Paruline de Kirtland (Dendroica kirtlandii) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

La Paruline de Kirtland est une espèce spécialiste en matière d’habitat; elle occupe exclusivement des peuplements de pin gris au stade de succession initial. Ces peuplements peuvent s’être régénérés (naturellement ou par plantation) après un incendie de forêt ou une récolte de bois. De nos jours, par contre, la plupart des Parulines de Kirtland se reproduisent dans des plantations de pin gris entretenues spécialement pour l’espèce (Environnement Canada, 2006).

L’espèce semble également vulnérable à la superficie de son habitat. Mayfield (1992) a constaté que l’espèce ne niche pas dans des régions boisées de pin gris d’une superficie inférieure à 30 ha et que le succès de reproduction est maximal dans les parcelles de plus de 200 ha. Cette vulnérabilité à la superficie de son habitat est corroborée par l’étude d’Anderson et Storer (1976), laquelle a démontré que 90 p. 100 des nids d’où des juvéniles avaient pris leur premier envol se trouvaient dans des peuplements de plus de 80 ha.

La Paruline de Kirtland a également des besoins précis en matière de microhabitat. Les peuplements denses de pin gris comptant plus 3 500 pins par hectare, un couvert végétal de 35 à 65 p. 100 et un feuillage touffu sont privilégiés (Probst, 1988; Kepler et al., 1996). Les peuplements sont colonisés pour la première fois par la Paruline de Kirtland environ six ans après un incendie, dans des zones où la végétation en régénération est le plus dense et où elle atteint une hauteur de 1,5 à 2,0 m (Mayfield, 1992). Le succès de la nidification est maximal dans des bosquets de pins épars et denses d’une hauteur de 1,5 à 5 m (de 7 à 20 ans d’âge).

Autrefois, l’espèce se reproduisait exclusivement dans des peuplements de pin gris en début de succession régénérés à la suite d’un incendie, mais plus de 90 p. 100 de la population se reproduit maintenant dans des plantations de pin gris aménagées spécialement pour l’espèce (Environnement Canada, 2006). Dans ces plantations, les arbres sont plantés à intervalles de 1,2 m dans des rangs distants de 1,8 m (4 510 pins par hectare). De grandes clairières elliptiques sont intégrées aux plantations à l’instar des ouvertures présentes dans les landes à pin gris, et 25 p. 100 de la plantation est laissée en jachère (Houseman et Anderson, 2002). La Paruline de Kirtland niche également dans des plantations mixtes et parfois dans des plantations de pin rouge (Pinus resinosa) ou même de pin sylvestre (P. sylvestris) (Weinrich, 1994).

Probst et al. (2003) ont suggéré, d’après les densités de reproduction historiques (Probst et Weinrich, 1993), qu’un dense peuplement de pin gris de 200 à 400 ha serait nécessaire pour accueillir de façon permanente 25 couples de Parulines de Kirtland. En présumant que la Paruline occupe une parcelle de l’habitat pendant 10 ans et que le taux de rotation soit de 50 ans, il faudrait de 1 000 à 2 000 ha pour maintenir une régénération de pin gris satisfaisant les besoins de 25 couples.

La Paruline de Kirtland niche au sol sur un terrain bien drainé et sablonneux où elle trouve généralement les espèces suivantes : bleuet en corymbe (Vaccinium corymbosum), airelle fausse-myrtille (V. myrtilloides), raisin d’ours (Arctostaphylos uva-ursi), fougère-aigle commune (Pteridium aquilinum), amélanchier à feuilles d’aulne (Amelanchier spp.), cerisier de sable (Prunus pumila), comptonie voyageuse (Comptonia peregrina), graminées (p. ex., Andropogon spp.), carex (Carex spp.) et verges d’or (Solidago spp.). Retarder la plantation de trois ans à la suite d’un brûlage dirigé augmente le couvert de bleuet en corymbe, plante qui semble étroitement associée à la reproduction de la Paruline (Houseman et Anderson, 2002).

Pour obtenir de plus amples renseignements sur les besoins en matière d’habitat, consulter Wood (1904); Barrows (1921); Leopold (1924); Wing (1933); Mayfield (1953, 1960, 1962); Line (1964); Anderson et Storer (1976); Chamberlain (1978); Buech (1980); Harwood (1981); Ryel (1981); Wright et Bailey (1982); Probst (1986); Probst et Hayes (1987); Probst et Donnerwright (2003); Probst et al. (2003).

Tendances en matière d’habitat

Il est difficile de dégager des tendances en matière d’habitat chez la Paruline de Kirtland, car, à moins que des mesures spéciales de gestion ne soient appliquées, son habitat de prédilection est en constante mutation au fur et à mesure que les peuplements vieillissent. Comme on ne prévoit aucun gain net en habitat dans la basse péninsule du Michigan pour le début du XXIe siècle, on s’attend à ce que la population de Parulines de Kirtland se stabilise dans cette région (Probst et Weinrich, 1993). Dans la haute péninsule, les quatre secteurs occupés par l’espèce atteindront bientôt un stade de succession impropre à la Paruline de Kirtland (hauteur des arbres de 1,7 à 5,0 m). Cependant, des peuplements de pin gris en régénération dans d’autres secteurs pourraient compenser ces pertes d’habitat (p. ex. de 1998 à 2000, Baraga Plains, dans le nord-est du comté de Delta et le comté de Schoolcraft, ont fourni de l’habitat).

Il n’existe aucune information sur les tendances en matière d’habitat chez la Paruline de Kirtland au Canada. Des relevés démontrent cependant que, en Ontario, certaines régions boisées de pin gris (p. ex. Thessalon, Chapleau et Petawawa) représentent une structure d’habitat et une composition d’espèces végétales semblables à celles des habitats occupés par la Paruline de Kirtland au Michigan (Bloom, 2003); il est donc possible que l’habitat convenable ne soit pas restreint. En effet, l’équipe de rétablissement, à l’aide du système de cartographie de l’Inventaire des ressources forestières du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, a relevé des vastes territoires d’habitat de pin gris apparemment convenable dans le centre de l’Ontario, de Sault Ste. Marie et Chapleau jusqu’à North Bay et Petawawa.

Les différences entre les pratiques de gestion des peuplements de pin gris au Michigan qui sont entretenus spécialement pour accueillir la Paruline de Kirtland et les pratiques de gestion des peuplements de pin gris en Ontario sont décrites au tableau 1.

Une récente étude théorique suggère que l’aire de répartition de l’espèce pourrait s’étendre vers le nord au gré des changements dans l’habitat associés au réchauffement climatique (Botkin et al., 1991).

Protection et propriété

L’un des plus grands territoires abritant de l’habitat convenable à la Paruline de Kirtland au Canada se trouve sur la BFC Petawawa, en Ontario, qui appartient au ministère de la Défense nationale du Canada. D’autres territoires pouvant comporter un habitat convenable se trouvent soit sur des terres de la Couronne ou des terres des Premières nations (p. ex. l’île Manitoulin, Thessalon, entre Cartier et le lac Wanapitei et entre Chapleau et Gowganda). Il existe probablement de vastes territoires d’habitat de pin gris convenant à l’espèce, probablement sur des terres de la Couronne et, de ce fait, protégés (jusqu’à un certain point), mais la superficie exacte de ces territoires est inconnue.

Tableau 1. Comparaison des pratiques de gestion du pin gris au Michigan et en Ontario
( Department of Natural Resources du Michigan, 2007; T. Hogrefe, comm. pers., 2007)
Pratiques de gestion Michigan Ontario (Algoma)
Superficie des peuplements La densité des nids et la durée d’occupation sont plus élevées dans les peuplements de plus de 1 000 acres (404,7 ha). Les blocs aménagés couvrent plus de 300 acres (121,4 ha) et plus de 1 000 acres, lorsque cela est possible Aucune politique d’aménagement précise quant à la superficie des peuplements
Contrôle des incendies Auparavant, le brûlage servait à obtenir une densité de peuplement optimale pour la Paruline – aujourd’hui, on a recours à la récolte du bois Surtout des plantations, le brûlage est évité (risques de perte de contrôle)
Type de sol Sable fin à moyen (Grayling-Rubicon) Sols à sable grossier et à gravier
Cycle de rotation 55 ans (45 ans dans la haute péninsule) 75 ans
Repeuplement Plantation dans les coupes à blanc pour obtenir une régénération de 75 % (25 % de clairières) comportant de 1 à 5 clairières par acre. Aucun objectif précis de repeuplement
Régénération naturelle Pourrait représenter une solution moins coûteuse; implique des déchets de coupe verts ; les graines des cônes tombent donc sur un sol minéral.  
Densité Les coupes à blanc sont repeuplées à une densité d’au moins 1 089 plants par acre (0,4 ha) ou 1 450 plants par acre avec des clairières ?
Gestion des bordures Les arbres ne sont pas plantés jusqu’aux bordures des plantations dans la basse péninsule; ils le sont dans la haute péninsule Le pin gris est planté jusqu’aux bordures (routes, etc.); cela enlève de l’habitat d’alimentation
Gestion des déchets de coupe Les déchets de coupe sont déchiquetés et étalés dans les peuplements dans la basse péninsule, mais non dans la haute péninsule Les arbres sont ébranchés aux abords des chemins, ce qui laisse de gros amoncellements de déchets (ils sont rarement brûlés pour des raisons de responsabilité)
Protection spéciale Des affiches sont posées dans les peuplements pour réduire au minimum les perturbations dans la basse péninsule, mais non dans la haute péninsule Aucun affichage

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