible solubilité dans l'eau et une très grande liposolubilité, les POP s'accumulent dans les tissus adipeux des organismes vivants, y compris les êtres humains, et c'est au sommet de la chaîne alimentaire qu'on observe les plus fortes concentrations. En conséquence, les personnes, la faune et les autres organismes naturels sont exposés à ces substances, souvent pendant des périodes qui s'étendent sur plusieurs générations, et il en résulte des effets toxiques aigus et chroniques. Les POP, qui pénètrent dans le système humain par la chaîne alimentaire, sont transmis de la mère à l'enfant, et il est établi qu'ils ont des effets importants sur les systèmes immunitaire , nerveux et reproducteur.

Les POP sont des substances chimiques semi-volatiles qui s'évaporent dans la région où ils sont utilisés ou rejetés et se déplacent ensuite sur de grandes distances dans l'atmosphère. Ils sont aussi rejetés dans les cours d'eau, soit directement soit à la suite de dépôts atmosphériques, et suivent alors les mouvements des eaux douces et océaniques. Ces substances sont donc très répandues sur toute la planète, y compris dans les régions où leur usage est inconnu. Les taux de POP présents dans l'air et dans l'eau sont peu élevés, de sorte que pour l'être humain le danger réside davantage dans la capacité de ces polluants de s'accumuler dans les organismes que dans une exposition directe. Les POP tendent à s'accumuler dans les tissus adipeux des organismes et peuvent se transmettre le long de la chaîne alimentaire en milieux terrestre et aquatique. Les habitants du Nord sont tout particulièrement à risque, car les mammifères marins à haute teneur en graisse (p. ex., les phoques annelés et les bélugas) constituent la base de leur alimentation. Au Canada, les plus fortes concentrations de POP en milieu aquatique ont été observées dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent et dans l'Arctique. Les POP ont aussi tendance à s'accumuler dans les lacs froids du Bouclier canadien et dans les régions montagneuses froides où les chutes de neige sont abondantes, telles que les montagnes Rocheuses du Canada.

Les POP constituent une menace mondiale pour la santé humaine et l'environnement. Ils peuvent causer des anomalies congénitales, divers cancers, un dysfonctionnement du système immunitaire et des problèmes de reproduction chez la faune. Chez l'être humain, l'information recueillie indique que des niveaux d'exposition élevés peuvent, à long terme, faire augmenter le taux d'anomalies congénitales, aggraver les problèmes de fertilité, accroître la vulnérabilité à la maladie, diminuer l'intelligence et provoquer certains types de cancers. Du point de vue de la santé humaine, l'exposition du foetus en développement est particulièrement inquiétante. Les POP peuvent s'accumuler dans les tissus humains et se transmettre au foetus par le placenta. De plus, on a trouvé des POP dans le lait maternel de femmes de partout dans le monde. On commence aussi à avoir des preuves que de nombreux POP peuvent agir comme des perturbateurs endocriniens3.

Grâce aux mesures prises par le Canada et d'autres pays, les concentrations de POP dont fait actuellement état la Convention de Stockholm ont beaucoup diminué dans le biote canadien entre les années 1970 et la fin des années 1990. Cependant, leur persistance dans l'environnement continue de nuire à la santé et au bien-être des personnes et de la faune.

Ces dernières décennies, les POP ont présenté des risques de plus en plus préoccupants dans beaucoup de pays, et c'est pourquoi des mesures régionales, nationales et internationales ont été prises pour protéger la santé humaine et l'environnement.

Les POP pénètrent dans l'environnement surtout à cause de l'activité humaine. Comme ce sont des substances chimiques semi-volatiles, ils voyagent, après leur rejet dans l'environnement, selon des cycles multiples d'évaporation, de propagation dans l'atmosphère et de condensation. Appelé « condensation à froid » ou « effet sauterelle », ce processus permet aux POP de se déplacer sur de grandes distances. Dans le climat froid de l'Arctique, les POP sont emprisonnés dans le « puits arctique » en raison des faibles taux d'évaporation. Ils entrent alors dans la chaîne alimentaire et se bioamplifient et s'accumulent dans les mammifères marins, très présents dans le régime alimentaire des Inuits.

Les POP constituent une menace pour la santé des Canadiens. Les observations scientifiques révèlent que la concentration de BPC dans le sang de certaines Inuites est supérieure au seuil recommandé par Santé Canada dans ses lignes directrices et que la concentration de certains POP dans le lait maternel est jusqu'à neuf fois supérieure à celle des femmes qui vivent dans le sud du pays. En raison de leur situation géographique et de leurs activités socioéconomiques, les Autochtones du Nord sont particulièrement vulnérables parce qu'ils consomment de la nourriture régionale susceptible de contenir des POP. La nourriture régionale comprend les aliments traditionnels, en particulier les animaux sauvages tels que les phoques, les baleines, les caribous et les poissons. Ces aliments constituent une part importante du régime alimentaire et de la culture septentrionaux, et les recherches ne cessent de démontrer les bienfaits de l'alimentation traditionnelle pour la santé et le bien-être des Canadiens du Nord.

De nombreux aliments régionaux et traditionnels aident à combattre les maladies et les blessures mieux que [ne le feraient] les aliments populaires du commerce et assurent l'apport nécessaire de la plupart des vitamines, des éléments essentiels et des minéraux. La récolte de ces aliments est physiquement exigeante et aide à rester en forme. Il y a des valeurs sociales, culturelles et spirituelles importantes à récolter, à apprêter, à partager et à consommer les aliments provenant du milieu4.

Les POP ne constituent pas seulement un problème dans le Nord. Les concentrations de certains POP dans le biote sont même plus élevées dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent que dans le Nord du Canada, bien que les concentrations de contaminants chez les habitants de ces régions soient inférieures à celles observées dans le Nord, car les espèces animales qui y vivent ne représentent pas une source alimentaire importante. À long terme, la situation est inquiétante dans toutes les régions du Canada, car certains POP peuvent s'accumuler dans le corps tout au long de la vie et être transmis d'une génération à l'autre, en particulier par le lait maternel.

Le 23 mai 2001, le Canada était le premier pays à ratifier la Convention de Stockholm, un accord international adopté en vertu du PNUE qui entraînera une réduction appréciable ou l'élimination des émissions de polluants organiques persistants. La Convention :

Après avoir été ratifiée par 50 pays, la Convention est entrée en vigueur le 17 mai 2004.

Du fait que la Convention impose des obligations à l'égard des déchets dangereux et de leurs mouvements transfrontaliers, elle a des liens étroits avec la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (disponible en anglais seulement) et la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause dans le cas de certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet du commerce international.5

En ratifiant la Convention, les Parties acceptent de gérer et de réduire 12 POP (particulièrement toxiques) et d'adopter une procédure d'inscription officielle d'autres substances à la Convention. Les 12 POP qui figuraient dans la Convention au moment de son entrée en vigueur (2004) appartiennent à trois grandes catégories : les pesticides, les substances chimiques industrielles et les POP produits non intentionnellement. La description ci-dessous des trois grandes catégories, fondée sur le document du PNUE intitulé Débarrasser le monde des POP (un guide de la Convention publié en 2002), fournit au lecteur une liste des POP et un résumé des principaux usages de chacun d'entre eux (ce n'est qu'un résumé : il peut exister ou avoir existé d'autres usages).

Pesticides :
Substances chimiques industrielles :
POP produits non intentionnellement :

Le Canada participe activement aux initiatives qui se multiplient sur toute la planète pour réduire et éliminer les POP, et c'est très tôt qu'il a commencé à étudier les effets de ces substances dans les Grands Lacs et dans l'Arctique. Les recherches menées ont eu un retentissement mondial : grâce à elles, on a mieux compris les problèmes causés par les POP et la raison pour laquelle seule une action internationale permettrait de lutter contre eux. Au nombre des efforts déployés par le Canada pour encourager l'élaboration d'un traité international, citons un soutien actif à la décision de 1995 du Conseil d'administration du PNUE d'obtenir la participation du Programme interorganisations pour la gestion rationnelle des produits chimiques (PIGRPC) et à la décision du Forum intergouvernemental sur la sécurité chimique (FISC) et du Programme international sur la sécurité des substances chimiques (PISC) d'entamer un processus d'évaluation de 12 substances figurant sur une liste initiale qu'on croyait être des POP. Lorsque le Conseil a demandé au PNUEde convoquer un comité international de négociation (CIN) chargé d'élaborer un instrument international ayant force obligatoire, le Canada a offert de financer la première séance du comité, qui s'est tenue à Montréal en 1998. C'est un Canadien, M. John Buccini, Ph.D., qui a été choisi pour présider le CIN et diriger les négociations de la Convention.

Le Canada a été le premier pays à promettre une aide financière pour la réalisation des objectifs de la Convention et à aider les pays en développement et les pays à économie en transition à renforcer leurs moyens de lutter contre les POP. En mars 2000, le gouvernement du Canada a créé le Fonds sur les POP, dans lequel il a versé 20 millions de dollars CAN. En juin 2004, date la plus récente pour laquelle on dispose de renseignements récapitulatifs, 67 projets avaient été financés. Une partie importante des fonds a été affectée à des projets d'éducation et de sensibilisation dans les pays en développement ou à économie en transition et à la création d'inventaires, ce qui a encouragé des gouvernements nationaux à signer et à ratifier la Convention.

Le Canada a pris part à toutes les séances du CIN qui ont abouti à une entente sur la Convention en s'y prenant d'une manière tout à fait nouvelle. Traditionnellement, les délégations qui participent aux négociations internationales se composent uniquement de responsables gouvernementaux. Aux réunions du CIN de la Convention de Stockholm, comme c'est le cas des négociations de tous les accords internationaux, la délégation canadienne comptait non seulement des représentants du gouvernement fédéral, mais aussi des gouvernements provinciaux et territoriaux, des communautés autochtones du Nord, des organisations environnementales non gouvernementales et de l'industrie. Le Canada a été le seul pays à inviter les organisations non gouvernementales (ONG) à faire partie de la délégation, et celles-ci ont joué un rôle notable dans les négociations finales sur des questions telles que les dérogations à l'utilisation du DDT.

Depuis l'entrée en vigueur de la Convention, le Canada continue de participer activement aux comités et aux groupes de travail de la Convention, notamment à ceux chargés des mécanismes financiers, des questions juridiques, de l'évaluation, de la surveillance mondiale, des meilleures techniques disponibles et des meilleures pratiques environnementales, de la gestion écologiquement rationnelle des déchets et de la définition des critères qui permettront de cibler d'autres POP en vue d'une action internationale.


1 L'article 7 (Plans de mise en oeuvre) stipule ce qui suit :

  1. Chaque Partie :
    1. Élabore et s'efforce de mettre en oeuvre un plan pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la présente Convention;
    2. Transmet son plan de mise en oeuvre à la Conférence des Parties dans un délai de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la Convention à son égard;
    3. Examine et actualise, le cas échéant, son plan de mise en oeuvre à intervalles réguliers et selon des modalités à spécifier par la Conférence des Parties dans une décision en ce sens.
  2. Les Parties coopèrent, selon qu'il convient, directement ou par l'intermédiaire d'organisations mondiales, régionales et sous-régionales, et consultent leurs parties prenantes nationales, notamment les associations féminines et les organisations oeuvrant dans le domaine de la santé des enfants, afin de faciliter l'élaboration, l'application et l'actualisation de leurs plans de mise en oeuvre.
  3. Les Parties s'efforcent d'utiliser et, si nécessaire, de mettre en place des moyens d'intégration des plans nationaux de mise en oeuvre pour les polluants organiques persistants dans leurs stratégies de développement durable, selon qu'il convient.

2 Buccini, John (2001), « Implementing Global Action on Persistent Organic Pollutants (POPs) Under the Stockholm Convention: Issues and Opportunities », Abstract, Eco-informa 2001, Environmental Risks and the Global Community, Strategies for Meeting the Challenges, Argonne National Laboratory, 14-18 mai 2001.

3 Fisher, Brandy E., « Most Unwanted: Persistent Organic Pollutants », Environmental Health Perspectives, vol. 107, no 1, janvier 1999.

4 Synthèse du Rapport de l'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien - Phase II (2003), Affaires indiennes et du Nord Canada, p. 13.

5 Le Canada est Partie aux deux Conventions.

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