Chabot du versant est (populations des rivières St. Mary et Milk) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Les chabots sont nocturnes et ont tendance à se cacher (généralement sous des roches) pendant les heures de clarté (McPhail, 2001). Les « chabots tachetés » sont présents dans les cours d'eau modérément froids comprenant des habitats de radier, des substrats de gravier ou de roches et des courants lents ou rapides (Peden, 2000). Une ancienne étude de Bailey (1952) sur le chabot des montagnes Rocheuses (C. bairdii punctulatus), qui pourrait être du même taxon que le chabot du versant est (voir la section Taxinomie), dans le sud-ouest du Montana, constatait également la présence en abondance de ces poissons dans les habitats de radier parsemés de pierres et de roches qui constituent des refuges. Ces chabots sont généralement absents des fosses dont le fond se compose entièrement de sable ou d'argile (Bailey, 1952). Il y a peu de données sur les préférences thermiques des « chabots tachetés » de l’Ouest, mais on a constaté que les populations de chabots à tête courte étaient présentes dans les cours d'eau dont les températures atteignaient en moyenne 15 °C (de 8 °C à 21  °C) le printemps et l'été, en Oregon (Bond, 1963), et entre 12 °C et 18 °C l'été et entre 0 °C et 4 °C l'hiver, en Colombie-Britannique (Peden, 2000).

La seule étude qui décrive l'habitat de fraye portait sur le chabot des montagnes Rocheuses dans le sud-ouest du Montana (Bailey, 1952). Les nids étaient des trous sous les roches, d’un diamètre de 0,12 m à 0,38 m. Les œufs étaient généralement attachés aux roches, mais aussi parfois à la végétation aquatique, au bois et à d'autres débris (Bailey, 1952). Les nids se trouvaient à des profondeurs de plus de 0,3 m, et la vitesse de surface se situait entre 0 m/s et 1,6 m/s.

Depuis les années 1960, un certain nombre d'études sur les rivières St. Mary et Milk ont décrit les caractéristiques d'habitat préférées du chabot du versant est. Willock (1969) affirmait que la basse température et la grande limpidité des eaux du cours supérieur de la rivière Milk pouvaient expliquer la présence d'espèces comme le chabot du versant est. Ces caractéristiques sont associées à une plus forte pluviosité, à l’altitude et au dénivelé, à une végétation plus dense et à une plus faible érosion, le substrat gréseux du cours supérieur de la rivière Milk étant plus résistant que le substrat des tronçons inférieurs (Willock, 1969). Plus précisément, Willock (1969) affirmait que la température des eaux était le facteur qui avait le plus d'influence sur la répartition des chabots dans la rivière Milk. Il a de plus constaté que les chabots étaient plus nombreux dans les sections de la rivière Milk où il y avait peu ou pas de courant et étaient aussi nombreux dans les embouchures des ruisseaux que dans le bras principal. Paetz (1993) observait lui aussi que, dans les rivières St. Mary et Milk Nord, les chabots étaient plus nombreux dans les secteurs rocheux, libres de vase et situés près de la rive, où les courants étaient plus lents, tandis qu'ils étaient absents du chenal principal. Dans le ruisseau Lee (affluent de la rivière St. Mary), les chabots semblaient préférer les marges légèrement vaseuses, où le courant était moins rapide, que le centre du chenal, où il n'y avait pas de vase, mais où la vitesse était plus élevée (Paetz, 1993). Paetz (1993) remarquait également que, en l'absence de roches et de pierres, dans le cours moyen de la rivière Milk, les chabots occupaient les secteurs à courant plus lent où le carex immergé et les buissons des berges traînaient dans l'eau, ce qui est particulièrement le cas près de la ville de Milk River. Les débris ancrés par une obstruction, comme une racine sortant du lit de la rivière, figurent parmi les autres habitats recensés. Clayton et Ash (1980) remarquaient quant à eux que les chabots du versant est semblaient préférer les substrats propres, mais qu'ils étaient présents, quoiqu’en moins grand nombre, dans les fosses tranquilles à substrat vaseux.

Une évaluation détaillée de l'habitat du chabot du versant est a été menée en 2000-2001 dans les bassins des rivières St. Mary et Milk (R.L. & L., 2002). Une part de la variabilité observée dans le choix de l'habitat semblait être spécifique au bassin et dépendre de la disponibilité du type d’habitat ainsi que du niveau de l'eau. De manière générale, le chabot occupe principalement des zones peu profondes de plats et de radiers ainsi que des plats à grosses roches qui offrent un refuge aux poissons. Une analyse statistique des caractéristiques des microhabitats a montré que le chabot du versant est n'était pas associé à des caractéristiques précises, mais qu'il semblait plutôt généraliste (R.L. & L., 2002). Cela dit, les captures ont été faites généralement en eaux peu profondes (de 0,05 à 0,42 m, moyenne de 0,19 m de profondeur) et où le courant était faible (de 0 à 0,6 m/s, moyenne de 0,22 m/s). L’épaisseur de la vase était faible (de 0,0 à 0,02 m), les roches constituaient le type prédominant d'abri (de 10 % à 40 %), la turbidité était faible (de 0 à 5 %) et le substrat était principalement constitué de gravier et de pierres (R.L. & L., 2002).

On dispose de peu de renseignements sur les caractéristiques d'habitat associées aux divers stades du cycle vital du chabot du versant est. Les habitats de fraye, d’élevage et d'alimentation ne semblent pas limités dans la rivière St. Mary ni dans les sections d’amont de la rivière Milk où on trouve des chabots (R.L. & L., 2002). Fait intéressant à souligner, Willock (1969) a enregistré un nombre étonnamment élevé de jeunes chabots dans les zones vaseuses à faible dénivelé de la rivière Milk, ce qui porte à croire que ces zones servent à l’élevage. De façon similaire, Bailey (1952) a observé de petits individus de chabots des montagnes Rocheuses dans les eaux tranquilles près des rives. Il pense que ces petits chabots pouvaient soulever des nuages de vase pour se cacher. Les habitats d'hivernage sont également nombreux dans les deux bassins, à condition que le débit d'eau soit suffisant (R.L. & L., 2002).


Tendances en matière d’habitat

Les plus importantes perturbations apportées à l’habitat du chabot dans les rivières St. Mary et Milk sont les dérivations, les réservoirs et les prélèvements d'eau pour l’irrigation. Ces facteurs, combinés aux fréquentes périodes de sécheresse que connaît le sud de l'Alberta, ont sérieusement réduit l'habitat du chabot. La construction du réservoir St. Mary, achevée en 1951 (Clayton, comm. pers.) a considérablement modifié l'habitat des poissons dans la rivière St. Mary (voir dans la section Répartition la figure 4, qui montre l'emplacement du barrage). Rien n'indique à l'heure actuelle que le chabot du versant est serait présent dans le réservoir ou en aval de celui-ci (Roberts, comm. pers.; Clayton, comm. pers.). On ignore si ce chabot a déjà occupé ces sections, mais une expansion future vers l’aval n'est pas possible en raison de la présence du barrage. En outre, l'absence de chabots dans le réservoir porte à croire que les conditions (les régimes de température et les types de fond) ne leur sont pas favorables.

La plus importante perturbation de l'habitat dans la rivière Milk s'est produite après 1917, année où a été aménagé au Montana le canal St. Mary afin de détourner l'eau de la rivière St. Mary vers la rivière Milk Nord pour l’irrigation. La plupart des années, le canal dérive l'eau d'avril à septembre, gonflant ainsi le volume de la rivière Milk Nord et de la rivière Milk. Avant l’aménagement du canal, la rivière Milk était probablement un petit cours d'eau typique des prairies, au cours peut-être intermittent pendant les épisodes de sécheresse, et qui était de manière générale moins turbide (Willock, 1969). Même si le volume d'eau a peut-être augmenté en aval de la sortie du canal dans la rivière Milk Nord, ce débit est hautement contrôlé et peut être coupé temporairement ou prématurément pendant les mois d'eaux libres si le canal nécessite des réparations. Cette possibilité, combinée aux périodes de sécheresse courantes dans cette région, peut réduire de façon importante la disponibilité des habitats pour le chabot dans la rivière Milk. En outre, les prélèvements d'eau pratiqués dans le cours supérieur de la rivière Milk au Montana, qui se trouve en amont du confluent de la rivière Milk Nord, peuvent être en partie responsables de la disparition des chabots dans cette section du bras principal (Paetz, 1993). En 2000-2001, le cours supérieur de la rivière Milk était à sec pendant les saisons d'échantillonnage d’été et d’automne (R.L. & L., 2002). En fait, cette section est souvent sèche pendant les mois d'été (Clayton, comm. pers.). Toute occupation de cette section de la rivière par les chabots est au plus temporaire. De la même manière, les affluents de la rivière Milk Nord sont considérés comme éphémères et sont secs ou seulement mouillés la majeure partie de l'année dans des conditions moyennes (Clayton, comm. pers.).

Aucune autre perturbation majeure de l'habitat n'a été observée depuis la construction du réservoir St. Mary. La disponibilité de l'habitat, particulièrement pour l'hivernage dans la rivière Milk, diffère largement d'une année à l'autre et dépend du débit. Les conditions de sécheresse extrême et le contrôle du débit d'eau associé au canal St. Mary peuvent causer un étiage extrêmement marqué, comme cela a été le cas à la fin de l'été et à l'automne en 2000 et en 2001 (R.L. & L., 2002). La proposition récurrente de construire un barrage pour l'irrigation sur la rivière Milk, en amont de la ville de Milk River, est une menace éventuelle à l'habitat actuel du chabot dans la rivière Milk. Un tel barrage aurait pour effet d'inonder environ 19 km de la rivière Milk Nord et 11 km du bras principal de la rivière Milk (R.L. & L., 1987), ce qui entraînerait la destruction d'environ 10,5 % des habitats existants en amont du barrage ainsi que d'autres répercussions en aval de celui-ci (Paetz, 1993), notamment la modification du débit, de la turbidité et des températures.

En termes de possibilité de recolonisation, le canal d'irrigation St. Mary est probablement une voie de migration annuelle du cours supérieur de la rivière St. Mary, au Montana, vers la rivière Milk Nord. L'expansion vers l'est présumée des chabots dans la rivière Milk depuis que l'espèce a été enregistrée pour la première fois dans les années 1960 (voir la section Répartition) porte à croire que le chabot du versant est a la capacité de coloniser un nouvel habitat, particulièrement vers l’aval. Peden (2000) prétend quant à lui que les différences génétiques entre les populations de « chabots tachetés » en Colombie-Britannique, combinées à un mode de vie relativement sédentaire, indiquent que leur dispersion est lente et que leurs déplacements entre les cours d’eau sont limités. À la lumière de cette information, la recolonisation d'une population disparue dans la rivière Milk Nord grâce à l'immigration annuelle provenant de la rivière St. Mary par le canal est probable et pourrait se produire assez rapidement (environ 10 ans). Néanmoins, les récentes périodes de sécheresse ainsi que d'autres facteurs rendent une telle recolonisation douteuse pour l'instant. La recolonisation du bras principal de la rivière Milk à partir de la rivière Milk Nord serait un processus plus lent (10 ans ou plus) si l'on se fie à des rapports antérieurs signalant les changements dans la répartition (Willock, 1969; Clayton et Ashs, 1980). La recolonisation naturelle de la rivière Milk à partir du bassin du haut Missouri, au Montana, n'est pas possible vu l'absence de chabots dans la rivière Milk en aval de la frontière internationale et la présence d'au moins six barrages infranchissables (Stash, 2001). De la même façon, la recolonisation naturelle de la rivière St. Mary à partir de la rivière Milk Nord est de toute évidence impossible en raison de la configuration du Canal St. Mary (Clayton, comm. pers.).


Protection et propriété

Les habitats des rivières St. Mary et Milk sont en grande partie situés sur des terrains privés et aucun n'est protégé par la loi. La Couronne est propriétaire du lit des cours d'eau et des rives jusqu'à 6 pieds au-dessus du niveau maximal. Seulement 38 % des terrains en bordure des rivières Milk et Milk Nord sont privés. Les autres appartiennent à l'État, mais sont en grande partie loués pour le pâturage. À l'intérieur du bassin, c'est probablement la majorité des terres qui sont ainsi cédées (Clayton, comm. pers., 2005).

Même si l’espèce pourrait bénéficier d’une protection en vertu des dispositions sur l’habitat des poissons de la Loi sur les pêches (du gouvernement fédéral) ou de la Wildlife Act de la province, aucune mesure à cet effet n’a été prise à ce jour. Paetz (1993) a élaboré un plan de gestion provincial afin d'aider à protéger les populations existantes. Plus récemment, des relevés ont été commandés dans la rivière Milk (de 2000 à 2002) en vue de déterminer le statut de plusieurs espèces non pêchées, notamment le chabot du versant est, et de fournir des recommandations pour leur protection (voir R.L. & L., 2002; P & E, 2002).

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