Aluminium total

Il existe une grande quantité de données toxicologiques sur les effets de l'aluminium total chez le biote aquatique. Dans beaucoup de ces études, le biote est exposé à des concentrations d'aluminium présent dans des solutions artificielles où la spéciation de l'aluminium est maximale et où il n'y a pas de matières organiques pour la formation de complexes. Il a été montré que le COD avait une importante influence sur la toxicité de l'aluminium par la formation de complexes avec l'aluminium monomère (Parent et al., 1996; Farag et al., 1993; Howells et al., 1990). Il a aussi été montré que l'augmentation de la concentration de COD en solution avait tendance à réduire la toxicité de l'aluminium (Parkhurst, 1987; Gunn et Noakes, 1987; Burton et Allan, 1986). Le carbone organique dissous est présent dans toutes les eaux naturelles, bien qu'en concentrations variables (Peterson et al., 1989). Étant donné l'incidence du COD sur la toxicité de l'aluminium, seules les études où la solution d'exposition contenait des quantités mesurables de COD ont été retenues pour l'élaboration d'une recommandation pour la qualité des eaux pour la vie aquatique concernant le Altot.

Parent et al., (1996) ont étudié les effets de l'aluminium chez l'algue verte C. pyrenoidosa en présence de carbone organique dissous. Les concentrations de COD variaient de 1,2 à 11 mg-L-1. La concentration d'aluminium total monomère était déterminée par spectrométrie d'absorption atomique à atomisation électrothermique. À un pH de 5,0, une concentration en aluminium total monomère de 167 μg-L-1 et en l'absence de COD, on notait une réduction de la croissance de 30 % de l'algue verte après 96 heures, comparativement aux témoins. À une concentration de COD de 2,3 mg-L-1 et de Altot de 189 μg-L-1, à un pH de 5,0, la croissance était réduite de 25 %, comparativement aux témoins.

Hörnström et al., (1995) ont étudié les effets de l'aluminium, à diverses gammes de pH et à deux concentrations d'humus, sur les organismes phytoplanctoniques Monoraphidium griffithii et Monoraphidium dybowskii. À un pH de 4,8 et à une concentration d'humus de 0,2 mg Pt L-1, la présence d'aluminium à raison de 200 μg-L-1 donnait lieu à une réduction de la croissance de 70 % chez M. dybowskii, comparativement aux témoins. La concentration en matières humiques est souvent déterminée en comparant les échantillons à des solutions de référence standard de platine. La concentration d'humus est ensuite donnée en unités platine (mg Pt L-1). À un pH de 6,8 et une concentration d'humus de 27 mg Pt L-1, une réduction de la croissance a été observée chez M. dybowskii à une concentration d'aluminium de 300 μg-L-1. La croissance de M. griffithii était réduite de 82 %, comparativement aux témoins, après une exposition à 100 μg-L-1 d'aluminium à un pH de 4,8 et à une concentration d'humus de 0,2 mg Pt L-1. À 27 mg Pt L-1, les M. griffithii exposés à 300 μg-L-1 à des pH de 4,8 et de 6,8 présentaient des réductions de croissance respectives de 35 % et de 50 %.

Freda et al., (1990) ont exposé des embryons de R. pipiens et des têtards de B. americanus à des concentrations d'aluminium afin d'étudier l'effet de la formation de complexes organiques sur la toxicité. La concentration d'aluminium était déterminée par spectrophotométrie et par la méthode au catéchol-violet. Les organismes étaient exposés à divers pH et concentrations de COD, le COD ayant été obtenu d'étangs naturels. Diverses dilutions de l'eau des étangs permettaient d'obtenir la concentration de COD souhaitée pour les essais. La CL50-96 h pour les têtards de B. americanus, à un pH de 4,5 et à une concentration de COD de 2,85 mg-L-1, était de 627 μg-L-1 d'aluminium total. L'augmentation de la teneur en COD à 11,4 mg-L-1 donnait lieu à une augmentation de la CL50 qui excédait 2 000 μg-L-1. Les embryons de R. pipiens présentaient une réaction semblable à l'augmentation de la concentration de COD. Dans une eau douce artificielle à 100 % à un pH de 4,8 et exempte de COD, la CL50 était de 471 μg-L-1. La CL50 augmentait de façon marquée (> 856 - > 1 018 μg-L-1) à la suite de l'ajout de COD sous la forme de diverses dilutions d'eau des étangs, le pH demeurant constant.

Freda et McDonald (1990) ont examiné les effets de l'aluminium chez la grenouille léopard (R. pipiens) dans une large gamme de pH et à une faible concentration de COD. Des R. pipiens ont été exposés en milieu statique, plutôt qu'en milieu renouvellement continu, afin de mieux représenter les conditions qui existent dans des étangs de reproduction saisonniers où il n'y a ni entrée ni sortie d'eau. Ils ont observé qu'à un très faible pH (de 4,2 à 4,4) l'aluminium annulait les effets du pH sur les embryons de grenouilles et permettait l'éclosion. Entre les valeurs de pH de 4,6 et 4,8, l'aluminium s'avérait extrêmement toxique et les taux de mortalité étaient accrus de façon appréciable à une concentration de 500 μg-L-1. Tous les essais ont été réalisés à une concentration de COD de 1,0 mg-L-1. Les CL50-96 h signalées pour le Altot aux valeurs de pH de 4,6 et 4,8 étaient, respectivement, de 811 et de 403 μg-L-1. Aux pH de 4,4, 4,6 et 4,8, la plus faible concentration de Al utilisée (250 μg-L-1) n'a été cause ni de mortalité ni de développement anormal chez 25 têtards à un stade de prédéveloppement.

Il a été mentionné que les amphibiens risquant le plus de subir la toxicité de l'aluminium étaient ceux qui habitaient de petits étangs saisonniers ou éphémères qui sont en grande partie alimentés par les eaux de ruissellement et de fonte des neiges du printemps (Sparling et Lowe, 1996). Albers et Prouty (1987) ont signalé que la survie d'embryons de la salamandre maculée, Ambystoma maculatum, présentait une corrélation négative avec la concentration d'aluminium dans les étangs saisonniers. Les concentrations d'aluminium et les niveaux d'acidité de ces eaux sont particulièrement élevés et l'exposition se produit pendant les premières étapes de la vie, au moment où les amphibiens ont tendance à être les plus sensibles. Les espèces plus grosses qui habitent les lacs et les étangs permanents pourraient être moins affectées par ces événements épisodiques, mais pourraient quand même subir l'acidification chronique et les concentrations d'aluminium élevées qui l'accompagnent. Freda (1991) a signalé, dans le cadre d'une étude visant à déterminer les effets d'une gamme de Altot (250-1000 μg-L-1) sur des embryons de la grenouille léopard, R. pipiens, à un pH de 4,8, que des teneurs en COD supérieures à 5,7 mg-L-1 avaient pour effet la formation de complexes avec la plus grande partie de l'aluminium, et donc une réduction de l'aluminium labile.

L'aluminium n'est généralement pas toxique pour les invertébrés aux concentrations que l'on rencontre généralement dans des eaux approchant la neutralité. Les niveaux ambiants de Al dans les eaux à des pH voisins de la neutralité sont normalement inférieurs à 1 mg-L-1 et se situent généralement aux environs de 500 μg-L-1 (Wren et Stephenson, 1991; Havas et Likens, 1985).

Burton et Allan (1986) ont étudié les effets de la température, du pH, du COD et de la concentration d'aluminium chez divers invertébrés de cours d'eau. Ils ont noté que l'ajout de 500 μg-L-1 d'aluminium à de l'eau à une température de 15°C, à un pH de 4,0 et à une concentration de COD de 42 à 47 mg-L-1, n'avait pas d'effet sur la mortalité de l'isopode, Asellus intermedius, de la perle, Nemoura sp. et de l'escargot Pycnopsyche guttifer, comparativement à un témoin ou l'aluminium était absent. À 2°C et à une concentration de 500 mg-L-1 de Altot, une mortalité accrue significative était notée chez la perle et l'isopode. La mortalité était encore accrue lorsque l'expérience était répétée avec des teneurs en COD très faibles. Les auteurs ont remarqué que l'élimination de la matière organique de la solution donnait lieu à un déplacement de 94 à 98 % de la forme organique, vers la forme inorganique, de l'aluminium.

Gundersen et al., (1994) ont exposé des truites arc-enciel (Oncorhynchus mykiss) à des combinaisons toxiques aiguës et subaiguës de Al, de COD (acides humiques) et de pH. Les poissons étaient exposés dans un système à renouvellement continu. Les concentrations d'aluminium étaient mesurées par spectrophotométrie d'absorbance selon la méthode au catéchol. Pour l'essai de toxicité aiguë, les concentrations d'acides humiques variaient de 1,4 à 10,1 mg-L-1 et le pH était légèrement alcalin, à 7,97-8,56. Les CL50-96 h ont été de 3,75, 5,43, 4,60 et 5,22 mg-L-1 pour des concentrations respectives en acides humiques de 1,4, 2,6, 6,6 et 10,1 mg-L-1. La mortalité (25 %) a été notée au pH de 8,03, à la concentration d'acides humiques de 6,17 mg-L-1 et à la concentration d'aluminium total de 2,1 mg-L-1. À un même pH, une concentration d'acides humiques supérieure (9,57 mg-L-1) et une concentration de Altot semblable (1,9 mg-L-1), la mortalité s'élevait à 5 %. Les auteurs ont constaté que les acides humiques protégeaient les animaux de la mortalité causée par l'aluminium.

Des jordanelles (Jordanella floridae) ont été utilisées pour déterminer la toxicité de mélanges de métaux (Al/Cu/Zn) et l'incidence des substances humiques sur cette dernière (Hutchinson et Sprague, 1987). Les chercheurs ont noté que la toxicité de l'aluminium était réduite par la formation de complexes avec les substances humiques, mais le niveau de toxicité pour les jordanelles n'a pas été quantifié. En outre, il s'est avéré que le carbone organique total présentait une relation plus étroite avec les variations de la létalité des métaux traces qu'avec celles de la dureté de l'eau.

Peterson et al., (1989) ont examiné les incidences de l'aluminium sur le saumon de l'Atlantique (S. salar) en présence de carbone organique dissous. Le COD était isolé à partir de l'eau de cours d'eau de la NouvelleÉcosse qui était diluée de façon à obtenir les concentrations d'exposition. À un pH de 4,8 et à une concentration de COD de 4,4 mg-L-1, les alevins de saumon de l'Atlantique subissaient une mortalité de 100 % à une concentration de 200 μg-L-1 (7,4 μm). À un pH de 4,8 et à une concentration de COD de 6,8 mg-L-1, le taux de mortalité s'élevait aussi à 100 % à une concentration de 210 μg-L-1 (7,8 μm). Les chercheurs ont émis l'hypothèse que les fractions acides du COD (acides humiques) assurent une meilleure protection pour le saumon, car elles contiennent des groupes fonctionnels carboxyles et hydroxyles qui forment des complexes stables avec l'aluminium.

Parkhurst et al., (1990) ont étudié les effets de l'aluminium sur l'omble de fontaine (S. fontinalis) en faisant varier divers paramètres de la qualité de l'eau (p. ex., pH, COD, F- et température). Les chercheurs ont utilisé un système à renouvellement continu et signalé les concentrations mesurées et nominales des paramètres pour chaque essai. Une analyse multivariée a servi à déterminer les paramètres les plus importants pour la survie de l'omble de fontaine dans une large gamme d'exposition. Les chercheurs ont signalé que le COD expliquait 6 % de la variabilité de la survie de l'omble de fontaine. Parkhurst (1987) a signalé les effets de l'aluminium sur des ombles de fontaine exposés à du Altot. La température et les concentrations de COD et de fluorure étaient modifiées. Les concentrations nominales de Altot des essais variaient de 0 à 1 000 μg-L-1 tandis que les concentrations mesurées de COD variaient de 0,6 à 9,1 mg-L-1. Les valeurs mesurées de tous les paramètres ont été indiquées. Les chercheurs ont observé que le COD n'avait, à lui seul, aucune incidence sur la survie des ombles de fontaine. L'ajout de COD au moment des essais portant sur diverses concentrations de Altot permettait de réduire la toxicité. À un pH de 5,3 et à une concentration de 11 μg-L-1, la survie après 21 jours était de 72 % à une concentration de 0,5 mg-L-1 de COD. La survie augmentait de façon appréciable, à 94 % , après l'ajout de 5,5 mg-L-1 de COD. À une concentration de Altot de 127 μg-L-1 l'ajout de COD éliminait pratiquement toute toxicité aux pH de 4,8, 5,1, et 5,4.

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