Tortue mouchetée (Emydoidea blandingii) certaines populations évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2016 : annexe 3

Annexe 3. Estimation de l’effet de la mortalité routière sur la tortue mouchetée à l’échelle de l’Ontario

Rapport à l’appui de l’évaluation et du rapport de situation
du COSEPAC (mise à jour), en cours

Préparé par
David C Seburn1 et Kari Gunson2

1Seburn Ecological Services, Ottawa (Ontario)
2Eco-Kare International, Peterborough (Ontario)

Juin 2016

Résumé

L’effet de la mortalité routière sur la population de tortues mouchetées de l’Ontario a été estimé à partir des taux de mortalité routière provenant de relevés normalisés qui ont été réalisés le long de quatre routes de la province. Ont été recensés 1 328,8 km de routes dans des carrés de grille de 1 km x 1 km où des tortues mouchetées ont été observées récemment. Selon les deux méthodes utilisées, les taux de mortalité routière annuels variaient de 0,2 à 0,3 tortue mouchetée par kilomètre sur les routes examinées. D’après cette échelle, on estime donc que de 265,8 à 398,6 tortues mouchetées sont tuées sur les routes chaque année en Ontario. Au taux de mortalité le plus bas, la population diminuerait de 50 % en trois générations (120 ans). Le déclin serait de 50 % en 65 ans pour une population dont les effectifs initiaux comptent 25 00 adultes, ou en 117 ans pour une population dont les effectifs initiaux comptent 45 00 adultes.

Introduction

Il est largement reconnu que la mortalité routière est une menace considérable pour les populations de tortues. Selon des études de modélisation, les populations d’espèces semi-terrestres comme la tortue mouchetée (Emydoidea blandingii) affichent sans doute des taux de mortalité routière qui dépassent les niveaux souhaitables dans de nombreux endroits où la densité routière est élevée (Gibbs et Shriver, 2002). Les taux de survie élevée chez les adultes sont une caractéristique clé de la biologie de la tortue mouchetée et toute hausse du taux de mortalité chez les adultes, si petite soit-elle, peut contribuer au déclin de la population (voir par exemple Congdon et al. 1993). En outre, il se peut que la mortalité routière touche davantage les femelles, qui doivent quitter les milieux humides pour trouver des sites de nidification (Steen et al., 2006). La mortalité routière pose probablement un problème important pour la tortue mouchetée en Ontario, où le réseau routier a pris de l’expansion et est passé d’environ 7 00 km à plus de 35 00 km de routes asphaltées entre 1935 et 1995 (Fenech et al., 2001). Ce problème est d’autant plus grand qu’environ 2,7 % des automobilistes vont délibérément écraser des reptiles (Ashley et al., 2007).

Tout récemment, des études réalisées en Ontario ont établi les taux de mortalité routière chez les tortues sur diverses routes et dans diverses régions de la province. En nous fondant sur les données tirées de ces études, nous avons cherché à estimer le nombre de tortues mouchetées de grande taille (juvéniles ou adultes) qui meurent chaque année sur les routes à partir d’un taux de mortalité faible moyen et élevé par kilomètre de route. Au moyen de ces estimations du taux de mortalité annuel, nous avons estimé l’effet de ce taux de mortalité au cours des trois prochaines générations, ou 120 ans, sur la taille de la population de tortues mouchetées en Ontario.

Méthodes

Nous avons délimité la zone d’occupation de la tortue mouchetée en Ontario au moyen de carrés de grille de 1 km x 1 km. Nous avons choisi cette dimension parce que la tortue mouchetée peut facilement se déplacer sur un kilomètre ou plus (Joyal et al., 2001; Edge et al., 2010). Étant donné que la tortue mouchetée peut parcourir des distances supérieures à trois kilomètres (Grgurovic et Sievert, 2005), on peut soutenir que des carrés de grille plus gros seraient de mise. Toutefois, les déplacements de la tortue mouchetée ne sont pas uniformes à l’échelle du paysage et le recours à des carrés de plus grande taille (p. ex., 2 km x 2 km) accroît considérablement la probabilité d’inclure des secteurs, et donc des routes, qui ne font pas partie des habitudes de déplacement d’une population. Les carrés de grille de plus petite taille (p. ex., 1 km x 1 km) permettent d’obtenir une estimation prudente de l’effet des routes sur la tortue mouchetée.

L’Atlas des reptiles et des amphibiens de l’Ontario nous a fourni, dans un format SIG .shp (shapefile), toutes les mentions d’observation de tortues mouchetées réparties en carrés de grille de 1 km x 1 km. Nous avons uniquement retenu les carrés comportant les mentions les plus récentes, soit au cours des 20 dernières années (depuis 1995). La superficie des routes de chacun de ces carrés a été déterminée au moyen des données de 2013 sur les routes du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario extraites du réseau Groupe d’échange de données géospatiales en Ontario. Sept grandes catégories de routes ont été définies : route artérielle, route collectrice, autoroute, route locale, bretelle d’accès, route d’accès aux ressources/loisirs et route de service. Nous les avons toutes intégrées aux analyses.

Nous avons ensuite examiné les données sur la mortalité routière tirées des relevés sur les routes. Comme les adultes sont plus importants que les juvéniles pour la viabilité de la population (Congdon et al. 1993), nous avons voulu ne tenir compte que de la mortalité routière chez les adultes. Les tortues tuées sur les routes ne sont pas toutes des adultes mais, malheureusement, certaines tortues mortes sur la route étaient en mauvais état et il n’était donc pas possible d’obtenir des données sur leur taille; toutefois, on a pu déterminer de façon fiable qu’elles appartenaient à la classe d’âge juvénile ou adulte. Nous avons éliminé les tortues qui étaient de toute évidence juvéniles (p. ex., longueur de plastron de plus de 15 cm), mais avons tenu compte de toutes les autres, ce qui a donné un taux de mortalité pour l’ensemble des sous-adultes et des adultes.

Les taux de mortalité routière des tortues mouchetées ont été calculés à partir des données provenant de relevés antérieurs effectués sur les routes suivantes.

Pour chaque tronçon de route examiné, nous avons divisé la route en sections de 1 km et y avons dénombré les tortues mouchetées mortes. Toutes les sections de route où aucune tortue n’a été observée au cours de toutes les années des relevés ont été exclues du calcul des taux de mortalité de sorte que les secteurs où l’espèce est absente ne soient pas intégrés à l’analyse. Pour les routes nos 7, 41 et 69, les données normalisées ont été recueillies dans le cadre de relevés sur les routes menés sur plusieurs années, ce qui a permis d’arriver à un nombre moyen de tortues tuées chaque année dans chacune des sections de route de 1 km et de donner une estimation plus solide du taux de mortalité annuel/km. Une fois déterminé le taux de mortalité routière ou le taux de mortalité routière moyen pour chaque section de 1 km fréquentée par des tortues mouchetées, nous avons calculé les taux de mortalité routière médian et modal pour l’ensemble de ces sections de route.

À des fins de comparaison, nous avons également eu recours à une deuxième méthode pour calculer les taux de mortalité routière. Pour chaque route, le nombre de tortues mouchetées mortes qui ont été recensées a été divisé par la longueur totale de route examinée afin d’arriver au nombre de tortues trouvées par kilomètre. Cette méthode comprend des tronçons de route sans mortalité routière et réduit donc tout biais associé à la première méthode, laquelle excluait les tronçons de route où des tortues ont peut-être été tuées, mais n’ont pas été décelées. Pour les routes ayant fait l’objet de relevés sur plusieurs années, un taux de mortalité a été calculé pour chaque année ainsi qu’un taux de mortalité moyen général pour chaque route.

Les taux de mortalité routière obtenus à partir de ces méthodes ont été multipliés par le nombre de kilomètres de route contenus dans les carrés de grille de 1 km x 1 km où des tortues mouchetées ont été observées récemment afin d’estimer le nombre de tortues mouchetées tuées chaque année en Ontario. Ces estimations ont servi à calculer le pourcentage estimé de la population de l’Ontario qui est tué chaque année en fonction des estimations faibles et élevées de la taille de la population fournies dans le rapport du COSEPAC. Ces pourcentages ont ensuite été utilisés pour calculer l’effet sur la population de l’Ontario au cours de trois générations, ou 120 ans, au sens du rapport du COSEPAC.

Sur une période de 120 ans, le recrutement dans la population adulte ainsi que la mortalité naturelle chez les adultes sont des facteurs importants. Les populations de tortues présentent généralement des taux de croissance très faibles, et le recrutement et la mortalité sont souvent plus ou moins équilibrés (voir par exemple Shoemaker et al., 2013). Nous avons donc modélisé l’effet de la mortalité routière annuelle sur la population de tortues mouchetées de l’Ontario selon l’hypothèse d’une population stable (recrutement = mortalité naturelle). Si cette hypothèse est peut-être fausse, elle permet toutefois d’examiner l’effet de la mortalité routière indépendamment d’autres facteurs, et ne suppose pas un taux de croissance démographique arbitraire. Le déclin de la population au fil du temps a été modélisé selon un taux de mortalité routière exprimé en pourcentage annuel constant dans le temps, d’après la formule de calcul des intérêts composés :

A = P (1 + r/n)nt

A = taille future de la population

P = taille initiale de la population

r = intérêt annuel, ou taux de mortalité (nombre décimal négatif)

n = nombre de fois où le taux est composé par année (une fois dans le cas présent)

t = nombre d’années

Comme le taux de mortalité n’est appliqué qu’une fois par année, la valeur n dans la formule est égale à 1 et la formule est simplifiée ainsi :

A = P (1 + r)t

Pour calculer le nombre d’années nécessaires pour que la population diminue de 50 %, on a remanié la formule pour trouver t, et donné à A/P (la taille future de la population divisée par la taille actuelle de la population) la valeur de 0,5 :

t = ln (A/P)
ln (1 + r)

Résultats et analyse

Superficie de routes contenue dans l’aire de répartition de la tortue mouchetée en Ontario

Au total, des tortues mouchetées ont été observées dans un total de 2 20 carrés de grille de 1 km x 1 km. Les observations étaient récentes (1995 ou après) dans seulement 64 % (1 283) de ces carrés. Il s’agit probablement là d’une sous-estimation du nombre de carrés de grille où l’espèce est présente actuellement, car la tortue mouchetée peut vivre plus de 20 ans. En outre, le manque de mentions récentes dans l’Atlas des reptiles et des amphibiens de l’Ontario ne confirme pas l’absence d’une espèce (Seburn et Mallon, 2015). Les carrés de grille où des observations récentes ont été faites contenaient 1 328,8 km de routes. Dans près de 60 % des cas, il s’agissait de routes locales, et 90 % d’entre elles appartenaient aux trois catégories suivantes : route artérielle, autoroute et route locale (tableau 1). Dans chaque carré de grille, la longueur moyenne des routes était de 1,04 km. Étant donné que plus de 700 carrés de grille ont été exclus en raison d’un manque de mentions récentes, il se peut que la longueur totale des routes se trouvant au sein de l’aire de répartition de la tortue mouchetée ait été sous-estimée de centaines de kilomètres.

Tableau 1. Superficie des divers types de routes dans les carrés de grille de 1 km x 1 km ayant des mentions récentes de tortues mouchetées.
Type de route Nbre de km % du total de km
Route artérielle 275,0 20,7
Route collectrice 90,5 6,8
Autoroute 139,6 10,5
Route locale 791,9 59,6
Bretelle d’accès 10,8 0,8
Route d’accès aux ressources/loisirs 20,5 1,5
Route de service 0,5 < ,1
Total 1 328,8 100

Taux de mortalité routière – Méthode 1

Dans le cadre de la première méthode, le taux de mortalité observé a été déterminé pour 66 sections des tronçons de 1 km situés le long des routes nos 7, 17, 41 et 69. Pour chaque section, le taux de mortalité annuel variait de 0,25 à 4,0 tortues mouchetées/km (figure 1). Il est difficile de mesurer avec exactitude les taux de mortalité par kilomètre. Inévitablement, des tortues tuées sur les routes ne seront pas recensées étant donné que les relevés des routes ne portent pas toujours sur toute la saison active, sans compter que les prédateurs peuvent enlever les carcasses de tortues des routes et que le temps de persistance médian des tortues peut être aussi court que 3 jours (Santos et al., 2011). Il en résultera une sous-estimation de certains taux de mortalité. En revanche, certaines routes n’ont été recensées que pendant un an, ce qui n’a probablement pas permis de prendre en compte les tronçons où la mortalité routière ne se produit pas chaque année. Le long de la route no 7, par exemple, durant quatre années de relevés, de nombreux tronçons ne comptaient qu’une seule tortue mouchetée tuée aux quatre ans.

Le taux de mortalité médian observé pour l’ensemble de ces routes s’élevait à 0,50 tortue/km, tandis que le taux de mortalité modal était de 0,25 tortue/km. Nous avons retenu le taux de mortalité modal pour approfondir l’analyse afin d’obtenir une estimation plus prudente de la mortalité routière de la tortue mouchetée.

Figure 1. Taux de mortalité routière observés chez les tortues mouchetées adultes et sous-adultes à partir de relevés systématiques effectués le long de quatre routes en Ontario, exprimés en centiles.
Taux de mortalité routière observés chez les tortues mouchetées adultes et sous-adultes
Description longue de la figure 1

Diagramme illustrant les taux de mortalité routière observés chez les tortues mouchetées adultes et sous-adultes à partir de relevés systématiques effectués le long de quatre routes en Ontario, exprimés en centiles.

Taux de mortalité routière – Méthode 2

La deuxième méthode utilisée pour calculer les taux de mortalité routière a révélé un taux de 0,07 à 1,25 tortue/km le long des routes recensées (tableau 2). Le long de la route no 17, le taux de mortalité routière est plutôt faible, probablement pour deux raisons. Tout d’abord, aucune tortue mouchetée n’a été observée sur de longues sections de la route recensée et il n’y avait aucune mention antérieure de l’espèce dans ces endroits dans l’Atlas des reptiles et des amphibiens de l’Ontario, et l’habitat de bord de route semblait inadéquat. Si on intégrait ces longues sections de 20 ou 30 km où la tortue mouchetée est absente, on réduirait artificiellement le taux de mortalité pour cette route. De plus, seulement huit routes ont fait l’objet de relevés durant la présente étude, et un si faible nombre de relevés aurait sans aucun doute pour effet de sous-estimer les niveaux réels de mortalité routière.

En revanche, le taux de mortalité routière observé pour la route no 69 est passablement élevé. Cette situation peut s’expliquer par le fait que nous ayons choisi une courte section de route (seulement 12 km) où l’on sait que des tortues sont tuées. Les taux de mortalité routière enregistrés le long des routes nos 7 et 41 pourraient être plus significatifs étant donné qu’ils ont été calculés en fonction de sections plus longues. Les taux de mortalité routière moyens observés le long de ces deux routes (0,2 à 0,3 tortue/km) sont assez semblables au taux de mortalité modal calculé au moyen de la première méthode.

Tableau 2. Taux de mortalité routière observés chez la tortue mouchetée, calculés à partir du nombre total de juvéniles ou d’adultes de grande taille trouvés morts sur la route chaque année, divisé par le nombre de kilomètres de route recensés.
Route Nbre de km recensés Nbre d’années Échelle des taux de mortalité routière annuels Taux de mortalité routière moyen (si les données portent sur plus d’un an)
17 100 1 0,07 s.o.
7 80 4 0,175 – 0,225 0,20
41 20 4 0,15 – 0,45 0,3
69 12 3 1,08 – 1,58 1,25

Effet sur la population

Le taux de mortalité modal obtenu de la première méthode (0,25 tortue/km) et les taux de mortalité calculés le long des routes nos 7 et 41 (0,2 à 0,3 tortue/km) ont été utilisés pour examiner l’effet de la mortalité routière sur la population de l’Ontario. À partir de ces trois taux, nous avons estimé que de 265,8 à 398,6 tortues mouchetées sont tuées sur les routes en Ontario chaque année (tableau 3). Selon la version provisoire du rapport du COSEPAC actuel, la population de tortues mouchetées de l’Ontario compte de 25 00 à 45 00 adultes (T. Piraino, comm. pers.). Pour une population estimée de 25 00 adultes, on estime que de 1,06 à 1,59 % de l’effectif est tué chaque année (tableau 3). Si la population comptait 45 00 adultes, le taux de mortalité annuel s’établirait de 0,59 à 0,89 %.

Tableau 3. Taux de mortalité/km observés pour la tortue mouchetée selon deux méthodes différentes. Le taux annuel total est calculé à partir de la superficie routière contenue dans des carrés de grille de 1 km x 1 km où il y a eu des mentions récentes de tortues mouchetées (1 328,8 km). Ce taux de mortalité annuel a ensuite été exprimé en pourcentage de la taille de la population estimée totale de tortues mouchetées adultes en Ontario (fourchette : de 25 00 à 45 00 individus).
Taux de mortalité routière
(tortues/km)
Nombre total de tortues tuées par an % d’une population de 25 00 individus % d’une population de 45 00 individus
0,2 265,8 1,06 0,59
0,25 332,2 1,33 0,74
0,3 398,6 1,59 0,89

Si la population actuelle compte 25 00 tortues mouchetées, les trois taux de mortalité routière se traduisent par des déclins considérables au cours des trois prochaines générations, ou 120 ans (figure 2). Même si l’on s’en tient à l’estimation la plus prudente, soit un taux de mortalité routière de 0,2 tortue/km, la population diminuerait de 50 % en 65 ans (tableau 4).

Figure 2. Estimation du déclin de la population adulte de la tortue mouchetée en raison de la mortalité routière au cours de trois générations (120 ans), à partir d’une population de 25 000 adultes et en fonction de taux de mortalité annuels de 0,2, 0,25 et 0,3 tortue/km.
Estimation du déclin de la population adulte de la tortue mouchetée en raison de la mortalité routière au cours de trois générations
Description longue de la figure 2

Diagramme illustrant l’estimation du déclin de la population adulte de la tortue mouchetée en raison de la mortalité routière au cours de trois générations (120 ans), à partir d’une population de 45 000 adultes et en fonction de taux de mortalité annuels de 0,2, 0,25 et 0,3 tortue par kilomètre.

Tableau 4. Délai estimé pour un déclin de 50 % de la population adulte de la tortue mouchetée en Ontario selon trois taux de mortalité routière et deux estimations de la taille de la population.
Taux de mortalité routière (tortues/km) Délai pour un déclin de 50 % chez une population de 25 00 adultes (années) Délai pour un déclin de 50 % chez une population de 45 00 adultes (années)
Taux de mortalité routière (tortues/km) Délai pour un déclin de 50 % chez une population de 25 00 adultes (années) Délai pour un déclin de 50 % chez une population de 45 00 adultes (années)
0,2 65,0 117,1
0,25 51,8 93,3
0,3 43,2 77,5

Si l’on porte la taille initiale de la population adulte à 45 00 individus, il en résulte tout de même un déclin considérable aux trois taux de mortalité routière (figure 3). Le taux de mortalité routière le plus bas, soit 0,2 tortue/km, entraînerait une réduction de 50 % de la population en 117 ans, soit un peu moins de trois générations.

Figure 3. Estimation du déclin de la population adulte de la tortue mouchetée en raison de la mortalité routière au cours de trois générations (120 ans), à partir d’une population de 45 000 adultes et en fonction de taux de mortalité annuels de 0,2, 0,25 et 0,3 tortue/km.
Estimation du déclin de la population adulte de la tortue mouchetée en raison de la mortalité routière au cours de trois générations
Description longue de la figure 3

Diagramme illustrant l’estimation du déclin de la population adulte de la tortue mouchetée en raison de la mortalité routière au cours de trois générations (120 ans), à partir d’une population de 45 000 adultes et en fonction de taux de mortalité annuels de 0,2, 0,25 et 0,3 tortue par kilomètre.

Il est probable qu’une bande tampon de 1 km, établie autour des endroits où des tortues mouchetées ont été observées récemment, englobe une superficie routière supérieure à celle que parcourront vraisemblablement les tortues. Si tel est le cas, nos résultats surestiment le nombre de tortues tuées chaque année. Comme des longueurs de domaine vital de plus de 3 km ont été documentées chez la tortue mouchetée par le passé (Grgurovic et Sievert, 2005), il semble en fait que nous ayons sous-estimé la superficie routière que parcourra la tortue mouchetée.

Les taux de mortalité routière calculés dans la présente étude ne se fondent que sur quelques-unes des routes de la province. Ce sont de grandes routes, qui pourraient ne pas être représentatives de toutes les routes faisant partie de l’aire de répartition de l’espèce dans la province (voir le tableau 1). Si la route no 7 est bien connue des biologistes des tortues en Ontario en raison du taux de mortalité qui y est élevé pour les tortues, il importe de souligner que la route no 41 présentait un taux de mortalité moyen supérieur (tableau 2), en dépit du fait que la circulation routière est de 35 % plus élevée sur la route no 7 que sur la route no 41 (MTO, 2012). La circulation ne détermine pas en soi le taux de mortalité routière. Étant donné que les tortues s’immobilisent souvent quand une automobile passe près d’elles (Seburn, observation personnelle), la mortalité routière peut survenir même lorsque la circulation est moins dense. Nous avons estimé de manière prudente la superficie routière à laquelle la tortue mouchetée est exposée de même que les taux de mortalité enregistrés sur les routes recensées. Cela compense possiblement le fait que les taux de mortalité peuvent être plus bas sur d’autres routes, mais nous tenons compte de cette incertitude.

Le taux de croissance au fil du temps de la population de l’Ontario est une variable que nous n’avons pas intégrée à notre modélisation. Une étude menée sur dix ans sur la tortue de Muhlenberg (Glyptemys muhlenbergii) a révélé que le taux de recrutement annuel de nouveaux adultes dans la population équivalait environ au taux de mortalité (Shoemaker et al., 2013). Dans notre étude, il faudrait que le recrutement annuel net chez les adultes (recrutement moins la mortalité naturelle) soit d’au moins 1,06 % pour équilibrer l’effet de la mortalité routière selon une population estimée de 25 00 adultes et le taux de mortalité routière le plus faible (tableau 3). Si de tels taux de croissance sont parfois possibles dans certaines régions, il semble probable que de nombreuses populations de l’Ontario affichent une croissance limitée une fois que la mortalité naturelle est prise en compte. En outre, notre modèle ne tient compte d’aucune hausse de la superficie routière au fil du temps ni d’aucune hausse du nombre de véhicules sur les routes. À titre d’exemple, 6,9 millions de véhicules étaient immatriculés en Ontario en 2005 (NRC, 2007), mais ce chiffre était passé à 8,2 millions en 2014 (Statistics Canada, 2015). En conclusion, les meilleures données à notre disposition portent à croire que la mortalité routière est une menace généralisée pour la tortue mouchetée et que la population de l’Ontario diminuera de plus de 50 % au cours des trois prochaines générations en raison de cette menace uniquement.

Remerciements

Teresa Piraino a offert une aide considérable en facilitant l’accès aux données, en gérant le travail mené dans le cadre de ce projet et en formulant des commentaires à la suite de l’examen du document. Jacqueline Litzgus a coordonné le projet et fourni de précieux conseils et commentaires tout au long des diverses étapes du projet. L’équipe responsable de l’Atlas des reptiles et des amphibiens de l’Ontario a gracieusement et rapidement fourni les données nécessaires sur l’emplacement des tortues mouchetées. Ruben Boles, Ron Brooks, Justin Congdon et Joe Crowley ont formulé de précieux commentaires à la suite de leur examen. Nous sommes reconnaissants de l’aide financière du Zoo de Toronto, qui a permis la réalisation des travaux.

Ouvrages cités

Ashley, P.E., A. Kosloski et S.A. Petrie. 2007. Incidence of intentional vehicle-reptile collisions. Human Dimensions of Wildlife 12: 137-143.

Congdon, J.D., A.E. Dunham et R.C. van Loben Sels. 1993. Delayed sexual maturity and demographics of Blanding’s turtles (Emydoidea blandingii): Implications for conservation and management for long-lived organisms. Conservation Biology 7: 826-833.

Edge, C.B., B.D. Steinberg, R.J. Brooks et J.D. Litzgus. 2010. Habitat selection by Blanding’s Turtles (Emydoidea blandingii) in a relatively pristine landscape. Écoscience 17: 90-99.

Fenech, A., B. Taylor, R. Hansell et G. Whitelaw. 2001. Major road changes in southern Ontario 1935 – 1995: Implications for protected areas. In Proceedings of the Fourth International Conference on the Science and Management of Protected Areas, S. Bondrup-Nielsen, N.W.P. Munro, G. Nelson, J.H.M. Willison, T.B. Herman et P.F.J. Eagles (eds.). University of Waterloo, Waterloo, Ontario, Canada. Pp. 365-383.

Gibbs, J.P. et W.G. Shriver. 2002. Estimating the effects of road mortality on turtle populations. Conservation Biology 16: 1647-1652.

Grgurovic, M. et P.R. Sievert. 2005. Movement patterns of Blanding's turtles (Emydoidea blandingii) in the suburban landscape of eastern Massachusetts. Urban Ecosystems 8: 203-213.

Joyal, L. A., M. McCollough et M.L. Hunter. 2001. Landscape ecology approaches to wetland species conservation: a case study of two turtle species in southern Maine. Conservation Biology 15: 1755-1762.

Lesbarrères, D., K. Gunson et D.C. Seburn. 2013. Monitoring turtle movements across highways 7 & 41: Final report. Unpublished report to Highway Infrastructure Innovation Funding Program, Ministry of Transportation of Ontario.

MTO. 2012. Traffic volumes 2012. Report published by the Ministry of Transportation of Ontario. Site Web consulté le 26 juin 2016.

National Research Council (NRC). 2007. Enquête 2005 sur les véhicules au Canada, Rapport sommaire. Site Web consulté le 2 décembre 2015.

Santos, S. M., F. Carvalho et A. Mira. 2011. How long do the dead survive on the road? Carcass persistence probability and implications for road-kill monitoring surveys. PLoS One 6:e25383.

Seburn, D.C. 2014. Identification of species at risk turtle hotspots along highway 17 -- Final report. Unpublished report to the Canadian Wildlife Federation.

Seburn, D.C. et E. Mallon. 2015. Have salamanders declined in Ontario? Unpublished report to Ontario Nature.

Shoemaker, K. T., A.R. Breisch, J.W. Jaycox et J.P. Gibbs. 2013. Reexamining the minimum viable population concept for long-lived species. Conservation Biology 27: 542-551.

Statistics Canada. 2015. Motor vehicle registrations, by province and territory (Quebec, Ontario, Manitoba). Immatriculations de véhicules automobiles, par province et territoire (Québec, Ontario, Manitoba). Site Web consulté le 2 décembre 2015.

Steen, D.A., M.J. Aresco, S.G. Beilke, B.W. Compton, E.P. Condon, C. Kenneth Dodd Jr, H. Forrester, J.W. Gibbons, J.L. Greene, G. Johnson, T.A. Langen, M.J. Oldham, D.N. Oxier, R.A. Saumure, F.W. Schueler, J.M. Sleeman, L.L. Smith, J.K. Tucker et J.P. Gibbs. 2006. Relative vulnerability of female turtles to road mortality. Animal Conservation 9: 269-273.

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