Politique relative au rétablissement et à la survie des espèces en péril : version finale 2021

1.0 Préface

La Loi sur les espèces en péril (LEP, article 6) vise : 1) à prévenir la disparition – de la planète ou du Canada seulement – des espèces sauvagesNote de bas de page 1; 2) à permettre le rétablissement de celles qui, par suite de l’activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées; 3) à favoriser la gestion des espèces préoccupantes pour éviter qu’elles ne deviennent des espèces en voie de disparition ou menacées.

Les termes « rétablissement » et « survie » sont des concepts clés en vertu de la LEP. Bien que ces termes soient fréquemment utilisés dans la loi, et que leur interprétation ait des incidences sur les étapes clés du cycle de la LEP (par exemple, la détermination du caractère réalisable du rétablissement, l’établissement des objectifs en matière de population et de répartition, l’identification des menaces, la désignation de l’habitat essentiel, la détermination de la mise en péril aux fins de délivrance des permis, l’évaluation de la menace imminente pour l’établissement de listes et la prise des décrets d’urgence, et la compréhension des objectifs de la loi), la Loi ne fournit pas de définitions pour ces termes.

La principale distinction entre le concept de rétablissement et celui de survie aux fins de la mise en œuvre de la LEP est que l’objectif du rétablissement est de s’attaquer au risque accru qui découle de l’activité humaine, alors que l’objectif de la survie est de tenir compte de ce dont une espèce a besoin pour survivre à long terme. Le rétablissement suppose qu’à un moment donné les interventions humaines visant à soutenir l’espèce peuvent être minimisées. Par contre, assurer la survie peut nécessiter une intervention humaine importante, directe et continue lorsque le rétablissement n’est pas réalisable.

Le caractère réalisable du rétablissement et les objectifs en matière de population et de répartition sont établis au moyen du processus de planification du rétablissement. Les termes « rétablissement » et « survie » ne sont pas utilisés dans la LEP en référence directe aux espèces préoccupantes, mais l’application de ces concepts énoncés dans la présente politique peut être utile à l’élaboration d’objectifs de gestion qui appuient la conservation des espèces préoccupantes.

Selon l’endroit où se trouvent les espèces inscrites, les programmes de rétablissement fédéraux et les plans d’action ou plans de gestion sont préparés par le ou les ministres compétents dans la mesure du possible en collaboration avec les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux compétents, les conseils de gestion de la faune, les organisations autochtones qui sont considérées comme directement touchées par un programme de rétablissement et un plan d’action ou un plan de gestion, ainsi que d’autres personnes ou organisations jugées appropriées. Si possible, des consultations sur la préparation du document auront également lieu avec les propriétaires fonciers et d’autres personnes considérées comme directement touchées par le programme de rétablissement et le plan d’action ou de gestion, y compris les locataires, les municipalités et le gouvernement de tout autre pays où l’espèce se trouve.

L’application de la politique tient compte des meilleurs avis scientifiques disponibles et des connaissances traditionnelles autochtonesNote de bas de page 2.

2.0 Objectifs de la politique

La présente politique vise à décrire la façon dont les termes « rétablissement » et « survie » seront interprétés et appliqués dans la mise en œuvre de la LEP, en particulier dans les domaines suivants :

Ces interprétations s’appliquent également à toutes les autres dispositions de la LEP qui font référence aux concepts de rétablissement et de survie, y compris les évaluations des menaces imminentes, les inscriptions d’urgence (articles 28, 29 et 80), les permis et les accords (article 73) et les décrets d’urgence (article 80). D’autres politiques précisent davantage ces articles de la LEP.

Les concepts énoncés dans la présente politique peuvent être utiles pour établir des objectifs de gestion dans un plan de gestion (article 65), afin d’appuyer la conservation des espèces préoccupantes.

La présente politique remplace les directives fournies dans l’ébauche des politiques de la LEP (2009) concernant le caractère réalisable du rétablissement et l’établissement des objectifs en matière de population et de répartition.

3.0 Énoncés de politique

3.1 Rétablissement

En vertu de la LEP, le rétablissementNote de bas de page 3 d’une espèce en péril signifie :

Le retour à un état où le risque de disparition de la planète ou du Canada se situe dans la plage normale de variabilité de l’espèce, comme l’indiquent en partie les caractéristiques de sa population et de sa répartition. On se fonde pour ce faire sur la condition naturelle de l’espèce au Canada, c’est‑à‑dire sa condition antérieure aux incidences importantes des activités humaines qui ont mené à la désignation de l’espèce comme étant en voie de disparition, menacée ou disparue du pays en vertu de la LEP.

La condition de l’espèce fait référence à la combinaison de facteurs qui contribuent au risque de disparition de la planète ou du pays. La différence entre la condition naturelle d’une espèce et sa condition actuelle est le fondement de la signification du rétablissement d’une espèce.

Des scénarios très variables s’appliquent aux centaines d’espèces inscrites à la LEP. Dans sa condition naturelle au Canada, une espèce peut avoir été abondante et répartie sur un vaste territoire, une autre rare et dans une aire de répartition limitée, voire présente seulement par intermittence au Canada (par exemple, une espèce méridionale dont seule la partie nord de l’aire de répartition se trouve dans le sud du pays, où elle ne pénètre que dans certaines circonstances).

L’objectif du rétablissement est de remettre l’espèce dans sa condition naturelle au Canada avant d’avoir été mise en péril par des activités humaines. Remettre une espèce donnée dans sa condition naturelle ne signifie pas nécessairement un retour à la taille et à la répartition de population qu’elle aurait eues en l’absence d’activités humaines. Pour certaines espèces dont l’abondance et la répartition sont naturellement limitées ou faibles au Canada, une situation « rétablie » en vertu de la LEP peut être un état dans lequel l’espèce présente toujours un risque naturel élevé de disparition de la planète ou du pays, même après que les incidences importantes des activités humaines aient été bien gérées. Finalement, le ou les facteurs dont il faut tenir compte dans le rétablissement dépendent de l’espèce et de la ou des raisons qui font qu’elle est maintenant jugée en péril.

Des directives sur la caractérisation de la condition naturelle d’une espèce ainsi que d’autres éléments de la présente politique se trouvent dans Caractérisation du rétablissement et élaboration des objectifs en matière de population et de répartition.

Les connaissances traditionnelles autochtones, lorsqu’elles existent, ajoutent une perspective à long terme précieuse pour enrichir les données historiques.

3.2 Caractère réalisable du rétablissement

Le seuil de rétablissement réalisable est la condition la moins sûre d’être qualifiée de rétablissement.

Le ou les ministres compétents tiennent compte du seuil de rétablissement réalisable selon les critères suivants :

La détermination du caractère réalisable du rétablissement de l’espèce en vertu de l’article 40 de la LEP a pour objectif d’établir s’il est biologiquement et techniquement possible, après avoir pris en compte des limites persistantes, d’améliorer suffisamment la condition d’une espèce pour que cette amélioration constitue raisonnablement un rétablissement.

La détermination du caractère réalisable du rétablissement de l’espèce en vertu de l’article 40 de la LEP se limite à se demander si les besoins biologiques et techniques liés à l’atteinte du rétablissement existent ou sont raisonnablement susceptibles d’exister dans un délai nécessaire pour l’atteindre. Les considérations politiques, socioéconomiques et administratives ne jouent aucun rôle direct dans cette détermination.

La détermination du caractère réalisable du rétablissement a des incidences sur les exigences liées au contenu du programme de rétablissement (paragraphes 41(1) et (2)) et sur la nécessité ou non de préparer un plan d’action.

Le ministre compétent peut décider de préparer un plan d’action pour une espèce même si le rétablissement n’est pas réalisable.

3.3 Survie

Une espèce en péril sera considérée comme ayant une chance de survie acceptable à long terme au Canada lorsqu’elle a atteint un état stable (ou croissant), qu’elle existe à l’état sauvage au Canada et qu’elle ne présente pas un risque important de disparition de la planète ou du pays.

Les facteurs et les caractéristiques qui contribuent à améliorer la chance de survie d’une espèce sont les suivants :

Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire d’établir d’autres exigences, qui conviennent au contexte, au cycle vital et à l’écologie de l’espèce, afin d’assurer la survie de l’espèce au Canada. Par exemple, dans les cas où il n’est pas possible de respecter et de maintenir toutes les conditions susmentionnées, y compris dans les circonstances où le rétablissement n’est pas réalisable, il peut être possible de faciliter la survie en assurant la connectivité avec les populations à l’extérieur du Canada ou en entreprenant des interventions sur les espèces ou l’habitat.

3.4 Établissement des objectifs

De plus :

Dans tous les cas où le rétablissement est biologiquement et techniquement réalisable, les objectifs en matière de population et de répartition aideront à atteindre la meilleure condition possible en visant à :

Les objectifs en matière de population et de répartition peuvent aussi prendre en compte d’autres objectifs de conservation que le ou les ministres compétents ont établis pour l’espèce, comme les objectifs élaborés en vertu de la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, de la Loi sur les pêches, de la Loi sur les océans, de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et/ou ceux qui sont nécessaires pour respecter les obligations fiduciaires de la Couronne envers les peuples autochtones.

Les espèces peuvent naturellement modifier leur aire de répartition au fil du temps en réaction aux modifications des conditions écologiques causées par des facteurs naturels ou anthropiques, y compris les changements climatiques. Les objectifs en matière de population et de répartition sont élaborés de façon à tenir compte de ce fait, au besoin.

En général, en cas de manque de données ou de confiance à l’égard des données sur l’espèce ou de l’efficacité des mesures de rétablissement, l’approche de précaution sera appliquée, conformément au Cadre d’application de la précaution dans un processus décisionnel scientifique en gestion du risque (Gouvernement du Canada, 2003), et au préambule et à l’article 38 de la LEP qui énoncent que « … s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à une espèce sauvage, le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance ». Aux fins du présent énoncé de politique, la meilleure information disponible sera évaluée et l’approche de précaution sera appliquée lors de la détermination de la population et de la répartition en divulguant intégralement les hypothèses et les incertitudes.

Les objectifs de gestion d’une espèce préoccupante tiendront compte des raisons pour lesquelles l’espèce a été jugée préoccupante. En général, les objectifs de gestion seront établis soit pour empêcher que l’espèce ne devienne menacée ou en voie de disparition, soit pour amener l’espèce au point où elle n’est plus en péril.

Dans le cas des espèces inscrites sur la liste des espèces préoccupantes qui étaient auparavant en voie de disparition ou menacées, la meilleure condition réalisable et l’objectif en matière de population et de répartition à long terme qui avaient été établis dans le programme de rétablissement de l’espèce peuvent être utilisés pour éclairer l’élaboration des objectifs de gestion dans un plan à cet égard.

4.0 Application

La présente politique s’applique à l’interprétation des dispositions de la LEP relatives à la survie et au rétablissement. Elle s’applique aux décisions rendues et, en particulier, aux programmes de rétablissement et aux plans de gestion élaborés, modifiés, mis à jour ou revus après sa date de publication.

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