Rapport d’évaluation écologique préalable sur le sulfonate de perfluorooctane, ses sels et ses précurseurs :chapitre 1


1. Identité, utilisations et sources de rejet

Sommaire des informations jugées essentielles pour la rapport d'évaluation écologique préalable du SPFO, de ses sels et de ses précurseurs

Identité

La formule moléculaire de l'anion SPFO (voir la figure 1) est C8F17SO3- et sa formule développée, CF3(CF2)7SO3-. Bien que le SPFO existe sous forme d'anions, d'acides et de sels, la forme anionique est la plus répandue aux pH observés dans l'environnement et dans le corps humain.

Le SPFO et ses précurseurs font partie d'une catégorie plus grande de substances chimiques fluorées désignées sous le nom de composés alkyle perfluoréss. Les atomes de carbone des composés perfluorés comme le SPFO sont entièrement saturés de fluor. C'est la force des liaisons C-F qui explique l'extrême stabilité et les propriétés physicochimiques de ces composés.

Cette évaluation définit les précurseurs du SPFO comme des substances contenant le groupement sulfonyle de perfluorooctyle (C8F17SO2, C8F17SO3 ou C8F17SO2N) et qui peuvent être transformées ou dégradées en SPFO. On présente dans l'annexe 1 une liste de certains composés considérés comme du SPFO ou des précurseurs de celui-ci [p. ex. l'anion SPFO, l'acide SPFO (SPFOH), quatre sels du SPFO, le fluorure de perfluorooctanesulfonyle (FPOS) et quatre intermédiaires communs utilisés pour produire des composés chimiques à base de SPFO (le N-MeFOSA, le N-EtFOSA, les alcools N MeFOSE et N-EtFOSE), et une quarantaine d'autres précurseurs. Toutefois, cette liste n'est pas exhaustive, car il peut y avoir d'autres composés alkyle perfluoréss qui sont aussi des précurseurs du SPFO. Dans l'annexe 1, on présente des informations obtenues par l'enquête effectuée en application de l'article 71, qui a fait appel aux connaissances de l'industrie, à l'avis des experts et à la modélisation CATABOL, et dans le cadre de laquelle on a examiné 256 composés alkyle perfluoréss afin de déterminer si des éléments non fluorés de chacune de ces substances pouvaient vraisemblablement se dégrader chimiquement ou biochimiquement, et si le produit de dégradation perfluoré final prévu était le SPFO (Mekenyan et al., 2002; Purdy, 2002).

L'identité et les propriétés chimiques des composés fluorés peuvent être complexes. C'est le cas notamment des composés issus du processus de fluoration électrochimique (comme le FPOS), qui ne sont pas des composés chimiques purs, mais des mélanges d'isomères et d'homologues. De même, les composés fluorés et les produits à base de FPOS ne sont pas nécessairement des produits purs (EPA OPPT AR226-0550)Note de bas de page 2. Les produits finals peuvent comporter diverses quantités de réactifs de départ ou d'intermédiaires qui n'ont pas réagi ou qui n'ont réagi qu'en partie, notamment le SPFO, le N-MeFOSA, le N-EtFOSA et les alcools N-MeFOSE et N EtFOSE, à des concentrations typiques de 1 à 2 % ou moins (EPA OPPT AR226-0550). Ces composés résiduels dans les produits finals peuvent ensuite se dégrader ou se métaboliser de manière à former du SPFO (EPA OPPT AR226-0550).

Une fois libéré dans l'environnement, le SPFO ne subit pas de dégradation chimique, microbienne ou photolytique, à notre connaissance; il s'agit donc d'une substance persistante. En plus d'être un produit du commerce, le SPFO est le produit de dégradation final de composés fluorés dérivés du FPOS. Le tableau 1 résume les principales propriétés physicochimiques du SPFO et de certains de ses précurseurs, qui sont utiles pour prévoir le devenir de ces substances dans l'environnement.

Tableau 1 : Certaines propriétés physico chimiques du SPFO (sel de potassium) et de ses intermédiaires répandus
Substance No
CAS
Poids
molé-
culaire
(g.mol-1)
Solubilité
(g.L-1)
Pression
de
vapeur

(Pa)
Constante
de la loi
de Henry

(Pa.m3/mol)Note de bas de page a
Log Koe Point
de fusion
(°C)
Point
d’ébul-
lition
(°C)
SPFO (K+) 2795-
39-3
538,23 5,19 E-1
à 6,80 E-1
3,31
E-4
3,45
E-4
Non
calculable
> 400 Non
calcul-
able
N-EtFOSE
alcool
1691-
99-2
571,26 1,51 E-4 5,04
E-1
1,93
E+3
4,4 55-60 N.D.Note de bas de page b
N-EtFOSEA 423-
82-5
625,30 8,9 E-4 N.D. N.D. N.D. 27-42 150 à
133,3 Pa
N-MeFOSE
alcool
24448-
09-7
557,23 N.D. N.D. N.D. N.D. N.D. N.D.
N-MeFOSEA 25268-
77-3
611,28 N.D. N.D. N.D. 5,6 N.D. N.D.

Source: Hekster et al. (2002).

Bien que les données expérimentales sur la dégradation des précurseurs du SPFO soient très limitées, on croit qu'il s'agit d'un mécanisme à médiation bactérienne. Le logiciel de biodégradation CATABOL, qui simule les essais de biodégradation 302C de 28 jours de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qui a été conçu pour évaluer les composés perfluorés, prévoit que la plus grande partie des substances désignées comme des précurseurs (annexe 1) devraient se dégrader en SPFO (Dimitrov et al., 2004). Cette prévision concorde avec l'avis des experts. On s'attend donc à ce que, lorsque les substances désignées dans l'annexe 1 sont soumises à un mécanisme de dégradation biotique ou abiotique, le SPFO soit le groupement fonctionnel perfluoré qui reste. Le taux de dégradation en SPFO n'est pas jugé significatif étant donné que, au fil des ans, ces substances devraient toutes se dégrader en SPFO dans l'environnement.

Sources naturelles

Il n'y a pas de sources naturelles connues de SPFO (Key et al., 1997). Sa présence dans l'environnement est uniquement attribuable à l'activité anthropique.

Utilisations, fabrication et importation

Les données fournies en réponse à l'avis publié en application de l'article 71 indiquent que le SPFO et ses précurseurs ne sont pas fabriqués au Canada, mais qu'ils sont importés des États Unis sous forme de composés ou de produits chimiques destinés au Canada. Il est également possible que ces substances se retrouvent parmi les constituants de produits fabriqués importés. On a importé quelque 600 tonnes de composés alkyle perfluoréss au Canada de 1997 à 2000, dont le SPFO et ses précurseurs qui comptaient pour environ 43 %. Le SPFO seul comptait pour moins de 2 % des composés alkyle perfluoréss importés (Environnement Canada, 2001). La plus grande partie de ce produit importé au Canada l'est sous forme de sel de potassium utilisé pour la fabrication de mousses extinctrices.

Étant donné que, selon nos recherches, l'Italie, le Japon, la Belgique, l'Allemagne et divers pays de l'Asie produisent du SPFO, il se peut que des produits de consommation contenant du SPFO soient importés au Canada en provenance d'autres pays que les États-Unis, et on ignore si ces entreprises étrangères ont décidé de cesser progressivement la production du SPFO. Il est donc possible que des produits ou des matières contenant du SPFO qui sont fabriqués ailleurs continuent d'être importés au Canada, mais, si c'est le cas, on ne sait pas en quelles quantités.

Depuis 2000, la société 3M a entrepris de cesser graduellement d'utiliser des produits chimiques de type perfluorooctanyle et des produits contenant du SPFO. De plus, les données de l'enquête indiquent une diminution globale des importations, de 1997 à 2000. Le plan de 3M pour l'élimination progressive de la production du SPFO a pris fin en 2002 (http://www.solutions.3m.com).

On estime que la plus grande partie des composés alkyle perfluoréss importés au Canada ont servi à la fabrication de substances hydrofuges, oléofuges, antisalissures et imperméables aux graisses, qui sont appliquées sur les tissus, les emballages, les tapis et les moquettes, ou qui entrent dans la fabrication d'agents tensioactifs, de détergents, d'émulsifiants, d'agents mouillants, de dispersants et de mousses extinctrices. On croit que bon nombre de ces produits contiennent du SPFO et ses précurseurs.

Sources de rejets

Des rejets significatifs de SPFO dans l'environnement canadien peuvent être causés par les principales utilisations des agents hydrofuges, oléofuges et antisalissures pour l'emballage (Environnement Canada, 2001). Pour le moment, il n'y a pas de données sur les rejets possibles au Canada dus à l'utilisation et à l'élimination finale d'une grande variété de produits de consommation finis importés qui peuvent contenir du SPFO ou ses précurseurs.

Il faut également s'attendre à des rejets dans l'environnement provenant des traitements de surface appliqués aux tapis et aux moquettes; il peut s'agir de rejets notamment dans l'atmosphère et dans les eaux usées industrielles, durant l'application initiale de ces substances chimiques (p. ex. sur les tapis non coupés) (EPA OPPT AR226-0550). Il peut y avoir des déchets supplémentaires créés par les opérations de coupage, de taille ou d'emballage, qui sont habituellement mis en décharge ou recyclés. De plus, l'utilisation finale des produits de consommation entraîne aussi des rejets (par exemple, les substances libérées durant le nettoyage à l'aspirateur des moquettes; enfin, l'élimination finale des moquettes traitées se fait habituellement dans les décharges) (EPA OPPT AR226-0550). Selon les statistiques d'Industrie Canada (2002), 22 usines de fabrication de tapis et de moquettes étaient en activité au Canada en 1999; il faut noter que ce nombre n'inclut ni les établissements classifiés comme « entreprises sans salariés », ni les usines dont l'activité principale n'est pas la fabrication de moquettes. Quant aux mousses extinctrices, leur élimination finale devrait se faire surtout dans les réseaux d'égouts (épuration des eaux usées), bien que des rejets non limités dans les eaux de surface ou sur le sol ne puissent être exclus (EPA OPPT AR226-0550).

On croit que la combustion incomplète durant l'incinération de produits contenant du SPFO pourrait entraîner la libération de SPFOH (forme acide du SPFO) dans l'environnement (EPA, 2002). Une étude d'incinération en laboratoire du SPFO et des perfluorosulfonamides en C8 a déterminé qu'un système d'incinération en vraie grandeur fonctionnant correctement (à température élevée) peut éliminer de façon adéquate le SPFO et les perfluorosulfonamides en C8 (EPA OPPT AR226-136); en outre, elle a indiqué que l'incinération de ces substances n'était vraisemblablement pas une source significative de SPFO dans l'environnement. En effet, la liaison C-S était complètement détruite, ce qui indique que la transformation de tout produit de combustion en SPFO était aussi très peu probable. On est donc d'avis que la formation et le rejet possibles de SPFO dus à leur incinération incomplète ne sont pas une source significative au Canada, d'autant plus que seulement 5 % des déchets sont éliminés par incinération (Compass Environmental Inc., 1999).

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