Rat kangourou d'Ord (Dipodomys ordii) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le rat kangourou d’Ord préfère les habitats sablonneux dégagés, où la végétation est peu abondante, ce qui lui permet de se déplacer par bonds et de s’adonner à une intense activité de creusage de terriers (Bartholomew et Caswell, 1951; Armstrong, 1979; Hallett, 1982; Kenny, 1989; Gummer, 1999). Les rats kangourous ne peuvent pas bondir pour fuir des prédateurs dans une végétation dense, ni creuser de vastes terriers dans des sols à texture fine. L’habitat naturel se compose de dunes actives en érosion, de bancs de sable et de pentes sablonneuses de vallées situées dans des zones dunaires (Nero, 1956; Nero et Fyfe, 1956; Epp et Waker, 1980; Kenny, 1989; Gummer, 1999; Reynolds et al., 1999; Gummer et Robertson, 2003a; Gummer et Robertson, 2003c).

Les rats kangourous utilisent également les zones sablonneuses où le sol est perturbé par des activités humaines (Nero et Fyfe, 1956; Smith et Hampson, 1969; Kaufman et Kaufman, 1982; Stangl et al., 1992; Gummer, 1997a; Gummer, 1999; Bender et al., 2005), comme les routes, les sentiers, les pare-feux, les terres nues avoisinant les installations pétrolières et gazières, les parcours ou sentiers surpâturés et les abords des terres agricoles cultivées. Il semble que les habitats façonnés par l’humain, de piètre qualité, agissent comme des puits de population où le taux de mortalité dépasse le repeuplement. Cette question fait actuellement l’objet de recherches (Bender et al., 2005; Gummer, données inédites).


Tendances en matière d’habitat

Le rat kangourou a pour principal habitat naturel les dunes actives, qui sont vulnérables aux changements climatiques et à l’utilisation humaine du sol (Wolfe et Nickling, 1997; Wolfe et al., 2001). La végétation stabilise de plus en plus les dunes du sud des Prairies. Des facteurs climatiques, l’humidité en particulier, sont suspectés (David, 1993; Wolfe et al., 1995; Wolfe et al., 2000). On connaît peu le rôle joué par les pratiques d’utilisation humaine des terres sur la stabilisation des dunes, mais l’on sait qu’elles influencent les régimes de perturbation naturelle, dont les feux et les effets de gros brouteurs comme le bison.


Figure 5 : Taux de déclin observés (losanges) et tendance estimative (carrés) dans la zone de sable dénudé associée aux dunes actives des Middle Sand Hills (Alberta), d’après l’analyse de photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite

Figure 5 : Taux de déclin observés (losanges) et tendance estimative (carrés) dans la zone de sable dénudé associée aux dunes actives des Middle Sand Hills (Alberta), d’après l’analyse de photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite.

Bender et al., 2005.


En analysant des images de télédétection et des relevés d’arpentage datant de la fin des années 1800, Wolfe et al. (1995) ont constaté que les dunes s’étaient stabilisées depuis l’établissement des Européens. Récemment, Hugenholtz et Wolfe (2005) ont analysé des photographies aériennes et ont démontré que la zone dunaire des Great Sand Hills et d’autres régions s’est amenuisée depuis le milieu des années 1900. Vance et Wolfe (1996) et Muhs et Wolfe (1999) ont observé une diminution notable du sable dénudé dans les dunes depuis les années 1930, en analysant des photos historiques. Bender et al. (2005) ont quantifié les changements survenus dans les Middle Sand Hills de 1949 à 1998 en utilisant des photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite multispectrale. Les zones sablonneuses exposées n’ont cessé de diminuer à un taux moyen de 40 p. 100 par décennie (figure 5). L’analyse des dunes individuelles a révélé que beaucoup devenaient complètement stabilisées par la végétation (aucun sable dénudé restant) au taux moyen de sept dunes par décennie (figure 6), ce qui représente une perte de 53 p. 100 pour la période s’étalant entre 1995 et 2005. À ce rythme, toutes les dunes actives des Middle Sand Hills auront disparu d’ici 2014.


Figure 6 : Déclin du nombre de dunes actives dans les Middle Sand Hills (Alberta), d’après l’analyse de photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite

Figure 6 : Déclin du nombre de dunes actives dans les Middle Sand Hills (Alberta), d’après l’analyse de photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite.

Bender et al., 2005. La ligne de tendance indique le taux moyen de déclin extrapolé jusqu’en 2014, année où l’on prévoit la disparition complète des dunes.


Une analyse de l’évolution des terres a également été effectuée à l’aide d’une série chronologique d’images satellites multispectrales (série Landsat) pour évaluer les changements de couvert végétal survenus au fil du temps (Bender et al., 2005). Cette analyse a démontré une baisse de 50 p. 100 de la proportion de sable dénudé de 1974 à 2001 et une augmentation de l’empiétement par les arbustes depuis 1974. Ce déclin important des dunes actives depuis 1949 coïncide avec un accroissement deshabitats façonnés par l’humain dans la zone, plus particulièrement des routes sablonneuses, des sentiers et des pare-feux (figure 7). La plupart de ces habitats sont liés au nombre croissant de puits de pétrole et de gaz forés dans la zone (figure 8).


Figure 7 : Densité des caractéristiques linéaires, p. ex. les routes, les sentiers et les pare-feux, dans les Middle Sand Hills, d’après l’analyse de photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite

Figure 7: Densité des caractéristiques linéaires, p. ex. les routes, les sentiers et les pare-feux, dans les Middle Sand Hills, d’après l’analyse de photographies aériennes historiques et l’imagerie satellite.

Bender et al., 2005.


Figure 8 : Densité des installations de puits de pétrole et de gaz dans les Middle Sand Hills, d’après les données d’Ensight Corporation

Figure 8 : Densité des installations de puits de pétrole et de gaz dans les Middle Sand Hills, d’après les données d’Ensight Corporation.

Bender et al., 2005.


Protection et propriété

La majeure partie de l’habitat du rat kangourou au Canada se trouve sur des terres provinciales louées pour le pâturage des bovins. Environ 62 p. 100 (3 765 km2) de l’aire de répartition canadienne se trouve en Saskatchewan (figure 3), où au moins 6 p. 100 de l’aire de répartition canadienne (366 km2) est protégé contre l’agriculture et les nouveaux développements industriels dans la réserve écologique nouvellement établie Great Sand Hills Representative Area (Saskatchewan Environment, 2005). Les 38 p. 100 restants se trouvent en Alberta, où les terriers des rats kangourous sont protégés en vertu de la Wildlife Act de l’Alberta. Environ 13 p. 100 (811 km2) de l’aire de répartition canadienne se trouve à la Base des Forces canadiennes Suffield (figure 3), propriété du ministère fédéral de la Défense nationale. La BFC Suffield sert surtout à la formation militaire, entre autres aux exercices de tir réel. Les terrains sont également utilisés pour la production pétrolière et gazière et pour le pâturage, sous la gestion de l’Administration du rétablissement agricole des Prairies (ARAP). À la BFC Suffield, 6 p. 100 de l’aire de répartition canadienne (376 km2) du rat kangourou est désigné en tant que réserve nationale de faune en vertu de la Loi sur les espèces sauvages du Canada. On n’a recensé de rats kangourous dans aucune réserve indienne au Canada (Goulet, comm. pers., 2005) ni aucune terre de Parcs Canada (Achuff, comm. pers., 2005).

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