Suivi de l’évaluation du risque écologique des substances organostanniques inscrites sur la Liste intérieure : chapitre 5
5. Caractérisation des risques
- 5.1 Monoalkylétains et dialkylétains
- 5.2 Composés du tributylétain et du triphénylétain
- 5.3 Tétrabutylétains et tétraphénylétain
Pour ses évaluations environnementales des substances organostanniques ayant fait l’objet d’avis, comme substances nouvelles et/ou transitoires, entre août 1994 et mars 2000, Environnement Canada a utilisé des estimations des taux de rejets dans l’eau et des facteurs d’évaluation prudents pour le calcul des concentrations estimées préoccupantes. Il a été conclu que les concentrations de ces substances dans l’eau et les sédiments pourraient être suffisamment élevées pour nuire à des organismes. Par conséquent, les substances ayant fait l’objet d’avis sont soupçonnées d’être toxiques en vertu de l’alinéa 64 a) de la LCPE (1999) [Environnement Canada, 2006].
Environnement Canada (2006) a noté que l’application de pratiques de gestion efficaces dans les installations où l’on utilise des stabilisants aux organostanniques permettrait de réduire les rejets de ces substances à des valeurs qui vraisemblablement ne seraient pas préoccupantes pour les organismes aquatiques.
À cause de préoccupations particulières ayant trait aux substances persistantes et bioaccumulables, le potentiel des composés du tributylétain et du triphénylétain de nuire à l’environnement a fait l’objet d’une évaluation distincte. La possibilité que les tétrabutylétains et le tétraphénylétain nuisent à l’environnement a aussi été évaluée séparément car ils peuvent, respectivement, être les précurseurs de composés du tributylétain et du triphénylétain.
5.1 Monoalkylétains et dialkylétains
Le tableau 8 présente les rapports des CEP aux concentrations sans effet prévues (CSEP) calculés à partir des données de toxicité pour les organismes pélagiques présentées dans la section 4 et des CEP fondées sur la concentration prévue la plus élevée obtenue au moment des évaluations des composés organostanniques nouveaux ou faisant l’objet d’une disposition transitoire (section 3.2.1). L’utilisation présumée est celle de stabilisants du CPV. La quantité de composés organostanniques utilisés pour la catalyse ou le revêtement du verre est jugée de beaucoup inférieure à celle utilisée pour les stabilisants du CPV, de sorte que les CEP et les rapports CEP/CSEP résultant de ces utilisations seraient passablement inférieurs aux valeurs du tableau 8. Dans ce tableau et les tableaux suivants, les valeurs de toxicité sont qualifiées de valeurs critiques de la toxicité, ou VCT. De façon générale, les CSEP sont calculées en divisant les VCT par des facteurs d’évaluation (100 pour les critères de létalité aiguë et 10 pour les critères de la CE50 chez les algues et des effets chroniques). Selon cette méthode, les mono- et dibutylétains et les dioctylétains présentent des rapports CEP/CSEP supérieurs à 1, ce qui indique un potentiel d’effet nocif.
CEP (µg/L) |
VCT (µg/L) |
CSEP (µg/L) |
CEP/CSEP | |
---|---|---|---|---|
Monométhylétains | 2,0 | 178 | 18 | 0,1 |
Diméthylétains | 2,0 | 756 | 76 | 0,03 |
Monobutylétains | 2,0 | 16 | 1,6 | 1,3 |
Dibutylétains | 2,0 | 13 | 0,13 | 15 |
Monooctylétains | 2,0 | >234 | >2,34 | <0,9 |
Dioctylétains | 2,0 | 4,1 | 0,04 | 50 |
Comme on peut le voir dans le tableau 9, la mise en place dans l’ensemble de l’industrie de pratiques de gestion pour l’utilisation des stabilisants du CPV donne lieu à une CEP inférieure (section 3.2.1) qui a pour effet de réduire à moins de 1 les rapports CEP/CSEP.
CEP (µg/L) |
VCT (µg/L) |
CSEP (µg/L) |
CEP/CSEP | |
---|---|---|---|---|
Monométhylétains | 0,008 | 178 | 18 | 0,0004 |
Diméthylétains | 0,008 | 756 | 76 | 0,0001 |
Monobutylétains | 0,008 | 16 | 1,6 | 0,005 |
Dibutylétains | 0,008 | 13 | 0,13 | 0,06 |
Monooctylétains | 0,008 | >234 | >2,34 | <0,003 |
Dioctylétains | 0,008 | 4,1 | 0,04 | 0,2 |
5.2 Composés du tributylétain et du triphénylétain
Les composés du tributylétain et du triphénylétain satisfont aux critères de la persistance et de la bioaccumulation énoncés dans le Règlement sur la persistance et la bioaccumulation de la LCPE (1999) [Gouvernement du Canada, 2000].
Des substances aussi persistantes et bioaccumulables sont sources de préoccupations particulières. Bien que les données scientifiques actuelles ne permettent pas de prévoir avec exactitude les effets écologiques à long terme de ces substances, il est généralement admis qu’elles pourraient avoir des incidences graves et peut-être irréversibles. Il faut donc appliquer une démarche préventive et proactive à leur évaluation afin de garantir que de tels dommages ne se produisent pas.
Le fait qu’une substance soit persistante et bioaccumulable en prenant en consideration le potentiel de rejet ou de formation dans l’environnement ainsi que le potentiel de toxicité pour les organismes fournit un indice appréciable qu’elle peut pénétrer dans l’environnement dans des conditions qui peuvent avoir un effet nocif à long terme sur l’environnement. Les substances persistantes demeurent dans l’environnement pendant de longues périodes, ce qui accroît la probabilité et la durée de l’exposition. Les substances persistantes pouvant faire l’objet d’un transport à grande distance sont particulièrement préoccupantes car elles peuvent donner lieu à une contamination régionale de faible intensité. Les rejets de quantités extrêmement faibles de substances persistantes et bioaccumulables peuvent se traduire par des concentrations relativement élevées dans des organismes répartis sur de grandes superficies. Les substances fortement bioaccumulables et persistantes peuvent aussi faire l’objet d’une bioamplification dans la chaîne alimentaire, ce qui se traduit par des expositions par voie interne particulièrement élevées chez les prédateurs de niveau supérieur. Comme elles sont largement répandues, plusieurs substances persistantes et bioaccumulables peuvent se retrouver simultanément dans les tissus d’organismes, ce qui accroît la probabilité et la sévérité d’effets nuisibles.
D’autres facteurs peuvent accroître les préoccupations à l’égard du potentiel d’effets nocifs pour l’environnement des substances persistantes et bioaccumulables. Ainsi, on s’inquiète particulièrement des substances qui peuvent être nocives pour des organismes à des concentrations relativement faibles ou qui présentent des modes d’action toxique particuliers (autres que la narcose). Le fait qu’une substance n’existe pas naturellement dans l’environnement peut aussi indiquer un potentiel élevé de toxicité car les organismes n’ont eu que très peu de temps pour élaborer des stratégies d’atténuation des effets de l’exposition. Les études de surveillance montrent que le fait qu’une substance soit largement répandue dans l’environnement ou que ses concentrations aient augmenté avec le temps est un indice de potentiel d’exposition élevé.
Chacun des groupes de faits mentionnés ci-dessus est utilisé pour l’examen des composés du tributylétain et du triphénylétain présenté dans le tableau 10.
Indicateur | Évaluation | |
---|---|---|
Tributylétains | Triphénylétains | |
Persistance (telle que définie dans le Règlement de la LCPE (1999)) | Les tributylétains sont persistants dans les sédiments (t1/2 = 0,9-15 ans). Le potentiel de transport à grande distance est cependant limité car ils ne sont pas persistants dans l’eau et ne se déplacent pas vers l’air. | Les triphénylétains sont persistants dans les sédiments (t1/2 = 3,1 ans). Le potentiel de transport à grande distance est cependant limité car ils ne sont pas persistants dans l’eau et ne se déplacent pas vers l’air. |
Bioaccumulation (telle que définie dans le Règlement de la LCPE (1999)) | Les tributylétains sont fortement bioaccumulables, des FBA pouvant atteindre 900 000 ayant été signalés. Les concentrations dans les tissus des prédateurs supérieurs sont aussi élevées (jusqu’à 4 µg/g de masse humide). Des données limitées d’une bioamplification ont été rapportées pour certaines chaînes alimentaires marines. | Les triphénylétains sont fortement bioaccumulables, des FBC pouvant atteindre 11 400 ayant été signalés. Les concentrations dans les tissus des poissons d’eau profonde sont aussi élevées (jusqu’à 4,2 µg/g de masse humide). Bien que les données soient très rares, les triphénylétains pourraient présenter un certain potentiel de bioamplification. |
Toxicité inhérente | Les tributylétains sont toxiques à faibles concentrations. Ainsi, la CSEO signalée pour le guppy est de 0,01 µg/L. Il peut aussi exister divers modes particuliers d’action toxique, dont la perturbation endocrinienne. | Les triphénylétains sont toxiques à faibles concentrations. Ainsi, la CMEO signalée pour des alevins vésiculés de la truite arc-en-ciel (mortalité) est de 0,209 µg/L. |
Présence à l’état naturel | Les tributylétains ne sont pas des substances présentes à l’état naturel. | Les triphénylétains ne sont pas des substances présentes à l’état naturel. |
Présence généralisée | Des tributylétains ont été décelés dans les eaux de surface et les sédiments dans tout le Canada, mais les concentrations ont diminué depuis que leur utilisation dans les peintures antisalissures au Canada a fait l’objet de restrictions en 1989. | Des triphénylétains n’ont pas été décelés dans les eaux de surface au Canada, mais l’ont été dans des échantillons de sédiments en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse. |
Les quotients de risque peuvent être utilisés pour indiquer le potentiel d’effets nuisibles pour l’environnement des substances persistantes et bioaccumulables, mais cette méthode aurait sans doute pour effet de sous-estimer le risque. Par exemple, lorsqu’un état d’équilibre n’a pas été atteint dans l’environnement et que les concentrations sont constamment en hausse, les CEP seront trop faibles. En outre, les CSEP pourraient être trop élevées à cause de la longue période nécessaire pour atteindre l’état d’équilibre et de l’absence d’exposition par consommation d’aliments au cours des essais de toxicité de laboratoire qui sont normalement faits à court terme.
Des quotients de risque pour les tributylétains ont quand même été calculés à des fins de comparaison. Des rapports CEP/CSEP pour les composés du tributylétain, basés sur des CEP obtenues par modélisation ou mesurées dans l’eau et les sédiments, sont présentés dans le tableau 11. La recommandation canadienne pour la qualité des eaux s’appliquant à la protection de la vie aquatique d’eau douce est de 0,008 µg/L (CCME, 1999) et a été utilisée comme CSEP pour les tributylétains dans l’eau. L’organisme benthique le plus vulnérable signalé est l’éphémère, Hexagenia spp., pour laquelle la CI50-21 jours (croissance) était de 1,5 mg de tributylétain/kg de masse sèche. La division de cette valeur de toxicité par un facteur d’évaluation de 100 (10 pour extrapoler d’aiguë à chronique la concentration sans effet, et 10 pour tenir compte de l’extrapolation des conditions de laboratoire aux conditions sur le terrain et de la variabilité intra et interspécifique) donne une CSEP chronique de 0,015 mg/kg (masse sèche) pour les tributylétains dans les sédiments. Tous les quotients de risque présentés dans le tableau 11 sont nettement supérieurs à 1.
CEP | VCT | CSEP | CEP/CSEP | |
---|---|---|---|---|
Eau : CEP modéliséeNote de bas de page a.2 | 0,22 µg/L | - | 0,008 µg/L | 28 |
Eau : CEP mesuréeNote de bas de page b | 0,043 µg/L | - | 0,008 µg/L | 5,4 |
Sédiments : CEP modéliséeNote de bas de page a.2 | 7,8 mg/kg masse sèche | 1,5 mg/kg masse sèche | 0,015 mg/kg masse sèche | 520 |
Sédiments : CEP mesuréeNote de bas de page b | 2,4 mg/kg masse sèche | 1,5 mg/kg masse sèche | 0,015 mg/kg masse sèche | 160 |
Il est conclu, sur la base des divers groupes de faits présentés plus haut, que les composés du tributylétain et du triphénylétain peuvent être nuisibles pour l’environnement. Par ailleurs, on croit que les triphénylétains ne sont pas actuellement utilisés au Canada.
5.3 Tétrabutylétains et tétraphénylétain
Tel qu’indiqué dans la section 3.1.2, et comme pour la plupart des autres composés organostanniques, on ne croit pas que les tétrabutylétains et le tétraphénylétain soient persistants dans l’environnement. Les tétrabutylétains devraient se dégrader en tributylétains par le retrait de l’un des groupements alkyle rattachés à l’atome d’étain. Le tétraphénylétain devrait se dégrader en triphénylétains par une réaction semblable. À titre de précurseurs de composés persistants et bioaccumulables pouvant être nuisibles à l’environnement, les tétrabutylétains et le tétraphénylétain sont eux-mêmes considérés comme pouvant être nuisibles.
Il existe des données permettant d’évaluer, par une méthode de quotient, les risques pour les organismes pélagiques d’une exposition directe aux tétrabutylétains. On obtient une CEP de 1,2 µg/L en se fondant sur la concentration la plus élevée de tétrabutylétains prévue au moment des évaluations des composés organostanniques nouveaux ou faisant l’objet d’une disposition transitoire connexe à leur utilisation comme intermédiaires chimiques (Environnement Canada, 2006). On obtient une CSEP de 0,45 µg/L en divisant par un facteur d’évaluation de 100 la VCT aiguë de 45 µg de tétrabutylétain/L (tableau 7). Selon ces données, le rapport CEP/CSEP est de 2,7, ce qui porte à croire à un certain potentiel de nocivité pour les organismes pélagiques.
Il est conclu, sur la base des divers groupes de faits présentés plus haut, que les tétrabutylétains et le tétraphénylétain peuvent être nuisibles pour l’environnement. Par ailleurs, on croit que le tétraphénylétain n’est pas actuellement utilisé au Canada.
Détails de la page
- Date de modification :