Saumon chinook (Oncorhynchus tshawytscha) : évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2018 : page 1

Description et importance de l'espèce sauvage

Nom et classification

Classe : Actinopterygii - Actinoptérygiens
Ordre : Salmoniformes
Famille : Salmonidae - Salmonidés
Binôme latin : Oncorhynchus tshawytscha (Walbaum)
Unité désignable : Voir la section sur les UD
Noms communs de l'espèce :
Français : saumon chinook, saumon quinnat
Anglais : Chinook Salmon, Spring Salmon, King Salmon (Scott et Crossman, 1973)
Premières Nations : tyee, sac'up, kwexwe, k'utala, keke'su7, po:kw' (Ducommun, 2013); ntitiyix, sk'elwis (Vedan, 2002), t'kwinnat ou quinnat (Scott et Crossman, 1973)

Description morphologique

Le saumon chinook est le plus grand des saumons du Pacifique (Netboy, 1958), son poids pouvant atteindre plus de 55 kg (Bailey, comm. pers., 2018). En plus de se démarquer par sa taille, le saumon chinook adulte (figure 1) se distingue des autres espèces d'Oncorhynchus par : 1) la présence de petites taches noires sur les deux lobes de la nageoire caudale (également présentes chez le saumon coho [O. kisutch]); 2) des gencives noires à la base des dents de la mâchoire inférieure; 3) une mâchoire inférieure pointue; 4) un grand nombre de cæca pyloriques (> 100) (McPhail et Lindsey, 1970; McPhail et Carveth, 1994; Bailey, comm. pers., 2018); 5) de grands otolithes. Le saumon chinook diffère également de tous les saumons, sauf le saumon coho, par la couleur variable de sa chair, qui varie du blanc au rouge en passant par différentes nuances de rose (Healey, 1991; Lehnert et al., 2016).

Illustration du saumon chinook (vue latérale).
Figure 1. Chinook Salmon adult, showing distinguishing spots on caudal fin. Image accessed from Image uploaded by Mcqueen9000.

Les alevins et les tacons du saumon chinook se distinguent par la présence de taches latérales (marques de tacon) qui descendent bien en dessous de la ligne latérale, la longueur des plus longues étant supérieure au diamètre vertical de l'œil (McPhail et Carveth, 1994). La nageoire adipeuse est normalement non pigmentée au centre, mais est bordée de noir (Dahlberg et Phinney, 1967). La nageoire anale n'est habituellement que légèrement falquée, et les rayons antérieurs ne dépassent pas l'insertion postérieure de la nageoire quand on les replie contre le corps. Le bord antérieur de la nageoire anale est blanc, mais la ligne sombre adjacente présente chez le saumon coho est absente. Cependant, comme les caractéristiques des juvéniles sont très variables, une identification exacte exige souvent la mesure des otolithes (M. Trudel, comm. pers.) ou le dénombrement des caractères méristiques et des cæca pyloriques (Healey, 1991).

Structure spatiale et variabilité des populations

L'information sur la structure spatiale et la variabilité de la population est traitée dans la section suivante portant sur les unités désignables.

Délimitation des unités désignables

Les unités désignables (UD) examinées dans le présent rapport ont été approuvées par le COSEPAC. Au moyen des méthodes fondées à la fois sur les lignes directrices du COSEPAC (Annexe V : Lignes directrices pour reconnaître les unités désignables inférieures à l'espèce) et les travaux de Pêches et Océans Canada (MPO) (Conservation Units for Pacific Salmon under the Wild Salmon Policy [Holtby et Ciruna, 2007] et La Politique du Canada pour la conservation du saumon sauvage du Pacifique [DFO, 2005a]), les populations de saumons chinooks du sud de la Colombie-Britannique ont été séparées en 28 UD selon leur répartition géographique, les variantes de leur cycle vital et les données génétiques. La désignation des UD est décrite en détail dans le rapport du COSEPAC sur les UD proposées pour le saumon chinookdans le sud de la Colombie-Britannique, intitulé COSEWIC Report on Proposed Designatable Units for Chinook Salmon (Oncorhynchus tshawytcsha) in Southern British Columbia (COSEWIC, 2015).

Les unités de conservation (UC) d'après la Politique sur le saumon sauvage (PSS) et les UD du COSEPAC partagent la même approche fondamentale : elles visent toutes deux le maintien de la variabilité génétique au niveau de l'espèce sauvage. Par conséquent, l'isolement et le caractère distinctif des populations sont importants dans les deux cas. Compte tenu des ressemblances de la justification et du processus sous-jacents appliqués pour l'établissement des UC et des UD, les définitions des UC existantes ont été utilisées comme fondement pour les UD. Les ressemblances et les différences entre ces types de délimitation sont décrites ci-dessous.

L'objectif de la PSS est de préserver la capacité des poissons à s'adapter aux facteurs de stress locaux en maintenant des populations de reproducteurs génétiquement diversifiées. Par conséquent, la protection du « profil » (groupes de populations) ainsi que du « processus » (intégrité et connectivité de l'habitat pour ces populations) s'avère essentielle (Moritz, 2002). La définition et la documentation des UC sont utilisées pour assurer la protection du profil. On entend par « unité de conservation » (UC) un groupe de saumons sauvages suffisamment isolé des autres groupes (c.-à-d. de groupes distincts), qui, s'il venait à disparaître, aurait peu de chances d'être reconstitué de manière naturelle dans un délai acceptable (Holtby et Ciruna, 2007). La définition des UC est fondée sur l'étude de l'écologie, du cycle vital et de la génétique biochimique dans le but d'identifier des unités significatives du point de vue de l'évolution (populations isolées sur le plan de la reproduction et/ou présentant une variation adaptative par rapport aux populations plus grandes). L'objectif des UC est de maintenir (dans la mesure du possible) la diversité génétique en préservant une ou plusieurs sous-populations à l'intérieur de chaque population locale afin d'éviter que la population ne devienne une population fermée. Une différence clé entre les UC et les UD est l'ajout du terme « sauvage » à la définition des UC, car les UD du COSEPAC pourraient inclure les populations mises en valeur, pourvu que celles-ci aient un effet neutre ou positif sur la valeur adaptative (fitness) des populations sauvages. Il convient de noter qu'il existe de nombreuses preuves démontrant que les individus provenant d'écloseries ont un effet néfaste sur la valeur adaptative des populations sauvages de saumons chinooks (DFO, 2017, sous presse).

Les UD sont définies comme étant « distinctes et importantes dans l'évolution taxinomique d'une espèce ». Par « important », on entend une unité qui est significative pour l'héritage évolutif d'une espèce et dont la perte ne pourrait probablement pas être compensée par une dispersion naturelle. Cet énoncé est en harmonie avec la définition d'une UC (un groupe suffisamment isolé des autres groupes, qui, s'il venait à disparaître, aurait peu de chances d'être reconstitué de manière naturelle), sauf qu'aucun délai n'est prescrit pour la reconstitution ou le remplacement dans le cas des UD.

Les codes D1, D2 et D3 sont utilisés pour décrire les trois critères relatifs au caractère distinct.

Le caractère distinct peut être fondé sur un ou plusieurs des critères suivants :

  1. les preuves de la distinction génétique, y compris les traits hérités (p. ex. le cycle vital ou le comportement) et/ou des marqueurs génétiques neutres (p. ex. microsatellites d'ADN);
  2. les différences naturelles dans l'aire de répartition géographique (de sorte que l'adaptation locale est probable);
  3. l'occupation de différentes régions écogéographiques qui reflètent une différence historique ou génétique.

Les codes E1, E2, E3 et E4 sont utilisés pour décrire les quatre critères relatifs à l'importance au point de vue évolutif.

L'importance au point de vue évolutif d'une population distincte est déterminée en fonction d'un ou de plusieurs des critères ci-dessous, chacun de ces critères pouvant être perçu comme une mesure de cette importance :

  1. des preuves selon lesquelles la population distincte est différente de façon marquée sur le plan génétique;
  2. la persistance de la population distincte dans un contexte écologique unique à l'espèce ayant probablement ou effectivement donné lieu à des adaptations locales;
  3. des preuves que la population distincte représente la seule occurrence naturelle survivante d'une espèce qui se trouve ailleurs seulement sous la forme d'une espèce introduite; 
  4. des preuves que la perte d'une population distincte entraînerait une vaste disjonction dans l'aire de répartition de l'espèce au Canada.

En général, les critères utilisés pour définir les UC et les UD présentent suffisamment de ressemblances pour qu'il soit possible d'utiliser les travaux de Holtby et Ciruna (2007) pour définir les UD. Les différences entre les méthodes de désignation des UC et des UD signifient qu'il n'y a pas de correspondance directe entre les UC et les UD dans tous les cas, et que certaines UD contiennent plusieurs UC. En raison de ces différences, les méthodes (voir ci-dessous) de définition des UD sont légèrement différentes de celles précédemment documentées pour les UC.

Méthodes

Les méthodes de désignation des UD sont adaptées à partir des méthodes de désignation des UC (Holtby et Ciruna, 2007) et consistent à séparer différentes populations de saumons chinooks en utilisant une hiérarchie de caractéristiques pour déterminer le caractère distinctif et l'importance au point de vue évolutif. Plus précisément, les différences géographiques sont appliquées pour démontrer le caractère distinctif, tandis que les caractéristiques du cycle vital sont appliquées pour démontrer l'importance au point de vue évolutif.

Aux fins de comparaison, la méthodologie de désignation des UC est illustrée à la figure 2, et la méthodologie de désignation des UD, à la figure 3.

Voir description longue ci-dessous
Figure 2. Méthode suivie pour définir les unités de conservation. Cette figure est une reproduction de la figure 1 dans Holtby et Ciruna, 2007.
Description longue

Diagramme illustrant la méthode suivie pour définir les unités de conservation (UC). Au sommet se trouve une case intitulée « écotypologie ». Cette case est liée à la case intitulée « zones adaptatives conjointes (ZAC) ». Sous les ZAC se trouve une rangé de sept cases représentant les UC écotypiques. Ces UC écotypiques sont liées à une ou plusieurs cases d’UC. Dans certains cas, de multiples UC sont liées à une UC. Les facteurs déterminant les liens sont énumérés d’un côté du diagramme. Il s’agit des variantes du cycle vital, de la lignée, de la distinction génétique, des différences dans les périodes de migration/fraye et des preuves de différences écologiques de petite échelle.

Voir description longue ci-dessous
Figure 3. Méthode suivie pour définir les unités désignables. Cette figure est une adaptation de la figure 1 dans Holtby et Ciruna, 2007.
Description longue

Diagramme illustrant la méthode suivie pour définir les unités de conservation (UC). Au sommet se trouve une case intitulée « écotypologie ». Cette case est liée à la case intitulée « zones adaptatives conjointes (ZAC) ». Sous les ZAC se trouve une rangé de sept cases représentant les UC écotypiques. Ces UC écotypiques sont liées à une ou plusieurs cases d’UD. Dans certains cas, de multiples UC sont liées à une UD. Les facteurs déterminant les liens sont énumérés d’un côté du diagramme. Il s’agit des variantes du cycle vital et des différences dans les périodes de migration/fraye.

Tableau 1. Description des zones adaptatives conjointes, des zones adaptatives d'eau douce et des zones adaptatives marines
Zones Description
Zones adaptatives conjointes (ZAC)
  • Les ZAC se trouvent à l'intersection de zones adaptatives d'eau douce (ZAED) et de zones adaptatives marines (ZAM). Elles sont considérées comme étant les endroits où se trouvent des populations qui se sont récemment adaptées et, par conséquent, chaque ZAC est considérée comme contenant au moins une UC. Il y a 34 ZAC contenant des saumons chinooks; 19 d'entre elles se trouvent dans le sud de la Colombie-Britannique.
Zones adaptatives d'eau douce (ZAED)
  • D'après la classification écologique des écosystèmes d'eau douce selon l'évaluation environnementale effectuée en Colombie-Britannique (principalement des écorégions d'eau douce et des unités hydrographiques écologiques [UHE] dans les écorégions).
  • Les UHE sont des réseaux hydrographiques ayant une histoire zoogéographique commune qui représentent donc probablement des milieux distincts.
  • Chaque UHE contient une ou plusieurs espèces liées aux autres écorégions aquatiques, et au moins une espèce ne se trouve pas dans les UHE adjacentes; par conséquent, chaque UHE où l'on trouve des saumons devrait contenir au moins une UC.
  • Les UHE ont été davantage précisées en fonction du climat, de la densité de drainage, du gradient, de l'hydrologie et de la connectivité, qui sont pertinents pour les populations de saumons.
  • Trente-six UHE ont été définies; le saumon chinook n'est pas présent à l'intérieur de toutes ces unités; par conséquent, 31 ZAED ont été définies.
Zones adaptatives marines (ZAM)
  • Les écorégions hydrographiques/côtières abritant des saumons (écosystèmes présentant des caractéristiques physiques distinctes) précédemment définies ont été cartographiées à l'aide d'un système d'information géographique (SIG) :
  • Niveau 1 - Océan Arctique ou Pacifique et bassins versants d'eau douce connexes Niveau 2 - Mers partiellement fermées et systèmes de circulation océanique et bassins versants connexes (2 Arctique et 16 Pacifique) Niveau 3 - Discontinuités de plus petite échelle dans les mers (fjords, détroits, remontées et plongées d'eau) (3 Arctique et 36 Pacifique) Niveau 4 - Principaux réseaux de bassins versants (définis comme > rivière Kanchalan) qui pénètrent chaque niveau 3 (14 Arctique et 52 Pacifique)
  • Le niveau 3 a été choisi comme niveau de désignation des ZAM.
  • Douze écorégions abritant des saumons identifiées précédemment en Colombie-Britannique.
  • Corrections apportées à l'écorégion du courant côtier de l'île de Vancouver sur l'avis des biologistes du MPO en fonction des profils de survie et de la période de montaison.
  • Création d'une nouvelle ZAM dans les bras de mer continentaux, y compris les détroits de Johnstone et de la Reine-Charlotte et les parties adjacentes de l'île de Vancouver.
  • L'écorégion du bassin de Georgia-Puget Sound, où le saumon chinook est présent, a été coupée en deux à la limite des détroits de Johnstone et de Georgia pour former la ZAM du détroit de la Reine-Charlotte - détroit de Johnstone - fjords du sud (sur l'île de Vancouver et le continent) au nord de la ZAM du détroit de Georgia.
  • Le résultat a donné 13 ZAM, chaque ZAM étant considérée comme contenant au moins une UD.
Tableau 2. Légende des codes utilisés pour les zones adaptatives marines (ZAM) (Holtby et Ciruna, 2007)
Code Nom long
GStr Détroit de Georgia
ORWA Zone côtière de l'Oregon et de l'État de Washington
WVI Courant côtier de l'île de Vancouver
SFj Détroit de la Reine-Charlotte-Détroit de Johnstone-Fjords du sud
HStr Détroit d'Hécate - bassin de la Reine-Charlotte
WQCI Île (périphérique) Graham
NQCI Nord de l'île Graham
NSKEst Estuaire Nass-Skeena
TBFj Fjords transfrontaliers
AKCst Zone côtière de plongée d'eau de l'Alaska
Ber Mer de Béring
AO Océan Arctique
Tableau 3. Légende des codes utilisés pour les zones adaptatives d'eau douce (ZAED) (Holtby et Ciruna, 2007)
Code Nom long
OK Okanagan
BB Baie Boundary
LFR Bas Fraser
LILL Lillooet
FRCany Canyon du Fraser
MFR Moyen Fraser
UFR Haut Fraser
LTh Basse Thompson
STh Thompson Sud
NTh Thompson Nord
SC Cours d'eau côtiers sud
EVI Est de l'île de Vancouver
WVI Ouest de l'île de Vancouver
HK Rivières Homathko - Klinaklini
RSI Bras de mer Rivers-Smith 
BCD Rivières Bella Coola-Dean
QCI Îles de la Reine-Charlotte
NC Cours d'eau côtiers nord
HecLow Basses-terres d'Hécate 
LSK Basse Skeena 
MSK Moyenne Skeena 
USK Haute Skeena
LNR-P Basse Nass-bras de mer Portland
UNR Haute Nass
UNUK Rivière Unuk
LStk Basse Stikine
Whtng Rivière Whiting
Taku Taku
Lynn Canal Lynn
Alsek Alsek
TesHW Eaux d'amont de la rivière Teslin
Liard Basse Liard
Voir description longue ci-dessous
Figure 4. Carte des zones adaptatives d'eau douce en Colombie-Britannique. Cette figure est une reproduction de la figure 76 dans Holtby et Ciruna (2007).
Description longue

Carte montrant l’étendue des zones adaptatives d’eau douce (ZAED) en Colombie‑Britannique.

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Figure 5. Carte des zones adaptatives marines en Colombie-Britannique. Cette figure est une reproduction de la figure 77 dans Holtby et Ciruna (2007).
Description longue

Carte montrant l’étendue des zones adaptatives marines (ZAM) en Colombie‑Britannique.

Voir description longue ci-dessous
Figure 6. Carte des zones adaptatives conjointes en Colombie-Britannique. Cette figure est une reproduction de la figure 78 dans Holtby et Ciruna (2007).
Description longue

Carte montrant l’étendue des zones adaptatives conjointes (ZAC) en Colombie‑Britannique.

La présence d'une population de saumons dans une ZAC est fondée sur les critères définis dans Holtby et Ciruna (2007). Afin de déterminer quels sites dans chaque ZAC sont pertinents pour définir les UD du saumon chinook, une liste des plans d'eau d'échappée annuelle a été créée à l'aide des données du nouveau système sur les échappées de saumons (NuSEDS) du MPO. Les sites qui satisfont à un ou à plusieurs des critères suivants sont considérés comme contenant des saumons chinooks :

Les sites dans NuSEDS ont été géoréférencés par rapport à la carte des ZAC. Les ZAC qui ne semblaient comprendre aucune partie de l'habitat du saumon chinook n'ont pas été prises en compte dans ce processus, d'après Holtby et Ciruna (2007) (figure 7).

Voir description longue ci-dessous
Figure 7. Carte des sites du saumon chinook en Colombie-Britannique. Les zones de couleur représentent les ZAC. Cette figure est une reproduction de la figure 40 dans Holtby et Ciruna (2007).
Description longue

Carte montrant les sites du saumon chinook en Colombie‑Britannique superposés sur des polygones représentant les ZAC.

Les données génétiques appuient l'utilisation de ZAC pour caractériser les UD du saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique. Premièrement, le saumon chinook affiche une fidélité extrême à ses frayères natales (Bentzen et al., 2001). Deuxièmement, le saumon chinook d'une ZAC donnée présente généralement un degré élevé de parenté et d'isolement reproductif par rapport aux autres groupes.

La fidélité aux frayères est démontrée par des données provenant de l'échantillonnage des nids et d'un programme d'élevage en captivité. Les saumons chinooks provenant de nids d'un même tronçon de rivière étaient plus étroitement apparentés les uns aux autres qu'ils ne l'étaient aux saumons provenant de nids plus éloignés dans la rivière, ce qui signifie qu'il existe une sous-structure à l'intérieur des rivières et un comportement de retour à des lieux de fraye précis (homing) (Bentzen et al., 2001). En raison de cette extrême fidélité, l'aire de répartition géographique peut être divisée sur une échelle plus fine que dans le cas d'espèces moins philopatriques que le saumon chinook (le saumon rouge [O. nerka] peut montrer des capacités de retour aux sources similaires).

Les différences génétiques détectées dans les données sur les microsatellites appuient l'utilisation des ZAC pour classer les UD. On a évalué les différences dans la structure génétique neutre pour tous les échantillons de matériel génétique en calculant les distances génétiques de Cavalli-Sforza et Edwards (CSE) (1967) au moyen d'au moins 10 locus microsatellites pour le saumon chinook et en utilisant l'arbre de l'indice de fixation (Fst) généré à l'aide d'un algorithme NJ (neighbour-joining) de regroupement non enraciné. Les dendrogrammes résultants (figure 8) ont été comparés avec les ZAC pour déterminer la probabilité que plus d'une sous-population distincte soit présente.

Des échantillons de matériel génétique étaient disponibles pour 312 sites au Canada. Dans la plupart des cas, d'après des valeurs de Fst très élevées, les cours d'eau à l'intérieur d'une ZAC donnée ont été regroupés. D'après des tests Fst exacts par paires de différenciation des populations (avec 8 128 comparaisons par paires), effectués à l'aide de GENEPOP (Raymond et Rousset, 1995), 99,8 % des distances par paires étaient statistiquement significatives avec α = 0,05 (à noter que GENEPOP n'applique pas une correction de Bonferroni [Goudet et al., 1996]). Cette différence génétique est davantage étayée par une analyse bootstrap utilisant le programme PHYLIP (Felsenstein, 2004) pour construire des arbres de consensus pour les locus afin d'évaluer dans quelle mesure une topologie de l'arbre fiable peut être produite à partir des données disponibles (figure 9). Ces ensembles de données d'après la méthode bootstrap ont été analysés de la même manière que l'ensemble de données unique, mais les données ont été rééchantillonnées 1 000 fois pour générer des ensembles de données aléatoires à partir de l'ensemble de données original.

Voir description longue ci-dessous
Figure 8. Arbre de l'indice de fixation (Fst) du saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique - mesure de la distance génétique (Candy, 2013). Cette figure est fournie à titre d'exemple seulement.
Description longue

Exemple d’arbre de l’indice de fixation (Fst) illustrant la distance génétique chez le saumon chinook du sud de la Colombie‑Britannique.

Voir description longue ci-dessous
Figure 9. Arbre de consensus à partir de l'analyse bootstrap pour le saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique au moyen du programme PHYLIP. La longueur des branches est une mesure du consensus pour les différents groupes de montaison (n = 1 000). Cette figure est fournie à titre d'exemple seulement.
Description longue

Exemple d’arbre de consensus à partir de l’analyse bootstrap pour le saumon chinook du sud de la Colombie‑Britannique au moyen du programme PHYLIP.

Importance au point de vue évolutif (variantes du type de cycle vital/périodes de fraye et de montaison)

L'importance d'une population au point de vue évolutif est fondée sur les adaptations locales démontrées (E2) et sur la probabilité que la perte d'une population entraîne une discontinuité dans l'aire géographique (E4). Deux attributs du saumon chinook répondent à ces critères : 1) les variantes du type de cycle vital; 2) les différences dans les périodes de fraye/montaison.

Variantes du type de cycle vital

Le saumon chinook est unique parmi les espèces de saumons du Pacifique en raison des stratégies très variées qu'il présente à tous les stades du cycle vital, notamment la variation de l'âge auquel les juvéniles se dispersent à partir de leurs cours d'eau natals; la durée de résidence en eaux douces, dans les estuaires et les océans; la répartition océanique; âge/période de montaison (Brown et al., 2013a). Les différences dans le moment où le saumon chinook se rend en eau libre donnent lieu à des variantes du type de cycle vital, et le croisement n'a pas lieu facilement entre individus dont le cycle vital est décalé, même si la population de saumons chinooks dans une zone géographique donnée est souvent constituée d'un mélange de types (Healey, 1991, 2001). Initialement, le saumon chinook a été classé selon une structure de type de comportement dichotomique (type fluvial ou type océanique). Les saumons chinooks du type fluvial passeraient un an en eau douce avant de migrer vers l'océan et retourneraient hâtivement en eau douce pour frayer plus loin à l'intérieur des terres. Les saumons chinooks du type océanique, quant à eux, migreraient vers l'océan quelques semaines à quelques mois après avoir émergé dans les frayères de gravier et retourneraient tardivement pour frayer à une faible distance à l'intérieur des terres.

Depuis quelques décennies, on considère qu'il est plus exact de classer les stratégies du cycle vital du saumon chinook sur une échelle allant du type océanique au type fluvial. Des variations dans les formes comportementales du type océanique et du type fluvial ont été établies en fonction de l'origine géographique des poissons et des conditions résultantes auxquelles ils se sont adaptés (Brannon et al., 2004). Les nombreuses adaptations locales ont donné lieu à des périodes de montaison et à des stratégies de croissance en eau douce atypiques (Healey, 1991; Waples et al., 2004). Les saumons chinooks du type océanique peuvent croître en eau douce pendant une période allant jusqu'à six mois après l'émergence, alors que, dans certains bassins, les saumons chinooks du type fluvial ne restent parfois en eau douce que quelques semaines. Cette variation est cruciale pour la persistance du saumon chinook, car elle répartit les risques entre de nombreuses stratégies face aux conditions climatiques variables (Bradford et Taylor, 1997).

Les populations reproductrices de saumons chinooks se trouvant aux extrémités opposées de l'échelle des stratégies du cycle vital sont généralement très séparées sur le plan géographique (mais il y a des exceptions) (Bailey, comm. pers., 2018). Les individus de la variante océanique sont prédominants dans toutes les remontes au sud de la frontière de l'Alaska, sauf dans la rivière Yakoun, dans l'archipel Haida Gwaii (îles de la Reine-Charlotte), le fleuve Fraser et le fleuve Columbia. Les individus de la variante fluviale contribuent de manière considérable aux remontes au sud de la frontière entre la Colombie-Britannique et l'Alaska et l'entrée Dixon. Lorsque des individus des deux extrémités de l'échelle sont sympatriques, on rencontre plus fréquemment les individus de la variante fluviale dans les frayères d'amont et les individus de la variante océanique dans les frayères d'aval (Rich, 1925; Hallock et al., 1957; Healey et Jordan, 1982).

Des données probantes semblent indiquer que les variantes océanique et fluviale ont des origines raciales différentes (Healey, 1991; Waples et al., 2004). Waples et al. (2004) font remarquer que, dans le fleuve Columbia, les deux lignées se comportent essentiellement comme deux espèces distinctes et qu'il existe peu de signes de flux génique, bien que les individus des deux lignées migrent ensemble dans de vastes zones de milieux fluviaux et océaniques et, dans certains cas, frayent dans des bassins adjacents (d'autres interprétations suggèrent que les saumons chinooks du type océanique et ceux du type fluvial au sud du bassin du haut Columbia sont de la même lignée - voir Moran et al., 2013). Des situations semblables existent également dans le bassin de la Thompson, qui se jette dans le Fraser (Fraser et al., 1982; Candy et al., 2002; Bailey, données inédites). Divers auteurs (voir p. ex. McPhail et Lindsey, 1986; Healey, 1991; Waples et al., 2004) ont émis l'hypothèse selon laquelle les deux lignées pourraient provenir de refuges glaciaires différents (« Béringie » dans le nord et « Cascadia-Columbia » dans le sud) et se seraient adaptées localement depuis la dernière glaciation. Pour les UC du Fraser, on constate une grande diversité en ce qui concerne la croissance en eau douce, la répartition dans l'océan et la période de montaison. Les variantes fluviale et océanique sont toutes deux représentées, et l'on pense qu'un grand nombre des UC du Fraser intérieur proviennent de variantes du type fluvial d'origine béringienne. D'autres populations de la côte sud, à l'exception de certains groupes de stocks du Fraser, proviendraient du refuge glaciaire « Cascadia-Columbia » et semblent résider dans les eaux du plateau continental (Brown et al., 2013a).

Chaque ZAC a été examinée afin d'obtenir de l'information sur la présence d'individus des différentes variantes du cycle vital. Lorsque les deux types étaient présents dans une ZAC, deux UD distinctes y ont été définies. Étant donné que l'on sait qu'il existe un certain degré d'« égarement » génétique (Waples et al., 2004; Walter et al., 2009), lorsque des données génétiques étaient disponibles, elles ont été utilisées pour confirmer l'absence de croisement entre les populations d'UD différentes.

Période de fraye et de montaison

La période de fraye est la période de l'année où les individus sexuellement matures, après avoir terminé leur migration, arrivent dans les frayères et se reproduisent. Le saumon chinook atteint la maturité sexuelle entre la première et la septième année de vie (Bailey, comm. pers., 2018). L'âge auquel la maturité est atteinte le plus couramment varie d'une population à l'autre, et les femelles atteignent généralement la maturité à un âge moyen plus élevé que les mâles (Quinn, 2005; données inédites du MPO). La période de fraye peut précéder de quelques semaines, voire de quelques mois, l'activité de fraye réelle chez certaines populations reproductrices. Des facteurs génétiques et environnementaux semblent être les principaux déterminants de ces caractéristiques pour chacune des populations (Quinn, 2005).

Beacham et Murray (1990) considèrent que la variabilité des périodes de fraye du saumon chinook et d'autres espèces de saumons est un signe d'adaptation locale, et l'on croit que le décalage des périodes de fraye limite la capacité de croisement (Waples et al., 2004). En Colombie-Britannique, le pic d'abondance en période de montaison chez les populations de saumons chinooks du nord se produit généralement de juillet à septembre, et chez les populations du sud, d'avril à septembre (Bailey comm. pers., 2018). Dans un bassin hydrographique donné, plusieurs populations peuvent coexister, chacune ayant des périodes de fraye différentes et occupant des tronçons de rivière spécifiques (Parken et al., 2008). La diversité des stratégies fondées sur la période de fraye démontre la spécificité des besoins thermiques pour l'éclosion et l'émergence des alevins ainsi que la nécessité de synchroniser ces besoins avec d'autres facteurs environnementaux tels que la disponibilité de nourriture et les conditions hydrologiques.

Habituellement, la période de fraye est désignée par la période de montaison dans la littérature scientifique. Par exemple, Holtby et Ciruna (2007) utilisent un modèle de régression linéaire pour estimer la période de montaison à partir de la période de fraye.

Jour de l'année moyen de la fraye = 161,4 + 0,482 (Jour de l'année médian de la migration)

r2adj = 0.595
SEest = 20.75
F1,49 = 74.4; P < 0.0001

La période de montaison correspond à la période pendant laquelle les saumons chinooks adultes amorcent la migration de retour vers leur cours d'eau natal. Waples et al. (2004) fournissent des définitions normalisées de la période de montaison (tableau 4), qui sont utilisées pour classer les populations de saumons chinooks du sud de la Colombie-Britannique (Parken et al., 2008).

Tableau 4. Définitions de la période de montaison des adultes, selon Waples et al. (2004). Ce tableau est une reproduction du tableau 1 dans Brown et al. (2013a)
Période de migration
(mois)
Saison
Mars-mai Printemps
Juin Début de l'été
Juillet Milieu de l'été
Août Fin de l'été
Septembre-novembre Automne
Décembre-février Hiver

Le nouveau système de données sur les échappées de saumons (NuSEDS) permet d'enregistrer la période de montaison sous la forme de dates précises. Dans certaines ZAC, ces dates sont disponibles pour plusieurs sites. S'il y a suffisamment d'observations pour une population donnée dans plus d'une catégorie de période de montaison, on calcule le jour de l'année (JA) moyen des différents groupes de fraye, et on le compare pour déterminer sa signification statistique au moyen d'une analyse de variance. Si la différence est statistiquement significative, les groupes sont séparés en UD distinctes. Les UD ne contenant qu'un seul groupe de montaison sont simplement classées d'après le nom de la ZAC.

Résumé de l'approche globale

Dans cette analyse, les populations ont d'abord été distinguées par écotype (c.-à-d. la ZAC), puis, au besoin, elles ont été distinguées selon leur période de montaison. Pour chaque variante du cycle vital dans une ZAC donnée, l'information disponible a été examinée pour déterminer les différences dans les périodes de fraye et de montaison. Dans une ZAC donnée, quand une variante du type de cycle vital était associée à plus d'un groupe de montaison, chacun des groupes était défini en tant qu'UD à part entière. Lorsqu'elles étaient disponibles, les données génétiques ont été comparées pour confirmer l'absence de croisement entre les saumons chinooks d'UD ayant des périodes de montaison différentes. Le flux génique n'est pas important entre les UD, mais il existe bel et bien (Waples et al., 2004; Walter et al., 2009).

Résultats

Les désignations d'UD établies à l'aide des méthodes décrites ci-dessus sont résumées ci-dessous et dans le tableau 5. Les désignations d'UC correspondantes sont également incluses dans le tableau 5 pour illustrer les principales ressemblances et différences entre les résultats obtenus avec chaque approche.

Caractère distinctif - géographie (écotype)

En fonction de l'écotype, sur les 19 ZAC identifiées dans le sud de la Colombie-Britannique, 7 contenaient une seule population discernable (baie Boundary-détroit de Georgia, canyon du Fraser-détroit de Georgia, haut Fraser, basse Thompson-détroit de Georgia, côte sud-détroit de Georgia, côte sud-fjords du sud, est de l'île de Vancouver-fjords du sud). Les 12 autres ZAC renfermaient des populations multiples, compte tenu de caractéristiques d'importance au plan évolutif (types de cycle vital, période de montaison et/ou groupes de fraye) et nécessitaient une analyse plus poussée.

Importance au point de vue évolutif - cycle vital

Dans 4 des 12 ZAC contenant de multiples groupes de populations, les 2 variantes, océanique et fluviale, étaient présentes. Deux de ces quatre ZAC, Thompson Sud-détroit de Georgia (STh-GStr) et Homathko-fjords du sud (HK-Sfj), contenaient chacune deux UD distinctes, une population de la variante fluviale et une population de la variante océanique. Les deux ZAC restantes ont besoin d'une analyse plus poussée. Dans la ZAC du bas Fraser-détroit de Georgia (LFR-GStr), les populations correspondant à chaque type de variante du cycle vital présentaient chacune d'autres divergences. Dans la ZAC de l'est de l'île de Vancouver-détroit de Georgia (EVI-GStr), la population du type fluvial s'est avérée être unique, tandis que la population du type océanique présentait d'autres différences.

Importance au point de vue évolutif - période de fraye et de montaison

Dans 4 des 12 ZAC contenant plusieurs groupes de populations, on retrouvait aussi plusieurs groupes de montaison. Dans la ZAC du bas Fraser-détroit de Georgia (LFR-GStr), les populations du type océanique ont des périodes de montaison à la fois en automne et en été, et les populations du type fluvial en ont à la fois au printemps et en été. Dans la ZAC du moyen Fraser-détroit de Georgia (MFR-GStr), il y avait seulement des individus de la variante fluviale, mais ceux-ci avaient des périodes de montaison au printemps, à l'été et à l'automne. De même, la ZAC de la Thompson Nord-détroit de Georgia (NTh-GStr) ne contenait que des individus de la variante fluviale, mais avec des périodes de montaison distinctes au printemps et en été. Dans la ZAC de l'est de l'île de Vancouver-détroit de Georgia (EVI-GStr), les individus de la variante océanique avaient des périodes de montaison à la fois en été et en automne.

Ces populations ont été séparées en UD distinctes en fonction de la période de montaison. Lorsqu'elles étaient disponibles, les données du jour de l'année (JA) de la fraye ont également été analysées pour déterminer si la montaison nécessitait une distinction supplémentaire. Cependant, seulement 12 populations contenaient plus d'une catégorie de période de fraye, et seulement 4 avaient un nombre suffisant d'observations dans plus d'une catégorie (Holtby et Ciruna, 2007.). L'évaluation a mené à la division supplémentaire de deux groupes en cinq UD distinctes : la remonte estivale du type fluvial dans la ZAC LFR-GStr, dont on a constaté qu'elle comportait deux groupes de fraye différents, et la remonte d'automne du type océanique dans l'est de l'île de Vancouver (EVI), dont on a constaté qu'elle comportait trois groupes de fraye différents.

Comparaison avec la désignation des UC

Bien que les UC désignées d'après la PSS diffèrent des UD désignées dans le présent rapport, elles présentent certaines ressemblances avec ces dernières. La plus grande importance accordée aux différences génétiques des locus neutres par la méthodologie des UC selon la PSS comparativement au processus de désignation des UD a entraîné un plus grand nombre d'UC (figure 10).

Voir description longue ci-dessous
Figure 10. Unités de conservation (UC) du saumon chinook dans le sud et le centre de la Colombie-Britannique. Cette figure est une reproduction de la figure 58 dans Holtby et Ciruna (2007).
Description longue

 Carte illustrant l’étendue des UC du saumon chinook dans le sud et le centre de la Colombie‑Britannique.

Tableau 5. Désignation acceptée des UD du saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique, accompagnée de la justification. Les unités de conservation (UC) du saumon chinook d'après la Politique sur le saumon sauvage (PSS) sont également présentées aux fins de comparaison (VCV = variante du cycle vital; PM = période de montaison; JA = jour de l'année)
Numéro d'UD Nom de l'UD Nom abrégé de l'UD ZAC Cycle vital Période de montaison ID de l'UC Nom de l'UC Code de l'UC Fondement pour la désignation de l'UC Fondement pour la désignation de l'UD Justification
1 Population du sud de la partie continentale (C.-B.) - baie Boundary, type océanique, automne BB+GStr/
océanique/
automne
BB+GStr Océanique Automne CK-02 CK_Boundary Bay_FA_0.3 BB Cycle vital, géographie Géographie Il y a un seul type de VCV avec une PM dans cette ZAC.
2 Population du bas Fraser, type océanique, automne LFR+GStr/
océanique/
automne
LFR+GStr Océanique (immédiat) Automne CK-03 CK_Lower Fraser River_FA_0.3 LFR-automne Cycle vital et période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a cinq combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC. Un groupement génétique peut aussi être établi pour les sites de cette UD, qui se distinguent des sites des autres UD du bas Fraser.
3 Population du bas Fraser, type fluvial, printemps LFR+GStr/fluvial/printemps LFR+GStr Fluvial Printemps CK-04 CK_Lower Fraser River_SP_1.3 LFR-printemps Cycle vital et période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a cinq combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC. Un groupement génétique peut aussi être établi pour les sites de cette UD, qui se distinguent des sites des autres UD du bas Fraser.
4 Population du bas Fraser, type fluvial, été (haute Pitt) LFR+GStr/fluvial/été (haute Pitt) LFR+GStr Fluvial Été CK-05 CK_Lower Fraser River-Upper Pitt_SU_1.3 LFR-UPITT Périodes de fraye et de montaison (analyse JA) Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a cinq combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC. Des différences dans les périodes de fraye de l'UD 4 et de l'UD 5 suffisent à démontrer l'importance au point de vue évolutif (analyse JA).
5 Population du bas Fraser, type fluvial, été LFR+GStr/fluvial/été LFR+GStr Fluvial Été CK-06 CK_Lower Fraser River_SU_1.3 LFR-été Périodes de fraye et de montaison (analyse JA) Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a cinq combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC. Des différences dans les périodes de fraye de l'UD 4 et de l'UD 5 suffisent à démontrer l'importance au point de vue évolutif (analyse JA).
6 Population du bas Fraser, type océanique, été LFR+GStr/
océanique/été
LFR+GStr Océanique Été CK-07 CK_Maria Slough_SU_0.3 Maria Géographie (autrement semblable à l'UC-13) Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a cinq combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC. Cette UD est liée génétiquement à l'UD 12, mais pas aux autres UD du bas Fraser.
7 Population du moyen Fraser, type fluvial, printemps (FRCany+GStr) FRCany+GStr/
fluvial/printemps
FRCany+GStr Fluvial Printemps CK-08 CK_Middle Fraser-Fraser Canyon_SP_1.3 NAHAT Génétique Géographie Il y a un seul type de VCV avec une PM dans cette ZAC.
8 Population du moyen Fraser, type fluvial, automne MFR+GStr/fluvial/automne MFR+
GStr
Fluvial Automne CK-09 CK_Middle Fraser River - Portage_FA_1.3 Portage Période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a quatre PM distinctes dans cette ZAC. L'UD de ce site est aussi génétiquement distincte des autres UD du moyen Fraser.
9 Population du moyen Fraser, type fluvial, printemps (MFR+GStr) MFR+GStr/fluvial/printemps MFR+
GStr
Fluvial Printemps CK-10 CK_Middle Fraser River_SP_1.3 MFR-printemps Période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a quatre PM distinctes dans cette ZAC.
10 Population du moyen Fraser, type fluvial, été MFR+GStr/fluvial/été MFR+GStr Fluvial Été CK-11 CK_Middle Fraser River-SU_1.3 MFR-été Période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a quatre PM distinctes dans cette ZAC.
11 Population du haut Fraser, type fluvial, printemps UFR/fluvial/
printemps
UFR Fluvial Printemps CK-12 CK_Upper Fraser River_SP_1.3 UFR-printemps Période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a quatre PM distinctes dans cette ZAC. La période de montaison de l'UD du haut Fraser est différente de celle de l'UD 9.
12 Population de la Thompson Sud, type océanique, été STh+GStr/
océanique/été
STh+GStr Océanique Été CK-13 CK_South Thompson_SU_0.3 STh-0.3 Cycle vital, âge et lieu de fraye (échantillons génétiques semblables à ceux prélevés pour l'UC-07) Géographie et cycle vital Il y a deux types de VCV distincts dans cette ZAC. Les différences dans les périodes de fraye entre les différentes UC qui font partie de cette UD ne suffisent pas pour démontrer l'importance.
CK-15 CK_Shuswap River_SU_0.3 STh-SHUR Génétique (autrement semblable à l'UC-13)
13 Population de la Thompson Sud, type fluvial, été 1.3 STh+GStr/fluvial/été/1.3 STh+GStr Fluvial Été CK-14 CK_South Thompson_SU_1.3 STh-1.3 Cycle vital, âge et génétique Géographie et cycle vital Il y a deux types de VCV distincts dans cette ZAC. Comme l'UD 14, cette UD est du type fluvial. Contrairement à l'UD 14, elle a une durée de génération moyenne de 4 ans, ce qui est normal pour le saumon chinook (selon NuSEDS, la durée de génération moyenne est de 4,5 ans en utilisant l'UD du ruisseau Dome, printemps, comme indicateur).
14 Population de la Thompson Sud, type fluvial, été 1.2 STh+GStr/fluvial/été/1.2 STh+GStr Fluvial Été CK-16 CK_South Thompson-Bessette Creek_SU_1.2 STh-BESS Cycle vital, âge et génétique Géographie et cycle vital Il y a deux types de VCV distincts dans cette ZAC. Comme l'UD 13, cette UD est du type fluvial. Contrairement à l'UD 13, elle a une durée de génération moyenne de 3 ans, ce qui est atypique pour le saumon chinook (selon NuSEDS, la durée de génération moyenne est de 4,1 ans en utilisant l'UD de la rivière Nicola, printemps, comme indicateur).
15 Population de la basse Thompson, type fluvial, printemps LTh+GStr/fluvial/printemps LTh+GStr Fluvial Printemps CK-17 CK_Lower Thompson_SP_1.2 LTh Génétique, période de montaison et âge Géographie Il y a un seul type de VCV avec une PM dans cette ZAC. Un groupement génétique peut aussi être établi pour les sites de cette UD.
16 Population de la Thompson Nord, type fluvial, printemps NTh+GStr/fluvial/printemps NTh+GStr Fluvial Printemps CK-18 CK_North Thompson_SP_1.3 NTh-spr Génétique, période de montaison et âge Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a deux PM distinctes dans cette ZAC.
17 Population de la Thompson Nord, type fluvial, été NTh+GStr/fluvial/été NTh+GStr Fluvial Été CK-19 CK_North Thompson_SU_1.3 NTh-sum Période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a deux PM distinctes dans cette ZAC.
18 Population de la côte sud - détroit de Georgia, type océanique, automne SC+GStr/ océanique/ automne SC+GStr Océanique Automne CK-20 CK_Southern Mainland-Georgia Strait_FA_0.x SC-GStr Géographie (modélisation d'après la structure d'UC du saumon coho et du saumon kéta) Géographie Il y a un seul type de VCV avec une PM dans cette ZAC.
19 Population de l'est de l'île de Vancouver, type fluvial, printemps EVI+GStr/fluvial/
printemps
EVI+GStr Fluvial Printemps CK-23 CK_East Vancouver Island-Nanaimo_SP_1.x NanR-spr Période de montaison et cycle vital Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a trois combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC.
20 Population de l'est de l'île de Vancouver, type océanique, été EVI+GStr/
océanique/été
EVI+GStr Océanique Été CK-83 Vancouver Island-Georgia Strait_SU_0.3 EVIGStr-sum Génétique, écotypologie et période de montaison Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a trois combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC.
21 Population de l'est de l'île de Vancouver, type océanique, automne EVI+GStr/
océanique/
automne
EVI+GStr Océanique Automne CK-21 CK_East Vancouver Island-Goldstream_FA_0.x Goldstr Génétique Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a trois combinaisons distinctes de type de VCV et de PM dans cette ZAC. Il n'y a pas de signes suffisants révélant des différences dans la période de fraye des UC faisant partie de cette UD pour démontrer l'importance (les données sont limitées).
CK-22 CK_East Vancouver Island-Cowichan & Koksilah_FA_0.x CWCH-KOK Génétique et période de montaison
CK-25 CK_East Vancouver Island-Nanaimo & Chemainus_FA_0.x midEVI-fall Génétique et période de montaison
CK-27 CK_East Vancouver Island-Qualicum & Puntledge_FA_0.x EVI+GStr Génétique et période de montaison
22 Population de la côte sud - fjords du sud, type océanique, automne SC+SFj/
océanique/
automne
SC+SFj Océanique Automne CK-28 CK_Southern Mainland-Southern Fjords_FA_0.x SC+SFj Période de montaison et habitat Géographie Il y a une seule VCV avec une PM dans cette ZAC.
23 Population de l'est de l'île de Vancouver, type océanique, automne (EVI+SFj) EVI+SFj/
océanique/
automne
EVI+SFj Océanique Automne CK-29 CK_East Vancouver Island-North_FA_0.x NEVI Période de montaison et habitat Géographie Il y a une seule VCV avec une PM dans cette ZAC.
24 Population de l'ouest de l'île de Vancouver, type océanique, automne (sud) WVI/océanique/
automne (sud)
WVI+WVI Océanique Automne CK-31 CK_West Vancouver Island-South_FA_0.x SWVI Période de montaison (et habitat - en fonction de données de base sur l'UC). Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a deux PM distinctes dans cette ZAC. Les différences se retrouvent à l'intérieur du « groupe » de montaison automnale, mais elles suffisent pour démontrer l'importance.
25 Population de l'ouest de l'île de Vancouver, type océanique, automne (Nootka et Kyuquot) WVI/océanique/
automne (Nootka et Kyuquot)
WVI+WVI Océanique Automne CK-32 CK_West Vancouver Island-Nootka & Kyuquot_FA_0.x NoKy Période de montaison et de fraye Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a deux PM distinctes dans cette ZAC. Les différences se retrouvent à l'intérieur du « groupe » de montaison automnale, mais elles suffisent pour démontrer l'importance.
26 Population de l'ouest de l'île de Vancouver, type océanique, automne (WVI + WQCI) WVI+WQCI/
océanique/
automne
WVI+WQCI Océanique Automne CK-33 CK_West Vancouver Island-North_FA_0.x NWVI Classification de l'écotype Géographie, cycle vital et période de montaison Il y a un seul type de VCV avec une PM dans cette ZAC.
27 Population du sud de la partie continentale (C.-B.), type océanique, été HK+SFj/
océanique/été
HK+SFj Océanique Été CK-34 CK_Homathko_SU_x.x HOMATH Génétique Géographie et cycle vital Il y a deux types de VCV distincts dans cette ZAC.
28 Population du sud de la partie continentale (C.-B.), type fluvial, été HK+SFj/fluvial/
été
HK+SFj Fluvial Été CK-35 CK_Klinaklini_SU_1.3 KLINA Génétique Géographie et cycle vital Il y a deux types de VCV distincts dans cette ZAC.

Importance de l'espèce

Le saumon chinook est l'une des cinq espèces anadromes sémelpares de saumons du Pacifique indigènes en Amérique du Nord (Healey, 1991). Le saumon chinook est une composante clé des écosystèmes naturels, car il constitue une importante source de nourriture pour d'autres poissons piscivores et pour certains mammifères marins. Par exemple, il est une proie très importante pour les épaulards (Orcinus orca) « résidents » qui se nourrissent de poissons dans le sud de la Colombie-Britannique et dont la survie a été liée à l'abondance du saumon chinook sur la côte ouest (Ford et Olesiuk, 2012). Dans le détroit de Georgia, pendant les mois d'été, près de 80 % des séquences d'ADN détectées dans les échantillons de matières fécales d'épaulards proviennent du saumon chinook (Ford et al., 2016). Ce dernier est aussi une espèce très importante pour les Premières Nations et les Métis de la Colombie-Britannique en tant que symbole culturel et source de nourriture (Brown et al., 2013a; COSEWIC, 2014) et représente une espèce cible importante pour la pêche récréative et commerciale dans la province (Brown et al., 2013a).

La répartition du saumon chinook dans les cours d'eau de l'île de Vancouver et de la Sunshine Coast ainsi que dans le Fraser chevauche le territoire et les intérêts traditionnels de plus de 170 Premières Nations et conseils tribaux (COSEWIC, 2014). Le saumon chinook est une espèce qui fait partie intégrante de la culture, et il est souvent le poisson le plus convoité par les Nations qui se trouvent dans son aire de répartition. Les saumons (y compris le saumon chinook) constituent un fondement important pour les cultures tribales, car ils ont une importance économique, nutritionnelle, culturelle et spirituelle. En plus d'être une source de nourriture très recherchée, le saumon chinook a été utilisé dans le passé pour la vente ou le commerce, pour diverses cérémonies et comme fondement de nombreuses histoires liées aux origines des Premières Nations (COSEWIC, 2014), et il continue de l'être.

Le saumon chinook est également une espèce de grande valeur au point de vue économique et récréatif le long de toute la côte du Pacifique, depuis la Californie jusqu'à l'Alaska, ainsi qu'ailleurs dans le monde où il est présent naturellement ou a été naturalisé avec succès (Brown et al., 2013a). Les interactions entre l'humain et le saumon chinook ont commencé il y a longtemps et elles sont nombreuses dans le Pacifique Ouest si bien que d'importantes activités de pêche ciblant cette espèce ont évolué dans toutes les régions, notamment des activités commerciales et récréatives réglementées dans les zones marines côtières et extracôtières ainsi que dans les portions tidales et non tidales de réseaux hydrographiques. Des engins variés sont utilisés pour les activités de pêche, principalement avec ligne et hameçon (pêche à la traîne et pêche récréative), senne et filet maillant. Dans les zones marines, le saumon chinook est également une prise accessoire de certains types de pêches, p. ex. la pêche à la goberge dans le golfe de l'Alaska. Dans certains écosystèmes d'eau douce, des méthodes traditionnelles de capture sont encore utilisées par les Premières Nations. Parmi les participants aux activités de pêche, on retrouve de nombreuses Premières Nations, des pêcheurs commerciaux titulaires d'un permis, d'origine autochtone ou non, et des membres du grand public (Britanno-Colombiens et touristes) qui pêchent à des fins récréatives ou comme guides de pêche dans le but de gagner leur vie (Brown et al., 2013a).

Répartition

Aire de répartition mondiale

Les populations reproductrices de saumons chinooks sont réparties du nord d'Hokkaido (Japon) au fleuve Anadyr (Russie) sur la côte asiatique et du centre de la Californie au fleuve MacKenzie (Territoires du Nord-Ouest, Canada) le long de la côte nord-américaine (McPhail et Lindsey, 1970; Major et al., 1978; Bailey, comm. pers., 2018) (figure 11). L'espèce pourrait être en train d'établir de nouvelles populations à des latitudes plus élevées (p. ex. dans les régions arctiques de l'Alaska - voir Dunmall et al., 2013), probablement en raison du réchauffement planétaire et d'autres changements climatiques (Heard et al,. 2007). On a constaté récemment des signes d'expansion de l'aire de répartition sous la forme de prises annuelles de saumons chinooks adultes par des pêches de subsistance près de la pointe Barrow, et de la capture, en 2004, de quatre saumons chinooks adultes dans la rivière Ublutuoch, un affluent près de l'embouchure de la rivière Coville en Alaska (Heard et al., 2007). Il existe des mentions occasionnelles de prises de saumons chinooks dans l'Arctique canadien, mais il n'y a aucune mention d'activité de fraye actuelle continue (McLeod et O'Neill, 1983; Stephenson, 2006; Irvine et al., 2009; Dunmall et al., 2013).

Le saumon chinook a également été introduit par l'humain dans des zones situées au-delà de son aire de répartition naturelle. Des individus transplantés avec succès ont établi des populations reproductrices de saumons chinooks en Nouvelle-Zélande (McDowall, 1994) et dans les Grands Lacs et leurs affluents (p. ex. aux lacs Michigan, Supérieur et Ontario) (Carl, 1982). Le saumon chinook a également été introduit au Chili et des populations confinées aux eaux intérieures se sont rapidement établies dans des cours d'eau chiliens et argentins (Becker et al., 2007.

Voir description longue ci-dessous
Figure 11. Carte de l'océan Pacifique Nord et de la mer de Béring montrant la répartition des populations reproductrices de saumons chinooks (en pointillé). Cette figure est une reproduction de la figure 3 dans Healey (1991).
Description longue

Carte montrant la répartition des populations reproductrices de saumons chinooks dans l’océan Pacifique Nord et la mer de Béring.

Aire de répartition canadienne

Le saumon chinook est indigène dans les cours d'eau le long de toute la côte ouest du Canada et peut aussi être présent dans les rivières de la côte arctique canadienne (McLeod et O'Neill, 1983; Stephenson, 2006; Irvine et al., 2009; Dunmall et al., 2013) (figure 12, figure 13). McLeod et O'Neill (1983) rapportent avoir capturé un seul spécimen dans la rivière Liard, dans le bassin versant du haut Mackenzie, et Hart (1973) cite une mention non répertoriée de 13 spécimens dans la rivière Coppermine. Le saumon chinook est également présent dans la rivière Okanagan, entre le barrage McIntyre à l'exutoire du lac Vaseux (près d'Oliver, en Colombie-Britannique) et le bassin nord du lac Osoyoos près de la frontière avec l'État de Washington (COSEWIC, 2006).

Le saumon chinook se caractérise par sa forte plasticité et la grande variabilité de son cycle vital; il n'est donc pas surprenant que l'espèce réagisse au réchauffement du climat dans les milieux arctiques en étendant son aire de répartition à de nouvelles régions, particulièrement dans les bassins versants de la mer de Beaufort en Amérique du Nord (McLeod et O'Neill, 1983; Stephenson, 2006; Irvine et al., 2009; Dunmall et al., 2013).

Voir description longue ci-dessous
Figure 12. Aire de répartition du saumon chinook en Colombie-Britannique, y compris les cours d'eau de fraye du saumon chinook connus, tirés du Fisheries Information Summary System (FISS).
Description longue

Carte montrant l’étendue de l’aire de répartition du saumon chinook en Colombie-Britannique, y compris les cours d’eau de fraye du saumon chinook connus.

Voir description longue ci-dessous
Figure 13. Répartition du saumon chinook au Yukon d'après les observations de frayères au Yukon répertoriées dans le FISS, consulté le 16 mai 2014. (en anglais seulement)
Description longue

Carte montrant l’emplacement des observations de frayères du saumon chinook au Yukon.

Des renseignements sur la zone d'occurrence et la zone d'occupation du saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique sont présentés pour chaque UD.

Il n'existe actuellement pas de source complète de données sur la répartition des populations de saumons chinooks du sud de la Colombie-Britannique. Des mesures rigoureuses sur le plan quantitatif ont été définies et appliquées de façon étendue pour déterminer la répartition des populations de saumons rouges du Fraser (voir p. ex. de Mestral Bezanson et al., 2012). Des méthodes similaires devraient en principe être élaborées et appliquées au saumon chinook dans la mesure du possible. Brown et al. (2013a) fournissent, comme paramètres de répartition provisoires, le nombre de bassins versants et leur superficie totale ainsi que la longueur de l'habitat de fraye connu du saumon chinook. Comme il a été mentionné, les limites des UC sont définies à l'aide du cycle vital (c.-à-d. la période de montaison) et des données génétiques et d'écotypologie, et elles ne sont déterminées que pour les systèmes d'eau douce canadiens (Holtby et Ciruna, 2007). Étant donné que chaque UD est fondée sur des paramètres adaptés des UC, les zones marines ne sont pas directement comprises dans la délimitation des UD. Cependant, les aires de répartition marines sont indirectement prises en compte par la composante écotypologique, selon laquelle chaque UC se voit attribuer une zone adaptative d'eau douce et une zone adaptative marine qui, combinées, forment une zone adaptative conjointe (ZAC = ZAED + ZAM). L'inclusion directe de zones marines donnerait de très grandes zones d'occurrence et zones d'occupation et empêcherait les comparaisons entre UD.

Habitat

Besoins en matière d'habitat

La zone de fraye du saumon chinook s'étend depuis les zones subissant les effets des marées jusqu'à une distance variant entre 1 000 km (type océanique) et 3 000 km (type fluvial) en amont, près des eaux d'amont des rivières (Diewart, 2007). Le saumon chinook a besoin en moyenne de 16 à 24 m2 de gravier par couple reproducteur (Burner, 1951). La réussite de l'incubation exige des débits stables fournissant un apport suffisant en oxygène, mais pas élevés au point de provoquer le mouvement du gravier ou l'affouillement du lit du cours d'eau. Les particules de substrat doivent être assez petites pour permettre aux saumons de les déplacer pour la construction du nid et assez volumineuses pour assurer un écoulement suffisant pour les œufs en incubation et, plus tard, pour les alevins en croissance. Un bon écoulement sous le lit de gravier est un facteur clé dans le choix de l'emplacement des nids de tous les saumons chinooks, car la taille relativement grande et le faible rapport surface-volume des œufs du saumon chinook les rendent vulnérables aux teneurs réduites en oxygène. Pourvu que la condition d'un bon écoulement sous le lit de gravier soit satisfaite, la fraye du saumon chinook se déroule dans une large fourchette de profondeurs d'eau, de vitesses du courant et de substrats (Scott et Crossman, 1973; Healey, 1991; Diewart, 2007). Cette nécessité apparente d'un écoulement suffisant sous le lit de gravier peut signifier que l'habitat de fraye convenable du saumon chinook est plus limité dans la plupart des rivières que ce que les observations superficielles pourraient laisser croire (Healey, 1991). Pour ce qui est des conditions thermiques, le saumon chinook en période de fraye a besoin d'eaux plus fraîches que celles qu'il peut tolérer pendant la migration au stade adulte. La plage de températures optimales pour la survie des œufs et des nouveau-nés est de 5 à 15 °C (Leitritz et Lewis, 1976; Van Vleck et al., 1988; McCullough, 1999; Diewart, 2007). Si elles demeurent constantes, les températures maximale et minimale associées à un taux de mortalité avant éclosion de 50 % pour le saumon chinook sont de 16 °C et de 2,5 à 3,0 °C, respectivement (Alderdice et Velsen, 1978). La température maximale létale pour les alevins du saumon chinook est de 25,1 °C (Scott et Crossman, 1973), bien que des données anecdotiques laissent croire que cette température pourrait être plus élevée, comme en témoignent des alevins du saumon chinook se nourrissant à 25 °C dans la rivière Coldwater en 2017 (Bailey, comm. pers., 2018). La tolérance thermique pourrait aussi varier d'un stock à l'autre (Perry et al., 2013; Plumb et Moffitt, 2015).

La croissance du saumon chinook se déroule en eau douce (cours d'eau, lacs) et dans les estuaires et l'océan. En eau douce, l'abondance des juvéniles est généralement plus élevée dans les eaux peu profondes où la vitesse du courant est faible et les particules de substrat sont de petite taille. On peut cependant rencontrer des individus dans un large éventail de types de substrats, de profondeurs et de vitesses de courant (Chapman et Bjornn, 1969; Everest et Chapman, 1972). Les individus de grande taille, plus âgés, préfèrent en général les milieux profonds à vitesse du courant élevée. Le saumon chinook est rarement présent dans les eaux calmes ou dans les endroits où la vitesse du courant est supérieure à 30 cm/s (Murphy et al., 1989). Des températures de l'eau de 10 à 14 °C créent des conditions propices à la croissance (Scott et Crossman, 1973; Van Vleck et al., 1988; McCullough, 1999). Des températures supérieures à 18 °C perturberont la migration des juvéniles vers la mer (Yates et al., 2008).

En eau douce, les saumons chinooks juvéniles se nourrissent principalement d'invertébrés, notamment d'insectes adultes et de larves. Le substrat optimal pour assurer le maintien d'une population d'invertébrés diversifiée est constitué d'une combinaison de vase, de gravier et de gravats. Un rapport fosses-radiers d'environ 1:1 semble fournir un mélange optimal d'habitats d'alimentation et de croissance au saumon chinook dans les cours d'eau. Une végétation naturelle et saine en bordure des cours d'eau est importante pour le maintien des températures, le contrôle de l'érosion et de la sédimentation et l'approvisionnement en proies qui sont un élément important du régime alimentaire des saumons chinooks du type fluvial. De plus, l'habitat de croissance en eau douce doit avoir une eau de qualité, en quantité suffisante (Diewart, 2007). Un nombre grandissant de données probantes suggèrent que, en hiver comme en été, les eaux souterraines et hyporhéiques sont d'importants modérateurs de la température des cours d'eau et peuvent créer des refuges thermiques pour le saumon chinook du type fluvial (p. ex. protection contre la formation de glace de fond) (Bailey, comm. pers., 2018).

Les estuaires côtiers offrent une zone de transition, de nombreuses possibilités d'alimentation et de croissance ainsi qu'un refuge contre les prédateurs pour les saumons chinooks en croissance. En tant que zones de transition, les estuaires aux eaux saumâtres permettent aux saumons chinooks juvéniles de s'acclimater lors de leur passage de l'eau douce à l'eau salée et entre des eaux dont la température est différente. Ces milieux offrent des possibilités d'alimentation considérables et produisent généralement plus de proies que les zones océaniques ou d'eau douce adjacentes. Les estuaires pourraient donc favoriser la croissance des saumons chinooks et, par conséquent, les individus auraient une plus grande taille à leur entrée dans l'océan, ce qui pourrait signifier un taux plus élevé de survie en mer (Quinn, 2005). Les estuaires offrent également un refuge contre les prédateurs. La turbidité plus élevée souvent associée aux zones estuariennes limite la capacité des prédateurs visuels de repérer les saumons juvéniles. La végétation aquatique abondante associée aux estuaires offre également un abri structurel important (Diewart, 2007). Ces avantages sont probablement plus importants pour les saumons chinooks du type océanique, car les saumons chinooks du type fluvial ont une plus grande taille lorsqu'ils pénètrent dans l'océan et ne passent pas beaucoup de temps en milieu littoral.

Le saumon chinook aurait besoin de milieux marins littoraux productifs, car sa survie pendant la période de résidence précoce dans l'océan peut avoir une incidence sur la production totale (Brown et al., 2013a). Le saumon chinook demeure généralement dans des milieux abrités près des côtes pendant des périodes de durée variable, selon des facteurs tels que la disponibilité de nourriture, la compétition, la prédation et les conditions environnementales. Les zones côtières constituent un habitat riche, recelant de nombreuses possibilités d'alimentation et de croissance. Tout au long de cette période, le varech ainsi que d'autres plantes du littoral offrent un refuge important contre les prédateurs ainsi qu'un milieu productif au plancton, élément important du régime alimentaire des saumons chinooks juvéniles (Williams, 1989; Healey, 1991; Diewart, 2007). Par conséquent, la santé des écosystèmes océaniques côtiers joue un rôle clé dans la production des stocks de saumons chinooks.

Au fur et à mesure qu'il grandit et parvient à maturité, le saumon chinook se disperse largement dans tout le Pacifique Nord où il se nourrit principalement de petits poissons (principalement le hareng et le lançon), les larves de crabe, les calmars et le zooplancton de grande taille contribuant également à son alimentation. Bien que les schémas de migration et d'autres aspects de l'écologie marine des saumons du Pacifique soient toujours peu connus, la période de résidence dans l'océan est reconnue comme un élément très important de leur cycle vital. Pendant leur séjour en mer, les saumons chinooks migrent sur des distances variables pendant qu'ils grandissent et emmagasinent les réserves d'énergie nécessaires à la reproduction. Bien que les tendances de répartition varient d'une année à l'autre et d'un stock à l'autre, tous les saumons chinooks du type fluvial utilisent les milieux côtiers et extracôtiers pendant une période de croissance rapide qui est essentielle au succès reproductif.

Les saumons chinooks adultes ont généralement besoin d'avoir accès à leurs frayères natales pour se reproduire avec succès et conserver une valeur adaptative suffisante. Les individus égarés peuvent se reproduire avec succès en dehors de leurs cours d'eau natals, mais leur valeur adaptative peut s'en trouver amoindrie. Les barrages construits par les humains, les barrages de castors, les chutes d'eau ou les éboulements/coulées de terre qui bloquent la migration en amont peuvent limiter l'accès aux frayères et avoir une incidence sur la production (Diewart, 2007; Bailey, comm. pers., 2018). Les conditions propices à la montaison/migration de retour des individus adultes sont limitées aux régions et aux saisons où la température de l'eau est généralement inférieure à 19 °C (Yates et al., 2008). Le saumon chinook adulte interrompt sa migration et cherche des refuges lorsque la température de l'eau dépasse 22 °C (Alexander et al., 1998). La survie des adultes et la viabilité des œufs non fécondés diminuent à des températures supérieures à 16 °C et inférieures à 3 °C (Van Vleck et al., 1988). Si des conditions telles qu'une température de l'eau élevée ou des débits extrêmes (élevés ou faibles) se présentent lorsque les reproducteurs arrivent à leur rivière d'origine, ces derniers attendront à proximité de l'embouchure de la rivière que les conditions s'améliorent. Ce retard d'entrée dans la rivière peut nuire à la survie et au succès de la fraye, car les individus peuvent être exposés à la prédation par les mammifères marins (Diewart, 2007).

Tendances en matière d'habitat

Les tendances en matière d'habitat sont examinées en détail dans le chapitre de chaque UD. La présente section décrit les facteurs généraux qui ont une incidence sur l'habitat d'eau douce et l'habitat marin.

Habitat d'eau douce

L'état de tous les saumons du Pacifique est étroitement lié à la disponibilité de milieux d'eau douce productifs. Les impacts anthropiques ont considérablement réduit, voire éliminé, l'habitat accessible dans le passé et/ou ont entraîné la mortalité directe de salmonidés juvéniles. Les effets négatifs découlent des prélèvements d'eau, de la construction de barrages (pour la production d'électricité ou la déviation de cours d'eau), qui limitent le passage des poissons ou qui entraînent ou blessent les poissons migrateurs, ainsi que de la dégradation de l'habitat par les utilisations industrielle, agricole et urbaine (Raymond, 1988; Myers et al., 1998). La pollution (p. ex. le ruissellement agricole, les produits chimiques de l'industrie), le déplacement modifié des sédiments des milieux terrestres vers les milieux aquatiques (p. ex. par la construction de routes pour l'exploitation forestière) et la canalisation/l'érosion entraînant la perte des refuges en eau profonde (Groot et Margolis, 1991; Bailey, comm. pers., 2018) ont une incidence négative sur la qualité de l'eau. De plus, la modification des régimes d'écoulement naturels a entraîné des effets néfastes variés, notamment une augmentation de la température de l'eau, des changements dans les structures des communautés de poissons et la réduction des débits d'eau en deçà des seuils nécessaires à la migration, à la fraye, à la croissance, au charriage des sédiments hors des frayères de gravier, à la formation d'amas de gravier et au transport des gros débris ligneux (NOAA Fisheries, 2014a). Les caractéristiques physiques des barrages, telles que les turbines et les vannes de vidange augmentent également la mortalité des salmonidés adultes et juvéniles. Les tentatives peu fréquentes dans le sud de la Colombie-Britannique visant à atténuer les effets néfastes de ces structures ont rarement réussi jusqu'à maintenant.

Habitat marin

Les scientifiques reconnaissent depuis longtemps l'importance de l'océan pour la dynamique des populations de saumons (voir p. ex. Pearcy, 1992; Beamish, 1993; Schindler et al., 2013). Le saumon chinook passe la majeure partie de son cycle vital et prend plus de 95 % de son poids en mer. On croit que deux périodes sont particulièrement importantes : 1) les mois du printemps et de l'été qui suivent immédiatement la dévalaison des smolts; 2) le premier hiver en mer (Beamish et Mahnken, 2001). Pendant l'hiver, le saumon chinook passe par de longues périodes de rareté de nourriture et doit compter sur l'énergie accumulée pendant la saison de croissance pour survivre. Par conséquent, les conditions qui causent des changements dans la période de migration peuvent synchroniser ou désynchroniser la présence des saumons avec celle des proies et des prédateurs importants, ce qui se traduit ultimement par des possibilités de croissance variables et des taux de survie différents (voir p. ex. Scheuerell et al., 2009; Holsman et al., 2012).

Les changements naturels et anthropiques du milieu océanique physique (p. ex. changements de la température et du climat) peuvent affecter les saumons indirectement par l'intermédiaire de processus physiologiques, mais aussi indirectement par le biais de répercussions sur le milieu biologique environnant (p. ex. la chaîne alimentaire). Par exemple, les conditions océaniques favorables à l'aiguillat commun (Squalus acanthias) et à la lamproie à queue noire (Lampetra ayresii) dans le détroit de Georgia créent une pression de prédation accrue sur les jeunes saumons chinooks (Beamish et Neville, 2000). Les études des conditions océaniques ont porté principalement sur une fourchette d'échelles temporelles et spatiales, allant des phénomènes et indices à grande échelle, comme l'oscillation décennale du Pacifique (Mantua et al., 1997; Hertz et al., 2016b), l'indice de l'oscillation arctique, l'indice du Pacifique Nord, l'oscillation du tourbillon du Pacifique Nord et l'indice de pression sur la mer de Béring (Scheuerell, 2012; Hertz et al., 2016b; Malick et al., 2017), aux mesures directes des conditions physiques régionales comme la température de surface de la mer (Mueter et al. [2002] pour le saumon kéta [Oncorhynchus keta], le saumon rouge [O. nerka] et le saumon rose [O. gorbuscha]). Scheuerell (2012) a trouvé des signes indiquant que la pression au niveau de la mer et, dans une moindre mesure, la température de la mer peuvent contribuer à certaines des tendances temporelles observées dans le rapport recrues/reproducteur des stocks de saumons chinooks de l'Arctique-Yukon-Kuskokwim. Hertz et al. (2016b) ont constaté que la survie des smolts du saumon chinook au large de la côte ouest de l'île de Vancouver peut être liée à la variabilité climatique à grande échelle par l'écologie alimentaire. Bien que les associations entre le taux de survie et les indices climatiques à grande échelle ne fournissent pas d'explication mécaniste illustrant quels processus océaniques particuliers font varier le taux de survie, elles donnent à penser que les changements à grande échelle de l'environnement influent sur le caractère convenable des conditions océaniques que connaissent les saumons chinooks juvéniles pendant les premiers stades de leur cycle vital en mer (Schindler et al., 2013).

Les impacts anthropiques sur les processus écologiques marins contribuent probablement aussi aux changements des conditions océaniques qui affectent la croissance et la survie du saumon chinook. Par exemple, l'effectif de plusieurs populations de saumons chinooks est augmenté (c.-à-d. que ces populations sont mises en valeur) par des lâchers d'écloseries, et il est démontré que la mise en valeur présente des risques pour les populations naturelles. Cependant, les effets de la mise en valeur varient d'une UD à l'autre, et ils sont mal compris en raison d'un manque de données. Dans la mer de Béring, la production en écloserie et la répartition des autres espèces de saumons (saumon rose, saumon kéta, saumon rouge) dans les aires d'alimentation du saumon chinook peuvent créer des conditions de compétition accrue pour la nourriture (Myers et al., 2010; Ruggerone et Irvine, 2018). La compétition en mer peut entraîner une réduction de la croissance et de la survie et peut vraisemblablement réduire le potentiel de reproduction des survivants (Ruggerone et Nielson, 2009; Ruggerone et Agler, 2010; Schindler et al., 2013). Les pêches marines à l'échelle industrielle peuvent à la fois jouer un rôle de compétiteur (p. ex. en réduisant la densité des principaux poissons-proies) et un rôle de prédateur (p. ex. par les prises accessoires de saumons), modifiant ainsi la productivité et la structure et la dynamique des communautés parce qu'elles enlèvent un grand nombre d'espèces cibles (Schindler et al., 2013). Enfin, les changements climatiques anthropiques sont un facteur important influant sur les régimes de température marins.

Biologie

La biologie générale du saumon chinook est bien documentée en Amérique du Nord. Les sections suivantes s'inspirent largement de Healey (1991) et de Myers et al. (1998).

Cycle vital et reproduction

Le cycle vital général du saumon du Pacifique comprend l'incubation, l'éclosion, l'émergence et la croissance en eau douce, la migration vers l'océan et le début subséquent de la maturation ainsi que le retour en eau douce pour achever la maturation et frayer (Myers et al., 1998). La période de croissance des juvéniles en eau douce peut être de courte durée ou plus longue; certains saumons chinooks mâles atteignent la maturité en eau douce, sautant l'étape de la migration vers l'océan (p. ex. les « jimmies » ou jeunes saumons d'un an; Bailey, comm. pers., 2018; Johnson et al., 2012). Les saumons chinooks atteignent la maturité entre la première et la septième année de vie, mais généralement vers l'âge de cinq ans (DFO, 2008). Comme de nombreuses espèces d'Oncorhynchus, le saumon chinook est sémelpare (c.-à-d. qu'il meurt après avoir frayé une fois) (Healey, 1991).

Cette stratégie générale du cycle vital comprend deux formes comportementales que l'on peut classer sur une échelle allant du type océanique au type fluvial. Les variantes du cycle vital se retrouvent quelque part le long de cette échelle et correspondent à l'expression d'une gamme de stratégies à la fois pour les phases en eau douce et en mer. La figure 14 (tirée de Healey, 1991) illustre la stratégie générale du cycle vital du saumon chinook et l'échelle de variation pour chaque type de comportement.

Il est important de noter que pour le saumon chinook qui tend vers l'une ou l'autre des extrémités de l'échelle des formes comportementales, il existe des opinions divergentes concernant le caractère distinctif des lignées génétiques (voir p. ex. Waples et al., 2004; Beacham et Withler, 2010; Moran et al., 2012; Braun et al., 2015). L'étude de la lignée maternelle par l'ADN mitochondrial est un moyen potentiel de résoudre ces différences (Bailey, comm. pers., 2018).

En général, le saumon chinook du type fluvial passe une ou plusieurs années sous la forme d'alevin ou de tacon en eau douce avant de migrer vers la mer, entreprend d'importantes migrations océaniques au large et retourne dans son cours d'eau natal au printemps ou en été, plusieurs mois avant la fraye. Occasionnellement, les mâles du type fluvial atteignent la maturité « précocement » sans jamais aller en mer (Johnson et al., 2012).

Le saumon chinook du type océanique migre vers la mer au cours de sa première année de vie, normalement dans les trois mois suivant son émergence dans les frayères de gravier, passe la majeure partie de sa vie océanique dans les eaux côtières et retourne dans son cours d'eau natal à l'automne, quelques jours ou semaines avant la fraye (Healey, 1991). Le moment de la migration n'est pas toujours corrélé au moment de la fraye, car ce dernier exige que le saumon chinook ait accès aux frayères, ce qui peut à son tour dépendre de la période de crue printanière et du caractère convenable de la température dans les cours d'eau.

On croit que ces variations du cycle vital représentent l'adaptation à l'incertitude entourant la survie des juvéniles et la productivité dans des aires de croissance particulières en eau douce et dans les estuaires. Il semble qu'une diversité de comportements ait évolué chez les saumons juvéniles et adultes, qui répartit le risque de mortalité entre les différents âges et milieux (voir p. ex. Stearns, 1976; Real, 1980). Une mortalité excessivement élevée pendant une année donnée ou dans un milieu particulier peut ainsi être compensée (Healey, 1991). Le risque est également atténué par le fait que les saumons chinooks atteignent la maturité à un âge variable, la fraye ayant lieu entre 2 et 5 ans chez les variantes océaniques et entre 3 et 7 ans chez les variantes fluviales (Bailey, comm. pers., 2018).

Voir description longue ci-dessous
Figure 14. Structure du cycle vital du saumon chinook montrant la division de l'espèce en deux types (océanique et fluvial) et l'échelle de variation pour chaque type, qui illustre le continuum entre les deux types et le fait qu'il ne s'agit pas d'une division purement dichotomique. Cette figure est une reproduction de la figure 1 de Healey (1991).
Description longue

Diagramme illustrant la structure du cycle vital du saumon chinook. Une boîte au sommet représente l’espèce. Des flèches lient cette boîte à deux autres boîtes représentant le type fluvial et le type océanique du saumon, respectivement. Chacune de ces deux boîtes de type de cycle vital est liée à une série de boîtes représentant les variations tactiques, comme la variation de l’âge à la dévalaison, de l’âge à la maturité, de la période de retour vers le cours d’eau natal et de la fécondité.

Pour se préparer à la fraye, la femelle du saumon chinook creuse une dépression dans le lit de gravier du cours d'eau en effectuant de vigoureux mouvements de côté près du fond. Le gravier et le sable projetés hors de la dépression s'accumulent en un monticule, formant une couverture de gravier, du côté aval de la dépression. Une fois qu'elle a terminé de creuser, la femelle dépose un groupe ou une « poche » d'œufs dans la dépression, qui sont fécondés par un ou plusieurs mâles; elle se déplace ensuite vers un endroit immédiatement en amont et répète le processus. Le matériau enlevé lorsqu'elle creuse le nouveau site recouvre les œufs fécondés dans la dépression en aval, les protégeant ainsi de la prédation et de l'action d'affouillement du lit du cours d'eau, qui pourrait les emporter (Diewart, 2007). Sur une période allant d'un à plusieurs jours, la femelle dépose de quatre à cinq poches d'œufs formant une ligne vers l'amont, élargissant au fur et à mesure les dépressions excavées. La superficie totale excavée, y compris la couverture de gravier, est appelée un « nid » (Healey, 1991). La taille (superficie) et la profondeur des nids varient selon la vitesse d'écoulement et la grossièreté du gravier des frayères (Vronskiy, 1972; Neilson et Banford, 1983; Healey, 1991). Le saumon chinook du type fluvial creuse habituellement des nids de plus petite taille dans des graviers plus grossiers que le saumon chinook du type océanique (Burner, 1951; Diewart, 2007).

Les femelles défendent leurs nids pendant des jours, voire des semaines, la durée moyenne de résidence diminuant tout au long de la période de fraye (Healey, 1991). Dans la rivière Morice (bassin versant de la haute Skeena), les femelles sont restées près des nids entre 4 et 18 jours (Neilson et Geen, 1981) et, dans la rivière Nechako, (bassin versant du haut Fraser), elles ont défendu les nids pendant 6 à 25 jours (Neilson et Banford, 1983). Les populations des rivières Morice et Nechako sont principalement constituées d'individus du type fluvial, bien que la présence de saumons chinooks du type océanique ait été établie par l'analyse des écailles.

La fécondité varie considérablement au sein d'une même population de saumons chinooks, d'une population à l'autre et d'une année à l'autre (McGregor, 1922, 1923; Healey et Heard, 1984; Myers et al., 1998). Dans une étude portant sur 16 populations de saumons chinooks, la fécondité des femelles allait de moins de 2 000 œufs à plus de 17 000 œufs (Healey et Heard, 1984). La fécondité était significativement corrélée à la taille des femelles dans toutes les populations étudiées, sauf une, mais la taille n'expliquait que 50 % ou moins de la variation entre individus d'une même population, une grande partie de la variation entre individus demeurant inexpliquée. Healey et Heard (1984) ont émis l'hypothèse que cette forte variation pourrait refléter un compromis incertain entre la taille des œufs et leur quantité en lien avec la valeur adaptative globale des populations de saumons chinooks. Dans une population stable, la fécondité suffit ultimement à obtenir une production moyenne d'une femelle reproductrice pour chaque femelle reproductrice de la génération parentale (Healey, 1991).

La survie des œufs dans les nids naturels non perturbés semble être assez élevée. Vronskiy (1972) rapporte un taux de survie de 97 % à l'éclosion, et Briggs (1953) rapporte un taux de survie de 90 % au stade œillé et de 82 % à l'éclosion. Ni l'un ni l'autre des auteurs n'ont traité des pertes dues à l'affouillement ou à l'envasement (Healey, 1991). La durée d'incubation des œufs dépend en partie de la température de l'eau; en général, plus la température de l'eau est basse, plus la période d'incubation est longue. Alderdice et Velsen (1978) ont déterminé que le délai pour atteindre un taux de 50 % d'éclosion était d'environ 159 jours à 3 °C et de 32 jours à 16 °C. Étant donné que l'incubation ne se déroule pas à une température constante pour les populations naturelles, il est plus utile de convertir ces valeurs en unités thermiques accumulées (ATU), et donc les ATU requises pour un taux de 50 % d'éclosion vont de 477 à 512 (159 × 3 = 477; 32 × 16 = 512). Au moment de l'éclosion, les alevins se déplacent sur des distances variables dans les espaces interstitiels du gravier selon la taille des particules qui le constituent (Diewart, 2007). Les poissons nouvellement éclos ont un sac vitellin (alevins vésiculés) qui leur fournit des réserves nutritives. Vers la fin de l'incubation au printemps, les alevins vésiculés remontent dans le gravier pour émerger en alevins. Ce processus se déroule pendant la nuit, ce qui aide à réduire la prédation et coïncide généralement avec la résorption complète du sac vitellin. La survie des œufs du saumon chinook, de la fraye à l'émergence, varie considérablement d'un bassin à l'autre et d'une année à l'autre, en plus de dépendre du débit des cours d'eau, de la température de l'eau, de la teneur en oxygène dissous, de la composition du gravier, de la période de fraye et de la densité des individus reproducteurs. Selon des études, la survie jusqu'à l'émergence serait en moyenne d'environ 30 % (Healey, 1991).

Physiologie et adaptabilité

La dévalaison est considérée comme l'une des phases les plus exigeantes et les plus difficiles sur le plan physiologique du cycle vital du saumon et représente une interaction complexe entre la physiologie et le comportement des individus (Miller et al., 2009). Après leur émergence en eau douce, les alevins du saumon chinook se nourrissent et grandissent pendant une période allant de quelques mois à deux ans avant de migrer vers l'océan sous la forme de smolts. Au cours de la migration, le saumon chinook traverse des milieux extrêmement différents (en termes p. ex. de salinité, de température, de signaux olfactifs, de débit). Les smolts subissent de profonds changements physiologiques au cours de leur transition de l'eau douce vers l'eau salée. Ils passent ensuite entre une et sept années à grandir et à atteindre la maturité en mer (les petits mâles précoces [mini-jacks] et les tacons matures sont des exceptions qui ne passent pas une année entière en mer). Les individus adultes retournent à leur cours d'eau natal pour terminer leur maturation sexuelle et frayer (National Wildlife Federation, 2002; NOAA Fisheries, 2014b). Les saumons chinooks adultes en montaison doivent maintenir un équilibre ionique, sans se nourrir, dans un milieu d'eau douce rigoureux sur le plan osmotique pendant plusieurs mois avant de frayer (Healey, 1991).

Avant d'entreprendre la montaison, le saumon chinook subit de nouveau d'importants changements physiologiques. Les poissons nagent en contractant leurs muscles rouges longitudinaux ainsi que leurs muscles blancs orientés obliquement. Les muscles rouges sont utilisés pour une activité soutenue, comme les migrations océaniques. Les muscles blancs sont utilisés pour les contractions rapides, comme les pointes de vitesse soudaines ou les sauts (Kapoor et Khanna, 2004). Lorsqu'il entre dans l'estuaire de sa rivière natale, le saumon chinook est confronté à deux grands défis métaboliques : 1) produire l'énergie nécessaire pour nager dans les rapides; 2) assurer la maturation du sperme et des œufs nécessaire à l'effort de reproduction à venir. L'estuaire reçoit l'eau douce provenant du cours d'eau natal. Par rapport aux eaux marines, les eaux estuariennes ont une charge chimique élevée due au ruissellement. Miller et al. (2009) ont constaté que, à mesure que les saumons pénètrent dans les eaux moins salées et que leur odorat est stimulé, deux changements métaboliques clés sont déclenchés : le passage de l'utilisation des muscles rouges pour nager à l'utilisation des muscles blancs, et l'augmentation de la charge en sperme et d'œufs. Les phéromones dans les frayères déclenchent un deuxième changement qui accroît davantage la charge reproductive (Miller et al., 2009).

Les œufs du saumon chinook sont les plus gros de tous les saumons du Pacifique (Diewart, 2007). Des facteurs physiologiques et écologiques pourraient limiter la taille minimale et maximale potentielle des œufs, soit 0,12 et 0,47 g, respectivement (Quinn et Bloomberg, 1992). Une étude récente d'Einum et al. (2002) porte à croire que la consommation d'oxygène des œufs de salmonidés n'augmente pas plus rapidement avec l'augmentation de la masse des œufs et de leur surface disponible pour la diffusion d'oxygène.

La percolation de l'eau dans le gravier des frayères est essentielle à la survie des œufs et des alevins, ce besoin pouvant être gravement compromis par l'envasement des frayères (Healey, 1991). Shelton (1955) a conclu que le taux de survie à l'éclosion était supérieur à 97 % à des taux de percolation d'au moins 0,03 cm/s, mais que le taux d'émergence était égal ou inférieur à13 % dans les frayères au gravier fin, lorsque le taux de percolation était inférieur à 0,06 cm/s. Des taux d'émergence beaucoup plus élevés (87 %) ont été enregistrés pour le saumon chinook dans les frayères à gros gravier où l'écoulement sous le lit de gravier est adéquat.

Le saumon chinook présente un degré élevé de variation du cycle vital, comme en témoigne la variabilité de la durée des stades de croissance en eau douce et en eau salée, de l'âge à la maturité et des besoins en matière d'habitat de fraye et d'habitat de croissance. Ce degré élevé de variation du cycle vital laisse supposer que l'espèce possède une grande adaptabilité (Healey, 1991). Cependant, la question de savoir dans quelle mesure cette variabilité découle d'une adaptation locale ou de la plasticité générale du génome des salmonidés suscite beaucoup de discussions (Ricker, 1972; Healey, 1991; Taylor, 1991.

Le taux de réussite obtenu avec les lâchers d'individus d'écloserie porte aussi à croire à l'adaptabilité de l'espèce. Le saumon chinook est produit dans des écloseries en Amérique du Nord depuis plus d'un siècle, et les individus d'écloserie ont été introduits dans de nombreuses rivières abritant ou non des populations de saumons chinooks indigènes (Myers et al., 1998). L'espèce a également été introduite avec succès dans des milieux très improbables, y compris le réseau des Grands Lacs canadiens et des rivières de Nouvelle-Zélande. Cependant, on s'inquiète beaucoup de la faible valeur adaptative apparente de nombreux individus d'écloserie et des répercussions que cela pourrait avoir sur les populations se reproduisant naturellement (Berejikian et Ford, 2003).

Dispersion et migration

Après leur émergence des frayères de gravier, les alevins du saumon chinook nagent et/ou se laissent passivement porter en aval par le courant (Healey, 1991). Un important mouvement vers l'aval immédiatement après l'émergence est caractéristique chez la plupart des populations (voir p. ex. Lister et Walker, 1966; Bjornn, 1971; Reimers, 1971; Healey, 1980b; Kjelson et al., 1982) et est probablement un mécanisme de dispersion qui contribue à répartir les alevins entre les habitats de croissance convenables (Healey, 1991; Myers et al., 1998). Par conséquent, les alevins du saumon chinook croissent souvent dans des cours d'eau autres que leur cours d'eau natal, ce qui souligne l'importance de ces cours d'eau comme habitat, même s'ils ne sont pas des cours d'eau de fraye (Scrivener et al., 1994). Dans les grandes rivières, les alevins du saumon chinook migrent près des berges plutôt que dans les eaux où le courant est fort près du centre du chenal et, lorsque la profondeur dépasse 3 m environ, ils préfèrent rester près de la surface (Mains et Smith, 1964; Healey et Jordan, 1982). Ces observations appuient l'hypothèse selon laquelle le mouvement des alevins vers l'aval n'est pas un déplacement entièrement passif, contrôlé par le courant, mais qu'un comportement actif des alevins dirige leur migration (Healey, 1991). La distance de dévalaison, la stabilité des cours d'eau, les régimes de débit et de température des cours d'eau, la productivité des cours d'eau et des estuaires, et les régimes météorologiques généraux ont également joué un rôle dans l'évolution de la période de migration de l'espèce (Myers et al., 1998).

Dans le cas des populations qui frayent près des eaux tidales, la dispersion en aval transporte les alevins vers les aires de croissance estuariennes; dans d'autres cas, elle sert principalement à répartir les alevins entre les aires de croissance convenables en eau douce (Healey, 1991). La dispersion en aval a principalement lieu pendant la nuit, généralement aux alentours de minuit, bien qu'un petit nombre d'alevins puissent se déplacer le jour (Healey, 1991). La dispersion des alevins est normalement plus intense entre février et mai, et elle a lieu plus tôt chez les populations se trouvant plus au sud. Les saumons chinooks de la Thompson Sud semblent se disperser plus tard au cours de l'été (juillet-août) (Beamish et al., 2010). Le moment du pic de dispersion peut varier considérablement d'une année à l'autre dans le même bassin, et l'abondance varie aussi énormément d'une journée à l'autre. Les causes de ces variations annuelles et quotidiennes de la dispersion en aval ne sont pas bien comprises (Healey, 1991), mais elles pourraient être liées au moment où surviennent les épisodes de fort débit (Mains et Smith, 1964; Healey, 1980b; Kjelson et al., 1981; Irvine, 1986).

Outre le débit des cours d'eau, les relations intraspécifiques et interspécifiques peuvent stimuler la dispersion en aval des jeunes saumons chinooks. Reimers (1968) a observé des juvéniles d'automne adoptant une posture de menace latérale, et il les a aussi observé se livrant des combats, s'élançant à la poursuite d'autres individus, prenant la fuite et arborant des comportements de soumission dans les réservoirs et dans des cours d'eau (populations naturelles), le comportement agonistique d'un ou de quelques individus dominants stimulant apparemment le mouvement vers l'aval d'individus subordonnés. Taylor (1988) a également observé un comportement agressif chez les alevins du saumon chinook et entre alevins du saumon chinook et du saumon coho; les saumons chinooks du type fluvial étaient plus agressifs que les saumons chinooks du type océanique. Dans le cas du saumon chinook du type fluvial, la dispersion et la dévalaison peuvent être liées à la répartition des ressources et à la dispersion vers l'habitat d'hivernage, mais ces déplacements font partie du cycle vital naturel (Myers et al., 1998). Les tendances varient considérablement selon les lieux de croissance (Bradford et Taylor, 1997). Si un habitat d'hivernage convenable, comme un lit de gros galets, n'est pas disponible, les individus se déplaceront généralement vers l'aval (Bjornn, 1971; Hillman et al., 1987). De plus, Stein et al. (1972) ont observé que les saumons chinooks juvéniles grandissent plus lentement en présence de saumons cohos juvéniles qu'en leur absence, et ils ont émis l'hypothèse que l'interaction avec le saumon coho peut influer sur le mouvement vers l'aval du saumon chinook.

Dans la moitié sud de l'aire de répartition du saumon chinook, suivant de près la dévalaison des alevins, de nombreux alevins de moins d'un an migrent vers la mer entre avril et juin de leur première année (Healey, 1980b, 1982; Kjelson et al. 1981, 1982). Dans le cas des individus de la variante océanique, cette migration peut avoir lieu n'importe quand entre l'émergence et environ 150 jours après celle-ci; cependant, la majorité des individus migrent vers la mer après 60 à 90 jours (c'est pourquoi on les appelle « alevins de moins d'un an »). Les individus de certains stocks doivent traverser de grands lacs pour se rendre à la mer (p. ex. les lacs Mabel, Mara, Shuswap, Little Shuswap et Kamloops). Les alevins de moins d'un an migrent vers l'aval tout au long de la journée, mais la plupart le font la nuit (Mains et Smith, 1964; Lister et al., 1971). On sait aussi que le saumon chinook du type océanique utilise les lacs pendant sa croissance (Brown et Winchell, 2004; Roseneau, 2014) et qu'il utilise abondamment les estuaires avant la dévalaison.

Les individus de la variante fluviale retardent généralement la migration jusqu'au printemps suivant leur émergence (on les appelle « jeunes d'un an ») et attendent parfois une année supplémentaire (Healey, 1983). Les smolts d'un an migrent normalement vers la mer au début du printemps (d'avril à juillet), parfois avant les principales migrations d'alevins et d'alevins de moins d'un an et parfois entremêlés avec les individus de ces groupes (Healey, 1991). Les migrateurs d'un an semblent être moins nocturnes que ceux de moins d'un an, bien que, en moyenne, un plus grand nombre de smolts se déplacent la nuit (Meehan et Siniff, 1962; Major et Mighell, 1969).

Pour tous les types de variantes du cycle vital, la vitesse de dévalaison semble dépendre à la fois du moment et de la taille des individus. Les saumons chinooks de plus grande taille se déplacent plus rapidement vers l'aval que les individus de plus petite taille, et la vitesse de migration augmente à mesure que la saison avance (Healey, 1991). Les vitesses de déplacement vers l'aval peuvent aussi être liées positivement au débit des cours d'eau (Bell, 1958; Raymond, 1968), mais aucune étude systématique n'a été effectuée sur les éléments déclencheurs (Healey, 1991).

On dispose de peu de données sur la migration océanique des individus sauvages de la variante fluviale; ils se déplacent apparemment rapidement vers le large des côtes et le centre du Pacifique Nord, où ils représentent un pourcentage disproportionnellement élevé des prises commerciales par rapport aux individus de la variante océanique (Healey, 1983; Myers et al., 1987; Trudel et al., 2011; Trudel et Hertz, 2013). Les retours d'individus portant une micromarque magnétisée codée ont révélé que les saumons chinooks de la Colombie-Britannique, de l'État de Washington et de l'Oregon migrent aussi loin à l'ouest que 160°-175° de longitude ouest (Dahlberg, 1982; Wertheimer et Dahlberg, 1983; Dahlberg et Fowler, 1985; Dahlberg et al., 1986). Les individus de la variante fluviale effectuent d'importantes migrations océaniques avant de retourner à leur cours d'eau natal au printemps ou à l'été, plusieurs mois avant la fraye. Les individus de la variante océanique migrent vers la mer au cours de leur première année de vie, mais passent la majeure partie de leur vie océanique dans les eaux côtières avant de retourner à leur cours d'eau natal à l'automne (Healey, 1991). La période de migration n'est pas toujours corrélée avec la période de fraye, car cette dernière nécessite que les saumons chinooks aient accès aux frayères, ce qui peut dépendre du moment de la crue et du caractère convenable de la température des cours d'eau (Bailey, comm. pers., 2018).

Des études sur la transplantation et la récupération d'individus d'écloserie marqués dans les pêcheries océaniques fournissent des preuves d'un fondement génétique de la répartition océanique. Les stocks de saumons chinooks suivent des schémas de migration océanique prévisibles, basés sur des voies d'alimentation « ancestrales » (Brannon et Setter, 1987). La productivité de diverses régions océaniques (p. ex. l'ouest de l'île de Vancouver) a été corrélée avec le degré de remontée d'eau due au vent (Bakun, 1973, 1975). La remontée d'eau amène à la surface des eaux froides, riches en nutriments, ce qui entraîne une augmentation de la production de plancton et, ultimement, de la production de saumons (Beamish et Bouillon, 1993). Les schémas de migration océanique illustrent une forme importante de partage des ressources et sont importants au succès de l'espèce au plan évolutif (Myers et al., 1998).

Le fait qu'on ait pu récupérer des individus portant une micromarque codée au cours des dernières années a permis d'obtenir des données propres aux stocks, plus détaillées, sur la répartition marine du saumon chinook (Beamish et al., 2011a,b; Trudel et al., 2009; Tucker et al., 2011, 2012; Weitkamp, 2010). Des saumons chinooks juvéniles sont présents dans tout le détroit de Georgia, de la surface jusqu'à 60 m de profondeur, de juin à novembre. Les smolts de la variante fluviale sont généralement les premiers à arriver dans l'océan (mars-mai) (Trudel et al., 2007). Les saumons chinooks de la variante océanique de la région de la Thompson Sud du fleuve Fraser entrent dans l'océan plus tard, en juillet et en août (Barraclough et Phillips, 1978; Healey, 1980a, 1991; Healey et Groot, 1987; Beamish et al., 2003). Les smolts de la variante fluviale entrent dans l'océan en avril et en mai. Ces smolts ne restent pas près des côtes, mais se déplacent vers les zones plus profondes du détroit (Healey, 1980a, 1991). Beamish et al. (2011a) ont constaté qu'un certain pourcentage des individus des variantes fluviale et océanique passent environ 3 à 5 mois dans le détroit de Georgia, mais que tous les individus ne quittent pas nécessairement le détroit. Par exemple, certains saumons chinooks du type océanique hivernent dans le détroit, comme en témoignent des individus capturés (prises de la pêche récréative) au cours de leur deuxième année de résidence dans le détroit de Georgia (Brown et al., 2013a).

La baisse de l'abondance des individus des variantes océanique et fluviale observée dans le détroit de Georgia en juin et en juillet est probablement due à la mortalité dans le détroit et à la migration hors du détroit. Le taux de mortalité du saumon chinook dans le détroit de Georgia serait assez élevé, allant de 70 à 92 % pour les individus sauvages (Beamish et al., 2011). Il semble également que la répartition de certains stocks de saumons chinooks du détroit de Georgia soit spécifique au début de leur période de séjour en mer. Par exemple, les saumons chinooks de la rivière Thompson Sud sont présents sur la côte ouest de l'île de Vancouver à l'automne et demeurent dans la région pendant les mois d'hiver (Tucker et al., 2011). Ces individus se dispersent plus loin au nord à mesure qu'ils vieillissent (Tucker et al., 2011; PSC-CTC, 2012a). Les saumons chinooks du type océanique du bas Fraser semblent migrer au large de la côte ouest de l'île de Vancouver plus tard que les saumons chinooks de la rivière Thompson Sud, et ils sont rarement présents au nord de l'île de Vancouver (Tucker et al., 2011; PSC-CTC, 2012a). En revanche, les saumons chinooks de la rivière Cowichan grandissent principalement dans les eaux côtières alentour des îles du sud (les « îles Gulf ») du détroit de Georgia (qui fait partie de la zone désignée « mer des Salish ») (Beamish et al., 2011a, 2011b). Les prises d'individus appartenant à ce stock restent élevées dans la région de mai à septembre. Ce stock est rarement identifié (d'après des analyses de l'ADN) parmi les prises effectuées dans d'autres zones du détroit de Georgia (Brown et al., 2013a).

Sur la côte ouest de l'île de Vancouver, les saumons chinooks migrent vers la mer sous forme de smolts de la variante océanique en mai et en juin (Healey, 1991) et demeurent sur la côte ouest de l'île de Vancouver pendant près d'un an avant de migrer vers le nord le long du plateau continental (Trudel et al., 2009; Tucker et al., 2011). Ces individus sont présents principalement dans les cours d'eau du plateau et dans les bras de mer à l'intérieur de l'isobathe de 200 m. À l'automne et à l'hiver de leur première année en mer, la plupart des stocks se trouvent entre leur point d'entrée dans l'océan et la baie Quatsino, à l'extrémité nord de l'île de Vancouver. Par exemple, les saumons chinooks du ruisseau Robertson sont présents depuis la baie Barkley jusqu'à la baie Quatsino, tandis que les saumons chinooks de la rivière Marble sont présents exclusivement dans la baie Quatsino durant leur première année en mer (Trudel et al., 2012a). Les taux de mortalité n'ont pas été quantifiés pour le début de la période de séjour en en mer au large de la côte ouest de l'île de Vancouver, bien que le taux de survie marin global des saumons chinooks du ruisseau Robertson semble être lié à la disponibilité de proies riches en énergie (Trudel et al., 2012b; Hertz et al., 2016a). Pendant l'hiver, les taux de mortalité des saumons chinooks de la rivière Marble varient de 60 à 90 %, selon l'année (Trudel et al., 2012a). Les facteurs contribuant à ce taux de mortalité sont actuellement inconnus, mais ne semblent pas être liés à la taille des individus, à leur croissance ou à l'énergie accumulée (Middleton, 2011; Trudel et al., 2012a).

Tout le long de la côte, le saumon chinook reste en mer d'un à six ans (de deux à quatre ans le plus souvent) (Myers et al., 1998). Des individus adultes et subadultes du saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique sont présents aussi loin au nord que le golfe de Cook, en Alaska, des individus ayant surtout été récupérés dans le sud-est de l'Alaska et sur la côte ouest de l'île de Vancouver (Weitkamp, 2010; PSC-CTC, 2012a). De façon générale, les saumons chinooks adultes peuvent entreprendre la montaison vers l'embouchure de leur cours d'eau natal presque n'importe quel mois de l'année (Snyder, 1931; Rich, 1942; Hallock et al., 1957) (le saumon chinook du sud de la Colombie-Britannique fait exception à la règle). Cependant, on compte habituellement un à trois pics d'activité migratoire, et le moment et le nombre de ces pics varient d'un réseau hydrographique à l'autre. Pour les réseaux hydrographiques nordiques, un seul pic d'activité migratoire en juin semble typique, bien que des pics puissent se produire d'avril à septembre (Bailey, pers. comm., 2018; Brady, 1983; Vronskiy, 1972; Yancey et Thorsteinson, 1963). Plus au sud, le nombre de remontes peut atteindre un sommet n'importe quand entre les mois d'avril et de septembre (Bailey, comm. pers., 2018). Le retour au cours d'eau natal constitue un mécanisme d'adaptation locale et d'isolement reproductif (Myers et al., 1998).

La montaison des saumons chinooks adultes a lieu principalement pendant le jour, du moins pour les individus de la variante océanique (Neave, 1943). Cependant, quelques individus migrent en amont la nuit (Healey, 1991).

Relations interspécifiques

Les saumons chinooks en croissance en eau douce se nourrissent d'insectes terrestres, de crustacés, de chironomidés, de corixidés, de phryganes, d'acariens, d'araignées, d'aphidés, de larves de Corethra et de fourmis (Scott et Crossman, 1973; Healey, 1991). Les insectes prédominent dans le régime alimentaire des saumons chinooks durant cette phase, constituant jusqu'à 95 % du régime alimentaire en eau douce en toutes saisons, les chironomidés adultes représentant 58 à 63 % des proies consommées (Becker, 1973). Le régime alimentaire de base du saumon chinook est semblable à celui du saumon coho (O. kisutch), de la truite arc-en-ciel anadrome (O. mykiss) et d'autres salmonidés vivant dans les cours d'eau (Mundie, 1969; Chapman et Bjornn, 1969).

Les habitudes alimentaires du saumon chinook varient considérablement d'un estuaire à l'autre et d'un endroit à l'autre dans un estuaire donné (Healey, 1991). Des larves et nymphes de chironomidés, des larves de crabe, des copépodes harpacticoïdes ainsi que des Daphnia, Eogammarus, Corophium et Neomysis (Dunford, 1975; Northcote et al., 1979; Levy et al., 1979; Levy et Northcote, 1981) comptent parmi les proies consommées. À mesure que le saumon chinook grandit, les petits poissons (p. ex. harengs juvéniles (Clupea pallasii), épinoches (p. ex. Gasterosteus aculeatus) et alevins du saumon kéta (O. keta)) deviennent également importants dans son régime alimentaire (Goodman, 1975; Healey, 1980b; Levings, 1982).

Les jeunes saumons chinooks en milieu marin se nourrissent principalement de poissons, particulièrement le hareng, le reste de leur régime étant composé d'invertébrés comme des amphipodes pélagiques, des calmars, des crevettes, des euphausiacés, des larves de crabe et des insectes (Scott et Crossman, 1973; Healey, 1980a; Hertz et al., 2016b). Les saumons chinooks subadultes (d'une longueur variant entre 27 et 72 cm) dans la région de la rivière Qualicum du détroit de Georgia se nourriraient d'alevins du saumon kéta, de larves de hareng et de harengs adultes, de lançons gourdeaux (Ammodytes hexapterus) et d'euphausiacés (Robinson et al., 1982). Les poissons dominent dans le régime alimentaire des saumons chinooks adultes, en particulier le hareng (Reid, 1961; Prakash, 1962); parmi les autres poissons-proies, on retrouve le lançon, les sardines et les épinoches (Pritchard et Tester, 1944). Les taxons invertébrés forment une composante relativement petite du régime alimentaire des individus adultes dans l'océan, bien qu'il existe des variations régionales (et saisonnières) considérables dans la composition du régime alimentaire (Healey, 1991). Des données sur l'ensemble de la côte semblent indiquer que l'importance du hareng et du lançon dans l'alimentation des adultes augmente du sud au nord, tandis que l'importance des sébastes (Sebastes sp.) et de l'anchois du Pacifique (Engraulis mordax) diminue (Healey, 1991).

Le saumon chinook et le saumon coho sont des espèces sympatriques dans de nombreux cours d'eau tributaires de l'océan Pacifique Nord (Taylor, 1991). Certaines données indiquent que des comportements agonistiques se produisent entre alevins du saumon chinook et alevins du saumon coho (Taylor, 1988) et que ces espèces sont en compétition pour les ressources (Stein et al., 1972). Dans un milieu contrôlé, Stein et al. (1972) ont observé que des saumons cohos juvéniles dominaient apparemment les saumons chinooks et qu'ils grandissaient plus rapidement dans les groupes sympatriques dans les fosses des cours d'eau. Cependant, lorsqu'ils étaient seuls dans les fosses, les saumons chinooks ont grandi aussi rapidement que les saumons cohos. Également dans un milieu contrôlé, Taylor (1991) a observé que les saumons cohos dominaient les saumons chinooks sur le plan comportemental et qu'ils étaient plus nombreux que ces derniers dans les chenaux en amont, là où de la nourriture avait été introduite. Toutefois, dans les cours d'eau naturels, là où le saumon chinook et le saumon coho étaient sympatriques, les deux espèces utilisaient des milieux différents - le saumon coho préférait les fosses profondes où le débit est lent, tandis que le saumon chinook préférait les radiers peu profonds au débit plus rapide. Le saumon chinook utilisait plus abondamment les fosses. Bien que le saumon coho puisse dominer socialement le saumon chinook dans les fosses, les différences en matière de préférences d'habitat entre les espèces, qui se sont développées dans le cadre d'une évolution sympatrique, réduisent probablement l'influence du saumon coho sur la durée de séjour en eau douce du saumon chinook (Taylor, 1991).

L'aiguillat commun (Squalus acanthias) et la lamproie à queue noire (Lampetra ayresii) ont été identifiés comme d'importants prédateurs des saumons chinooks juvéniles dans le détroit de Georgia (Beamish et Neville, 2000). Les épaulards résidents du sud ont également un fort penchant pour le saumon chinook pendant la majeure partie de l'année, surtout dans la partie inférieure du détroit de Georgia (Ford et Ellis, 2005). Le merlu du Pacifique (Merluccius productus), le maquereau blanc (Scomber japanicus), des otaries (Zalophus californianus, Eumetopias jubatus), le phoque commun (Phoca vitulina), le dauphin à flancs blancs du Pacifique (Lagenorhynchus obliquidens), le rorqual à bosse (Megaptera novaeangliae) sont aussi des prédateurs connus des saumons en milieu marin (Riddell et al., 2013).

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