Tortule à poils lisses (Syntrichia laevipila) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 3

Information sur l’espèce

Nom et classification

Nom scientifique :
Syntrichia laevipila Brid.
Synonyme :
Tortula laevipila (Brid.) Schwaegr.
Nom français :
tortule à poils lisses
Nom anglais :
twisted oak moss
Famille :
Pottiacées
Grand groupe végétal :
Mousses (Musci)

La famille des Pottiacées est grande et diversifiée, mais un grand nombre de ses espèces ne poussent que dans des milieux secs. La famille présente des difficultés sur le plan taxinomique et a récemment fait l’objet d’une révision en profondeur (Zander, 1993), qui a notamment entraîné le déplacement de plusieurs espèces du genre Tortula vers le genre Syntrichia. Ce dernier réunit des mousses relativement grandes dont les feuilles sont généralement entières, aristées (terminées par une arête), ligulées à spatulées, tortillées à l’état sec. Le sporophyte (génération produisant les spores) des Syntrichia possède une longue soie, une capsule (sporange) longue, cylindrique et souvent courbée ainsi qu’un péristome (couronne d’appendices ressemblant à des dents et bordant l’orifice de la capsule) haut, bien développé et souvent muni d’une membrane basilaire (Zander, 1993; ce document justifie le regroupement sous le genre Syntrichia d’espèces qui avaient été classées dans le genre Tortula, auparavant polyphylétique). Les espèces de Syntrichia étroitement apparentées sont souvent difficiles à distinguer, à cause de leur tendance inhérente à varier selon l’environnement et du caractère plutôt subtil de leurs différences morphologiques.

Il existe au Canada 10 espèces de Syntrichia (Ireland et al., 1987, qui énumèrent ces espèces sous le genre Tortula). Parmi ces espèces, huit se rencontrent en Colombie-Britannique, et seulement une, le S. princeps (de Not.) Mitt., est commune dans des milieux semblables aux habitats du S. laevipila; cependant, le S. ruralis pousserait aussi à l’occasion dans de tels milieux (W.B. Schofield, comm. pers., 2002).

Le Syntrichia laevipila compte deux variétés :

  1. chez la variété laevipila,les feuilles portent une arête distincte, et la plante ne produit pas de gemmules (organes de reproduction asexuée);
  2. chez la variété meridionalis, nombre des feuilles ne portent pas d’arête bien développée, la plante produit des gemmules en abondance aux aisselles des feuilles supérieures, et les feuilles sont souvent érodées, ce qui les fait paraître en mauvais état par rapport à celles de la variété laevipila.

Selon Merrifield (2000), les deux variétés poussent souvent ensemble en Oregon, mais les populations renfermant une seule des variétés semblent aussi communes. Dans quelques-unes des populations de Colombie-Britannique, on trouve des individus de forme intermédiaire. En se fondant sur l’examen de nombreux spécimens et sur les données de Merrifield (2000), le rédacteur du présent rapport estime que ni l’une ni l’autre des formes ne mérite d’être considérée comme une variété; le Syntrichia laevipila var. meridionalis semble n’être qu’une forme associée à des conditions peu favorables, comme le montrent ses feuilles érodées, et parfois aux microhabitats les plus exposés. Dans le cadre de son étude approfondie des populations de S. laevipila poussant en Oregon sur le chêne de Garry (Quercus garryana Dougl. ex Hook.), Merrifield (2000) a remarqué que les bryophytes subissent dans de nombreuses localités un broutage intense, probablement par les insectes et peut-être par les limaces. Cette chercheuse a aussi constaté que la présence du S. laevipila var. meridionalis est souvent associée à un broutage intensif, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Wynne Miles (comm. pers., 2000) a constaté qu’une chenille non identifiée avait brouté plusieurs tiges dans un de ses spécimens de S. princeps.

En Colombie-Britannique, le Syntrichia laevipila var. laevipila peut être confondu avec les petits individus de l’espèce S. princeps (dont les grands individus de plus de 1 cm sont faciles à distinguer du S. laevipila). Un examen minutieux permet de distinguer les deux espèces au moyen des caractères suivants :

  1. la grandeur et la forme des feuilles – celles du S. princeps sont rarement aussi petites que celles du S. laevipila var. laevipila, dont les feuilles sont en outre habituellement davantage rétrécies à mi-longueur;
  2. la marge des feuilles, qui est davantage récurvée près de la base chez le S. princeps;
  3. la répartition des organes sexuels – le S. princeps est souvent synoïque (organes mâles et femelles réunis dans une même structure), alors que le S. laevipila est autoïque (organes mâles apparaissant sur des rameaux minuscules disposés le long de la tige supérieure, plus bas que les organes femelles);
  4. le nombre de couches de cellules présentes au-dessus des cellules-guides (grandes cellules centrales de la nervure des feuilles) – chez le S. princeps, il y a généralement deux de ces couches de cellules, alors que chez le S. laevipila il y en a seulement une, ou rarement deux (Lawton, 1971; Kramer, 1980).

Le Syntrichia laevipila peut aussi être confondu avec le S. ruralis, mais ce dernier n’a pas été trouvé dans le cadre de la présente étude. À l’état mouillé, chez les petits individus de cette espèce, les feuilles sont plus squarreuses (repliées vers l’arrière) que chez le S. laevipila, et la marge des feuilles est généralement plus récurvée.

À l’échelle mondiale, la taxinomie du Syntrichia laevipila est complexe, notamment en rapport avec une espèce étroitement apparentée, le S. pagorum Milde (Crum et Anderson, 1981).

Description

La présente description a été établie à partir de celles de Steere (1939) et de Lawton (1971) principalement, ainsi que d’observations personnelles de T.T. McIntosh.

Le Syntrichia laevipila est une mousse acrocarpe (produisant ses organes femelles et ses sporophytes au bout des tiges principales) qui pousse en petites touffes sur l’écorce exposée des arbres. Il se reconnaît le plus facilement à son habitat ainsi qu’à sa taille minuscule : c’est une des plus petites espèces du genre Syntrichia, la hauteur de ses tiges étant habituellement bien inférieure à 0,5 cm. Les feuilles sont oblongues à spatulées, tortillées à l’état sec, étalées et légèrement récurvées à l’état humide. Selon Lawton (1971), les feuilles mesureraient de 2 à 3,5 mm de longueur; cependant, chez les populations canadiennes, elles dépassent rarement 2 mm. La marge des feuilles est généralement plane, mais souvent un peu récurvée à mi-longueur. Chez la variété laevipila, la nervure de la feuille est excurrente, formant une arête hyaline, lisse à dentée (figure 1). Cette arête est nulle ou très courte chez la variété meridionalis, qui se distingue en outre par la présence, à l’aisselle des feuilles supérieures, de petites gemmules foliacées pourvues d’une nervure et généralement longues d’environ 0,4 mm (figure 2). Les cellules médianes et supérieures de la feuille sont isodiamétriques à courtement rectangulaires, mesurent de 10 à 16 µm de diamètre et sont couvertes de petites papilles (protubérances superficielles). Chez certains spécimens récoltés aux États-Unis, les feuilles présentent une bordure distincte constituée de quelques rangs de cellules à parois épaisses, mais aucun des spécimens examinés pour le présent rapport ne présentait ce caractère. Les cellules basales de la feuille sont allongées, lisses et hyalines.

Le Syntrichia laevipila est autoïque; les anthéridies (organes mâles) et les archégones (organes femelles) sont donc produits par la même plante. Les périgones, qui renferment les anthéridies, se trouvent sur de courts rameaux, plus bas que les périchèzes, qui renferment les archégones. Les bractées du périgone sont petites et ovées, et leur sommet est généralement replié vers le bas. La capsule du S. laevipila est cylindrique, droite ou légèrement courbée, longuement exserte. Le péristome est long et tortillé et possède une membrane basilaire distincte. Les spores sont papilleuses et mesurent de 9 à 16 µm de diamètre.

On trouvera des clés d’identification et des illustrations supplémentaires dans Steere (1939), Savicz-Ljubitzkaja et Smirnova (1970, en russe, avec clés seulement puisque l’illustration semble être celle d’un S. pagorum), Lawton (1971) ainsi que Smith (1989).

Figure 1. Feuille de Syntrichia laevipila var. laevipila (W. Miles, 2002).

Figure 1. Feuille de Syntrichia laevipila var. laevipila (W. Miles, 2002).

Figure 2. Touffe de Syntrichia laevipila var. meridionalis, avec gemmules et feuilles érodées (W. Miles, 2002).

Figure 2. Touffe de Syntrichia laevipila var. meridionalis, avec gemmules et feuilles érodées (W. Miles, 2002).

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