Programme de rétablissement de la population de l’Atlantique des couleuvres minces au Canada [proposition] 2011 : Menaces

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Tout comme d’autres aspects de la biologie des couleuvres minces, les menaces qui pèsent sur ce serpent ne sont pas bien connues. Le tableau 3 expose les menaces connues et potentielles classées en fonction du niveau de préoccupation pour chaque catégorie. L’existence, la fréquence et la sévérité de la plupart de ces menaces restent inconnues et il se peut que d’autres menaces pesant sur les populations de couleuvres minces n’aient pas encore été identifiées.

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Menace générale Menace particulière Stress potentiel Étendue Survenue Fréquence Niveau de confiance dans le lien de cause à effet Sévérité Niveau de préoccupation
Information sur la menace+
A. CATÉGORIE DE MENACE : Changements au niveau de la dynamique écologique ou des processus naturels
1. Manque d’information Inaction ou actions inappropriées (inaptitude à reconnaître les menaces, mise en œuvre tardive des mesures de rétablissement, mise en œuvre de mesures accompagnées d’effets adverses non prévus) ↑mortalité; Dégradation de l’habitat G A S.O. É I É
2. Petites concentrations isolées de couleuvres dans le territoire néo-écossaisEffets résultant de la petite taille des populations (consanguinité, dérive génétique, sensibilité accrue aux événements aléatoires) causée par l’isolation des populations résultant d’influences humaines. ↑mortalité;
↓fécondité
I I I F I É
3. Construction de pavillons et de quartiers résidentiels Altération des régimes de perturbation naturels et des processus fonctionnels Altération des déplacements; altération de la structure génétique I I I F I M
B. CATÉGORIE DE MENACE : Destruction ou dégradation de l’habitat
1. Construction ou élimination d’un barrage (construit par les hommes ou les castors)* Altération du niveau de l’eau et de la variation saisonnière des débits; perte cumulative à long terme de l’habitat Altération de la disponibilité de l’habitat; mortalité hivernale; altération de la disponibilité des proies; extinction locale F A I F I É
2. Construction de pavillons et de quartiers résidentiels Dégradation, fragmentation et perte de l’habitat; altération du niveau de l’eau et de la variation saisonnière des débits; altération des berges; perte cumulative à long terme de l’habitat ↓disponibilité de l’habitat;
↑mortalité;
↓échanges entre les concentrations; extinction locale
G A R M I É
3. Densification du réseau routier Fragmentation de l’habitat; perte cumulative à long terme de l’habitat ↑mortalité; isolation des concentrations; G A I I I É
4. Changements climatiques* Altération du niveau de l’eau et de la variation saisonnière des débits; Altération de la disponibilité de l’habitat G P A F I M
5. Exploitation forestière (coupes à blanc, coupes dans les zones ripariennes, période de rotation) Altération du niveau de l’eau et des débits saisonniers; dégradation de la qualité de l’eau; dégradation, fragmentation et perte de l’habitat; perte cumulative à long terme de l’habitat; possible dégradation des sites de survie hiémale ↓disponibilité de l’habitat;
↑mortalité;
↓échanges entre les concentrations
G A I F I M
6. Pratiques agricoles (labourage, cultures agricoles, culture de la canneberge) Altération du niveau de l’eau et des débits saisonniers; dégradation de la qualité de l’eau; dégradation, fragmentation et perte de l’habitat; perte cumulative à long terme de l’habitat ↓disponibilité de l’habitat;
↑mortalité;
↓échanges entre les concentrations
G I I F I M
7. Remblaiement ou drainage des zones humides dégradation, fragmentation et perte de l’habitat; perte cumulative à long terme de l’habitat; perte des fonctions des zones humides ↑mortalité;
↓disponibilité de l’habitat; extinction locale
F A M M É É
8. Extraction de la tourbe dégradation, fragmentation et perte de l’habitat; perte cumulative à long terme de l’habitat ↑mortalité;
↓disponibilité de l’habitat; extinction locale; extinction locale
F P I M I F
C. CATÉGORIE DE MENACE : Mortalité accidentelle
1. Véhicules routiers et tout terrain Mortalité due à l’écrasement par des véhicules; rencontres plus fréquentes avec des gens ↑mortalité G A A M I É
2. Développement de pavillons, de quartiers résidentiels et de réseaux routiers Mortalité due à l’écrasement par des véhicules; rencontres plus fréquentes avec des gens; prédation additionnelle par les animaux familiers ↑mortalité G A I M I É
3. Machines agricoles et forestières Mortalité due à l’écrasement par des véhicules ↑mortalité F A I F I F
D. CATÉGORIE DE MENACE : Perturbation et persécution
1. Mauvaise réputation des serpents Mise à mort délibérée par les hommes résultant d’une haine ou d’une crainte à l’égard des serpents ↑mortalité I I I F I M
2. Développement de pavillons, de quartiers résidentiels et de réseaux routiers Rencontres plus fréquentes avec des gens, des animaux familiers et des machines; perturbation des serpents et des éléments de l’habitat ↑mortalité;;
↓fécondité
G I I F I M
E. CATÉGORIE DE MENACE : Espèces exotiques ou envahissantes
1. Poissons prédateurs exotiques Introduction de l’achigan noir à petite bouche et du brochet maillé; modification des fonctions de l’écosystème ↑mortalité;
↑compétition pour les proies; altération de la nature des proies
I A I F I É
F. CATÉGORIE DE MENACE : Changements climatiques
1. Changements climatiques* Modification des températures moyennes saisonnières (réduction des unités de chaleurs pour le développement des jeunes; augmentation de la mortalité hivernale); altération du niveau de l’eau et des débits saisonniers Modification de la fécondité; Altération de la disponibilité des proies; Mortalité hivernale* G P A F I M
G. CATÉGORIE DE MENACE : Processus ou activités naturels
1. Activités humaines et développement Augmentation de la population des prédateurs naturels ↑mortalité I I I F I F
H. CATÉGORIE DE MENACE : Pollution
1. Utilisation de pesticides (aménagement paysager, cultures et autres productions agricoles, foresterie) Exposition directe et à long terme ↑mortalité;
↓disponibilité des proies;
↓fécondité
I A I F I F
2. Pollution atmosphérique Effet accéléré des composés méthylés du mercure sur la chaîne alimentaire ↑mortalité;
↓disponibilité des proies
I A I F I F

* Ces facteurs, en particulier, pourraient avoir un effet positif ou négatif sur les populations de couleuvres minces.

+ Étendue : G = général L = localisé; I = Inconnu
Survenue : A = actuelle; A = anticipée; I = inconnue
Fréquence : C= continue; R = récurrent; I = inconnue; S.O. = sans objet
Niveau de confiance dans le lien de cause à effet : É = élevé M = moyen; F = faible
Sévérité : I = inconnue
Niveau de préoccupation : É = élevé; M = moyen; F = faible

Les paragraphes suivants détaillent les menaces « spécifiques » mentionnées dans le tableau 3, en faisant ressortir les points essentiels et en apportant des renseignements supplémentaires. La littérature scientifique concernant les menaces qui pèsent sur les couleuvres minces étant plutôt pauvre, la plupart des renseignements présentés ici concernent des menaces et des effets potentiels tels qu’évalués par l’équipe de rétablissement.

Les menaces sont répertoriées individuellement dans le tableau et dans les paragraphes ci-dessous mais une des préoccupations majeures est l’effet cumulatif à long terme de diverses menaces sur la population des couleuvres minces. Face au développement croissant, l’impact général des activités sur l’habitat du serpent devient de plus en plus sévère au niveau local et à grande échelle. À l’échelle du paysage, les pertes graduelles d’habitat et les menaces multiples compliquent les efforts de rétablissement et rendent les tendances démographiques plus difficiles à comprendre (Jensen et al., 1993).

Le rapport de situation du COSEPAC mentionne que le manque de données est actuellement l’obstacle le plus important au rétablissement des couleuvres minces (Smith, 2002). Il y a peu de publications qui traitent de l’écologie des couleuvres minces orientales ou des menaces qui pèsent sur ces serpents dans leur aire de répartition. Les rapports concernant d’autres lieux ne sont pas nécessairement applicables à la population de la Nouvelle-Écosse. Jusqu’à maintenant, on n’a pas tiré parti des connaissances traditionnelles autochtones et du savoir de la collectivité pour le rétablissement. À l’heure actuelle, nous ne savons pas quels facteurs limitent les populations de couleuvre mince dans la province (en termes géographiques ou démographiques), à quoi ressemble une population saine ou quel est le niveau normal de fluctuation des populations. Pour ces raisons, les gestionnaires du rétablissement pourraient avoir du mal à reconnaître un déclin de la population ou des menaces sérieuses. De fait, on ne sait même pas si l’impact de plusieurs des menaces potentielles citées ci-dessous sera positif ou négatif (notamment les fluctuations du niveau de l’eau et le changement climatique).Ce manque d’information pourrait également faire que l’équipe de rétablissement doive retarder la mise en œuvre des mesures de rétablissement à cause de l’incertitude entourant d’éventuels effets adverses ou qu’elle se risque à lancer des mesures qui pourraient avoir des effets adverses non prévus.

La population des couleuvres minces de Nouvelle-Écosse est isolée géographiquement de la principale aire de répartition de l’espèce, ce qui empêche toute arrivée de nouveaux individus dans le cadre d’un effet de sauvetage naturel de la population. Bien que l’étendue totale de l’aire de répartition en Nouvelle-Écosse ne soit pas connue avec exactitude, il semble que cette aire soit restreinte à un petit nombre de bassins hydrographiques dans le sud-ouest de la province. Cette situation expose le serpent aux effets résultant d’une population de faible taille tels que la consanguinité, la dérive génétique et la sensibilité aux événements aléatoires. Ces risques sont exacerbés si la population de Nouvelle-Écosse est constituée d’une multitude de sous-populations isolées entre lesquelles ne s’effectuent que peu ou pas d’échanges.

On prévoit que la modification du niveau de l’eau et des débits saisonniers constituera l’une des plus importantes menaces pour l’habitat de la couleuvre mince. Des modifications hydrologiques peuvent résulter d’un grand nombre d’activités, notamment l’installation ou l’élimination d’un barrage, la destruction d’un barrage de castors, l’exploitation forestière, l’agriculture, le remblaiement de zones humides et la modification des berges, ainsi que des changements climatiques. Même une légère modification du régime des inondations peut entraîner une succession de la végétation dans des prés anciennement humides ou empêcher l’établissement d’une végétation. Bien que ces modifications des milieux terrestres et aquatiques puissent affecter tous les aspects du cycle biologique des couleuvres minces, leurs impacts potentiels sur les sites d’alimentation et de survie hiémale sont particulièrement préoccupants.

Les effets découlant de la stabilisation ou de la déstabilisation du niveau de l’eau peuvent être positifs ou négatifs pour les couleuvres minces. On ne dispose pas aujourd’hui de suffisamment connaissances pour être en mesure de prévoir le type et l’étendue des impacts qui pourraient résulter de certaines activités. Des barrages faits par l’homme ont été éliminés au cours des dix dernières années dans deux des sites qui abritent les plus hautes concentrations connues dans la province (le lac Grafton et la rivière Cobrielle). L’impact déstabilisateur des cycles naturels de construction et de destruction des barrages de castor pourrait également être important pour la population locale de couleuvres minces.

La dégradation, la fragmentation et la perte de l’habitat peuvent résulter d’un grand nombre d’activités, notamment de la construction de pavillons, de quartiers résidentiels ou de routes, d’activités agricoles ou forestières et du remblaiement des zones humides. La construction de pavillons est particulièrement préoccupante puisqu’elle peut s’accompagner de la modification des berges et donc de la fragmentation et de la destruction de l’habitat. L’extension du réseau routier peut également entraîner une fragmentation de l’habitat ainsi qu’une augmentation de la mortalité due à une fréquence plus élevée d’écrasement par les véhicules et de rencontre avec les gens et les animaux familiers. La fragmentation peut elle-même entraîner l’isolement de certains groupes ou une augmentation des risques pour les individus qui passent d’une concentration à l’autre.

L’altération de la qualité de l’eau (due par exemple à la pollution, à l’eutrophisation ou à l’atterrissement) peut aussi menacer les couleuvres minces, en particulier si elle affecte l’abondance des proies. Les données limitées dont on dispose indiquent qu’en Nouvelle-Écosse, les couleuvres minces adultes semblent se nourrir principalement d’amphibiens et de petits poissons (Bell et al., 2007; base de données de la Nouvelle-Écosse sur la couleuvre mince, 2010); le régime alimentaire des couleuvres minces juste nées est cependant pratiquement inconnu. On ne sait pas non plus dans quelle mesure la disponibilité des proies limite les effectifs et on ne connaît pas à quel point les couleuvres minces dépendent de certaines proies.

La mortalité due à l’écrasement par des véhicules est l’une des causes direct de mortalité qui a été étudiée en Nouvelle-Écosse. Les véhicules en cause comprennent aussi bien les automobiles que les véhicules tout terrain. On pourrait également inclure les machines agricoles et forestières ainsi que les tondeuses à gazon bien que ces machines ne présentent probablement qu’une menace moindre à l’heure actuelle. La mortalité due aux véhicules peut être particulièrement élevée si les serpents doivent traverser une ou plusieurs routes pour passer de leurs sites de survie hiémale à leurs sites d’été, ou s’ils utilisent les routes comme sites d’insolation. Depuis 2004, on a enregistré neuf serpents tués par des véhicules en Nouvelle-Écosse (8 sur des routes, 1 sur un sentier de VTT). La plupart de ces rapports sont fortuits plutôt que le résultat d’activités ciblées de surveillance routière; les prédateurs sont aussi susceptibles de dévorer sans délai toute couleuvre morte au bord de la route. Il est probable que le véritable niveau de mortalité causée par les véhicules soit considérablement plus élevé. Une situation qui est particulièrement alarmante compte tenu de la faible intensité du trafic routier dans la région. Avec le développement, la mortalité due aux véhicules devrait donc également augmenter.

L’introduction de poissons prédateurs exotiques dans des secteurs fréquentés par les couleuvres minces est particulièrement inquiétante. De telles introductions ont provoqué l’extension des aires de répartition de l’achigan à petite bouche et du brochet maillé en Nouvelle-Écosse, y compris dans le sud-ouest de la province. Ces espèces peuvent modifier la dynamique trophique, ce qui peut s’accompagner d’effets néfastes sur les couleuvres minces, soit par une prédation directe, soit par une compétition accrue. Les poissons prédateurs sont connus pour être capables de réduire considérablement les populations de petits poissons et d’amphibiens (Vander Zanden et al., 2004; Jackson, 2002). Ces deux espèces de poissons exotiques tolèrent plus facilement des températures plus élevées de l’eau que de nombreux poissons indigènes, ce qui augmente leur effet potentiel sur les populations de proies convoitées par les couleuvres minces (Vander Zanden et al., 2004).

Modification des températures moyennes saisonnières associée aux changements climatiques Il ne fait aucun doute que les changements climatiques vont affecter les couleuvres minces en Nouvelle-Écosse. L’impact de ces changements sur les serpents dépendra peut-être de certains aspects de leur cycle biologique. On ne sait pas si l’effet général sur les populations de couleuvres minces sera positif, négatif ou neutre. Ceci dit, si les effets sont négatifs, ils pourraient être très graves.

En plus d’affecter le niveau de l’eau, l’abondance des proies et l’habitat, comme décrit précédemment, il se peut que les changements climatiques aient un impact direct sur la physiologie des couleuvres minces. En Nouvelle-Écosse, les couleuvres minces se rencontrent près de la limite septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce (Bleakney, 1951). Chaque année, elles passent 4 à 6 mois dans leurs sites de survie hiémale et ne disposent que de 6 à 7 mois d’activité pour se nourrir et se reproduire. Bien qu’il semble plausible qu’une augmentation des températures soit bénéfique à cette espèce méridionale, ce ne sera pas nécessairement le cas. Une modification des moyennes saisonnières pour la température et les précipitations pourrait en effet affecter la croissance et le développement des jeunes, en particulier si le climat est plus frais et plus humide durant la saison d’activité du serpent.

La destruction par l’hiver peut constituer une cause importante de mortalité chez d’autres espèces du genre Thamnophis (Shine et Mason, 2004). L’importance de la destruction par l’hiver n’a pas été étudiée chez les couleuvres minces, bien qu’une couleuvre mince orientale morte ait été découverte au sommet d’un hibernaculum dans le Michigan (Carpenter, 1953). Les serpents courent le risque de geler et de se déshydrater durant l’hiver et dépendent peut-être du maintien de certaines conditions à l’intérieur de leur hibernaculum. La modification du climat hivernal peut avoir un impact direct sur la sévérité de la destruction des serpents par l’hiver.

Les serpents peuvent être la proie de prédateurs naturels ou d’animaux domestiques. La prédation par des animaux domestiques a été documentée en Nouvelle-Écosse (un rapport de prédation par un chat et plusieurs autres rapports anecdotiques) et devrait augmenter avec le développement croissant des pavillons, des zones résidentielles et du réseau routier. On ne connaît pas exactement quels sont les prédateurs naturels de la couleuvre mince ni la fréquence de prédation qu’elle subit. Tant que ces aspects demeurent inconnus, il est difficile de détecter d’éventuels effets anthropogéniques sur ces prédateurs et de mettre à jour les possibles répercussions sur la prédation qu’ils exercent sur les serpents.

Un grand nombre de personnes ont peur des serpents ou ne les aiment pas. Certaines cherchent à tuer tous les serpents qu’elles croisent, en particulier si le serpent est trouvé près de leur maison ou à l’intérieur. Même si les mises à mort intentionnelles ont menacé d’autres espèces de serpents en péril (équipe de rétablissement du Massasauga de l’Est, 2002) et qu’une couleuvre mince trouvée en 2007 en Nouvelle-Écosse avec des blessures sévères a peut-être été tuée intentionnellement, on pense que ce risque est aujourd’hui généralement faible en Nouvelle-Écosse pour les couleuvres minces. Les gens s’aventurent rarement dans les zones humides où les couleuvres minces se rencontrent habituellement et même si quelqu’un y pénètre, ces serpents sont bien camouflés et difficiles à attraper. Les couleuvres minces étant fortement liées aux zones humides, elles ne se rencontrent pas aussi fréquemment sur les pelouses ou dans les maisons que d’autres espèces de serpents présentes en Nouvelle-Écosse. Avec l’augmentation des développements près des zones humides, les rencontres avec les gens vont cependant devenir plus fréquentes et le risque d’interaction létale pourrait donc augmenter. Nous ne savons pas à quel point l’éducation sera efficace pour atténuer cette menace.

L’équipe de rétablissement de la couleuvre mince orientale a été mise sur pied en 2003 et plusieurs des mesures de rétablissement décrites dans le programme sont depuis en cours de mise en œuvre. À ce jour, les travaux ont principalement consisté à combler les lacunes au niveau des connaissances et à encourager la participation du public à la protection de l’espèce par l’intermédiaire de programmes de sensibilisation et d’intendance.

Des relevés à grande échelle sont menés depuis 2004 pour mieux connaître l’aire de répartition des couleuvres minces en Nouvelle-Écosse. La majorité des relevés effectués jusqu’à maintenant se sont cantonnés aux bassins hydrographiques des rivières Merseay et Medway et ciblaient plus particulièrement les sites où des observations ont été signalées dans le passé; de vastes zones contenant un habitat potentiel pour le serpent, en particulier à l’ouest de l’aire de répartition connue, restent essentiellement inexplorées. Ces relevés ont permis d’étendre l’aire de répartition connue dans la province à un troisième bassin hydrographique (rivière LaHave) et de confirmer un certain nombre de nouveaux sites à l’intérieur de l’aire de répartition connue. Ces relevés ont également permis de confirmer la présence d’une densité relativement élevée (> 20 observations) sur cinq sites (tableau 1). Les données concernant le secteur exploré, la date, l’effort déployé et les conditions météorologiques sont enregistrées lors de chaque relevé afin de raffiner les protocoles utilisés et de les rendre plus efficaces. Un grand nombre des zones humides ayant fait l’objet d’un relevé antérieur axé sur les couleuvres minces ont été caractérisées en collaboration avec l’équipe de rétablissement de la tortue de Blanding; en dernier ressort, les données seront utilisées pour tenter de développer des modèles permettant de prévoir où les couleuvres minces vivent.

Des chercheurs effectuent des travaux intensifs de marquage et de recapture dans un secteur particulier du lac Grafton depuis 2004 et du lac Molega depuis 2007 afin de caractériser l’utilisation saisonnière de l’habitat et de commencer la collecte de données à long terme sur l’abondance, la survie et la fidélité des serpents à leur site. Le premier gîte d'hivernation dans des habitats terrestres éloignés d'une zone humide a été trouvé en novembre 2009 et confirmé en mars 2010.

Bien que les chercheurs soient parvenus à documenter certains déplacements saisonniers et à localiser des secteurs d’alimentation et des secteurs potentiels de survie hiémale, leurs efforts ont jusqu’à maintenant été gênés par l’absence d’une technique qui permettrait de marquer les serpents de manière fiable à long terme, en particulier les jeunes spécimens, ainsi que par l’absence d’une technique de suivi des serpents. Depuis 2004, les serpents de ce site sont marqués par l’ablation d’écailles ventrales; ces marques disparaissent cependant souvent dans le courant de la même saison. À partir de 2006, certains serpents ont été marqués avec des étiquettes à transpondeur passif intégré; l’efficacité à long terme de cette technique sera évaluée au cours des prochaines années Les tentatives pour attacher des émetteurs externes aux adultes ont été en grande partie un échec, les émetteurs ne restant pas plus de quatre jours sur les couleuvres (Imlay, 2009). La poudre fluorescente a été utilisée pour suivre les couleuvres minces à la trace; elle s'est révélée utile pour documenter des trajets jusqu'à 16 m de long, mais pas pour retrouver les couleuvres minces (Imlay, 2009). En 2009, une étude a été entreprise sur la faisabilité d'utiliser des chiens dressés pour trouver des couleuvres minces à l'odorat. Les résultats de l'année pilote sont prometteurs, les chiens ayant été utiles pour trouver les couleuvres minces et retrouver celles qui s'échappaient (Gadbois et al, 2009). L'étude continuera en 2010.

Aucune analyse génétique n’avait été publiée sur les couleuvres minces orientales en aucun endroit de leur aire de répartition jusqu’en 2004, lorsque Harwood (2005) a lancé une étude visant à développer des amorces pour l’amplification de microsatellites et à conduire une analyse préliminaire de la structure de la population des couleuvres minces en Nouvelle-Écosse. Aucune structure génétique n’a pu être mise en évidence lors de l’analyse préliminaire; la taille des échantillons (n = 44) et le nombre des loci (n = 2) évalués étaient cependant petits et Harwood (2005) a recommandé de continuer à recueillir des échantillons d’ADN et à développer de nouvelles amorces. Selon une étude de suivi réalisée en 2007, il y aurait une structure apparente au sein de la population de la Nouvelle-Écosse, montrant des restrictions du flux génétique allant de faibles à modérées parmi les concentrations (McLaughlin, 2008). Toutefois, la taille des deux échantillons (n=46) et le nombre d'endroits examinés (n=1) étaient à nouveau peu élevés et insuffisants pour donner des résultats concluants (McLaughlin 2008).

L'équipe chargée du rétablissement sensibilise le public depuis 2004 pour que les gens signalent toute observation de couleuvres minces. Le public a été sollicité de différentes façons, notamment par contact direct avec les propriétaires fonciers, des expositions lors d'activités communautaires, des exposés dans les écoles locales et auprès des groupes communautaires, des excursions sur le terrain, des programmes d'interprétation (parc nationale et lieu historique national Kejimkujik) et des présentations par les médias. De plus, une ligne téléphonique directe et sans frais a été installée au Mersey Tobeatic Research Institute pour que les gens aient un numéro à composer pour signaler l'observation d'une espèce en péril quelle qu'elle soit. Ces mesures nous ont déjà donné un certain nombre d'observations crédibles, la plupart à l'intérieur du territoire connu. Des bénévoles apportent leur aide à tous les aspects de la recherche sur la Couleuvre mince, depuis leur participation à des explorations guidées du terrain sous la direction du personnel de Parcs Canada jusqu'à la réalisation d'explorations indépendantes. Un certain nombre d'outils pour joindre le public ont été élaborés, notamment un dépliant informatif, un guide d'identification et d'information relativement aux espèces en péril, un site Web (http://www.speciesatrisk.ca/ribbonsnake/French/index.html), et un guide d'intendance à l'intention des propriétaires terriens. Distribué pour la première fois en 2009, celui-ci est le résultat d'un effort conjoint destiné à informer les propriétaires terriens et les usagers sur la façon de réduire le plus possible les répercussions de leurs activités sur la Couleuvre mince, la Tortue mouchetée et la flore de la plaine côtière de l'Atlantique.

On manque aujourd’hui de données sur tous les aspects du cycle biologique des couleuvres minces, notamment sur leur démographie et l’évolution de leurs populations, l’évolution de leurs effectifs dans le temps, leurs exigences en matière d’habitat à chaque étape de leur vie et la sévérité des menaces qui pèsent sur elles. Aujourd’hui, les trois questions les plus importantes sont les suivantes :

  1. Quel est l’état actuel de la population des couleuvres minces en Nouvelle-Écosse?

    Nous devons délimiter l’aire de répartition actuelle de la population et déterminer la distribution spatiale du serpent à l’intérieur de cette aire. Nous ne savons pas à quelle échelle spatiale la structure génétique est évidente, si des serpents fréquentant des sites voisins interagissent, et quels sont les facteurs qui restreignent les mouvements entre concentrations de couleuvres minces.Si des concentrations sont isolées, nous devons déterminer si cet isolement découle d’une longue évolution ou s’il résulte d’événements anthropogéniques récents. Nous manquons également de données cruciales sur certains aspects de base du cycle biologique tels que l’abondance, le taux de survie et la longévité. Ces données sont nécessaires pour déterminer si les populations diminuent, augmentent ou stagnent. Nous ne savons pas si les fortes concentrations de ces serpents sont éphémères.
  2. Quels sont les éléments essentiels de l’habitat et ces éléments sont-ils limitants?

    Pour le moment, nous ne savons pas pourquoi les couleuvres minces fréquentent certaines zones humides plutôt que d’autres et nous n’avons toujours pas répertorié les caractéristiques d’habitat qui nous permettraient de prévoir quel milieu est adéquat pour les couleuvres minces. Nous devons comprendre comment les perturbations touchant l’habitat, la connectivité entre les différents sites et l’évolution à long terme de l’habitat affectent la survie des populations de couleuvres minces.

    Nous ne connaissons pratiquement rien de la survie hiémale de ces serpents. Nous devons déterminer où les couleuvres minces passent l’hiver à différent stade de leur vie, documenter les caractéristiques importantes des sites de survie hiémale et déterminer si ces sites sont partagés entre les couleuvres et si elles sont fidèles à certains sites. Nous ne savons pas si la mortalité liée à la survie hiémale menace la population et nous n'avons pas déterminé dans quelle mesure certains facteurs tels que les fluctuations du niveau de l'eau peuvent affecter la survie des serpents en hiver.

    De même, nous ne savons pas si les couleuvres minces ont des besoins particuliers concernant les autres types de sites (pour l’insolation, l’accouplement, la gestation et la mise bas), si les serpents reviennent régulièrement sur ces sites ou s’ils se regroupent sur certains d’entre eux. Nous ne connaissons pas les liens qui existent entre les couleuvres minces et leurs proies. Nous ne savons pas non plus si les sites de chasse et d’alimentation changent avec les saisons et si les trous d’eau en bordure des rivières constituent d’importants sites d’alimentation.
  3. Quelles sont les menaces qui limitent le rétablissement de cette population?

    Nous devons déterminer quelles sont les menaces les plus importantes et l’échelle à laquelle nous devons les gérer. Nous ne savons pas comment les fluctuations du niveau de l'eau, la fragmentation de l’habitat, les activités de développement ou le climat affecteront les populations, ni pourquoi l’aire de répartition est si restreinte dans la province. Nous devons déterminer si les différentes concentrations subissent actuellement l’effet délétère d’une population réduite (consanguinité, dérive génétique, valeur sélective moindre) pour comprendre les fateurs limitant la population.

    Pour élucider ces questions, nous devons recueillir des données sur tous les stades de vie du serpent, notamment sur sa démographie de base (longévité, taux de survie pour chaque étape de vie, évolution démographique, liens entre avec les prédateurs et les proies), l’utilisation de son habitat (sites utilisés pour chaque étape de vie, aire de répartition à grande échelle, caractéristique de l’habitat essentiel, déplacements actuels) et structures génétiques (évaluation de la structure de la population, évaluation de la dépression de consanguinité, estimation de la variation génétique et identification des événements passés qui ont pu influer sur les tendances observées aujourd’hui).

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