Caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population de la Gaspésie-Atlantique : programme de rétablissement modifié 2022

Titre officiel : Programme de rétablissement modifié du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population de la Gaspésie-Atlantique, au Canada

Loi sur les espèces en péril

Série de Programmes de rétablissement

2022

Caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique
Caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique
Information sur le document

Référence recommandée :

Environnement et Changement climatique Canada. 2022. Programme de rétablissement modifié du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population de la Gaspésie-Atlantique, au Canada, Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril, Environnement et Changement climatique Canada, Ottawa, viii + 87 p.

Version officielle

La version officielle des documents de rétablissement est celle qui est publiée en format PDF. Tous les hyperliens étaient valides à la date de publication.

Version non officielle

La version non officielle des documents de rétablissement est publiée en format HTML, et les hyperliens étaient valides à la date de la publication.

Pour télécharger le présent programme de rétablissement ou pour obtenir un complément d’information sur les espèces en péril, incluant les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), les descriptions de la résidence, les plans d’action et d’autres documents connexes portant sur le rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en périlNote de bas de page 1.

Illustration de la couverture : Caribou de la Gaspésie – © Denis Desjardins, parc national de la Gaspésie, Société des établissements de plein air du Québec.

Also available in English under the title: “Amended Recovery Strategy for the Woodland Caribou (Rangifer tarandus caribou), Atlantic-Gaspésie Population, in Canada”

Le contenu du présent document (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.

Remarque : dans le présent document, le caribou des bois (population de la Gaspésie-Atlantique) est appelé « caribou de la Gaspésie ».

Préface

En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996)Note de bas de page 2, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’établir une législation et des programmes complémentaires qui assurent la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, c. 29) (LEP), les ministères fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration des programmes de rétablissement pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées et sont tenus de rendre compte des progrès réalisés dans les cinq ans suivant la publication du document final dans le Registre public des espèces en péril.

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique est le ministre compétent en vertu de la LEP à l’égard du caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique, et a élaboré le présent programme, conformément à l’article 37 de la LEP. Dans la mesure du possible, le programme de rétablissement a été préparé en collaboration avec le gouvernement du Québec (ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs [MFFP]), en vertu du paragraphe 39(1) de la LEP.

La réussite du rétablissement de l’espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des recommandations formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra reposer seulement sur Environnement et Changement climatique Canada ou sur toute autre autorité responsable. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes sont invités à appuyer le programme et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien du caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique, et de l’ensemble de la société canadienne.

Le présent programme de rétablissement sera suivi d’un ou de plusieurs plans d’action qui présenteront de l’information sur les mesures de rétablissement qui doivent être prises par Environnement et Changement climatique Canada et d’autres autorités responsables et/ou organisations participant à la conservation de l’espèce. La mise en œuvre du présent programme est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des autorités responsables et organisations participantes.

Le programme de rétablissement établit l’orientation stratégique visant à arrêter ou à renverser le déclin de l’espèce, incluant la désignation de l’habitat essentiel dans la mesure du possible. Il fournit à la population canadienne de l’information pour aider à la prise de mesures visant la conservation de l’espèce. Lorsque l’habitat essentiel est désigné, dans un programme de rétablissement ou dans un plan d’action, la LEP exige que l’habitat essentiel soit alors protégé.

Dans le cas de l’habitat essentiel désigné pour les espèces terrestres, y compris les oiseaux migrateurs, la LEP exige que l’habitat essentiel désigné dans une zone protégée par le gouvernement fédéralNote de bas de page 3 soit décrit dans la Gazette du Canada dans un délai de 90 jours après l’ajout dans le Registre public du programme de rétablissement ou du plan d’action qui a désigné l’habitat essentiel. L’interdiction de détruire l’habitat essentiel aux termes du paragraphe 58(1) s’appliquera 90 jours après la publication de la description de l’habitat essentiel dans la Gazette du Canada.

Pour l’habitat essentiel se trouvant sur d’autres terres domaniales, le ministre compétent doit, soit faire une déclaration sur la protection légale existante, soit prendre un arrêté de manière à ce que les interdictions relatives à la destruction de l’habitat essentiel soient appliquées.

Si l’habitat essentiel d’un oiseau migrateur ne se trouve pas dans une zone protégée par le gouvernement fédéral, sur le territoire domanial, à l’intérieur de la zone économique exclusive ou sur le plateau continental du Canada, l’interdiction de le détruire ne peut s’appliquer qu’aux parties de cet habitat essentiel — constituées de tout ou partie de l’habitat auquel la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs s’applique aux termes des paragraphes 58(5.1) et 58(5.2) de la LEP.

En ce qui concerne tout élément de l’habitat essentiel se trouvant sur le territoire non domanial, si le ministre compétent estime qu’une partie de l’habitat essentiel n’est pas protégée par des dispositions ou des mesures en vertu de la LEP ou d’autre loi fédérale, ou par les lois provinciales ou territoriales, il doit, comme le prévoit la LEP, recommander au gouverneur en conseil de prendre un décret visant l’interdiction de détruire l’habitat essentiel. La décision de protéger l’habitat essentiel se trouvant sur le territoire non domanial et n’étant pas autrement protégé demeure à la discrétion du gouverneur en conseil.

Remerciements

Les personnes suivantes sont remerciées pour leur importante contribution à l’élaboration de ce document : Sylvain Giguère et Pierre-André Bernier (Environnement et Changement climatique Canada, Service canadien de la faune – Région du Québec), Mélinda Lalonde (anciennement au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, Direction de la gestion de la faune de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine), Mathieu Morin (ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, Direction de la gestion de la faune de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine), Claude Isabel (Société des établissements de plein air du Québec, parc national de la Gaspésie), Martin-Hugues St-Laurent et Frédéric Lesmerises (Université du Québec à Rimouski) et Marie-Andrée Carrière (Environnement et Changement climatique Canada, Service canadien de la faune – Région de la Capitale-Nationale). La participation de l’Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie est également à souligner. Des remerciements vont également à toutes les autres personnes ayant fourni des conseils et des commentaires permettant d’étayer le présent programme de rétablissement, notamment des autochtones et des organisations autochtones, des propriétaires fonciers, des citoyens et divers autres intervenants.

Sommaire

Le présent programme de rétablissement vise le caribou des bois (Rangifer tarandus caribou), population de la Gaspésie-Altantique, ci-après appelé « caribou de la Gaspésie ». Il s’agit d’un programme de rétablissement modifié, suivant une mise à jour du programme de rétablissement du caribou de la Gaspésie, publié par Environnement Canada (2007) sous le titre « Plan de rétablissement du caribou de la Gaspésie (2002-2012), (Rangifer tarandus caribou) ». Ce plan de rétablissement avait été adopté en 2007 par le ministre d’Environnement Canada à titre de programme de rétablissement, en vertu de l’article 44 de la LEP. La version finale publiée du présent programme de rétablissement modifié remplace le « Plan de rétablissement du caribou de la Gaspésie (2002-2012) (Rangifer tarandus caribou) » (Environnement Canada, 2007).

Depuis 2004, la population de la Gaspésie-Altantique du caribou des bois est inscrite à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, c. 29) (LEP) en tant qu’espèce en voie de disparition. Au Québec, cette population, identifiée comme le « caribou des bois, écotype montagnard, population de la Gaspésie » est désignée « espèce menacée » en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (RLRQ, c. E-12.01) (LEMV) depuis 2009.

Le caribou de la Gaspésie se trouve seulement dans une petite portion de la péninsule gaspésienne et du Bas-Saint-Laurent au Québec. Il s’agit d’une sous-population relique des populations de caribous qui peuplaient autrefois toute la péninsule gaspésienne, les provinces maritimes et quelques états de la Nouvelle-Angleterre. Dès le début des suivis de la population de caribous de la Gaspésie dans les années 1950 et 1970, un important déclin de la population a été observé. Ce déclin s’est poursuivi dans les années 1980. Malgré une légère stabilisation de la situation à la fin des années 1990 et du début des années 2000, le déclin s’est poursuivi par la suite, de telle façon qu’il subsisterait présentement moins d’une cinquantaine d’individus au sein de la population.

La population de caribous de la Gaspésie est très sensible à une diminution du taux de survie des adultes (principalement des femelles) et à une diminution du taux de survie des faons, deux paramètres qui sont principalement tributaires du taux de prédation. En général, les caribous de la Gaspésie ont besoin de vastes étendues d’habitat interreliées qui sont relativement non perturbées. De cette façon, ils peuvent s’isoler des prédateurs et d’autres espèces-proies, modifier l’utilisation qu’ils font de l’habitat en réponse aux perturbations naturelles ou anthropiques de l’habitat ainsi qu’aux activités humaines, et avoir accès à leurs sources de nourriture préférées.

Ainsi, en raison des caractéristiques particulières requises pour compléter son cycle vital, plusieurs menaces pèsent sur le caribou de la Gaspésie. Les principales sont : l’exploitation forestière, la prédation excessive par le coyote (Canis latrans) et l’ours noir (Ursus americanus), le développement du réseau routier ou de transport, le développement de parcs éoliens, les activités récréatives, les épidémies d’insectes et l’exploration et l’exploitation minière. Ces menaces sont étroitement interreliées et agissent de façon cumulative en exerçant des effets directs ou indirects sur le caribou de la Gaspésie et son habitat.

Le caractère réalisable du rétablissement du caribou de la Gaspésie comporte des inconnues. Néanmoins, conformément au principe de précaution, le présent programme de rétablissement a été élaboré en vertu du paragraphe 41(1) de la LEP, comme cela se fait lorsque le rétablissement est jugé réalisable. Le présent programme traite des inconnues entourant le caractère réalisable du rétablissement du caribou de la Gaspésie.

L’objectif à long terme en matière de population et de répartition pour le caribou de la Gaspésie est d’atteindre et de maintenir l’autosuffisance de la population au sein de l’aire de répartition actuelle. En vue d’atteindre l’objectif à long terme, deux objectifs à court terme ont été établis : (i) Maintenir l’aire de répartition actuelle de l’espèce, et rétablir les conditions propices de l’habitat à la persistance de la population et (ii) Arrêter le déclin de la population et augmenter le nombre de caribous au sein de la population.

Les stratégies générales ainsi que les approches de recherche et de gestion pour atteindre les objectifs sont présentées dans la section « Orientation stratégique pour le rétablissement ».

Le présent programme de rétablissement contient une désignation partielle de l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie. L’habitat essentiel de cette population est désigné à l’échelle du paysage, selon deux zones géographiques qui se chevauchent : (1) dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, de sorte qu’un minimum de 65 % d’habitat non perturbé y est atteint et maintenu; (2) dans le cœur de l’aire de répartition, là où les caractéristiques biophysiques de l’habitat de prédilection du caribou de la Gaspésie sont rencontrées. Un calendrier des études présente les activités requises pour compléter la désignation de l’habitat essentiel.

Un ou plusieurs plans d’action seront affichés dans le Registre public des espèces en péril dans les cinq ans suivant l’affichage de la version finale du programme de rétablissement modifié.

Résumé du caractère réalisable du rétablissement

D’après les quatre critères suivants qu’Environnement et Changement climatique Canada utilise pour déterminer le caractère réalisable du rétablissement, le rétablissement du caribou de la Gaspésie comporte des inconnues. Conformément au principe de précaution, un programme de rétablissement a été élaboré en vertu du paragraphe 41(1) de la LEP, tel qu’il convient de faire lorsque le rétablissement est déterminé comme étant réalisable du point de vue technique et biologique. Le présent programme de rétablissement traite des inconnues entourant le caractère réalisable du rétablissement.

En effet, bien que les données actuelles appuient la conclusion selon laquelle le rétablissement de la population est techniquement et biologiquement réalisable, la faible taille de la population et son isolement font qu’elle présente un risque de ne pas devenir autosuffisante. Il est donc possible que la population puisse ne pas être en mesure de supporter les menaces telles que la perte d’habitat et l’augmentation de la prédation associée à la modification de l’habitat et à la dynamique prédateurs-proies. Cette population ne bénéficie pas non plus de l’immigration permettant de maintenir sa diversité génétique et, par conséquent, pourrait présenter un risque de non-persistance à long terme. Il est donc possible que le rétablissement de la population se révèle, avec le temps, biologiquement ou techniquement impossible, ce qui pourrait influer sur la probabilité d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition.

1. Des individus de l’espèce sauvage qui peuvent se reproduire sont présents maintenant ou le seront dans un avenir rapproché pour maintenir la population ou augmenter son abondance.

Oui. Jusqu’à maintenant, le caribou de la Gaspésie s'est maintenu grâce à la présence d'individus reproducteurs sauvages. En 2019, la taille de la population se situait entre 38 et 42 individus, mais aucun individu n’a été observé dans le secteur du mont Logan pendant l’inventaire aérien (Morin et Lesmerises, 2020). Des pièges photographiques installés au mont Logan pendant une période de 30 jours à l’automne 2019 ont permis de détecter six individus différents. Ceci constituerait un minimum pour ce secteur puisque la méthode d’inventaire par pièges photographiques requiert plus d’observations pour permettre de produire une estimation acceptable de la population (Morin et Lesmerises, 2020).

2. Une superficie suffisante d’habitat convenable est à la disposition de l’espèce, ou pourrait l’être par des activités de gestion ou de restauration de l’habitat.

Inconnu. De l’habitat convenable est disponible à l’intérieur et à l’extérieur des limites du parc national de la Gaspésie. Toutefois, l’habitat convenable est présentement en quantité insuffisante, notamment en raison du haut taux cumulé de perturbation de l’habitat au sein du cœur de l’aire de répartition (68 %) et au sein de l’aire de répartition (81 %; F. Lesmerises et M.-H. St-Laurent, données inédites; voir la section 3.2 pour une définition de l’aire de répartition), qui ne permettrait pas à la population d’atteindre l’autosuffisance selon la méthode développée pour la population boréale du caribou des bois (Environnement Canada, 2011a). D’une part, il est raisonnable de croire que des mesures de gestion ou de restauration de l’habitat pourraient éventuellement permettre d’augmenter la qualité et la quantité d’habitat convenable afin de permettre à la population d’atteindre un seuil d’autosuffisance. D’autre part, une analyse de viabilité de population réalisée récemment a démontré que des risques d’extinction élevés sont présents dans un horizon 50 ans pour le groupe des monts McGerrigle et encore davantage pour les groupes des monts Albert et Logan (Frenette et St-Laurent, 2016). Il est incertain si une quantité suffisante d’habitat convenable pourra être rendue disponible durant cet intervalle de temps. En effet, pour renverser les processus écologiques nuisibles aux populations de caribous (p. ex. dégradation et perte d’habitat, augmentation des populations de prédateurs et des autres proies) et modifier les cadres de gestion et les dispositions actuelles d’utilisation des terres, il est souvent nécessaire d’envisager des échéanciers de plus de 50 à 100 ans.

3. Les menaces importantes auxquelles fait face l’espèce ou son habitat (y compris les menaces à l’extérieur du Canada) peuvent être évitées ou atténuées.

Oui. Les principales menaces pesant sur le caribou de la Gaspésie ou sur son habitat peuvent être réduites ou atténuées par la planification coordonnée de l’utilisation des terres ou des ressources, ainsi que par la remise en état et la gestion de l’habitat. L’état de la population pourra aussi justifier des mesures de gestion des prédateurs et des autres proies. Ce programme de rétablissement propose des stratégies et des approches en ce sens.

4. Des techniques de rétablissement existent pour atteindre les objectifs relatifs à la population et à la répartition ou elles peuvent raisonnablement être élaborées dans un délai raisonnable.

Oui. Des mesures de contrôle des prédateurs ont été réalisées dans les années 1990 et à partir de 2001 et sont toujours en vigueur aujourd’hui (2021). Réalisé de façon récurrente et rigoureuse, le contrôle des ours noirs et des coyotes permet de diminuer la pression de prédation sur les caribous. D’autre part, une gestion de l’habitat incluant des aires protégées et une stratégie d’aménagement forestier rendant la matrice forestière non propice aux prédateurs à l’échelle du paysage pourrait permettre de réduire les facteurs de déclin de la population de caribous. Actuellement, l’exploitation forestière est interdite sur le territoire du parc national de la Gaspésie, et des initiatives de remise en état de l’habitat (p. ex. fermeture de chemins forestiers) y sont en cours. Un plan d’aménagement forestier, déjà en vigueur dans certains secteurs de forêt situés en périphérie du Parc, pourrait aussi être amélioré. Il existe toutefois des incertitudes concernant l’efficacité de certaines de ces techniques, car elles n’ont pas encore subi de périodes d’essai suffisamment longues.

1. Évaluation de l’espèce par le COSEPAC*

Date de l'évaluation : Novembre 2014

Nom commun (population) : Caribou – population de la Gaspésie-Atlantique

Nom scientifique : Rangifer tarandus

Statut selon le COSEPAC : En voie de disparition

Justification de la désignation : Cette petite population isolée a chuté à moins de 120 adultes. Historiquement, ces caribous étaient beaucoup plus répandus, étant présents au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard. Aujourd’hui, ils occupent principalement des habitats alpins sur des plateaux montagneux dans la région de la Gaspésie, au Québec. L’habitat a été modifié par l’exploitation des ressources, incluant la gestion forestière qui a rajeuni les forêts, et une densité accrue des prédateurs du caribou. La mortalité des adultes et le faible recrutement continu des petits en raison de la prédation par le coyote de l’EstNote de bas de page 4 et l’ours noir contribuent à un déclin continu. Les modèles de population prévoient que la population pourrait disparaître d’ici 2056.

Présence au Canada : Québec

Historique du statut selon le COSEPAC : La population de la Gaspésie-Atlantique a été désignée « menacée » en avril 1984. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « en voie de disparition » en mai 2000. Réexamen de la situation et confirmation du statut en mai 2002 et en novembre 2014.* COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada)

En 2011, le COSEPAC a reconnu 12 unités désignables (UD) de caribou (Rangifer tarandus), dont la population de la Gaspésie-Atlantique (UD no11; COSEPAC, 2011). En novembre 2014, la situation du caribou, population de la Gaspésie-Atlantique, a été réévaluée par le COSEPAC (2014). La population a été évaluée avec la même situation de risque que l’évaluation précédente, soit « en voie de disparition ».

2. Information sur le statut de l’espèce

La totalité du caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique (appelé « caribou de la Gaspésie » dans ce programme de rétablissement), se trouve au Canada, dans une petite portion de la péninsule gaspésienne et du Bas-Saint-Laurent au Québec (Environnement Canada, 2007; voir la section 3.2 du présent document). Cette population correspond à l‘unité désignable du caribou, population de la Gaspésie-Atlantique du COSEPAC et est la seule unité désignable du caribou à être constituée d’une seule population (COSEPAC, 2011 ; COSEPAC, 2014). Cette population est inscrite depuis 2004 à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, c. 29) (LEP) en tant qu’espèce en voie de disparition sous le nom de Caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique. Au Québec, le « caribou des bois, écotype montagnard, population de la Gaspésie » a le statut d’espèce menacée en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (RLRQ, c. E-12.01) (LEMV) depuis 2009 (il avait auparavant le statut d’espèce vulnérable depuis 2001).

Selon NatureServe (2018), la cote de conservationNote de bas de page 5 globale du caribou de la Gaspésie est G5T1Q, signifiant que l’espèce elle-même est répandue et commune, mais que la population de la Gaspésie est gravement en péril. Le caribou de la Gaspésie se voit attribuer une cote de N1 (gravement en péril) à l’échelle nationale, et à l’échelle provinciale, il est classé au rang S1 (gravement en péril) au Québec, et SX (disparu) au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard (NatureServe, 2018).

3. Information sur l’espèce

3.1 Description de l’espèce

Le caribou et le renne font partie de la même espèce, soit Rangifer tarandus. L’appellation « caribou » fait référence aux différentes sous-espèces qui se trouvent en Amérique du Nord, alors que le terme « renne » réfère aux sous-espèces d’individus domestiqués, semi-domestiqués ou sauvages qu’on trouve en Eurasie (Hummel et Ray, 2008). Quoiqu’il y ait passablement de variabilité dans l’expression phénotypique des gènes chez cette espèce (p. ex. taille corporelle, coloration du pelage, morphométrie), les caribous et les rennes ont la capacité d’échanger librement des gènes entre eux et de produire une descendance féconde (Hummel et Ray, 2008). Il est à noter qu’il y a des rennes en Amérique du Nord, notamment à Terre-Neuve, en raison de l’introduction d’individus par l’humain.

Selon des critères morphologiques, on compte quatre sous-espèces existantes de caribous en Amérique du Nord (Banfield, 1961), soit le caribou de Peary (R. tarandus pearyi), le caribou de la toundra (R. tarandus groenlandicus), le caribou de Grant (R. tarandus granti) et le caribou des bois (R. tarandus caribou). Cette dernière sous-espèce est la seule qui se trouve au Québec, et trois écotypesNote de bas de page 6 y sont associés dans la province, soit le caribou migrateur, le caribou forestier et le caribou montagnard. Le caribou de la Gaspésie correspond à l’une des deux seules populations de l’écotype montagnard au Québec. L’autre habite l’extrême nord-est de la province, dans les monts Torngat (UD no10; COSEPAC, 2011).

Le caribou des bois est un cervidé (Cervidae) de taille moyenne (hauteur au garrot de 1 à 1,2 m et masse de 110 à 210 kg; COSEPAC, 2002). Il se distingue des autres cervidés (p. ex. de l’orignal [Alces alces], du cerf de Virginie [Odocoileus virginianus] ou du wapiti [Cervus elaphus]) par le fait que les individus des deux sexes portent des bois. Il arrive toutefois que certaines femelles n’en aient qu’un, ou aucun (Schaefer et Mahoney, 2007). Par comparaison, le caribou des bois se différencie du caribou de la toundra par la couleur plus foncée de son pelage (surtout brun en été et plus gris en hiver) et la forme de ses bois, qui sont aplatis, complexes et compacts (COSEPAC, 2002). Les caribous de la Gaspésie sont semblables en apparence aux individus d’autres populations de caribou des bois.

3.2 Population et répartition

Au Canada, le caribou est présent du nord de l’Île d’Ellesmere jusqu'à la frontière canado-américaine dans l’axe nord-sud. D’ouest en est, il est présent de la Colombie-Britannique et du Yukon jusqu’à Terre-Neuve (Environnement Canada, 2011a; figure 1).

Figure 1 - s'il vous plaît lire une longue description

Figure 1. Répartition des sous-espèces de caribou au Canada d’après Banfield (1961), adapté de COSEPAC (2011).

Description longue

Figure 1 montre la répartition des sous-espèces de caribou au Canada. Dans l’aire de répartition de la forêt boréale, on trouve la répartition du Caribou des bois. Dans le sud de la Nunavut et dans l’est des Territoires du Nord-Ouest, on trouve la répartition du Caribou de la toundra. Au nord des Territoires du Nord-Ouest et de la Nunavut, on trouve la répartition du Caribou de Peary. Au milieu du Nunavut, les aires de répartitions du Caribou de la toundra et du Caribou de Peary se chevauchent. Au nord du Yukon et en Alaska on trouve la répartition du Caribou de Grant.

La population de caribous de la Gaspésie est géographiquement et génétiquement isolée des autres populations de caribous du Québec et du Canada (Courtois et coll., 2003; COSEPAC, 2011; Festa-Bianchet et coll., 2011; Yannic et coll., 2016). Il s’agit d’une sous-populationNote de bas de page 7 relique des populations de caribous qui peuplaient autrefois toute la péninsule gaspésienne, les provinces maritimes et quelques états de la Nouvelle-Angleterre (Moisan, 1956). À la suite de la colonisation humaine, le caribou de la Gaspésie s’est concentré dans les montagnes et au centre de la péninsule gaspésienne (Moisan, 1956). Aujourd’hui, il s’agit de la seule population de caribous qui subsiste au sud du fleuve Saint-Laurent et elle est principalement confinée aux plus hauts plateaux des monts Chic-Chocs (dont les monts Albert et Logan font partie) et des monts McGerrigle (incluant les monts Jacques-Cartier et Vallières-de-Saint-Réal), dans la chaîne de montagnes des Appalaches (Fournier et Faubert, 2001; Mosnier et coll., 2002). Son isolement géographique date de plus de 150 ans (St-Laurent et coll., 2009). La superficie de sa zone d’occurrenceNote de bas de page 8 est estimée à environ 1500 km2 (COSEPAC, 2014), incluant l’ensemble du territoire du parc national de la Gaspésie (802 km2) ainsi qu’une portion de territoire située en périphérie du Parc. La superficie de la zone d’occupationNote de bas de page 9 est quant à elle estimée à moins de 1000 km2 (COSEPAC, 2014). Toutefois, la réalisation d’une étude télémétrique (GPS) entre 2013 et 2016 a permis d’améliorer fortement les connaissances sur la présence de l’espèce. En prenant en compte ces données, l’estimation de la superficie de l’aire de répartition varie entre 1515 km2 et 5376 km2, selon la méthode de délimitation et les critères utilisés. La méthode expliquant le mieux les différences de recrutement, de survie et du taux de croissance de la population est celle du polygone convexe minimal (PCM) englobant 99 % des données, auquel une zone de 10 km additionnelle en périphérie est ajoutée (5376 km2; Lesmerises et St-Laurent, 2018; figure 2). Dans la suite du document, « l’aire de répartition » réfère à cette délimitation.

Au cours des années 1950, Moisan (1956) suggérait que les troupeaux des monts Logan, Albert et McGerrigle pouvaient constituer des entités relativement indépendantes, mais des observations réalisées dans le secteur du mont Albert en 1959 laissent croire qu’il y avait à cette époque des échanges d’individus entre les hardes des monts Albert et Logan et des monts Albert et McGerrigle (Rivard, 1978). Des échanges d’individus ont d’ailleurs été confirmés entre les hardes des monts Albert et McGerrigle (Georges et coll., 1975), ainsi qu’entre les monts Albert et Logan (Rivard, 1978). Toutefois, la situation semble avoir évolué depuis la fin des années 1970. En effet, tant les travaux télémétriques de Ouellet et coll. (1996; période 1987-1992) que de Mosnier et coll. (2003; période 1998-2001), soulignaient qu’aucun échange n’avait été noté entre les trois secteurs et concluaient que les hardes de ces monts devraient être considérées comme trois sous-populations relativement indépendantes les unes des autres, mais formant néanmoins une métapopulation. Plus récemment, sur 43 individus suivis au moyen de colliers émetteurs de 2013 à 2016 (soit environ 45 % des individus de la population), seulement deux femelles se sont déplacées du secteur des monts McGerrigle vers le mont Albert (F. Lesmerises, comm. pers.). Des analyses génétiques récentes suggèrent qu’il existe une différenciation génétique faible, mais significative entre les caribous des monts McGerrigle et ceux des monts Albert et Logan (Pelletier et coll., 2018). Il semble également que cette différenciation se soit accentuée au courant des vingt dernières années. Ainsi, considérant que les échanges génétiques entre les groupes sont possibles, mais probablement rares, il importe de considérer la population de caribous de la Gaspésie comme un ensemble de deux sous-populations formant une métapopulation (sensu Wells et Richmond, 1995; Mosnier et coll., 2003). Cette considération est d’autant plus importante que les sous-populations du mont Albert et du mont Logan ont des effectifs très réduits qui les exposent à des risques d’extinction davantage préoccupants par rapport à la sous-population des monts McGerrigle (Frenette, 2017).

Figure 2 - s'il vous plaît lire une longue description

Figure 2. Aire de répartition du caribou de la Gaspésie.

Description longue

Figure 2 montre l’aire de répartition du Caribou de la Gaspésie. L’aire de répartition comprend l’aire sud de Sainte-Anne-des-Monts et ouest de Murdochville. Quatre des cinq aires protégées (Parc national de la Gaspésie, Réserve écologique Fernald, Réserve écologique Irène-Fournier et Réserve écologique de Mont-Saint-Pierre) se trouvent à l’intérieur de l’aire de répartition. La cinquième aire protégée (Réserve écologique de Manche-d’Épée) se trouve au nord de Murdochville et à l’est de l’aire de répartition. Les aires protégées couvrent le Mont Logan, le Mont Albert et le Mont Jacques-Cartier.

La délimitation de l’aire de répartition et du cœur de l’aire de répartition est basée sur des données de localisations télémétriques de caribous (VHF et GPS) récoltées entre 1977 et 2016 (MFFP, données inédites; F. Lesmerises et M.-H. St-Laurent, données inédites). L’aire de répartition a été délimitée au moyen d’un polygone convexe minimal englobant 99 % des données de localisation, auquel une zone de 10 km de largeur est ajoutée en périphérie (on réfère à cette aire de répartition par l’expression « PCM 99 % + 10 km »; Lesmerises et St-Laurent, 2018). Le cœur de l’aire de répartition a été délimité par la méthode de l’estimation de la répartition par noyau et a été réalisée en sous-échantillonnant 1000 localisations par année, en répétant 10 fois l’exercice et en sommant les 10 estimations. Un facteur de lissage ad hoc supposant une utilisation normale bivariée a été utilisé (Lesmerises et St-Laurent, 2018). Il est à noter qu’une faible superficie résultant de cette estimation de la répartition par noyau qui étaient hors de l’aire de répartition (ouest) a été retirée ici. Les localisations de sites de mise bas ont été obtenues à partir du suivi télémétrique par satellite (GPS) de 25 femelles (respectivement deux, cinq et 18 dans les secteurs du mont Albert, du mont Logan et des monts McGerrigle), réalisé entre le 20 mai et le 20 juin, de 2013 à 2016, pour un total de 61 individus∙années; ce qui a pu mener à la localisation, exacte ou estimée, de 41 sites de mise bas au sein de l’aire de répartition (F. Lesmerises et M.-H. St-Laurent, données inédites). Les connaissances sur la localisation des sites de mise bas ne sont pas exhaustives. Finalement, la délimitation illustrée de l’« Habitat LCMVF (HL) – 2011 » correspond à l’habitat cartographié par le Gouvernement du Québec en vertu du Règlement sur les habitats fauniques (c. C-61.1, r. 18) de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune(RLRQ, c. C-61.1) (LCMVF), mis à jour pour la dernière fois en 2011.

Dans les années 1950, la première évaluation quantitative de la taille de population estimait l’abondance entre 700 et 1500 caribous, la limite inférieure semblant plus probable (Moisan, 1957). Les caribous formaient alors quatre principaux groupes occupant le secteur des monts Logan, Albert, McGerrigle et Copper (Murdochville). La date de disparition des caribous au mont Copper n’est pas connue. Par la suite, entre 1966 et 1973, plusieurs inventaires ont été réalisés aux monts Albert et Jacques-Cartier, et dans une moindre mesure au mont Logan (Brassard, 1967; Vézina, 1971; Potvin, 1974). La taille de la population n’a pas été estimée durant cette période, mais un déclin a été observé (Potvin, 1974). En 1976 et en 1977, la population a été évaluée à 150 et 144 individus, respectivement (Rivard, 1978). En 1983, un programme d’inventaire aérien automnal annuel a été mis en place. Depuis, cet outil a permis de mettre en évidence le déclin qui a cours malgré les efforts de rétablissement commencés il y a plus de 30 ans (Morin, 2017; figure 3). Dans la deuxième moitié des années 1980, la proportion de faons observés à l’automne dans la population atteignait moins de 3 % (Morin, 2017; figure 4). Cette valeur est en deçà du seuil de 17 % permettant à la population de se maintenir (voir la section 3.3.2 pour plus de détails).

En réaction à ces faibles valeurs, un programme de régulation des populations de prédateurs du caribou de la Gaspésie a été mis en œuvre de 1990 à 1996. Ce programme a vraisemblablement permis l’augmentation du pourcentage de faons, qui a dépassé légèrement le seuil de 17 % (voir section 3.3.2) au cours des années 1990 (Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2010; figure 4). Toutefois, dès 1998, la proportion de faons dans la population est de nouveau passée sous le seuil de 17 % (Morin, 2017; figure 4), ce qui a entraîné la reprise des mesures de contrôle des prédateurs en 2001. Le nombre d’individus et la proportion de faons dans la population ont augmenté progressivement dans les années suivantes et la proportion de faons a considérablement dépassé le seuil de 17 % dans les années 2005 et 2006 (Morin 2017; figure 4). Par contre, un déclin de la taille de population a été constaté de nouveau dès 2008 et, en 2011, l’inventaire aérien de la population enregistrait les plus faibles décomptes des 30 années précédentes de suivi en plus d’une proportion de faons bien inférieure à 17 % (Morin, 2017). Entre 2011 et 2019, la population a conservé une faible taille (généralement < 100 individus; figure 3) et la proportion de faons a fluctuée considérablement en restant presque toujours sous le seuil de 17 % (figure 4).

Le programme de contrôle de prédateurs amorcé en 2001 est encore en vigueur aujourd’hui (2021; Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, données inédites), malgré une augmentation de l’effort de piégeage au fil des années, les résultats obtenus illustrent que ces mesures ne semblent pas suffisantes en elles-mêmes pour contrer le déclin de la population. Les figures 3 et 4 présentent les résultats des inventaires aériens menés entre 1983 et 2019. À noter que les inventaires aériens réalisés entre 2011 et 2016, de même qu’en 2019, n’ont pas permis d’observer de caribous dans le secteur du mont Logan en raison du couvert forestier plus dense et fermé dans ce secteur. Des évaluations faites par d’autres méthodes en 2016 ont mené à une estimation d’abondance au mont Logan d’au moins 20 caribous (par télémétrie; Morin, 2016) ou de 5 à 34 caribous (par pièges photographiques automatisés; Pettigrew et St-Laurent, 2017). En 2019, la taille de la population a été estimée entre 38 et 42 individus (IC de 95 %), mais aucun individu n’a été observé dans le secteur du mont Logan pendant l’inventaire aérien (Morin et Lesmerises, 2020). Des pièges photographiques installés au mont Logan pendant une période de 30 jours à l’automne 2019 ont cependant permis de détecter six individus différents. Ceci constituerait un minimum pour ce secteur puisque la méthode d’inventaire par pièges photographiques nécessite plus d’observations pour permettre une estimation fiable de la population (Morin et Lesmerises, 2020).

Ainsi, le suivi annuel réalisé depuis 1983 montre un déclin marqué dans la population de caribou de la Gaspésie, avec une proportion de faons généralement sous le seuil de 17 % (figure 4), estimé souhaitable pour le maintien de la population lorsque le taux de survie des femelles est élevé. Entre 1988 et 2015, le taux de survie annuel moyen de la population de femelles adultes a été estimé quant à lui à 0,90 ± 0,08 (± écart-type; Frenette, 2017). Ce taux de survie est semblable à celui de plusieurs autres populations de caribous d’Amérique du Nord (voir la section 3.1.2), mais est fortement influencé à la hausse par le taux de survie calculé au mont Logan (0,97 ± 0,04), alors que les taux sont plus bas au mont Albert (0,87 ± 0,18) et aux monts McGerrigle (0,86 ± 0,15). Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que les femelles du mont Logan utilisent une stratégie particulière d’évitement des prédateurs (faible densité de femelles vivant dans tout le gradient d’altitude, plutôt que concentrées à plus haute densité aux sommets; Frenette, 2017). Par contre, selon cette étude les taux de survie annuels des femelles, calculés pour les années récentes (c.-à-d. 2014-2015), sont préoccupants, notamment à l’échelle du secteur des monts McGerrigle (0,65 ± 0,1) ou du parc national de la Gaspésie (0,77 ± 0,05). Les données disponibles ne permettent pas de calculer de taux de survie annuelle des femelles durant cette période au mont Albert, mais les plus récents taux calculés (1999 et 2001) y sont très bas (moyenne de 0,55; Frenette, 2017). En 2014 et 2015, les taux de survie annuels des mâles étaient aussi très bas (moyenne de 0,56; Frenette, 2017). Lesmerises (2012) note que dans ce contexte où le taux de mortalité des adultes est élevé, la cible de 17 % de faons dans la population pour atteindre une population stable est vraisemblablement sous-estimée, et devrait être d’au moins 21 %. Ce taux n’a pas été atteint depuis plus de 10 ans (Morin, 2017; figure 4).

Figure 3 - s'il vous plaît lire une longue description

Figure 3. Estimation annuelle de la taille de la population de caribous de la Gaspésie selon les résultats d’inventaires aériens (corrigée quant au taux de visibilité, incluant les secteurs des monts Albert [taux de visibilité de 80,4 %], Logan [taux de visibilité de 40,6 %] et McGerrigle [taux de visibilité de 88,5 %], avec un IC de 95 %; Morin et Lesmerises, 2020). Le total annuel représente la somme des estimations par secteurs.

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Figure 3 montre un graphique à barres représentant l’estimation annuelle de la taille de la population de caribous de la Gaspésie pour les années 1983-2019. La population était à son maximum en 1983, à 223 individus et à son minimum en 2015, avec une estimation de 29 individus. Dans l’ensemble, la tendance a été vers la diminution de la taille de la population, avec de légères augmentations en 1997 et 2007. 

Figure 4 - s'il vous plaît lire une longue description

Figure 4. Estimation annuelle du pourcentage de faons dans la population de caribous de la Gaspésie à partir des résultats d’inventaires aériens, incluant les secteurs des monts Albert, Logan et McGerrigle (Morin et Lesmerises, 2020).

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Figure 4 montre un graphique à barres représentant l’estimation annuelle du pourcentage de faons dans la population de caribous de la Gaspésie pour les années 1983-2019. Veuillez-vous référer au texte précèdent pour plus de détails sur les tendances. 

3.3 Besoins du caribou de la Gaspésie

3.3.1 Besoins biologiques et besoins en matière d’habitat

La sélection d’habitat du caribou est un processus hiérarchique complexe qui intègre les besoins nutritionnels et l’évitement de la prédation (p. ex. Rettie et Messier, 2000). Le caribou de la Gaspésie a besoin de grands espaces composés d’étendues continues d’habitat relativement non perturbé où il peut s’isoler de ses prédateurs, modifier son utilisation de l’espace en réponse à diverses perturbations naturelles ou anthropiques, et avoir accès à ses sources de nourriture privilégiées.

Le caribou de la Gaspésie occupe principalement les étages montagnards et alpins d’une altitude supérieure à 700 m où il utilise, aux étages inférieurs, les sapinières matures ou surannées (≥ 70 ans) et, sur les sommets, les secteurs de toundra alpine et subalpine (Mosnier et coll., 2003). Toutefois, bien que les caribous du secteur du mont Logan utilisaient principalement par le passé les crêtes de montagnes, ils utilisent depuis quelques années les vallées, à une altitude inférieure à 700 m (Morin, 2016). Ce groupe de caribous utilise aussi davantage les peuplements de sapinières matures que les autres groupes, fort probablement en raison de la plus petite superficie de toundra alpine disponible dans ce secteur (Mosnier et coll., 2003). La relation étroite qu’entretiennent les caribous de la Gaspésie avec les sommets et les forêts surannées est typique des populations de caribous montagnards d’Amérique du Nord (Poole et coll., 2000; Apps et coll., 2001). Les connaissances actuelles ne permettent pas de déterminer quels habitats étaient utilisés dans la période préindustrielle et si les étages montagnards et alpins avaient une importance aussi grande qu’aujourd’hui.

Durant la première partie de l’hiver, les caribous utilisent les sommets, où ils accèdent aux lichens terrestres, aux mousses et à certains arbustes dont ils se nourrissent en creusant dans la neige. Lorsque la quantité de neige est trop importante ou que la neige devient dense et crouteuse, ils se tournent vers les lichens arboricoles, qui sont disponibles principalement dans les sapinières matures ou surannées entourant les sommets à plus basse altitude (Mosnier et coll., 2003). L’habitat optimal d’hiver doit donc avoir une topographie qui favorise la présence de différents types de couverture végétale afin de créer des conditions d’enneigement assez variées pour permettre aux caribous d’avoir accès à l’ensemble des ressources alimentaires hivernales. Les lichens arboricoles occupent une part importante de la diète hivernale et constituent une source essentielle d’alimentation lorsque les autres ressources alimentaires deviennent difficilement accessibles (Serveheen et Lyon, 1989). Les lichens arboricoles peuvent représenter jusqu’à 53 % du régime alimentaire hivernal, contre 27 % en période estivale (St-Laurent et coll., 2009). Toutefois, cette ressource riche en énergie est pauvre en protéines et peut parfois s’avérer limitante pour compléter la gestation et survivre aux rigueurs de l’hiver (Parker et coll., 2005; Barboza et Parker, 2008).

À l’arrivée des conditions climatiques plus clémentes du début du printemps, les caribous deviennent plus mobiles. Ils retournent alors sur les sommets où la fonte des neiges rend de nouveau disponibles les espèces végétales dont ils se nourrissent (Environnement Canada, 2007). La fin du printemps correspond à la période de mise bas. Les femelles de la population de la Gaspésie suivies par télémétrie entre 2013 et 2016 ont mis bas généralement entre le 20 mai et le 1er juin, bien qu’on ait observé une naissance le 16 mai et une autre le 12 juin (F. Lesmerises, comm. pers). Ainsi, de la fin-mai jusqu’à la mi-juin, les femelles se dispersent dans différents milieux (Bergerud, 1973; Rivard, 1978; M. Lalonde et R. Faubert, comm. pers). Le comportement de dispersion pour la mise bas serait dicté par la nécessité de s’éloigner des autres proies et des prédateurs, comme observé chez d’autres populations de caribous des bois (p. ex., Leclerc et coll., 2012). Les femelles suivies lors de la période de mise bas aux monts Albert et McGerrigle ont fortement utilisé les dénudés arbustifs, les dénudés rocheux, les zones d’arbres rabougris, de résineux ouverts et de résineux, alors que les autres catégories d’habitatsNote de bas de page 10 ont été visitées moins régulièrement (St-Laurent et coll., 2015a). Les variations interannuelles de la fonte des neiges influenceraient le choix des sites de mise bas (Environnement Canada, 2007). Toutefois, un modèle développé par St-Laurent et coll. (2015a) illustre l’existence d’une relative fidélité des individus à leur aire de reproduction.

Des analyses de fèces ont démontré que la diète estivale du caribou de la Gaspésie était principalement composée de genévrier commun (Juniperus communis), de sapin baumier (Abies balsamea) et de prêle des champs (Equisetum arvense) et que la compétition alimentaire avec l’orignal durant cette période de l’année était peu importante, étant donné une composition différente de leurs diètes (Christopherson et coll., en préparation). Tant chez le caribou que chez l’orignal, l’altitude ne semble pas être un facteur influençant la sélection des espèces de végétaux. Durant l’été, on ignore si les caribous de la Gaspésie font une sélection d’habitat. En effet, selon les travaux de Rivard (1978), il n’y avait pas de sélection d’habitat particulier durant l’été, ce qui pouvait s’expliquer par une disponibilité de la nourriture un peu partout à cette saison. Par contre, les repérages télémétriques de l’étude de Mosnier et coll. (2003) démontrent que les caribous sont en moyenne à de plus hautes altitudes au cours de l’été et de l’automne qu’aux autres saisons et que le caribou utilise de façon prédominante des habitats dénudés à ces périodes. Ce phénomène pourrait être le reflet d’une stratégie anti-prédation pour le caribou.

Les travaux de Bergerud (1973) font état d’accouplements vers le milieu du mois d’octobre. Les suivis aériens de la population de caribous ont permis de constater que la période de rut et d’accouplement a lieu entre la fin du mois de septembre et la mi-octobre (Lalonde et Michaud, 2013; Lalonde, 2013). Au moment du rut et de l’accouplement, on observe que les caribous se rassemblent sur les zones alpines dénudées de plusieurs plateaux alpins au sein de l’aire de répartition, notamment les sommets des monts Albert, Logan et McGerrigle (incluant les monts Jacques-Cartier et Vallières-de-Saint-Réal; Moisan, 1957; Bergerud, 1973; Rivard, 1978; Fournier et Faubert, 2001).

La taille du domaine vital des adultes est relativement petite pour l’espèce, avec des superficies de 219 ± 339 km2 (moyenne ± écart-type) pour les 43 individus suivis par télémétrie GPS entre 2013 et 2016 (mâles = 308 ± 471 km2; femelles = 162 ± 197 km2; estimateur PCM 100 %; F. Lesmerises et M.-H. St-Laurent, données inédites). Ces tailles de domaines vitaux sont plus grandes et plus réalistes que celles obtenues par télémétrie VHF par Ouellet et coll. (1996) entre 1987 et 1992 (148 km2 en moyenne) ou par Mosnier et coll. (2003) entre 1999 et 2000 (46 à 77 km2 en moyenne), puisqu’elles ne se limitent pas aux localisations répertoriées dans l’habitat traditionnellement survolé lors des campagnes précédentes de télémétrie VHF. En effet, les domaines vitaux calculés entre 2013 et 2016 incluent les excursions extraterritoriales; certains individus se sont rendus aussi loin que Saint-Ulric à l’ouest et Gaspé à l’est. Néanmoins, leur stratégie antiprédatrice pousse les caribous à se concentrer fortement sur les sommets dénudés (Mosnier et coll., 2003; Lesmerises et coll., 2017), ce qui expliquerait en partie les domaines vitaux de plus faible taille que ceux des caribous des bois de la population boréale (moyenne de 1 772 km2; Bastille-Rousseau et coll., 2011).

Mosnier et coll. (2003) suggéraient que l’existence de groupes distincts de caribous (voir la section 3.2) devait être considérée dans la gestion de la population ainsi que dans celle de chacune des sous-populations. En effet, celles-ci constitueraient des entités spatialement distinctes utilisant différemment l’espace et l’habitat, notamment en fonction de la disponibilité et de l’éloignement des habitats utilisés. Cette étude a aussi permis de constater que les individus des groupes utilisaient les habitats se trouvant entre les sommets lors des mouvements de dispersion. Mosnier et coll. (2003) considéraient que cet habitat était très important puisque sa perturbation entraînait l’isolement complet de chacun des groupes. La connectivité de l’habitat est d’ailleurs essentielle au maintien d’une population (ou, dans ce cas-ci, d’une métapopulation) de caribous, car elle permet, d’une part, les déplacements saisonniers parmi les habitats qui offrent différentes ressources nécessaires à leur cycle vital et d’autre part, d’utiliser différents secteurs en réponse à des perturbations ou lorsqu’un habitat perturbé est en voie de se rétablir (Saher et Schmiegelow, 2005).

Le caribou des bois est une espèce sensible à la perturbation de son habitat, notamment en raison de l’abondance accrue des prédateurs qu’elle occasionne (COSEPAC, 2014). Ainsi, le maintien d’un faible risque de prédation est nécessaire au rétablissement du caribou de la Gaspésie. Bien que le caribou utilise principalement les milieux se trouvant en haute altitude ou les milieux où il est spatialement séparé des autres proies et de ses prédateurs (Ouellet et coll., 1996; Mosnier et coll., 2003), la relation habitat-proie-prédateur dans les zones adjacentes aux aires utilisées et dans l’habitat situé en basse altitude influe sur la relation proie-prédateur et sur le taux de mortalité du caribou dans les aires qu’il utilise. Cela s’explique par le fait que les prédateurs se déplacent au-delà du fond des vallées et qu’ils peuvent aussi utiliser les milieux en haute altitude, en particulier à l’été et à l’automne (Mosnier et coll., 2008a; Boisjoly et coll., 2010; St-Laurent et coll., 2015b).

3.3.2 Facteurs limitatifs

L’évolution de la taille de la population du caribou de la Gaspésie dépend principalement de deux facteurs intimement liés. D’une part, du taux de survie des adultes, principalement des femelles (Gaillard et coll., 1998) et, d’autre part, du recrutement annuel et du taux de survie des faons (Environnement Canada, 2007), qui sont principalement tributaires du taux de prédation.

En effet, le caribou présente un faible taux brut de reproductionNote de bas de page 11 comparativement à d'autres ongulés (COSEPAC, 2014). De plus, les femelles n’ont habituellement pas de jeunes avant d’avoir atteint l’âge de trois ans et elles donnent naissance à un seul faon par année (Bergerud, 2000). Si la survie des faons est faible, le nombre de faons qui reste peut être insuffisant pour compenser la mortalité annuelle des adultes. Au cours des années 1980, alors que le taux de survie des femelles était relativement élevé, il a été évalué que pour maintenir une légère croissance de la population de caribous de la Gaspésie, il fallait observer au moins 17 % de faons dans la population, soit l’équivalent d’environ 30 faons pour 100 femelles (Crête et Desrosiers, 1995). Depuis, des modélisations ont montré que lorsque le taux de survie des femelles est plus bas, comme c’est présentement le cas pour la population de la Gaspésie, le ratio devrait être d’au moins 37 faons pour 100 femelles (c.-à-d. 21,0 % de faons; Lesmerises, 2012), ou encore 36 faons pour 100 femelles (c.-à-d. 20,4 % de faons) aux monts McGerrigle et 48 faons pour 100 femelles (c.-à-d. 27,2 % de faons) aux monts Albert et Logan (Frenette, 2017). Le principal facteur proximal influant sur la survie des faons du caribou de la Gaspésie est vraisemblablement la prédation par le coyote et l’ours noir. Une étude de Crête et Desrosiers (1995), basée sur un suivi par radiotélémétrie, a documenté la mortalité de faons et a révélé le rôle probable du coyote (64 %) et de l’ours noir (27 %) dans la majorité des cas de prédation confirmés. Crête et Desrosiers (1995) rapportent également que la mortalité diminuait de façon importante une fois passés les premiers mois de vie, c’est-à-dire une faible mortalité des faons durant le premier hiver. Selon les connaissances disponibles, les autres facteurs susceptibles d’influencer la survie des faons de la population de la Gaspésie comprennent un mauvais état nutritionnel, l'abandon par la mère, les mauvaises conditions météorologiques et les accidents (Environnement Canada, 2012).

En Amérique du Nord, le taux de survie annuel des femelles est généralement de l’ordre de 0,78 à 0,96 (Bergerud, 1971; Fuller et Keith, 1981; Stuart-Smith, 1997; Rettie et Messier, 1998; Wittmer et coll., 2005, cités dans Frenette, 2017). Lesmerises (2012) a montré qu’un taux de mortalité annuel des adultes qui passerait de 13 % (c.-à-d. la valeur moyenne calculée pour la population de la Gaspésie entre 1983 et 2011)Note de bas de page 12 à 11 % ferait diminuer la probabilité d’extinction, sur un horizon de 100 ans, de 40 % (c.-à-d. de 50 % à 10 %). Ainsi, il serait souhaitable de réduire le taux de mortalité annuel des adultes à des valeurs de 11 % ou moins pour favoriser la pérennité de la population de la Gaspésie (Lesmerises, 2012).

La taille réduite de la population des caribous de la Gaspésie est un autre facteur limitatif qui la rend particulièrement vulnérable à des événements stochastiques, tels que les chutes de neige abondantes, la formation de couches de glace, les avalanches, les incendies de forêt, les parasites et les agents pathogènes, ou d’autres événements environnementaux d’une ampleur similaire (COSEPAC, 2014). Le cas de la population de caribous du parc national de Banff, où une avalanche a causé la mortalité des derniers individus connus, en est un exemple (Hebblewhite et coll., 2010). Tout événement engendrant la mort accidentelle ou ponctuelle de quelques individus adultes dans un court laps de temps peut représenter la perte d’une proportion significative de la population et ainsi nuire de façon importante à son rétablissement.

La stratégie antiprédatrice du caribou, qui mise sur sa dispersion dans l’espace, a pour effet de créer une ségrégation spatiale avec les autres espèces de cervidés (orignaux et cerfs de Virginie), limitant ainsi les rencontres avec des prédateurs potentiels (Ouellet et coll., 1996; De Bellefeuille, 2001; Mosnier et coll., 2003; Vors et coll., 2007; Mosnier et coll., 2008a). Cette stratégie peut également être considérée comme un facteur limitatif, car elle est basée sur l’utilisation d’une grande superficie d’habitat non perturbé, qui peut devenir limitative lors de l’expression de certaines menaces (voir la section 4).

Enfin, l’isolement géographique s’ajoute à la taille réduite de la population pour la rendre susceptible à la dérive génétiqueNote de bas de page 13 et à la dépression de consanguinitéNote de bas de page 14 (COSEPAC, 2002). Ce faisant, les individus, de même que la population, sont moins à même de s’acclimater ou de s’adapter à de nouvelles contraintes environnementales (Bijlsma et Loeschcke, 2012) et sont ainsi plus susceptibles d’être gravement affectés par des événements stochastiques (Wittmann et coll., 2018).

4. Menaces

4.1 Évaluation des menaces

L’évaluation des menaces pesant sur le caribou de la Gaspésie se fonde sur le système unifié de classification des menaces de l’Union internationale pour la conservation de la nature-Partenariat pour les mesures de conservation (UICN-PMC). Les menaces sont définies comme étant les activités ou les processus immédiats qui ont entraîné, entraînent ou pourraient entraîner la destruction, la dégradation et/ou la détérioration de l’entité évaluée (population, espèce, communauté ou écosystème) dans la zone d’intérêt (mondiale, nationale ou infranationale). Ce processus d’évaluation ne tient pas compte des facteurs limitatifs. Aux fins de l’évaluation des menaces, seulement les menaces présentes et futures (dans un horizon de 10 ans) sont considérées. De plus, seuls les effets directs des menaces ont été considérés. Par exemple, dans le cas des coupes forestières, le déplacement des caribous vers des endroits où le risque de prédation est plus élevé (effet indirect) n’est pas considéré dans l’évaluation de cette menace, mais l’est dans la menace concernant la prédation excessive.

La présente évaluation des menaces est basée sur celle du COSEPAC (2014)Note de bas de page 15, et a été faite en considérant l’aire de répartition actuelle. Pour de l’information détaillée sur la façon dont les valeurs sont assignées, veuillez consulter les notes au bas du tableau 1. L’impact global calculé, qui prend en compte l’effet additif des menaces identifiées au tableau 1, est établi à « très élevé » (COSEPAC, 2014). Bon nombre des menaces pesant sur le caribou de la Gaspésie et son habitat sont reliées et peuvent interagir, auquel cas elles peuvent avoir des impacts cumulatifs, qui peuvent être moins évidents lorsque les menaces sont examinées individuellement (Weclaw et Hudson, 2004; Badiou et al., 2011). Les menaces historiques, les effets indirects ou cumulatifs des menaces ou toute autre information pertinente qui aiderait à comprendre la nature de la menace sont présentés dans la section 4.2.

Tableau 1. Classification des menaces pour le caribou de la Gaspésie
Menace Description de la menace Impacta Portéeb Gravitéc Imminenced Commentaires
1 Développement résidentiel et commercial Élevé Généralisée Élevée Élevée Sans objet
1.2 Zones commerciales et industrielles Faible Petite Élevée Moderée Un projet de station de pompage d’eau naturelle adjacente à l’aire de répartition de la population est en cours d’évaluation.
1.3 Zones touristiques et récréatives Élevé Généralisée Élevée Élevée Des infrastructures touristiques sont déjà en exploitation au parc national de la Gaspésie, et il existe un potentiel de développement additionnel dans l’aire de répartition de la population dans un horizon de 10 ans.
3 Production d’énergie et exploitation minière Élevé Grande Elevée Élevée Sans objet
3.1 Exploration et exploitation gazière (forage pétrolier et gazier) Inconnu Petite Inconnue Élevée Dans l'aire de répartition, les activités d'exploration et d'exploitation gazière sont permises à l'extérieur des aires protégées (p. ex. parc national de la Gaspésie). Aucun droit d'exploitation n'est actuellement alloué mais des activités d'exploration ont cours. Les secteurs gaziers d'intérêts connus sont situés à l'extérieur du parc national de la Gaspésie, dans certains cas dans l’aire de répartition du caribou, et il est estimé que moins de 10 % de la population totale pourrait être affectée au cours des 10 prochaines années. L'impact réel sur la population est inconnu.
3.2 Exploitation de mines et de carrières (exploration et exploitation minières) Moyen Grande Modérée Modérée Il y a un potentiel d’exploration et d’exploitation minière dans l’aire de répartition ou à proximité, en périphérie du parc national de la Gaspésie. D’ailleurs plusieurs droits d’exploration (claims) y sont actifs. L’évaluation de cette menace est entre autres basée sur des cas où le caribou a rapidement abandonné des secteurs près de mines nouvellement ouvertes dans les années 1950.
3.3 Énergie renouvelable (développement de parcs éoliens) Élevé Grande Élevée Élevée Il y a un potentiel de développement de parcs éoliens dans l’aire de répartition de la population ou à proximité.
4 Corridors de transport et de service Élevé Grande Élevée Élevée Sans objet
4.1 Routes et voies ferrées (développement du réseau routier/de transport) Élevé Grande Élevée Élevée Le taux cumulé de perturbations est d’environ 75 % actuellement, selon les méthodes décrites dans Environnement Canada (2012). Le réseau routier perturbe l’utilisation de l’habitat par le caribou des bois et favorise le déplacement de leurs prédateurs. De nouvelles routes pourraient être construites dans le cadre d’opérations d’exploitation forestière, dans le cadre d’activités d’exploration ou d’exploitation gazière ou minière, dans le cadre du développement de parcs éoliens ou dans le cadre du développement d’infrastructures touristiques et l’effet des routes déjà présentes dans l’aire de répartition perdure, y compris celui des voies de service du parc national de la Gaspésie. En contrepartie il est prévu de fermer des routes et de les restaurer vers un état naturel au cours de la prochaine décennie.
4.2 Lignes de services publics Faible Petite Modérée Élevée On trouve plusieurs emprises de services dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie (p. ex. emprises de lignes de transport d’électricité et leurs voies de service, tours de télécommunication et leurs voies de service), et le développement de nouvelles emprises continue.
5 Utilisation des ressources biologiques Très élevé Généralisée Extrême Élevée Sans objet
5.1 Chasse et capture d’animaux terrestres (braconnage) Faible Moyenne Légère Modérée Il est possible que le caribou de la Gaspésie fasse l’objet de braconnage, comme cela a déjà été documenté par le passé. Cette menace paraît peu répandue dans le parc national de la Gaspésie et dans sa périphérie, mais pourrait avoir un impact important advenant une augmentation.
5.3 Exploitation forestière et récolte du bois Très élevé Généralisée Extrême Élevée

Il y a des activités de récolte forestière dans l’aire de répartition de la population, à l’extérieur du parc national de la Gaspésie. Comme le Parc en lui-même n’a pas une taille suffisante pour protéger adéquatement la population, cette menace est préoccupante.

L’exploitation forestière qui a eu lieu jusqu’en 1970 sur le territoire du parc national de la Gaspésie et en périphérie a entraîné une modification de l’habitat qui fait qu’il n’est toujours pas propice au caribou depuis.

Les menaces indirectes associées à l’exploitation forestière (p. ex. développement d’un réseau de transport dégradant l’habitat et contribution à l’augmentation de la pression de prédation par le coyote et l’ours noir) n’ont pas été considérées dans l’évaluation de la menace, car elles sont traitées dans leur propre section.

6 Intrusions et perturbations humaines Faible Généralisée Légère Élevée Sans objet
6.1 Activités récréatives (p. ex. motoneiges, véhicules tout-terrain, randonnée pédestre, raquette, sports de glisse, chasse) Faible Généralisée Légère Élevée Plusieurs activités récréatives qui ont lieu à l’intérieur et en périphérie du parc national de la Gaspésie constituent une menace, car elles entraînent les caribous à fuir vers des habitats qui comportent de plus grands risques de prédation.
6.3 Travail et autres activités (activités de suivi de la population) Faible Généralisée Légère Élevée Des hélicoptères sont utilisés pour effectuer un suivi annuel de la population, mais dans une partie seulement de l’aire de répartition.
7 Modifications des systèmes naturels Moyen Grande Modérée Élevée Sans objet
7.1 Incendies et suppression des incendies Inconnu Inconnue Inconnue Inconnue Les incendies de forêt constituent un processus naturel qui peut cependant restreindre l’habitat disponible pour le caribou.
7.3 Autres modifications de l’écosystème Moyen Grande Modérée Élevée Les épidémies d’insectes comme la tordeuse des bourgeons de l’épinette peuvent restreindre l’habitat disponible pour le caribou.
8 Espèces et gènes envahissants ou autrement problématiques Très élevé Généralisée Extrême Élevée Sans objet
8.1 Espèces exotiques (non indigènes) envahissantes (transmission de pathogènes par des animaux domestiques, des animaux d’élevage ou des espèces sauvages envahissantes) Inconnu Inconnue Inconnue Inconnue Il y a peu d’information sur les pathogènes pour la population de la Gaspésie. Des études récentes semblent indiquer que l’intensité des infections est généralement faible pour cette population, et les parasites détectés sont relativement communs et influencent peu le taux de survie des adultes.
8.2 Espèces indigènes problématiques (prédation excessive par le coyote et l’ours noir) Très élevé Généralisée Extrême Élevée Le coyote et l’ours noir exercent une prédation excessive des faons caribous dans l’aire de répartition. Les populations de ces prédateurs, de même que leur accès aux caribous, sont favorisés par certaines activités anthropiques, dont l’exploitation forestière, l’établissement d’un réseau routier et certains effets collatéraux des activités récréatives (p. ex. compaction de la neige et production de rebuts). La forte densité d’orignaux dans le secteur permet également de soutenir une densité élevée de prédateurs (compétition apparente).
9 Pollution Inconnu Inconnue Modérée – légère Modérée Sans objet
9.2 Effluents industriels et militaires Inconnu Inconnue Modérée – légère Modérée Un projet de station de pompage d’eau naturelle adjacente à l’aire de répartition générera des polluants, mais l’information requise pour évaluer cette menace n’est pas disponible à l’heure actuelle.
10 Phénomènes géologiques Faible Petite Élevée – modérée Modérée Sans objet
10.3 Avalanches et glissements de terrain Faible Petite Élevée – modérée Modérée Des caribous meurent dans des avalanches environ tous les deux ans et une fraction significative de la population pourrait disparaître lors d’un seul événement de la sorte. La portée est décrite comme étant « petite », car seulement certaines montagnes utilisées par le caribou sont propices à la formation d’avalanches.
11 Changements climatiques et phénomènes météorologiques violents Inconnu Grande Inconnue Modérée Sans objet
11.1 Déplacement et altération de l’habitat Non calculé (en dehors de la période d’évaluation) Généralisée Inconnue Faible Une modification de la limite des arbres, de la structure de la végétation et des habitats en général est anticipée, mais pas dans un horizon de 10 ans.
11.3 Températures extrêmes Inconnu Grande Inconnue Modérée L’augmentation de la fréquence des épisodes de pluie verglaçante ou de pluie suivie d’un gel est anticipée, ce qui rend difficile l’accès des ressources alimentaires au sol durant l’hiver.

a Impact – Mesure dans laquelle on observe, infère ou soupçonne que l’espèce est directement ou indirectement menacée dans la zone d’intérêt. Le calcul de l’impact de chaque menace est fondé sur sa gravité et sa portée et prend uniquement en compte les menaces présentes et futures. L’impact d’une menace est établi en fonction de la réduction de la population de l’espèce, ou de la diminution ou de la dégradation de la superficie d’un écosystème. Le taux médian de réduction de la population ou de la superficie pour chaque combinaison de portée et de gravité correspond aux catégories d’impact suivantes : très élevé (déclin de 75 %), élevé (40 %), moyen (15 %) et faible (3 %). Inconnu : catégorie utilisée quand l’impact ne peut être déterminé (p. ex. lorsque les valeurs de la portée ou de la gravité sont inconnues); non calculé : l’impact n’est pas calculé lorsque la menace se situe en dehors de la période d’évaluation (p. ex. l’immédiateté est insignifiante/négligeable ou faible puisque la menace n’existait que dans le passé); négligeable : lorsque la valeur de la portée ou de la gravité est négligeable; n’est pas une menace : lorsque la valeur de la gravité est neutre ou qu’il y a un avantage possible.

b Portée – Proportion de l’espèce qui, selon toute vraisemblance, devrait être touchée par la menace d’ici 10 ans. Correspond habituellement à la proportion de la population de l’espèce dans la zone d’intérêt (généralisée = 71-100 %; grande = 31-70 %; restreinte = 11-30 %; petite = 1-10 %; négligeable ≤ 1 %).

c Gravité – Au sein de la portée, niveau de dommage (habituellement mesuré comme l’ampleur de la réduction de la population) que causera vraisemblablement la menace sur l’espèce d’ici une période de 10 ans ou de 3 générations (extrême = 71-100 %; élevée = 31-70 %; modérée = 11-30 %; légère = 1-10 %; négligeable ≤ 1 %; neutre ou avantage possible ≥ 0 %).

d Imminence – Élevée = menace toujours présente; modérée = menace pouvant se manifester uniquement dans le futur (à court terme [< 10 ans ou 3 générations]) ou pour l’instant absente (mais susceptible de se manifester de nouveau à court terme); faible = menace pouvant se manifester uniquement dans le futur (à long terme) ou pour l’instant absente (mais susceptible de se manifester de nouveau à long terme); insignifiante/négligeable = menace qui s’est manifestée dans le passé et qui est peu susceptible de se manifester de nouveau, ou menace qui n’aurait aucun effet direct, mais qui pourrait être limitative.

4.2 Description des menaces

Les principales menaces décrites ci-dessous sont présentées en ordre décroissant de niveau d’impact. La sous-section 4.2.8 regroupe les menaces de faible impact et la sous-section 4.2.9 regroupe les menaces potentielles ou dont le niveau d’impact est inconnu, étant donné le manque actuel de connaissances à leur sujet.

4.2.1 Exploitation forestière

(menace de l’UICN no5.3 Exploitation forestière et récolte du bois)

En Amérique du Nord, l’exploitation forestière est le principal facteur responsable du recul de l’aire de répartition du caribou des bois vers le Nord (p. ex. Schaefer, 2003; Vors et Boyce, 2009; Festa-Bianchet et coll., 2011). À l’échelle régionale, il s’agit probablement de la cause ultime de déclin la plus importante. L’exploitation forestière est reconnue pour avoir des impacts importants sur le caribou de la Gaspésie, en causant une perte ou une dégradation de son habitat, en étant une source de dérangement et en favorisant les populations de prédateurs (Stone et coll., 2008; St-Laurent et coll., 2009), tout en étant associée au développement d’un réseau routier néfaste au caribou (voir la section 4.2.3).

Le suivi télémétrique VHF réalisé entre 1998 et 2001 suggérait que les caribous suivis passaient à peu près 20 % de l’année à l’extérieur des limites du parc national de la Gaspésie (Mosnier et coll., 2003), une situation confirmée par le suivi télémétrique de 2013-2016 (F. Lesmerises, données inédites). Or, les forêts ceinturant le parc national de la Gaspésie sont encore aujourd’hui exploitées par l’industrie forestière et donc fortement perturbées. Selon les modalités du Plan d’aménagement forestier de l’aire de fréquentation du caribou de la Gaspésie 2013-2018 (Chouinard et coll., 2013) portant sur l’habitat cartographié en vertu de la LCMVF (abrégé dans la suite du texte par « HL »; carte à l’annexe A), l’exploitation forestière n’est pas permise dans certaines « zones de conservation » et les traitements sylvicoles permis à plus de 700 m d’altitude visent le maintien des sapinières couramment utilisées par le caribou. Toutefois, ceci contraint par le fait même les caribous aux habitats montagnards, subalpins et alpins et peut nuire à leurs déplacements. La coupe forestière augmente aussi le risque de chablis dans les peuplements résiduels (p. ex. Ruel et coll., 2003; Larouche et coll., 2007). Cette situation est notamment préoccupante dans les secteurs du parc national de la Gaspésie qui sont contigus à des zones exploitées, puisque les sapinières qui s’y trouvent sont âgées et vulnérables à ce phénomène (Environnement Canada, 2007).

Les opérations forestières constituent aussi des sources de dérangement pour le caribou de la Gaspésie. De façon générale, la documentation scientifique s’accorde à dire que le caribou des bois évite les secteurs de coupes forestières récentes (Hins et coll., 2009; Vors et Boyce, 2009; Festa-Bianchet et coll., 2011; Leclerc et coll., 2012; Dussault et coll., 2012). Des études conduites sur le caribou des bois dans les provinces de Terre-Neuve-et-Labrabor (Schaefer et Mahoney, 2007; population de Terre-Neuve), de l’Ontario (Vors et coll., 2007; population boréale) ou du Québec (Fortin et coll., 2013; population boréale) ont mis en évidence que les caribous évitaient des secteurs de coupes récentes en maintenant une distance de l’ordre de plusieurs kilomètres. Les effets du dérangement sont davantage explicités dans les sections 4.2.3 et 4.2.5. En outre, l’exploitation forestière est accompagnée d’un lourd réseau de routes forestières, qui diminuent l’habitat fonctionnel du caribou (voir la section 4.2.3).

Un grand intervalle de temps (~90 ans) est requis avant qu’un peuplement forestier coupé ne puisse se régénérer de façon à rétablir une biomasse de lichens arboricoles propice au caribou (Stone et coll., 2008). Ainsi, bien que les habitats qui se trouvent à l’intérieur des limites du parc national de la Gaspésie soient protégés de toute exploitation forestière depuis 1977, certains d’entre eux n’ont pas encore atteint le stade de maturité convenable pour le caribou. Par ailleurs, l’exploitation forestière, passée et présente, pourrait également avoir des effets à plus long terme, ou nécessiter des interventions particulières pour restaurer une dominance coniférienne dans le paysage. Les travaux de Pinna et coll. (2009) sur le portrait forestier préindustriel de la Gaspésie démontrent que la forêt est passée d’une matrice à prédominance de résineux matures à une matrice à prédominance de jeunes peuplements avec une présence plus importante de feuillus. En effet, après coupe, les peuplements dominés par le sapin semblent se développer en peuplements décidus ou mixtes plutôt que de recréer le type de peuplement présent antérieurement (Boucher et coll., 2009; Desrosiers et coll., 2012). Entre 1998 et 2009, l’évolution de la qualité relative d’habitat du caribou révèle une perte fonctionnelle d’habitat dans l’HL et en périphérie, et ce pour la période sans couvert de neigeNote de bas de page 16 et pour la période hivernaleNote de bas de page 17, probablement en lien avec l’intensification de l’exploitation forestière à proximité des limites de l’HL du caribou de la Gaspésie (St-Laurent et coll., 2015b; annexe B). En effet, cette perte de qualité de l’habitat découle principalement d’une diminution de la représentation des peuplements de sapinières matures dans l’HL et en périphérie, parallèlement à une augmentation de la représentation des coupes totales ou partielles 0-20 ans et de la densité des routes gravelées (surtout en périphérie de l’HL; St-Laurent et coll., 2015b; annexe B).

De plus, tous les types d’aménagement forestier n’ont pas les mêmes effets sur l’habitat du caribou de la Gaspésie. En effet, les aménagements forestiers qui maintiennent un couvert (p. ex. coupe partielle) conservent davantage d’attributs forestiers représentatifs des forêts matures convenables au caribou (p. ex. quantité restante de lichens arboricoles) et créent un habitat moins propice à ses prédateurs que les coupes totales (p. ex. coupe avec réserve de semenciers, coupe avec protection de la régénération et des sols), qui sont favorables aux prédateurs du caribou et à leurs autres proies et qui retirent presque tous les lichens arboricoles (Stone et coll., 2008; St-Laurent et coll., 2015b; Nadeau Fortin et coll., 2016; Boudreau, 2017; voir la section 4.2.2). En plus de causer la perte et la dégradation d’un habitat important pour le maintien de la population de caribous, l’exploitation forestière dans l’habitat du caribou des bois et à plus grande échelle dans la péninsule gaspésienne, a mené à une augmentation de la pression de prédation (voir la section 4.2.2). En ce sens, l’exploitation forestière menant à une surreprésentation des jeunes forêts est considérée comme la cause ultime du déclin de la population (St-Laurent et coll., 2009).

4.2.2 Prédation excessive par le coyote et l’ours noir

(menace de l’UICN no8.2 Espèces indigènes problématiques)

La coupe forestière qui a eu cours à l’intérieur des limites du parc national de la Gaspésie jusqu’en 1977 et qui a toujours cours en périphérie du Parc et dans l’ensemble de la péninsule gaspésienne a entraîné la surreprésentation des jeunes forêts feuillues. Ce rajeunissement marqué des forêts bénéficie aux prédateurs généralistes que sont l’ours noir et le coyoteNote de bas de page 18. En effet, la densité de végétation, dont des arbres et arbustes fruitiers (p. ex. : framboisier [Rubus sp.], sorbier d’Amérique [Sorbus americana], salsepareille [Aralia nudicaulis]; Mosnier et coll., 2008b), ainsi que la présence de proies (orignaux, cerf de Virginie, lièvre d’Amérique [Lepus americanus], petits mammifères) dans ces sites en régénération représentent des sources alimentaires importantes pour ces prédateurs (Boileau, 1993; Mosnier et coll., 2008a; St-Laurent et coll., 2009; Boisjoly et coll., 2010). Ainsi, la présence d'autres cervidés tend à faire augmenter le nombre de prédateurs (Schwartz et Franzmann, 1989; Bergerud et coll., 1985) et, par conséquent, augmente aussi la pression de prédation sur les caribous (Bergerud et Ballard, 1988; Seip, 1992), un phénomène appelé « compétition apparente » (Holt, 1977; 1984). À titre d’exemple, une portion appréciable de l’aire de répartition du caribou se situe à des endroits qui sont reconnus pour leur densité élevée d’orignaux. En effet, les densités d’orignaux étaient respectivement de 11 et de 33 orignaux/10 km2 dans les réserves fauniques des Chic-chocs en 2010 (Dorais et Lavergne, 2010) et de Matane en 2012 (Lamoureux et coll., 2012), comparativement à une densité moyenne de 7,9+ /- 0,9 orignaux/10 km2 pour toute la zone de chasse 1, qui couvre la Gaspésie et une partie du Bas-Saint-Laurent, en 2007 (Landry et Lavergne, 2007). Ces conditions favorables peuvent maintenir une densité importante de prédateurs (Mosnier et coll., 2008a; Boisjoly et coll., 2010), ce qui a pour conséquence une prédation de faons caribous supérieure à ce que la population est capable de soutenir (Mosnier et coll., 2008a; Vors et coll., 2007). Présentement, le taux de mortalité des faons est très élevé (voir la section 3.2), et les observations faites sur le terrain suggèrent qu’une grande proportion de cette mortalité est toujours attribuable à la prédation (M.-H. St-Laurent, données inédites). Ainsi, la prédation excessive par le coyote et par l’ours noir est considérée comme la principale cause proximale du déclin récent de la population de caribous de la Gaspésie (Crête et Desrosiers, 1995; St-Laurent et coll., 2009).

Les probabilités moyennes d’occurrence relative de l’ours noir et du coyote ont globalement diminué au sein de l’HL entre 1998 et 2009, de même qu’en périphérie de l’HL pour certaines périodes de l’année (St-Laurent et coll., 2015b). Toutefois, en raison de l’intensification de l’exploitation forestière (voir la section 4.2.1), la qualité d’habitat de l’ours noir et du coyote ont augmenté dans la périphérie de l’HLNote de bas de page 19 (St-Laurent et coll., 2015b). Or, Mosnier et coll. (2008a) ont démontré que malgré une ségrégation spatiale et altitudinale importante entre le caribou et ses prédateurs, la très grande capacité de déplacement des prédateurs leur permet d’accéder aux secteurs utilisés par les femelles caribous durant la période de vulnérabilité des faons à partir d’habitats souvent éloignés du parc national de la Gaspésie. Par ailleurs, le réseau de routes et de chemins nécessaires à l’exploitation forestière facilite aussi le déplacement des prédateurs (Renaud et coll., 2010; St-Laurent et coll., 2012; Gaudry, 2013).

D’autre part, à l’aide du suivi télémétrique VHF de 28 femelles adultes, Ouellet et coll. (1996) ont dénoté une surutilisation des habitats alpins par le caribou par rapport à leur disponibilité, contrairement à ce qui avait été observé précédemment (Rivard, 1978), avant que le coyote soit régionalement abondant. Cette utilisation accrue de la toundra alpine concorde avec l’hypothèse d’évitement de la prédation par le coyote (Mosnier et coll., 2003). Or, l’ours noir, reconnu comme un prédateur des jeunes du caribou des bois (Boileau, 1993; Bastille-Rousseau et coll., 2011), utilise la toundra alpine pour s’alimenter, et ce notamment durant les premières semaines de vie des faons caribous, période à laquelle ils sont plus vulnérables aux prédateurs (Mosnier et coll., 2005; Pinard et coll., 2012; Leclerc et coll., 2014). Mosnier et coll. (2008b) ont caractérisé les patrons de sélection d’habitats des ours en lien avec la disponibilité saisonnière de certaines ressources alimentaires végétales, incluant plusieurs espèces de fruits particulièrement consommés pendant l’été. Ils ont mis en évidence plusieurs mouvements le long d’un gradient altitudinal permettant à l’ours d’avoir accès à des ressources alimentaires intéressantes tôt au printemps dans les zones subalpines où le couvert de neige disparaissait plus rapidement. Il s’avère toutefois que ces zones se trouvent à proximité des aires de mise bas des caribous, facilitant ainsi une prédation opportuniste de l’ours noir sur les faons au gré des déplacements entre des parcelles de végétation riches. Cette situation a déjà été documentée chez le caribou forestier de Charlevoix (Bastille-Rousseau et coll., 2011).

Il est possible d’adopter différentes stratégies de conservation par rapport à des espèces qui, comme le caribou de la Gaspésie, sont aux prises avec une situation de compétition apparente (voir Frenette et St-Laurent, 2016). Parmi celles-ci, on trouve le contrôle des populations de prédateurs. Or, une analyse préliminaire des données recueillies depuis la reprise du programme de régulation des populations de prédateurs en 2001 suggère cependant que ce programme tend à contenir la population d’ours noir, alors qu’il ne semble toujours pas démontrer l’efficacité escomptée pour maintenir la population de coyotes, qui continue d’augmenter (Lesmerises, 2012; Michaud, 2013). Cependant, advenant l’arrêt du contrôle des coyotes, il est possible d’extrapoler que le taux de mortalité des faons atteindrait des valeurs proches de 100 % (Lesmerises, 2012). Parmi les autres stratégies de conservation, on compte le contrôle des populations de proies, qui peut avoir des résultats positifs lorsqu’il est fait de façon graduelle (Serrouya et coll., 2015), de même que des approches d’aménagement et de restauration de l’habitat du caribou (p. ex. Vors et Boyce, 2009; Festa-Bianchet et coll., 2011; Environnement Canada, 2011a; 2012; Hervieux et coll., 2013).

4.2.3 Développement du réseau routier/de transport

(menace de l’UICN no4.1 Routes et voies ferrées)

Les réseaux routiers affectent la faune de différentes façons et peuvent avoir un impact important sur les populations animales (Trombulak et Frissell, 2000; Fahrig et Rytwinski, 2009). L’impact effectif d’un réseau peut varier selon le type d’infrastructure, la fréquence de la circulation et le type de véhicule l’utilisant, de même que le type d’habitat ainsi fragmenté (p. ex. Fahrig et coll., 1995; Forman et Alexander, 1998). L’effet du réseau routier sur les populations dépend aussi des caractéristiques du cycle biologique propres aux espèces concernées (Fahrig et Rytwinski, 2009; Renaud et coll., 2010). L’impact négatif des réseaux routiers est complexe et agit à différents niveaux. La circulation peut causer une mortalité directe (c.-à-d., collisions). La construction du réseau, son maintien ainsi que la circulation ont aussi plusieurs effets indirects, y compris des modifications du comportement (dérangement), la perte et la fragmentation de l’habitat, la dégradation de l’habitat par la pollution, un effet de barrière engendrant une perte d’échanges génétiques ainsi qu’une modification des communautés végétales bordant ces infrastructures (Renaud et coll., 2010).

Le développement des réseaux routiers a été identifié au cours des dernières années comme étant l’une des menaces les plus importantes pour plusieurs populations de caribous des bois, tant au Québec qu’ailleurs en Amérique du Nord, et un évitement généralisé des routes par le caribou est de plus en plus confirmé (p. ex. Dau et Cameron, 1986; St-Laurent et coll., 2012; Gaudry, 2013; Leblond, 2013). Rudolph (2011) a observé que les déplacements de caribous des bois, population boréale, situés à proximité d’une route (<5 km) montraient une tortuosité élevée, comparée à des déplacements beaucoup plus linéaires chez les individus situés à plus de 30 km du réseau. Ces observations concordent avec les conclusions de Dyer et coll. (2001), qui considéraient que les réseaux routiers faisaient office de barrière semi-perméable au déplacement des caribous. D’autres études ont montré que la probabilité que le caribou occupe une région était corrélée avec de plus faibles densités de routes dans le paysage (Wolfe et coll., 2000; Apps et McLellan, 2006). Cet évitement se traduit par une perte fonctionnelle d’habitat, allant jusqu’à l’abandon complet de certains secteurs et une perturbation du comportement de fidélité aux sites de mise bas chez les femelles (Vors et coll., 2007; Faille et coll., 2010). Leblond et coll. (2011) ont montré que le caribou des bois, population boréale, adoptait un comportement d’évitement de tout chemin forestier à partir d’une distance de 750 m. Cet évitement équivaut à une perte fonctionnelle d’habitat ou à une dégradation de l’habitat pour les individus fréquentant la zone perturbée, une situation récemment confirmée par une autre étude sur le sujet chez le caribou de la Gaspésie (Gaudry, 2013).

L’utilisation d’habitats sous-optimaux, le maintien prolongé d’un état de vigilance et le fractionnement d’une population en sous-groupes partiellement isolés peuvent éventuellement avoir des impacts démographiques importants. Ceux-ci ont cependant été peu quantifiés jusqu’à maintenant chez le caribou des bois.

Le réseau complexe d’accès découlant des activités forestières (chemins forestiers, sentiers, etc.) favorise également les déplacements de prédateurs éventuels (James et Stuart-Smith, 2000; Houle et coll., 2010; Lesmerises et coll., 2013; Gaudry, 2013) et peut multiplier les rencontres entre prédateurs et proies potentielles (Whittington et coll., 2011; voir la section 4.2.2).

L’exploitation forestière reste le principal facteur de développement du réseau routier dans les paysages forestiers relativement isolés. Depuis 1977, moment auquel l’exploitation forestière a été définitivement interdite dans les parcs nationaux, seule la zone entourant le parc national de la Gaspésie a fait l’objet d’exploitation forestière. Ceci a donné lieu à une densité très élevée de chemins forestiers à l’extérieur des limites du Parc. Ces voies d’accès ont récemment été identifiées comme une perturbation fortement évitée par le caribou de la Gaspésie, ce qui a conduit à une perte fonctionnelle d’habitatNote de bas de page 20 variant de 33 % à 77 % selon le type d’habitat rencontré (Gaudry, 2013). Cette situation pourrait expliquer pourquoi plusieurs des études passées avaient noté qu’une très forte proportion des mentions (Moisan, 1957) ou des localisations télémétriques de caribous (entre 75 % et 91 %; voir Ouellet et coll., 1996, Mosnier et coll., 2003) se situaient à l’intérieur des limites du Parc, où le réseau routier reste moins développé qu’à l’extérieur.

La présence d’infrastructures linéaires d’importance entre les monts McGerrigle et le mont Albert (p. ex. la route 299) contribue à limiter le potentiel d’échanges génétiques entre ces deux populations (St-Laurent et coll., 2015a). La connectivité entre les sous-populations des monts Logan et Albert est également limitée par la présence d’un réseau de routes secondaires (Bauduin, 2016).

La restauration des routes en habitat convenable a fait ses preuves pour favoriser le renne en Norvège (Nellemann et coll., 2010). Bauduin (2016) a également évalué que la restauration des routes secondaires au sein des aires protégées était un scénario de conservation qui permettrait de compenser les pertes de mouvements occasionnées au caribou par les changements climatiques. Toutefois, les effets négatifs du réseau d’accès tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parc risquent de perdurer considérant les usages multiples qui sont actuellement dévolus aux routes (p. ex. récolte et transport de bois, activités récréatives, pêche, chasse).

4.2.4 Développement de parcs éoliens

(menace de l’UICN no3.3 Énergie renouvelable)

Le développement de parcs éoliens dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie implique des infrastructures lourdes, souvent localisées en haute altitude en raison des conditions de vent. Cela implique également la construction et l’entretien de chemins permanents souvent larges pour permettre le passage de véhicules spécialisés (voir la section 4.2.3).

Les parcs éoliens altèrent souvent les habitats fauniques (Kuvlesky et coll., 2007). D’ailleurs, la perte d’habitat associé à l’établissement d’un parc éolien est le principal impact sur la faune terrestre (Kuvlesky et coll., 2007). Les connaissances sur les effets des parcs éoliens sur les caribous ne sont pas encore très développées. Cependant, comme le taux de perturbation au sein du parc national de la Gaspésie et ses alentours est déjà assez élevé, tout développement éolien dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie lui serait vraisemblablement préjudiciable. Plusieurs parcs éoliens existent dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, et la construction de nouveaux parcs est prévue (COSEPAC, 2014).

4.2.5 Activités récréatives

(menaces de l’UICN no1.3 Zones touristiques et récréatives, no6.1 Activités récréatives et no10.3 Avalanches et glissements de terrain)

Les activités récréatives peuvent mener à une perte et à une dégradation de l’habitat, par exemple lorsque des routes ou des bâtiments sont construits dans l’habitat convenable du caribou ou que des secteurs sont déboisés (Gaudry, 2013). L’évitement de ces infrastructures, tout comme l’évitement des pistes de motoneige, résulte en une perte fonctionnelle de l’habitat (Polfus et coll., 2011), c’est-à-dire une perte indirecte d’accès à un habitat convenable situé à proximité d’une perturbation et induite par un évitement de cette perturbation. Ainsi, la qualité de l’habitat du caribou de la Gaspésie est diminuée par des infrastructures associées aux activités récréatives, dont les routes asphaltées, les chemins forestiers et les sentiers de randonnée (Gaudry, 2013). De plus, les nombreuses activités récréatives qui sont pratiquées dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie (p. ex. pratique de la motoneige, de la chenillette, du véhicule tout-terrain, des sports de glisse [p. ex. ski de randonnée alpine, télémark, planche à neige, héli-ski], de la randonnée pédestre, de la raquette, de la chasse et de la pêche sportive, du piégeage, des activités nautiques [canot, kayak], du camping et de la villégiature) peuvent avoir un impact négatif sur le caribou en causant du dérangement, des blessures ou des mortalités directes, ou encore une perte ou une dégradation de l’habitat.

Le caribou des bois est une espèce sensible aux dérangements par l’homme (Duchesne et coll., 2000). Johnson et St-Laurent (2011) ont présenté un cadre conceptuel intégrant de façon hiérarchique les impacts du dérangement à différentes échelles biologiques. Selon ces auteurs, la perturbation engendre d’abord une réponse physiologique, provoquant l’adoption de stratégies anti-prédatrices : vigilance, évitement, fuite. Renaud (2012) a documenté une augmentation des niveaux de cortisol, un indicateur de stress chronique, chez des individus fréquemment exposés au dérangement. Lorsque les impacts physiologiques du stress sont trop importants, s’ensuit une modification plus marquée du comportement de la bête, particulièrement en ce qui concerne la sélection et l’utilisation de l’habitat, la privant potentiellement de sites de plus grande qualité (voir Dumont, 1993). Ces modifications peuvent mener à une altération du budget énergétique par une augmentation du taux de déplacement et une réduction de l’apport calorique, affectant la condition physique, le succès reproducteur et la survie de l’individu. Si généralisée, cette baisse de valeur adaptative peut avoir de graves impacts sur la dynamique de population (St-Laurent et coll., 2012).

De façon générale, les activités motorisées présentent un potentiel d’impact plus important que les activités non motorisées, étant donné leur portée (bruit et accessibilité élevés) et leur gravité (risques accrus de dérangement et de collisions). En période hivernale, la pratique de la motoneige peut s’avérer particulièrement néfaste en raison de l’accès facile que peut avoir cet engin à des habitats de haute qualité pour le caribou (Paquet, 1997; Simpson et Terry, 2000). En Colombie‐Britannique, Seip et coll. (2007) ont d’ailleurs associé l’abandon d’un massif montagneux par une harde de caribous à sa fréquentation intensive par des motoneigistes. L’étude de Nellemann et coll. (2000), menée à proximité d’une station touristique norvégienne, a montré que pratiquement tous les rennes évitaient la périphérie immédiate (0‐5 km) d’un complexe récréotouristique. La pratique du ski hors-piste peut aussi provoquer un comportement d’évitement chez le caribou de la Gaspésie; la présence de skieurs incitant les caribous à se déplacer à des altitudes inférieures, où les risques de prédation sont potentiellement plus élevés (Lesmerises et coll., 2018). Des études supplémentaires seraient nécessaires pour préciser l’impact de ce type d’activités, car de l’information apparemment contradictoire existe, par exemple il est rapporté qu’un groupe d’au moins une dizaine de caribous ait passé l’hiver 2018 à proximité du sommet des pentes skiables des champs de mars, un des secteurs de ski hors-piste les plus achalandés de la Réserve faunique des Chic-Chocs (Accès Chic-Chocs, 2020).

Le dérangement est particulièrement préoccupant lorsqu’il survient durant la période de mise bas et d’élevage des jeunes, une période critique du cycle vital annuelNote de bas de page 21 qui a une grande importance pour la dynamique de la population (Cameron et coll., 1992; St-Laurent et coll., 2012). Durant cette période, Lesmerises et coll. (2017) ont noté que la présence de randonneurs a déclenché des réponses comportementales chez toutes les femelles observées, mais que ces réponses variaient selon que les femelles étaient accompagnées d’un faon (corrélation positive aux sentiers) ou non (évitement des sentiers).

Les activités récréatives peuvent également causer des blessures et de la mortalité, par exemple à la suite d’une collision ou de la fuite d’un individu. Les activités récréatives hivernales peuvent aussi être la cause indirecte de blessures ou de mortalité. Par exemple, la pratique d’activités récréatives hivernales d’arrière-pays augmente la fréquence des avalanches, car la grande majorité des avalanches accidentelles sont déclenchées par l’humain (p. ex. skieurs, randonneurs, motoneigistes; Avalanche Québec, 2017). Or, des secteurs occupés par le caribou de la Gaspésie sont reconnus comme étant susceptibles aux avalanches. Quelques mortalités de caribous dans le parc national de la Gaspésie sont d’ailleurs imputables à des avalanches (Environnement Canada, 2007). À l’heure actuelle, les connaissances sont insuffisantes pour évaluer adéquatement cette composante de la menace (Environnement Canada, 2007).

Finalement, une portion appréciable de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie se situe dans des zones qui sont reconnues pour leur densité élevée d’orignaux et qui sont vouées à d’intenses prélèvements fauniques (p. ex. réserve faunique de Matane, réserve faunique des Chic-Chocs). Or, les aménagements forestiers effectués afin de maintenir des densités élevées d’orignaux semblent incompatibles avec les besoins du caribou, et peuvent avoir comme impact une augmentation des populations de prédateurs, augmentant le risque de prédation pour les caribous (voir la section 4.2.2). D’autres types d’aménagements fauniques peuvent également favoriser les prédateurs. C’est le cas du nourrissage du cerf de Virginie en période hivernale, qui permettrait de maintenir la taille des populations de cette proie à un niveau plus élevé que les conditions naturelles ne le permettraient, ce qui pourrait favoriser le maintien et l’augmentation des effectifs de coyotes (voir la section 4.2.2), tout en fidélisant les cerfs et leurs prédateurs à certaines aires à proximité de celles utilisées par le caribou de la Gaspésie.

4.2.6 Épidémies d’insectes

(menace de l’UICN no7.3 Autres modifications de l’écosystème)

La tordeuse des bourgeons de l’épinette est un insecte qui consomme le feuillage de plusieurs espèces de conifères, dont le sapin baumier et les épinettes (Picea spp.), causant une défoliation des arbres et dans plusieurs cas leur mort, en particulier au sein des peuplements âgés (MFFP, 2016a). Or, une épidémie de tordeuses des bourgeons de l’épinette sévit dans la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent depuis 2012 (MFFP, 2016b). Cette épidémie met le centre de la Gaspésie, dont l’habitat du caribou de la Gaspésie, à fort risque d’une défoliation sévère. Une défoliation sévère des forêts de conifères surannées utilisées par le caribou de la Gaspésie pourrait causer une importante perte d’habitat pour cette population, et augmenter du même coup la superficie d’habitats favorables aux prédateurs du caribou et à leurs autres proies, ainsi que leur accès à ces habitats (voir les sections 4.2.2 et 4.2.3). La récupération par l’industrie forestière des arbres morts des suites d’une épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette peut aussi accentuer l’effet de cette menace sur le caribou de la Gaspésie (voir les sections 4.2.1 et 4.2.3).

4.2.7 Exploration et exploitation minières

(menace de l’UICN no3.2 Exploitation de mines et de carrières)

Bien que l’exploitation minière soit interdite à l’intérieur des limites du parc national de la Gaspésie, des compagnies minières détiennent encore des droits miniers dans l’aire de répartition du caribou qui se trouve en périphérie du Parc (Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2010). Toute activité de prospection ou d’exploitation minière dans l’habitat du caribou pourrait vraisemblablement engendrer au minimum un dérangement de l’espèce, et probablement la destruction ou la dégradation (p. ex. pollution ou contamination) d’une partie de son habitat, ce dernier étant déjà largement perturbé dans l’aire de répartition (St-Laurent et coll., 2015a).

L’état actuel des connaissances ne permet pas d’évaluer les impacts de l’exploration et de l’exploitation minière sur l’écologie du caribou de la Gaspésie (M.-H. St-Laurent, comm. pers.). Cependant, de manière générale, le caribou des bois, population boréale, évite les endroits situés à moins de 4 km du centre d’une mine durant la majorité de son cycle vital, et des effets sont également répertoriés jusqu’à 6 km du centre d’une mine durant la période allant de la fin de l’hiver à la fin de la saison de mise bas (Weir et coll., 2007). La proximité des mines a aussi été retenue comme paramètre dans le modèle de qualité d’habitat du caribou des bois, population boréale (Leblond et coll., 2014). De plus, l’exploitation minière s’accompagne d’un réseau routier utilisé notamment pour le transport du minerai et pour les déplacements des travailleurs. Ce réseau routier diminue l’habitat fonctionnel du caribou (voir la section 4.2.3).

4.2.8 Menaces de faible impact

Emprises de services (menace de l’UICN no4.2 Lignes de services publics) : Diverses emprises de services (p. ex. emprises de lignes de transport d’électricité, tours de télécommunication), de même que les voies de service permettant de s’y rendre, sont localisées dans l’aire de répartition de la population, et l’établissement de nouvelles emprises continue. Cette situation contribue à une perte fonctionnelle d’habitat et à favoriser les populations de prédateurs du caribou (aspect considéré ci-dessus dans la menace concernant la prédation excessive). Par contre, étant donné la faible superficie totale visée par ces emprises et conséquemment la proportion limitée de la population qui sera touchée par cette menace, la portée de cette menacée a été considérée petite.

Développement commercial et industriel (menaces de l’UICN no1.2 Zones commerciales et no9.2 Effluents industriels et militaires) : Les industries forestière, minière et éolienne, de même que les activités commerciales associées aux activités récréatives et les routes et voies de service qui y sont associées, sont traitées individuellement dans d’autres sections ci-dessus. Néanmoins, d’autres types de développements commerciaux ou industriels constituent des menaces qui pèsent sur la population de caribous de la Gaspésie. À titre d’exemple, un projet de construction de station de pompage d’eau naturelle qui serait adjacente à l’aire de répartition de la population est actuellement à l’étude. Le développement commercial et industriel, à l’instar de l’exploitation forestière, minière et éolienne, constitue une source de perturbation pour les populations de caribous; d’une part en causant une perte d’habitat, mais aussi en constituant une source de dérangement. De plus, des effluents polluants accompagnent plusieurs types de développements commerciaux et industriels, et leur effet probable sur la population de caribous de la Gaspésie doit être considéré.

Braconnage (menace de l’UICN no5.1 Chasse et capture d’animaux terrestres) : En vertu de la LEMV, il est interdit de chasser le caribou de la Gaspésie. Toutefois, il est plausible que des individus puissent faire occasionnellement l’objet de braconnage. Des photos provenant de caméras de chasse à l’extérieur du parc national de la Gaspésie ont montré des caribous utilisant des blocs de sel destinés à la chasse à l’orignal. Le braconnage est donc possible, mais semble peu répandu et difficilement quantifiable. Néanmoins, un cas de braconnage d’un caribou de la Gaspésie a été signalé par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs à l’automne 2018 (Radio-Canada, 2018). Auparavant, des citoyens avaient déjà rapporté que des caribous avaient fait l’objet d’un prélèvement illégal. Cependant, la Direction de la protection de la faune du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs n’avait jamais reçu de plaintes officielles, de témoignages ou de preuves suffisantes pour entamer des poursuites (M. Lalonde, comm. pers.).

Suivi de population et capture et marquage de caribous (menace de l’UICN no6.3 Travail et autres activités) : Afin de pouvoir documenter les tendances de population et la survie des faons de la population de caribous de la Gaspésie, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs réalise un inventaire aérien annuel en hélicoptère (voir la section 6.1), ce qui peut contribuer au dérangement des caribous (les effets du dérangement sont davantage explicités dans la description de la menace constituée par les activités récréatives). Cependant, comme cet inventaire est ponctuel, qu’il est encadré par un comité de protection des animaux reconnu et certifié et que les travaux sont réalisés qu’une seule fois par année, l’impact de cette menace sur la population est considéré faible (COSEPAC, 2014). Par ailleurs, la capture et le marquage d’individus sont nécessaires pour bon nombre d’études relatives au caribou des bois, notamment en ce qui a trait à l’utilisation et la sélection de l’habitat, la survie, la condition physique, la reproduction, le parasitisme et la démographie. La poursuite et la capture de caribous sont des manipulations directes sur les animaux qui peuvent les exposer à un risque de blessures mineures ou parfois graves, menant à l’euthanasie dans des cas rarissimes. Les institutions de recherche ainsi que les gouvernements doivent suivre des protocoles et des méthodes qui réduisent ces risques le plus possible. À cet effet, ces organisations font évaluer et valider leurs protocoles de capture et de manipulation par des comités de protection des animaux reconnus et certifiés, en regard des règles du Conseil canadien de protection des animaux. Il est important de maintenir des critères élevés de précautions pour l’obtention de ces certificats.

4.2.9 Menaces potentielles ou dont le niveau d’impact est inconnu

Transmission de pathogènes (menaces de l’UICN no8.1 Espèces exotiques [non indigènes] envahissantes et no8.2 Espèces indigènes problématiques) : Une gamme étendue de parasites et de maladies affectent le caribou des boisNote de bas de page 22. Récemment, Turgeon et coll. (2018) ont identifié sept espèces de parasites dans la population de la GaspésieNote de bas de page 23. Les infections par les nématodes des genres Trichuris et Capillaria et par les cestodes (Moniezia benedeni) sont généralement peu communes chez le caribou en Amérique du Nord (Korsholm et Olesen, 1993; Kutz et coll., 2012), mais ceux-ci ont été trouvés en forte prévalence dans la population de la Gaspésie (Turgeon et coll., 2018). Par ailleurs, bien que le ver des méninges (Parelaphostrongylus tenuis)Note de bas de page 24 soit présent chez les cerfs de Virginie de la Gaspésie (Claveau et Fillion, 1984), les risques de transmission aux caribous semblent très limités, en raison du faible nombre de caribous et de la faible superposition des habitats utilisés (M.-H. St-Laurent, comm. pers.). Aucun cas n'a été rapporté pour les caribous, ni pour les orignaux du parc national de la Gaspésie (Crête et Desrosiers, 1993; Crête et coll., 1994). Un suivi des signes d’infection devrait toutefois être fait afin d’éviter une épidémie chez le cerf de Virginie qui pourrait se propager au caribou de la Gaspésie. D’autre part, il existe un risque de transmission de la maladie débilitante chronique des cervidésNote de bas de page 25 aux caribous de la Gaspésie, notamment parce que la maladie peut se propager géographiquement par les mouvements de cervidés vivants infectés (déplacements naturels de cervidés sauvages ou anthropiques de cervidés d’élevage) ou le transport de carcasses ou de parties de carcasses de cervidés sauvages infectés, par exemple par les chasseurs. Au Québec, un premier cas de la maladie débilitante chronique a été détecté en septembre 2018 dans un élevage de cerfs rouges de la région des Laurentides (MFFP, 2018). La présence de visiteurs provenant de régions où la maladie débilitante chronique du cervidé a été détectée pourrait aussi représenter un risque de transmission, particulièrement s’ils transportaient du matériel ayant été en contact avec des fluides contaminés (Pritzkow et al., 2018). Finalement, des études sont en cours sur le parasite Neospora caninum, un protozoaire qu’on trouve généralement chez le chien domestique et les bovins d’élevage, mais qui peut aussi infecter des ongulés sauvages et qui est une cause d’avortement chez les animaux infectés (Ghalmi et coll., 2007), de même que sur Toxoplasma gondii, un parasite intracellulaire responsable de la toxoplasmose. Globalement, les résultats de Turgeon et coll. (2018) suggèrent que les infections parasitiques ne constituent pas une menace à court terme pour les caribous de la Gaspésie. L’intensité des infections est généralement faible pour cette population, et les parasites détectés sont relativement communs et n’ont pas influencé le taux de survie des adultes (Turgeon et coll., 2018).

Incendies et suppression des incendies (menace de l’UICN no 7.1 Incendies et suppression des incendies) : Les incendies de forêt constituent une perturbation naturelle des écosystèmes forestiers utilisés par le caribou des bois, qui modifient notamment la quantité de lichens disponibles pour l’alimentation. En réponse à cette perturbation, il a été montré que les caribous des bois peuvent modifier leur répartition spatiale de même que l’utilisation de l’habitat à l’intérieur de leur domaine vital (Joly et coll., 2003; Dalerum et coll., 2007). Par contre, étant donné la réduction de la zone d’occupation de la population de la Gaspésie au cours des décennies, les individus ont vraisemblablement moins d’habitats alternatifs vers où se déplacer advenant un feu de forêt qui ferait que les caribous éviteraient temporairement certaines zones brûlées. Dans ce contexte, les incendies de forêt constituent une menace potentielle pour l’espèce, d’autant plus que les milieux brûlés prendraient beaucoup de temps à redevenir propices au caribou et passeraient par une phase de régénération qui peut être évitée par le caribou (Dalerum et coll., 2007). De plus, ces milieux en régénération sont plus propices aux orignaux et aux cerfs de Virginie, ce qui risquerait de faire augmenter la pression de prédation sur le caribou (voir la section 4.2.2).

Exploration et exploitation gazière (menace de l’UICN no3.1 Forage pétrolier et gazier) : La Gaspésie fait partie des cinq régions les plus propices à la découverte d’hydrocarbures au Québec (Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles [MERN], 2018a). À ce jour, l’exploitation des hydrocarbures en Gaspésie est concentrée surtout dans la région administrative de la Côte-de-Gaspé, dans l’est de la péninsule gaspésienne, où l’intérêt des compagnies pour l’exploitation des hydrocarbures semble plus élevé qu’ailleurs dans la région (Pieridae Energy, 2018). Aucun bail d’exploitation n’a encore été octroyé dans ou à proximité de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie (MERN, 2018b). La majorité des terres de la Gaspésie, excluant les aires protégées comme celles des parcs nationaux, font quand même l’objet de permis pour la recherche de pétrole, de gaz et de réservoirs souterrains (MERN, 2018b). Même si ces permis obligent les détenteurs à conduire des activités d’exploration (travaux géologiques, géophysiques ou de forage) à chaque année, il semble qu’actuellement, celles-ci soient maintenues au minimum (Pieridae Energy, 2018). Néanmoins, les activités conduites jusqu’à présent ont permis d’établir que la région située en périphérie (et particulièrement au sud) du parc national de la Gaspésie présente un potentiel d’hydrocarbures intéressant. Les activités d’exploration sont susceptibles de s’intensifier dans le futur (Pieridae Energy, 2018) et les démarches nécessaires à l’exploitation des gisements pourraient être entreprises si le potentiel est jugé suffisamment élevé. Les activités d’exploration et d’exploitation peuvent causer du dérangement au caribou de même que la destruction ou la dégradation de son habitat, ce dernier étant déjà largement perturbé dans l’aire de répartition (St-Laurent et coll., 2015a). Ces activités peuvent occasionner une perte fonctionnelle d’habitat ou une diminution de la connectivité (Environnement Canada, 2011a).

Changements climatiques (menaces de l’UICN no11.1 Déplacement et altération de l’habitat et no11.3 Températures extrêmes) : Des effets des changements climatiques sur la population de caribous de la Gaspésie sont anticipés, mais leur teneur exacte et leur imminence ne sont pas encore connues. L’augmentation de la fréquence des conditions et phénomènes météorologiques extrêmes, incluant les épisodes de pluie hivernale et de pluie verglaçante et une augmentation de la fréquence des cycles de gel et de dégel (ce qui rend plus difficile l’accès aux ressources alimentaires au sol durant l’hiver) est très probable (Vors et Boyce, 2009; Aanes et coll., 2002). Une augmentation de la fréquence des avalanches est aussi probable au cours des prochaines décennies (Desaulniers, 2015). Une modification de la limite des arbres, de la structure de la végétation et des habitats en général est aussi anticipée (Logan, 2012, cité par Bauduin, 2016; Dumais et coll., 2014; Périé et coll., 2014), mais dans un horizon temporel sans doute supérieur à 10 ans. Malgré les incertitudes concernant l’impact de cette menace, on considère qu’à court terme il est moindre que d’autres menaces décrites précédemment. Selon Yannic et coll. (2014), la Gaspésie se situe dans une zone où le climat adéquat pour le caribou est instable. D’après les modèles utilisés par ces auteurs et selon un scénario où le réchauffement climatique serait important entre 2020 et 2080, de nombreuses populations de caribous seraient contraintes aux hautes altitudes; quant à celles évoluant plus au sud, comme celle de la Gaspésie, elles seraient susceptibles de disparaître.

5. Objectifs en matière de population et de répartition

5.1 Objectif à long terme en matière de population et de répartition

L’objectif à long terme en matière de population et de répartition pour le caribou de la Gaspésie est d’atteindre et de maintenir l’autosuffisanceNote de bas de page 26 de la population au sein de l’aire de répartition actuelleNote de bas de page 27.

Cet objectif reflète le meilleur scénario concrétisable d’un point de vue technique et biologique selon les renseignements disponibles et il est étayé par les principes scientifiques de conservation. Le rétablissement se concentre sur la population de caribous de la Gaspésie en entier plutôt que les sous-populations en particulier, car la population est sensible à la fragmentation et une connectivité est requise entre les sous-populations pour assurer l’autosuffisance de la population.

Étant donné que le caractère réalisable du rétablissement du caribou de la Gaspésie comporte des incertitudes quant aux possibilités qu’une superficie suffisante d’habitat convenable puisse être mise à la disposition de la population, il est possible que l'atteinte des objectifs en matière de population et de répartition ne soit pas possible. En effet, le caribou de la Gaspésie exploite des écosystèmes forestiers matures qui ont évolué pendant des siècles et qui vont donc mettre des dizaines d’années à se remettre des perturbations. Pour renverser les processus écologiques nuisibles au caribou (p. ex. dégradation et perte d’habitat, augmentation des populations de prédateurs et de leurs autres proies) et pour modifier les cadres de gestion et les dispositions actuelles d’utilisation des terres, il faut sans doute prévoir un échéancier de plus de 50 ans. Étant donné ces réalités, la population pourrait ne pas redevenir autosuffisante avant plusieurs décennies. Des mesures immédiates visant à éviter la disparition de la population doivent donc être prises de manière à ce que le rétablissement puisse être atteint au fil du temps.

5.2 Objectifs à court terme en matière de population et de répartition

En vue d’atteindre l’objectif à long terme, les objectifs à court terme suivants ont été établis pour une période approximative de 10 ans suivant la publication du programme de rétablissement :

  1. Maintenir l’aire de répartition actuelle de l’espèce, et rétablir les conditions propices de l’habitat à la persistance de la population.
  2. Arrêter le déclin de la population et augmenter le nombre de caribous au sein de la population.

Le rétablissement du caribou de la Gaspésie sera atteint en appliquant pendant un certain temps une combinaison de mesures coordonnées de conservation et de restauration de l’habitat et de gestion de la population pour ramener à long terme la population à l’autosuffisance.

Le caribou de la Gaspésie fréquente en grande partie les habitats alpins et subalpins du parc national de la Gaspésie et de sa périphérie. La grande mobilité de l’espèce lui permettrait d’utiliser davantage les habitats localisés au sein et à la marge de son aire de répartition. Cependant, les perturbations naturelles et anthropiques que subissent ces habitats les rendent moins propices au caribou. En effet, une étude de St-Laurent et coll. (2015b; voir l’annexe B) illustre qu’entre 1998 et 2009, la représentation des peuplements de sapinières matures a diminué, tant à l’échelle de l’habitat cartographié en vertu de la LCMVF (HL), qu’à l’échelle de sa périphérie ou qu’à l’échelle régionale (Bas-Saint-Laurent et Gaspésie). Parallèlement, les superficies des coupes totales et partielles de moins de 20 ans ont augmenté à toutes les échelles, et la densité moyenne de routes gravelées a aussi augmenté, particulièrement en périphérie de l’HL. Or, ces habitats sont reconnus comme étant évités par le caribou (Ouellet et coll., 1996; Mosnier et coll., 2003; Gaudry, 2013). De plus, l’augmentation de la fragmentation des sapinières matures dans l’aire de répartition du caribou et en sa périphérie augmente la probabilité de cooccurrence entre le caribou et ses prédateurs, qui sont favorisés par les jeunes forêts et les structures linéaires telles que les routes (Mosnier et coll., 2008a; Boisjoly et coll., 2010; Gaudry, 2013). À ce sujet, l’étude de St-Laurent et coll. (2015b) a permis de démontrer que la qualité relative de l’habitat du caribou a diminué significativement entre 1998 et 2009, en particulier pour la période sans couvert de neige (perte de 31 % dans les limites de l’HL et de 47 % en incluant les 30 premiers kilomètres en périphérie), pendant que la qualité de l’habitat de l’ours noir et du coyote augmentait à certaines périodes de l’année (voir la section 4.2.2). Ainsi, pour rendre l’habitat plus propice à la persistance de la population de caribous, il est nécessaire d’augmenter significativement la proportion d’habitat convenable disponible dans l’aire de répartition, notamment les forêts résineuses matures et surannées. Il y a des incertitudes à savoir si la superficie de l’aire de répartition est suffisante pour atteindre et maintenir l’autosuffisance de la population; il est donc possible qu’il faille éventuellement aussi rétablir les conditions d’habitat convenables à la persistance de la population dans la périphérie de l’aire de répartition.

En utilisant la valeur de recrutement observée dans la population entre 2007 et 2012, Frenette et St-Laurent (2016) prédisent une forte probabilité d’extinction pour le groupe des monts McGerrigle (p = 0,82) et pour les groupes des monts Albert et Logan (p = 0,96) sur un horizon de 50 ans (annexe C). Tel que mentionné précédemment, l’évolution de la taille de la population de caribous de la Gaspésie est intimement liée à certains paramètres démographiques, notamment au taux de survie annuel des faons. L’augmentation de ce taux de survie, qui dépend fortement du taux de prédation, qui à son tour est lié à la matrice forestière et la densité des autres cervidés, est une condition préalable au maintien du caribou de la Gaspésie, ainsi qu’à l’atteinte de l’objectif de population fixé ci-dessus. Selon les connaissances actuelles, la population ne pourra se rétablir que si la proportion de faons dans la population est supérieure au taux de mortalité des adultes et s’établit d’ici 2035 à au moins 17 % (soit environ 30 faons pour 100 femelles; Environnement Canada, 2007). D’ici 2025, ce taux devrait s’établir à au moins 20,4 % (soit environ 36 faons pour 100 femelles) aux monts McGerrigle et à au moins 27,2 % (soit environ 48 faons pour 100 femelles) aux monts Albert et Logan afin de compenser le taux de mortalité élevé des adultes et ainsi limiter la probabilité d’extinction au cours des 50 prochaines années (Frenette, 2017). De plus, le taux de survie annuelle des adultes est faible au cours des dernières années, en particulier dans les sous-populations du mont Albert et des monts McGerrigle (voir la section 3.2). Afin de limiter la probabilité d’extinction de la population au cours des 50 prochaines années, le taux de mortalité annuel des adultes devra être inférieur à 11% d’ici 2025 (Lesmerises, 2012).

La tendance de la population de caribous de la Gaspésie est en déclin, et l’effectif de la population est estimé à moins de 50 individus (section 3.2). Or, la capacité de support de l’aire de répartition est sans doute plus importante que ce que reflète l’abondance actuelle de la population. Le présent programme de rétablissement établit une cible démographique fondée sur la capacité de support récente de l’aire de répartition (voir la figure 3), c’est-à-dire d’au moins 100 individus à court terme afin d’atténuer le risque de quasi-extinctionNote de bas de page 28, et de 200 individus à moyen terme, soit le nombre d’individus que supportait au début des années 1980 une aire de répartition comparable à celle d’aujourd’hui. Ces cibles démographiques pourraient être revues à la hausse dans le futur selon les nouvelles connaissances acquises.

Parmi les scénarios de gestion analysés par Frenette et St-Laurent (2016), celui qui présente la plus faible probabilité relative d’extinction de la population consiste en une diminution de la proportion de coupes forestières 6-20 ans jusqu’à l’atteinte de 9% de représentation dans l’aire d’étude, combinée à une diminution supplémentaire de 25% de l’indice relatif d’abondance régionale de coyotes. La section 6 détaille les stratégies et les approches générales pour atteindre les objectifs identifiés.

6. Stratégies et approches générales pour l’atteinte des objectifs

6.1 Mesures déjà achevées ou en cours

Le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec, des organisations non gouvernementales et certaines industries concernées ont mis en œuvre diverses mesures visant à rétablir la population de caribous de la Gaspésie et son habitat. Les mesures de rétablissement achevées ou en cours comprennent celles mentionnées ci-dessous.

Planification du rétablissement

Un plan de rétablissement du caribou du parc national de la Gaspésie a été publié en 1990 (Crête et coll., 1990), puis un plan national de rétablissement du caribou de la Gaspésie a été rédigé en 1994 (Crête et coll., 1994). Une équipe de rétablissement a par la suite été formée en 2001, puis elle a rédigé un plan de rétablissement du caribou de la Gaspésie pour la période 2002-2012 (Comité de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2004). En 2007, ce plan de rétablissement a été adopté par le ministre de l’Environnement du Canada, comme programme de rétablissement en vertu de l’article 44 de la LEP (Environnement Canada, 2007). Plusieurs des mesures mentionnées dans la présente section correspondent à des actions mises en œuvre dans le cadre de ce programme de rétablissement. Une mise à jour du plan de rétablissement par l’équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie a été publiée pour la période 2020-2030 (Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2018) et le présent programme de rétablissement est largement inspiré de cette révision.

Lois, règlements et mesures administratives spécifiques

Voir la section 2 pour une description des statuts de l’espèce à l’échelle fédérale et à l’échelle provinciale.

Depuis 1993, une protection partielle est conférée à l’échelle provinciale à l’habitat du caribou de la Gaspésie, par l’entremise de la LCMVF et du Règlement sur les habitats fauniques (RLRQ, c. C 61.1, r. 18). L’habitat de cette population est défini par le Règlement sur les espèces fauniques menacées ou vulnérables et leurs habitats (RLRQ, c. E 12.01, r. 2; annexe A). Ce règlement permet de baliser les activités d’aménagement forestier ainsi que d’exploration et d’exploitation minières, gazières et pétrolières dans l’habitat. Le règlement permet d’exiger le respect de conditions pour la réalisation de certaines activités pour des périodes, des superficies ou des techniques de réalisation spécifiques. À ce titre, un plan d’aménagement forestier de l’aire du caribou de la Gaspésie a été rédigé pour la période 1999-2004 (prolongée jusqu’en 2006; Champagne et coll., 1999), puis pour la période 2007-2013 (Turcotte et coll., 2007) et pour la période 2013-2018 (Chouinard et coll., 2013).

De plus, le MFFP élabore depuis 2019 une Stratégie pour les caribous forestiers et montagnards, en collaboration avec les partenaires clés. La version finale de cette stratégie, qui a pour but de répondre aux besoins des caribous forestiers et montagnards de manière à assurer leur pérennité sans impact sur l’industrie forestière et ses travailleurs, devrait être publiée d’ici 2022. Dans l’attente de cette publication, des Mesures intérimaires pour l’aménagement de l’habitat du caribou montagnard de la Gaspésie (2019-2023) sont actuellement en vigueur. Ces mesures s’appliquent aux activités d’aménagement forestier et consistent à maintenir les meilleurs habitats du caribou qui pourraient jouer un rôle clé dans la mise en œuvre des futures modalités d’aménagement.

D’autre part, l’habitat essentiel du caribou des bois, population de la Gaspésie-Atlantique, a été désigné en 2007 (Environnement Canada, 2007).

Parc national de la Gaspésie et autres aires protégées

Le parc national de la Gaspésie a été créé en 1937, puis la chasse au caribou y a été interdite en 1949. Avec l’adoption de la Loi sur les parcs (RLRQ, c. P-9) en 1977, l’exploitation des ressources forestières et minières y a aussi été interdite. Dès 1978, le mont Logan a été inclus dans les limites du Parc. Depuis les années 1990, les activités récréatives se déroulant dans le parc national de la Gaspésie sont gérées de façon à réduire le dérangement des caribous (p. ex. balisage des sentiers, établissement d’un horaire de visite des principaux monts fréquentés par le caribou des bois). En plus du parc national de la Gaspésie, trois autres aires protégées se trouvent présentement au sein de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, soit : la réserve écologique Fernald, la réserve écologique Irène-Fournier et la réserve écologique Mont-Saint-Pierre (figure 2).

Suivi de la population

La population de caribou de la Gaspésie fait l’objet d’un inventaire aérien automnal annuel depuis 1983. Ce dernier permet de déterminer la taille de la population ainsi que la proportion de faons ayant survécu à leur premier été. Le suivi de la population dans le secteur du mont Logan est toutefois considéré comme incomplet étant donné le couvert forestier plus dense et fermé, qui réduit le taux de détection des individus. Ainsi, des méthodes d’inventaires complémentaires sont également en développement depuis 2016 dans ce secteur. Le suivi de la population permet d’évaluer l’évolution de l’ensemble de la population de caribous, ainsi que l’efficacité des mesures mises en œuvre pour rétablir la population. Il offre aussi la possibilité de revoir plus rapidement les mesures de conservation à mettre en place lorsque le taux de recrutement dans la population est très faible (Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2011).

Recherche

De nombreuses études ont été réalisées sur le caribou de la Gaspésie. Parmi ces études, on compte des travaux de recherche sur les prédateurs du caribou, leur habitat ou leur relation avec le caribou (Boisjoly, 2007; Mosnier, 2008; Mosnier et coll., 2008a; 2008b; Boisjoly et coll., 2010; Pierre et St-Laurent, 2012), sur la viabilité de la population (Huard, 2012; Lesmerises, 2012; Frenette, 2017), sur l’impact de l’exploitation forestière (Stone, 2004; Stone et coll., 2008; Nadeau Fortin, 2015; Nadeau Fortin et coll., 2016; Boudreau, 2017), sur l’impact des structures linéaires (Gaudry, 2013), sur le dérangement causé par la randonnée pédestre (Lesmerises et coll., 2017) et le ski hors-piste (Lesmerises et coll., 2018) ou sur les parasites et infections du caribou (Turgeon et coll., 2018). Plusieurs travaux de recherche portaient aussi sur les mouvements (Bauduin et coll., 2016) ou l’habitat, dont la connectivité fonctionnelle (Bauduin, 2016), le caractère convenable de l’habitat (Leblond et coll., 2014) et l’utilisation et la sélection de l’habitat (Rivard, 1978; Ouellet et coll., 1996; Mosnier et coll., 2003). Enfin, une étude est en cours visant à évaluer la diète des caribous de la Gaspésie et de ses prédateurs à l’aide de marqueurs isotopiques, le chevauchement des niches isotopiques des cervidés fréquentant le parc national de la Gaspésie et la condition physiologique des caribous ainsi que le niveau de stress nutritionnel (M.-H. St-Laurent, comm. pers.).

Gestion des prédateurs

Des programmes de régulation des prédateurs ont été déployés par le gouvernement du Québec entre 1990 et 1996 et de 2001 jusqu’à aujourd’hui (2021; toujours en cours). Ces programmes visent le contrôle des populations de coyotes et d’ours noir (p. ex. campagnes de piégeage, mise en place de programmes incitatifs au piégeage ou à la chasse du coyote et de l’ours noir en périphérie du parc national de la Gaspésie).

Communication

Depuis 2002, plusieurs organisations (p. ex. Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec, Conservation Caribou Gaspésie, Centre d’Avalanche de la Haute-Gaspésie, SÉPAQ, Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie) ont sensibilisé différents publics cibles au contenu des plans de rétablissement du caribou de la Gaspésie. Différents véhicules de communication ont été utilisés, dont la distribution de documents informatifs et de bulletins électroniques, l’installation de panneaux de sensibilisation et l’organisation de soirées-causeries, d’expositions et de rencontres publiques.

6.2 Orientation stratégique pour le rétablissement

Tableau 2. Planification du rétablissement
Menace ou élément limitatifa Prioritéb Stratégie générale pour le rétablissement Description générale des approches de recherche et de gestion
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 Urgent Planification à l’échelle du paysage qui prend en considération les besoins actuels et futurs en matière d’habitat du caribou de la Gaspésie
  • Élaborer un plan d’action qui met l’accent sur la gestion de la population et de l’habitat au moyen d’objectifs mesurables et prenant en compte une approche concertée de gestion des effets cumulatifs au sein de l’aire de répartition, de façon à atteindre les objectifs de population et de répartition.
  • Entreprendre une planification coordonnée de l’utilisation des territoires et des ressources afin de s’assurer que les activités sont planifiées et mises en œuvre aux échelles spatiales et temporelles appropriées (p. ex. prendre en considération les périodes et les zones où la population est la plus vulnérable).
  • Planifier l’augmentation ou le maintien de l’habitat convenable à l’intérieur de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, de même que la restauration ou le maintien de la connectivité de cet habitat entre les sous-populations, là où elle est requise.
  • Assurer une bonne communication et favoriser la concertation entre les gouvernements, les collectivités et les communautés micmaques, les organisations non gouvernementales, les industries et les autres organismes impliqués dans la gestion du territoire et des ressources ou de la conservation dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie.
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 Urgent Augmentation et maintien de la quantité et de la qualité de l’habitat convenable
  • Dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, favoriser la création d’aires protégées répondant aux exigences écologiques du caribou (p. ex. parc national du Québec, réserve écologique, habitat d’une espèce faunique menacée ou vulnérable).
  • Encadrer les activités forestières dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie par l’entremise d’un plan d’aménagement forestier répondant aux exigences écologiques de l’espèce, puis effectuer un suivi de conformité.
  • À l’aide de moyens appropriés (p. ex. : réglementation, mesures intérimaires, lignes directrices, bonnes pratiques de gestion), encadrer les activités commerciales ou industrielles qui peuvent détruire ou réduire la qualité de l’habitat, de façon à respecter les besoins du caribou en matière d’habitat.
  • Réduire l’impact des routes et des emprises de service sur l’habitat du caribou (p. ex. réduire au maximum le développement de nouvelles routes et emprises, démanteler et restaurer des infrastructures peu ou pas utilisées).
  • Mettre en œuvre les mesures pertinentes pour diminuer la disponibilité des habitats propices aux prédateurs (ours noir, coyote) et aux autres proies (p. ex. orignal, cerf de Virginie) dans l’aire de répartition du caribou et en périphérie.
  • Suivre l’évolution des épidémies d’insectes, en particulier la tordeuse des bourgeons de l’épinette, et lorsque nécessaire mettre en œuvre un programme de contrôle ayant pour objectif de réduire au maximum les pertes ou les détériorations de l’habitat convenable au caribou.
1, 2, 3, 5, 7, 8, 9, 10, 11 Urgent Augmentation et stabilisation du taux de survie des adultes et du taux de survie des faons
  • Continuer d’élaborer et de mettre en œuvre des mesures destinées à réduire et à stabiliser les populations de prédateurs et des autres proies (orignal, cerf de Virginie), afin de diminuer la pression de prédation sur les caribous adultes et les faons (p. ex. programme de contrôle des prédateurs, mise en valeur des activités de chasse et de piégeage, modalités de gestion des autres proies).
  • Étudier la faisabilité, élaborer et mettre en œuvre des méthodes de dernier recours pour soutenir et accroître la population (p. ex. maintien des femelles gestantes en enclos).
  • Poursuivre la surveillance de l’application sur le terrain des lois et règlements portant sur le caribou de la Gaspésie (p. ex. surveillance par les agents de protection de la faune).
1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 11 Nécessaire Réduction du dérangement anthropique
  • Poursuivre l’encadrement et la surveillance des activités récréatives à l’intérieur du parc national de la Gaspésie.
  • Encadrer et surveiller les activités récréatives dans l’aire de répartition située à l’extérieur du parc national de la Gaspésie (p. ex. appliquer des recommandations contenues dans le document sur les impacts des activités récréatives dans l’habitat du caribou [Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2014]).
  • Éviter le plus possible le développement de nouvelles infrastructures récréatives ou de villégiature dans l’aire de répartition du caribou (p. ex. en maximisant l’utilisation d’installations déjà existantes).
  • Développer, bonifier et appliquer des bonnes pratiques de gestion pour réduire le dérangement causé par les activités commerciales et industrielles qui ont cours dans l’aire de répartition.
Lacunes dans les connaissances Nécessaire Suivi de la population et de l’habitat
  • Évaluer régulièrement les paramètres populationnels du caribou de la Gaspésie (p. ex. taille et tendance de la population, proportion de faons au sein de la population).
  • Développer et appliquer un système de suivi du taux cumulé de perturbations de l’habitat dans l’aire de répartition.
  • Évaluer périodiquement la viabilité de la population.

Lacunes dans les connaissances,

toutes les menaces

Nécessaire Recherche
  • Préciser les facteurs perturbant le recrutement et l’augmentation de la taille de la population (notamment en poursuivant l’acquisition de connaissances sur les facteurs influençant la population, les facteurs limitatifs et les menaces avérées ou potentielles).
  • Déterminer la superficie d’habitat impropre aux prédateurs et la densité de prédateurs qu’il serait nécessaire d’atteindre pour que le taux de prédation du caribou de la Gaspésie ne soit pas excessif.
  • Préciser la proportion et les caractéristiques de l’habitat perturbé dans l’aire de répartition.
  • Documenter ou développer des techniques de réduction ou d’atténuation des menaces ou de soutien à la population, et établir les priorités en fonction de leur probabilité de succès.
Toutes les menaces Nécessaire Partenariat, communication, sensibilisation et éducation
  • Mettre en œuvre, et réviser au besoin, le plan de communication créé pour le caribou de la Gaspésie (Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, document inédit).
  • Sensibiliser et éduquer différents publics cibles par rapport à la situation de la population ainsi que sur différents enjeux liés à son rétablissement et favoriser le passage à l’action.
  • Promouvoir la conformité aux lois, règlements, politiques et pratiques de gestion bénéfiques qui assurent la conservation du caribou de la Gaspésie et de son habitat.

a Menaces ou éléments limitatifs : 1) Exploitation forestière; 2) Prédation excessive par le coyote et l’ours noir; 3) Développement de parcs éoliens; 4) Activités récréatives; 5) Développement du réseau routier/de transport; 6) Épidémies d’insectes; 7) Exploration et exploitation minières; 8) Emprises de services; 9) Développement commercial et industriel; 10) Braconnage; 11) Suivi de population et capture et marquage de caribous.

b « Priorité » reflète l’ampleur dans laquelle la stratégie générale contribue directement au rétablissement de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une approche qui contribue au rétablissement de l’espèce.

6.3 Commentaires à l’appui du tableau de planification du rétablissement

Le rétablissement du caribou de la Gaspésie exigera l’engagement, la collaboration et la coopération des compétences fédérale et provinciale, des communautés micmaques, des collectivités locales, de l’industrie et des autres parties intéressées. Il sera important d’effectuer le suivi de l’état de l’habitat, de la taille et de la tendance de la population ainsi que de sa répartition, afin de pouvoir évaluer l’efficacité des stratégies générales et des approches de gestion dans l’aire de répartition et les ajuster au besoin. Il faudra du temps pour que les effets des aménagements anthropiques, des perturbations naturelles ou des activités de restauration de la population et de l’habitat du caribou de la Gaspésie deviennent évidents. Par conséquent, la gestion de la population et de son habitat devra prendre en compte ce délai et prévoir des mesures de gestion à court terme pour minimiser les effets d’un tel décalage.

Planification à l’échelle du paysage

L’aire de répartition est l’échelle la plus pertinente à laquelle planifier la conservation du caribou de la Gaspésie, et l’échelle à laquelle sont définis les objectifs de population et de répartition (section 5). Par conséquent, les utilisations présentes et futures du territoire et des ressources naturelles devraient être planifiées (type, quantité et emplacement) à l’échelle du paysage, tout en tenant compte des perturbations naturelles au sein de l’aire de répartition. Ceci permettra une gestion efficace des effets cumulatifs des perturbations de l’habitat sur la population de caribous de la Gaspésie, et permettra de gérer les perturbations dans le temps en vue de garantir la disponibilité continue d’un habitat suffisant à la population. La planification à l’échelle de l’aire de répartition devrait aussi définir des activités de gestion qui soient bien adaptées à l’état de la population et de son aire de répartition. Finalement, la planification et la gestion du caribou de la Gaspésie et de son aire de répartition devraient être coordonnées entre les différentes organisations impliquées dans la gestion du territoire ou des ressources naturelles ou dans la conservation.

Augmentation et maintien de la quantité et de la qualité de l’habitat convenable

L’atteinte de l’objectif à long terme en matière de population et de répartition ne saurait se produire seulement sur la base du maintien du régime actuel de gestion de l’habitat, car il semble que la gestion de l’habitat qui a eu lieu au cours des dernières décennies a mené à la constitution d’un « piège écologique » (Battin, 2004) où subsiste le caribou de la Gaspésie (St-Laurent et coll., 2009), et que le maintien d’un statu quo mènerait à une extinction rapide de la population (Frenette et St-Laurent, 2016; annexe C). Ainsi, l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie devra être gérée pour qu’elle puisse assurer à long terme la subsistance d’une population autosuffisante. Il faudra gérer le nombre, le type et la répartition des activités anthropiques qui affectent l’habitat du caribou de la Gaspésie, de façon à augmenter la quantité et la qualité de l’habitat convenable, tout en diminuant l’habitat propice aux prédateurs du caribou et aux autres proies. Il faudra également surveiller et mesurer les perturbations, tant anthropiques que naturelles. Les perturbations anthropiques (p. ex. exploitation forestière, routes et emprises de services, parcs éoliens) devront être gérées de façon à tenir compte des besoins actuels et futurs du caribou de la Gaspésie en matière d’habitat. L’impact de certaines menaces devra être réduit (p. ex. réduction des superficies exploitées) ou atténué (p. ex. utilisation de traitements sylvicoles différents; Nadeau Fortin, 2015; St-Laurent et coll., 2015b). De plus, des zones perturbées devront vraisemblablement être restaurées (p. ex. fermeture de routes secondaires; Nadeau Fortin, 2015; Bauduin, 2016) afin d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition. De plus, le maintien ou la restauration de la connectivité fonctionnelle entre les secteurs utilisés par les sous-populations sera particulièrement important, notamment pour que les caribous puissent atteindre des habitats de qualité présentement inaccessibles (Bauduin et coll., 2016). Il pourrait de plus être nécessaire de planifier et de désigner des aires protégées additionnelles offrant des caractéristiques biophysiques convenant au caribou de la Gaspésie (Bauduin, 2016).

Augmentation et stabilisation du taux de survie des adultes et du taux de survie des faons

Les altérations anthropiques de l’habitat ont compromis l’équilibre naturel entre le caribou de la Gaspésie et ses prédateurs en augmentant la disponibilité d’habitats favorables aux prédateurs et à leurs autres proies. Ceci s’est traduit par des taux anormalement élevés de prédation au sein de l’aire de répartition (voir la section 4.2.2), diminuant ainsi le taux de survie des adultes et des faons. Par conséquent, l’adoption d’une approche de gestion prévoyant la gestion des prédateurs ou de leurs autres proies est requise pour mettre fin au déclin et stabiliser la population de caribous. La mise en place de mesures de gestion des prédateurs et dans certains cas des autres proies s’impose à titre d’outil de gestion provisoire, car ces mesures s’avèrent temporairement nécessaires en attendant l’amélioration de l’habitat dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie (Frenette et St-Laurent, 2016). L’application concurrente d’autres outils de gestion sera toutefois nécessaire pour permettre le rétablissement du caribou de la Gaspésie, dont des mesures de restauration et de gestion de l’habitat. En effet, une modélisation du système prédateurs-proies-habitat de la population de caribous de la Gaspésie a montré qu’une augmentation importante de l’effort de prélèvement des prédateurs (principalement le coyote), jumelée à une restauration de l’habitat, était le scénario le plus probant qui permettrait d’assurer la pérennité à long terme de la population (Frenette et St-Laurent, 2016; annexe C). Le contrôle des autres proies (p. ex. l’orignal) pourrait être envisagé, même s’il ne permet pas à lui seul de renverser la tendance à l’extinction de la population de caribous de Gaspésie sur un horizon de 50 ans (Frenette et St-Laurent, 2016). Le cas échéant, il faudrait considérer une gestion simultanée des prédateurs et des autres proies, car en l’absence de mesures conjointes de gestion des prédateurs, la vulnérabilité du caribou à la prédation pourrait augmenter temporairement en raison d’une diminution de l’abondance des autres proies (Serrouya et coll., 2015). Ce faisant, de telles mesures de gestion des autres proies pourraient nuire à la conservation du caribou de la Gaspésie. Par ailleurs, la taille de la population est actuellement à un niveau critique et il devient impératif d’évaluer la faisabilité, puis si possible d’élaborer et mettre en œuvre des méthodes de dernier recours (p. ex. maintien des femelles gestantes en enclos, élevage en captivité) afin de réduire les risques d’extinction de la population et de permettre d’atteindre les objectifs en matière de rétablissement. Finalement, la surveillance de l’application sur le terrain des lois et règlements interdisant le prélèvement de caribous de la Gaspésie devrait être maintenue afin d’assurer que le braconnage ne diminue pas la probabilité de survie des individus.

Réduction du dérangement anthropique

L’utilisation récréative de l’arrière-pays est une préoccupation en matière de conservation du caribou de la Gaspésie. Ces activités (voir la section 4.2.5) accroissent les occasions pour les prédateurs d’avoir accès à l’habitat du caribou, et pourraient aussi forcer les caribous à éviter certains secteurs de l’aire de répartition. À l’heure actuelle, il existe un encadrement des activités récréatives au parc national de la Gaspésie, et il serait nécessaire d’encadrer (p. ex. type, période) les activités ayant cours dans le reste de l’aire de répartition et de maximiser l’utilisation d’infrastructures ou de sites existants plutôt que d’en créer de nouveaux. Par ailleurs, il faudra mettre en œuvre des pratiques bénéfiques de gestion afin de réduire le dérangement anthropique causé par d’autres types d’activités, dont les activités commerciales ou industrielles.

Suivi de la population et de l’habitat

Il sera important d’effectuer le suivi de l’état de l’habitat (p. ex. taux cumulé de perturbations anthropiques et naturelles) et de la taille, de la tendance et de la viabilité de la population, de même que de certains paramètres démographiques (p. ex. proportion de faons au sein de la population). Ces suivis permettront d’évaluer l’efficacité des approches de gestion, et de les ajuster au besoin. Ils permettront aussi de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition (voir section 8).

Recherche

Des connaissances additionnelles seront requises afin de pouvoir évaluer l’impact de certaines menaces potentielles (p. ex. transmission de pathogènes, changements climatiques) ou pour réduire ou atténuer certaines menaces pesant sur le caribou de la Gaspésie. Ces connaissances permettront une intervention rapide au besoin, afin de réduire les risques de disparition de la population. En ce qui concerne plus particulièrement la prédation, il a été démontré dans certaines études menées dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie que la pression de prédation est excessive. Ceci suggère que la densité de prédateurs est trop élevée, et que l’habitat impropre aux prédateurs (p. ex. ours noir, coyote) et à leurs autres proies (p. ex. l’orignal, le cerf de Virginie) n’est pas en quantité ou en qualité suffisante, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’aire de répartition. Par ailleurs il est requis de préciser la proportion et les caractéristiques de l’habitat perturbé dans l’aire de répartition. La proportion d’habitat perturbé a été estimée par St-Laurent et coll. (2015a), mais celle-ci doit être mise à jour selon la méthodologie développée par Environnement Canada (2011a). D’autre part il serait nécessaire de caractériser les perturbations selon qu’elles soient d’origine naturelle ou anthropique, ou qu’elles soient de nature linéaire ou polygonale.

Partenariat, communication, sensibilisation et éducation

Afin de favoriser le rétablissement du caribou de la Gaspésie, les organisations impliquées dans la gestion du caribou de la Gaspésie, du territoire au sein de son aire de répartition ou des ressources naturelles qui s’y trouvent, devront travailler en coopération selon des objectifs partagés, en contribuant de diverses façons (p. ex. connaissances, mise en œuvre de pratiques bénéfiques, assistance technique ou financière). De plus, la sensibilisation du grand public et de certains publics cibles par rapport à la situation de la population de caribous de la Gaspésie ou par rapport à certains enjeux liés au rétablissement de la population permettra d’intégrer le rétablissement du caribou de la Gaspésie dans les préoccupations du public et de créer un contexte propice à des actions concrètes. L’éducation de différents publics cibles (p. ex. industriels, personnes réalisant des activités récréatives), qui implique la prise de conscience et la création d’un intérêt et d’une motivation, permettra aussi de contribuer au rétablissement de la population en favorisant le passage à l’action de ces publics cibles. En ce sens, il sera nécessaire de rendre disponible l’information pertinente auprès des intervenants clés de façon à les appuyer dans la mise en œuvre de leurs activités. Finalement, la promotion de la conformité aux lois, règlements, politiques et pratiques de gestion bénéfiques favorisera leur mise en application.

7. Habitat essentiel

7.1 Désignation de l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie

Aux termes du paragraphe 2(1) de la LEP, l’habitat d’une espèce sauvage terrestre est défini comme « l’aire ou le type d’endroit où un individu ou l’espèce se trouvent ou dont leur survie dépend directement ou indirectement ou se sont déjà trouvés, et où il est possible de les réintroduire ». L’habitat essentiel est quant à lui défini comme l’« habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce ».

La désignation de l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie décrit donc l’habitat nécessaire pour que la population soit stabilisée et devienne autosuffisante dans son aire de répartition actuelle. Pour parvenir à l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition, la quantité et la qualité de l’habitat convenable devront être améliorées dans de nombreuses zones de l’aire de répartition. Dans le présent programme de rétablissement, l’habitat essentiel est désigné partiellement, dans la mesure du possible, en se fondant sur la meilleure information disponible. Des limites plus précises pourraient être cartographiées et de l’habitat essentiel additionnel pourra être désigné dans le futur à mesure que de nouveaux renseignements deviendront disponibles.

L’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie est désigné à l’échelle du paysage, au sein de l’aire de répartition de l’espèce, dans les régions administratives de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et du Bas-Saint-Laurent au Québec. L’élément clé de cette désignation, qui est indispensable au rétablissement du caribou de la Gaspésie, est l’atteinte et le maintien d’un système dynamiqueNote de bas de page 29 de disponibilité de l’habitat convenable dans l’aire de répartition, incluant le maintien et la restauration des caractéristiques biophysiques de l’habitat de prédilection dont l’espèce a besoin en regard de son cycle vital (p. ex. habitat de mise bas, habitat d’alimentation), ainsi que certaines considérations écologiques (p. ex. évitement des prédateurs).

Sur la base de cette information, et selon la meilleure information accessible, l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie est désigné comme suit, selon deux zones géographiques qui se chevauchent (figure 5):

1. Dans l’aire de répartition (c.-à-d. PCM 99 % + 10 km) :

et :

2. Dans le cœur de l’aire de répartition (c.-à-d. estimation de la répartition par noyau – 98 %) :

Les sections 7.1.1 (emplacement géographique) et 7.1.2 (caractère convenable de l’habitat) ci-dessous décrivent plus en détails la désignation de l’habitat essentiel.

Figure 5 - s'il vous plaît lire une longue description

Figure 5. Emplacement des zones géographiques dans lesquelles se trouve l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie.

Description longue

Figure 5 montre une vue rapprochée de l’aire de répartition du Caribou de la Gaspésie, avec superposition des zones géographiques utilisées dans la désignation de l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie.   La figure montre un grand polygone délimitant la zone d’habitat essentiel correspondant à l’aire de répartition (PCM 99% + 10 km; décrit à la figure 2), où un minimum de 65% d’habitat non perturbé doit être atteint et maintenu. Le Cœur de l’aire de répartition (estimation de la répartition par noyau – 98%) est représentée par un polygone plus petit et est située dans le polygone de l’aire de répartition.

7.1.1 Emplacement géographique

L’emplacement géographique est l’endroit à l’intérieur duquel se situe l’habitat essentiel. Pour le caribou de la Gaspésie, l’échelle spatiale pertinente à la désignation de l’habitat essentiel est définie comme étant l’aire de répartition de la population. Cette approche est supportée par la meilleure information disponible actuellement, soit les conclusions de l’examen scientifique aux fins de la désignation de l’habitat essentiel de la population boréale du caribou des bois (Environnement Canada, 2008), qui établissent que l’aire de répartition d’une population locale est l’échelle spatiale la plus pertinente à la désignation de l’habitat essentiel. En général, l’aire de répartition correspond à la zone géographique où une espèce est présente. Pour le caribou de la Gaspésie, l’aire de répartition inclut notamment les déplacements en altitude et à l’horizontale effectués par les individus entre les différents secteurs utilisés au cours de leur cycle vital annuel, en réponse à différents facteurs, dont le risque de prédation, la disponibilité des ressources alimentaires et les conditions environnementales (p. ex. épaisseur et autres caractéristiques du couvert de neige). Cette zone géographique peut être définie suivant différentes méthodologies. Selon la meilleure information disponible actuellement (St-Laurent et coll., 2015a;b; Lesmerises et St-Laurent, 2018), deux méthodes complémentaires de délimitation sont retenues aux fins de la désignation de l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie (voir la figure 5) :

  1. Un polygone convexe minimal (PCM) comprenant 99 % des données de localisations d’individus (retirant ainsi les localisations aberrantes), auquel est ajoutée une zone tampon de 10 km de largeur en périphérie, afin d’inclure des habitats qui ont un effet important sur la démographie de la population. La zone géographique délimitée par cette méthode correspond à la définition de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie qui est utilisée dans le présent document (voir section 3.2). Cette méthode de délimitation, qui circonscrit une zone d’une superficieNote de bas de page 31 de 5376 km2, est celle qui permet d’expliquer le mieux les différences de recrutement, de survie, et du taux de croissance de la population (Lesmerises et St-Laurent, 2018). Cette aire inclut des secteurs qui sont présentement inoccupés par le caribou de la Gaspésie. Elle est toutefois cohérente avec l’écologie du caribou des bois, et avec l’objectif à long terme en matière de population et de répartition. Selon Mosnier et coll. (2003), les secteurs qui ont été utilisés par le caribou dans un passé récent, de même que ceux qui présentent un fort potentiel d’utilisation, sont aussi importants que ceux qui sont utilisés actuellement, puisqu’ils pourraient être utilisés à l’avenir. À ce titre, le secteur du mont Logan, qui se situe majoritairement à l’extérieur du parc national de la Gaspésie, a été délaissé temporairement par les caribous au cours des années 1980, pour ensuite être recolonisé depuis 1997, sans doute par des caribous qui avaient quitté la région du mont Albert (Fournier et Faubert, 2001; Mosnier et coll., 2003).
  2. L’estimation de la répartition par noyau comprenant 98 % des données de localisations d’individus. Cette méthode, qui circonscrit une zone d’une superficieNote de bas de page 32 de 1996 km2, correspond au cœur de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie car elle identifie les habitats les plus fortement utilisés par les individus au cours de leur cycle vital, pour la période considérée (1977-2016). La méthode de l’estimation par noyau permet de représenter de façon plus fine que les PCM la superficie qui est réellement utilisée par les individus (Worton et coll., 1987; Börger et coll., 2006). Puisque cette délimitation est influencée largement par les données de l’étude télémétrique réalisée entre 2013 et 2016 (Lesmerises et St-Laurent, 2018), la superficie qui en résulte est considérée comme la superficie qui est actuellement utilisée par l’espèce. En ce sens, cette zone géographique supporte les objectifs à court terme en matière de population et de répartition. La zone délimitée par cette méthode est appelée toutefois à être modifiée avec le temps, en fonction de la dynamique d’utilisation et d’abandon de l’habitat par le caribou en fonction de la disponibilité de l’habitat.

7.1.2 Caractère convenable de l’habitat

Le caractère convenable de l’habitat fait référence aux endroits qui regroupent un ensemble précis de caractéristiques permettant aux individus de l’espèce de mener à bien les aspects essentiels de leur cycle vital et de se déplacer. Le caractère convenable de l’habitat du caribou de la Gaspésie est décrit ici en fonction du taux de perturbation de l’habitat dans l’aire de répartition et en fonction des caractéristiques biophysiques de l’habitat de prédilection de l’espèce dans le cœur de l’aire de répartition.

Aire de répartition (PCM 99 % + 10 km)

Dans cette zone (voir figure 5), le caractère convenable de l’habitat est défini sur la base de l’évaluation scientifique aux fins de la désignation de l’habitat essentiel de la population boréale du caribou des bois (Rangifer tarandus caribou) au Canada - mise à jour de 2011 (Environnement Canada, 2011a). Cette évaluation scientifique établit que la variation du recrutement des populations locales, et ultimement leur probabilité d’autosuffisance, est largement expliquée (près de 70 %) par la perturbation de l’habitat, notamment celle d’origine humaine. En fonction de ces recommandations, le programme de rétablissement du caribou des bois, population boréale (Environnement Canada, 2012) a établi un seuil de gestion dans la désignation de l’habitat essentiel, soit de maintenir la proportion d’habitat non perturbé dans l’aire de répartition à un minimum de 65 %. Ce seuil donne une probabilité mesurable (60 %) d’autosuffisance pour une population locale. Il s’agit d’un seuil minimum, car à 65 % d’habitat non perturbé, il existe quand même un risque non négligeable (40 %) que les populations locales ne soient pas autosuffisantes, en raison de l’incertitude associée aux phénomènes aléatoires et de leurs effets. Actuellement, les connaissances ne sont pas suffisantes pour établir une telle relation qui soit spécifique à la population de caribous de la Gaspésie (Lesmerises et St-Laurent, 2018). Étant donné les caractéristiques communes entre le caribou boréal et celui de la Gaspésie (besoins similaires, même contexte de compétition apparente), durant l’intervalle de temps nécessaire à l’obtention de l’information requise pour établir cette relation (voir la section 7.3), le présent programme de rétablissement utilise le même seuil que celui établi pour le caribou boréal (Environnement Canada, 2012).

L’emplacement exact des 65 % d’habitat non perturbé variera avec le temps et devrait s’inscrire dans une configuration spatiale qui renferme de grandes zones contiguës d’habitat non perturbé, de sorte que les caribous puissent circuler dans l’aire de répartition pour rejoindre l’habitat requis au besoin. Selon la meilleure information disponible (F. Lesmerises et M.-H. St-Laurent, analyses inédites, selon une méthode comparable à celle d’Environnement Canada [2011a]), la proportion d’habitat non perturbé se situe présentement aux environs de 19 % (à l’échelle de l’aire de répartition) ou de 32 % (à l’échelle du cœur de l’aire de répartition). Les proportions exactes d’habitat non perturbé, ainsi que la contribution respective des perturbations naturelles et anthropiques, devront être évaluées (voir la section 7.3).

Puisque actuellement la proportion d’habitat non perturbé est inférieure au seuil de 65 %, l’habitat essentiel correspond à l’habitat existant qui, avec le temps, contribuera à l’atteinte du seuil de 65 % établi. Il est à noter que bien que certains éléments du paysage sont considérés perturbés et ne constituent pas en ce moment de l’habitat convenable (p. ex. jeunes forêts conifériennes), le maintien de ces éléments du paysage est important, car il permettra, avec le temps et la maturation des peuplements, l’atteinte d’une plus grande superficie d’habitat non perturbé. Le maintien de l’habitat non-perturbé qui est situé dans les zones en altitude (700 m et plus) est également d’une importance capitale, car ces habitats constituent les principaux refuges utilisés par le caribou de la Gaspésie tout au long de son cycle vital pour éviter la prédation (élément central de sa stratégie antiprédatrice). La perturbation de l’habitat dans ces zones en altitude devrait y être restreinte au maximum, car toute augmentation du taux de prédation dans ces refuges pourrait compromettre l’atteinte des objectifs de rétablissement.

Cœur de l’aire de répartition (estimation de la répartition par noyau – 98 %)

Dans le cœur de l’aire de répartition (voir figure 5), le caractère convenable de l’habitat fait référence aux caractéristiques biophysiques de l’habitat de prédilection du caribou de la Gaspésie. Ces caractéristiques ont été résumées à partir des données des analyses de sélection d’habitat ainsi que des rapports ou articles scientifiques accessibles. Tout l’habitat de prédilection situé dans le cœur de l’aire de répartition est désigné habitat essentiel. Le tableau 3 décrit les caractéristiques biophysiques de l’habitat de prédilection du caribou de la Gaspésie. Tel que décrit à la section 3.3.1, pour répondre aux besoins de son cycle vital et permettre les échanges entre les groupes qui composent la population, le caribou de la Gaspésie utilise les forêts conifériennes matures (≥ 70 ans), dont les sapinières et les pessières, ainsi que la toundra alpine. L’emplacement exact de ces caractéristiques biophysiques varie dans le temps en raison de la nature dynamique des écosystèmes. De plus, les zones présentant certaines caractéristiques biophysiques n’ont pas à être immédiatement adjacentes les unes aux autres, tant que les habitats demeurent connectés de manière à ce que les individus puissent se déplacer entre ceux-ci pour accomplir leur cycle vital et réagir aux perturbations.

Tableau 3. Description des caractéristiques biophysiques de l’habitat de prédilection du caribou de la Gaspésie
Type d’habitat Caractéristiques biophysiques Fonctions vitales (détails)Note de bas de page 33
Toundra alpine La toundra alpine occupe la zone s’étendant au-delà de la limite des arbres en région montagneuse. Elle est dominée par des plantes éricacées et graminées, des lichens, des mousses ainsi que des roches et du substrat nu. L’habitat inclut également des îlots denses de sapin baumier et d’épinette blanche (Picea glauca) sous forme arbustive (krummholz), qui deviennent de plus en plus disjoints avec l’altitude.
  • Sécurité (très faible risque de prédation)
  • Alimentation (accès à la végétation, minéraux à lécher)
  • Abris contre les insectes (zones venteuses, zones enneigées)
  • Mise bas (dénudés rocheux ou arbustifs, arbres rabougris)
  • Rut
  • Déplacement
Sapinière mature (≥ 60* ans) Forêt mature (≥ 60* ans) dominée par le sapin baumier. Les espèces d’accompagnement principales sont le bouleau jaune (Betula alleghaniensis) ou le bouleau blanc (Betula papyrifera), ainsi que l’épinette blanche. Plusieurs essences secondaires peuvent s’y trouver, notamment le thuya occidental (Thuja occidentalis) et le peuplier baumier (Populus balsamifera).
  • Sécurité (faible risque de prédation)
  • Alimentation (accès à une abondance de lichens arboricoles, de lichens arboricoles poussant sur des arbres tombés, de lichens tombé au sol, d’arbustes et d’herbacées non graminéennes)
  • Mise bas (en altitude, aux étages alpin et subalpin)
  • Déplacement
Pessière mature (≥ 60* ans) Forêt mature (≥ 60* ans) dominée soit par l’épinette blanche ou l’épinette noire (Picea mariana). Dans les deux cas, le sapin baumier est l’espèce principale d’accompagnement, et le parterre est dominé par plusieurs espèces de carex (Carex spp.), des fougères, des mousses et des sphaignes.
  • Sécurité (faible risque de prédation)
  • Alimentation (accès à une abondance de lichens arboricoles, de lichens arboricoles poussant sur des arbres tombés, de lichens tombé au sol, d’arbustes et d’herbacées non graminéennes)
  • Mise bas (en altitude, aux étages alpin et subalpin)
  • Déplacement

* Les sapinières et pessières sont considérées matures à un âge ≥ 70 ans. Toutefois, dans la description des caractéristiques biophysiques, on utilise un âge > 60 ans afin d’assurer une correspondance avec la norme de stratification écoforestière du MFFP (2015), qui considère dans la classe d’âge de 70 ans les peuplements d’un âge situé dans l’intervalle de 61-80 ans.

7.2 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

Cette désignation de l’habitat essentiel est considérée comme une désignation partielle en raison du manque de connaissances sur :

Comme le requiert la LEP, dans les cas où les données accessibles ne permettent pas de désigner la totalité de l’habitat essentiel, il faut prévoir un calendrier des études. Ainsi le tableau 4 décrit les études nécessaires pour compléter la désignation de l’habitat essentiel en vue d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition du caribou de la Gaspésie.

Tableau 4. Calendrier des études nécessaires pour compléter la désignation de l’habitat essentiel du caribou de la Gaspésie
Description de l’activité Justification Échéancier
Déterminer dans quelle mesure des secteurs hors de l’aire de répartition actuellement délimitée (figures 2 et 5) peuvent contribuer à l’atteinte de l’objectif à long terme en matière de population Il importe de déterminer si la superficie de l’aire de répartition définie dans le présent programme de rétablissement est suffisante pour permettre d’atteindre et de maintenir l’autosuffisance de la population. Certains secteurs situés à l’extérieur de l’aire de répartition actuelle (p. ex. la zone d’altitude supérieure à 700 m, située à l’ouest de l’aire de répartition, au sein de la réserve faunique de Matane), présentent un bon potentiel d’utilisation par le caribou de la Gaspésie, même si aucune localisation de caribou n’y a été rapportée récemment (Bauduin et coll., 2016). Il est nécessaire d’évaluer si de tels secteurs peuvent contribuer à atteindre une population autosuffisante de caribous de la Gaspésie. 2027
Déterminer le seuil de perturbation qu’il ne faudrait pas dépasser dans l’aire de répartition pour assurer l’autosuffisance de la population Les perturbations d’origine naturelle ont toujours été présentes dans les paysages occupés par le caribou des bois sans compromettre la persistance des populations. Les populations de caribous des bois peuvent donc supporter une certaine quantité de perturbations dans leur habitat. Par contre, il a été démontré ailleurs au Canada que l’ajout des perturbations anthropiques a mené au déclin et à la disparition de certaines populations locales. Dans l’aire de répartition, et en fonction des effectifs actuels et de la tendance de la population du caribou de la Gaspésie, on ne connait pas la proportion d’habitat perturbé qui peut être tolérée par la population sans compromettre l’atteinte de l’objectif à long terme en termes de population. Pour l’instant, la cible identifiée pour le caribou boréal (c.-à-d. maximum de 35 % de perturbation; Environnement Canada, 2012) est utilisée pour le caribou de la Gaspésie, mais il sera nécessaire de déterminer un seuil de gestion qui soient spécifiques à cette population en fonction des conditions locales. L’échéance requise pour compléter cette étude est longue, car les plus anciennes données de perturbation disponibles remontent seulement à 1986, à un moment où l’aire de répartition était déjà perturbée à plus de 60 % et où le déclin de la population était déjà en cours (Lesmerises et St-Laurent, 2018). Afin de calculer un seuil de perturbation permettant d’assurer l’autosuffisance de la population, il faudra donc attendre que le taux de perturbation ait diminué de façon importante au sein de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, afin d’obtenir une relation robuste entre les paramètres démographiques de la population et la perturbation de l’habitat. 2072

7.3 Activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel

La compréhension de ce qui constitue la destruction de l’habitat essentiel est nécessaire à la protection et à la gestion de l’habitat essentiel. Aux termes de la LEP, un programme de rétablissement doit donner des exemples d’activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel. La destruction de l’habitat essentiel est déterminée au cas par cas. Il y a destruction de l’habitat essentiel lorsqu’il y a dégradation d’une partie des éléments de l’habitat essentiel, soit de façon permanente ou temporaire, à un point tel que l’habitat essentiel n’est plus en mesure d’assurer les fonctions qui sont requises par le caribou de la Gaspésie. La destruction peut découler d’une activité unique à un moment donné ou des effets cumulés d’une ou de plusieurs activités au fil du temps (Gouvernement du Canada, 2009). Le tableau 5 donne des exemples d’activités susceptibles d’entraîner la destruction de l'habitat essentiel de l'espèce; il peut toutefois exister d’autres activités destructrices.

La probabilité que l’habitat essentiel soit détruit par une activité ou une combinaison d’activités peut varier selon plusieurs paramètres, et peut être diminuée par la mise en œuvre de techniques adéquates de réduction ou d’atténuation des effets négatifs (voir l’annexe D). D’une manière générale, la probabilité de destruction de l’habitat essentiel augmente lorsqu’une activité, ou une combinaison d’activités sont menées d’une manière, à un endroit ou à un moment tels qu’au moins l’une des situations suivantes se produise :

  1. La capacité de l’aire de répartition d’être ramenée à 65 % d’habitat non perturbé est compromise;
  2. La connectivité au sein de l’aire de répartition est réduite;
  3. L’accès des prédateurs et/ou des autres proies aux zones non perturbées, notamment les zones d’habitat de prédilection, est facilité;
  4. Il y a disparition ou altération des caractéristiques biophysiques nécessaires au caribou de la Gaspésie.

Pris isolément, une activité ou un projet donné peut ne pas entraîner la destruction de l’habitat essentiel. Cependant, pris dans le contexte de toutes les modalités d’aménagement du territoire présentes et futures au sein de l’aire de répartition de la population, les effets cumulatifsNote de bas de page 34 peuvent résulter en la destruction de l’habitat essentiel. L’atténuation des effets nocifs d’activités ou de projets individuels exigera une approche et une gestion coordonnées des effets cumulatifs au sein de la population. L’évaluation de ces effets cumulatifs est indispensable pour situer l’activité ou le projet proposé dans le contexte de toutes les activités présentes et futures d’aménagement. L’évaluation des effets cumulatifs comprendra :

  1. L’évaluation des effets de toutes les perturbations (anthropiques et naturelles) à l’échelle de la population;
  2. La surveillance des conditions de l’habitat, y compris la superficie d’habitat actuellement perturbé et non perturbé, et la superficie d’habitat en cours de restauration;
  3. La prise en compte des perturbations prévues;
  4. L’évaluation de la répartition des perturbations pour déterminer le risque de diminution de la quantité de l’habitat, ou de bris de connectivité dans certaines parties de l’aire de répartition.
Tableau 5. Exemples d’activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel
Description de l’activité Description de l’effet Détails de l’effet
Exploitation forestière

L’exploitation forestière est susceptible d’entraîner une perte directe, une perte fonctionnelle ou une dégradation de l’habitat de prédilection, soit une destruction de l’habitat essentiel au cœur de l’aire de répartition

Cette activité peut aussi causer une destruction de l’habitat essentiel en menant à une augmentation de la proportion d’habitat perturbé au sein de l’aire de répartition, tant que la cible de plus de 65 % d’habitat non perturbé n’y sera pas atteinte et maintenue.

En lien avec la menace 5.3 du système uniforme de classification des menaces de l’UICN (voir la section 4 du présent document).

Au sein du cœur de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, l’activité peut provoquer la destruction de l’habitat essentiel pour une période minimale approximative de 70 ans si elle a lieu dans l’habitat de prédilection (p. ex. coupe de sapinières ou de pessières matures). Si l’activité est réalisée à proximité de l’habitat de prédilection, elle peut aussi mener à sa dégradation (p. ex. chablis causés par la coupe forestière réalisée à proximité de sapinières ou de pessières matures) ou à une perte fonctionnelle d’habitat, si elle mène à l’évitement de superficies de l’habitat de prédilection (p. ex. coupes forestières ceinturant des sapinières ou des pessières matures ou des toundras alpines, et causant l’arrêt de leur utilisation en raison de l’évitement des secteurs de coupe par le caribou).

Au sein de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, l’activité peut aussi mener à la destruction de l’habitat essentiel pour une période minimale approximative de 50 ans (Environnement Canada, 2011a) si elle mène à une augmentation de la proportion d’habitat perturbé, tant qu’un minimum de 65 % d’habitat non perturbé n’y sera pas atteint et maintenu. Les activités d’exploitation forestière peuvent aussi mener à une augmentation de la densité des prédateurs du caribou de la Gaspésie (p. ex. modification de l’habitat vers des conditions favorables à d’autres ongulés). Une activité d’exploitation forestière réalisée dans la périphérie proche (à moins de 500 m) de l’aire de répartition pourrait également contribuer à la destruction de l’habitat essentiel, en raison du comportement d’évitement des perturbations par le caribou de la Gaspésie, qui mène à une perte fonctionnelle d’habitat (voir la définition de « habitat non-perturbé » dans la section 7 du présent document).

Un seul événement peut entraîner la destruction de l’habitat essentiel, quel que soit le moment de l’année.

Développement (p. ex. zones commerciales ou industrielles, exploitation minière, parcs éoliens, zones touristiques)

Les activités de développement sont susceptibles d’entraîner une perte directe, une perte fonctionnelle ou une dégradation de l’habitat de prédilection, soit une destruction de l’habitat essentiel au cœur de l’aire de répartition.

Ces activités peuvent aussi causer une destruction de l’habitat essentiel en menant à une augmentation de la proportion d’habitat perturbé au sein de l’aire de répartition, tant que la cible de plus de 65 % d’habitat non perturbé n’y sera pas atteinte et maintenue.

En lien avec les menaces 1.2, 1.3, 3.2 et 3.3 du système uniforme de classification des menaces de l’UICN (voir la section 4 du présent document).

Au sein du cœur de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, les activités de développement peuvent provoquer la destruction permanente ou temporaire de l’habitat essentiel si elles ont lieu dans l’habitat de prédilection (p. ex. perte directe de sapinières ou de pessières matures, ou de toundra alpine). Si ces activités sont réalisées à proximité de l’habitat de prédilection, elles peuvent aussi mener à sa dégradation (p. ex. chablis causés par la déforestation précédant un développement réalisé à proximité de sapinières ou de pessières matures) ou à une perte fonctionnelle d’habitat, si elles mènent à l’évitement de superficies de l’habitat de prédilection (p. ex. développements menant à l’évitement par le caribou de sapinières ou de pessières matures, ou de toundras alpines).

Au sein de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, ces activités peuvent aussi mener à la destruction permanente ou temporaire de l’habitat essentiel si elles mènent à une augmentation de la proportion d’habitat perturbé, tant qu’un minimum de 65 % d’habitat non perturbé n’y sera pas atteint et maintenu. Une activité de développement réalisée dans la périphérie proche (à moins de 500 m) de l’aire de répartition pourrait également contribuer à la destruction de l’habitat essentiel, en raison du comportement d’évitement des perturbations par le caribou de la Gaspésie, qui mène à une perte fonctionnelle d’habitat (voir la définition de « habitat non-perturbé » dans la section 7 du présent document).

Un seul événement peut entraîner la destruction de l’habitat essentiel, quel que soit le moment de l’année.

Aménagement d’infrastructures linéaires (p. ex. routes, chemins [dont les chemins forestiers], sentiers pour véhicules récréatifs, lignes de services publics)

L’aménagement d’infrastructures linéaires est susceptible d’entraîner une perte directe, une perte fonctionnelle ou une dégradation de l’habitat de prédilection, soit une destruction de l’habitat essentiel au cœur de l’aire de répartition.

Cette activité peut aussi causer une destruction de l’habitat essentiel en menant à une augmentation de la proportion d’habitat perturbé au sein de l’aire de répartition, tant que la cible de plus de 65 % d’habitat non perturbé n’y sera pas atteinte et maintenue. Les infrastructures linéaires sont aussi susceptibles d’augmenter la fragmentation de l’habitat et d’entraîner ainsi une perte de connectivité au sein de la population.

En lien avec les menaces 4.1 et 4.2 du système uniforme de classification des menaces de l’UICN, mais aussi avec d’autres menaces qui sont associées à la création d’infrastructures linéaires (p. ex. menaces 1.2 et 1.3; voir la section 4 du présent document).

Au sein du cœur de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, l’aménagement d’infrastructures linéaires peut provoquer la destruction permanente ou temporaire de l’habitat essentiel s’il a lieu dans l’habitat de prédilection (p. ex. retrait de sapinières ou de pessières matures). Si l’activité est réalisée à proximité de l’habitat de prédilection, elle peut aussi mener à sa dégradation (p. ex. chablis causés par le retrait de la végétation à proximité de sapinières ou de pessières matures, évolution des peuplements en bordure de route vers des peuplements feuillus) ou à une perte fonctionnelle d’habitat, si elle mène à l’évitement de superficies de l’habitat de prédilection (p. ex. évitement de secteurs parcourus par des chemins forestiers).

Au sein de l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, l’activité peut aussi mener à la destruction permanente ou temporaire de l’habitat essentiel si elle mène à une augmentation de la proportion d’habitat perturbé, tant qu’un minimum de 65 % d’habitat non perturbé n’y sera pas atteint et maintenu. L’aménagement d’infrastructures linéaires dans la périphérie proche (à moins de 500 m) de l’aire de répartition pourrait également contribuer à la destruction de l’habitat essentiel, en raison du comportement d’évitement des perturbations par le caribou de la Gaspésie, qui mène à une perte fonctionnelle d’habitat (voir la définition de « habitat non-perturbé » dans la section 7 du présent document).

Un seul événement peut entraîner la destruction de l’habitat essentiel, quel que soit le moment de l’année.

8. Mesure des progrès

Les indicateurs de rendement présentés ci-dessous proposent un moyen de définir et de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition.

Les indicateurs de rendement à long terme du rétablissement du caribou de la Gaspésie sont les suivants :

  1. La superficie de l’aire de répartition actuelle est maintenue ou augmentée si cela est nécessaire.
  2. Une population autosuffisante de caribous est présente au sein de cette aire de répartition.

Le suivi de l’habitat ainsi que de la population jouera un rôle primordial pour obtenir les renseignements nécessaires à l'évaluation de l'efficacité des mesures de rétablissement et afin d’apporter les ajustements nécessaires au cours des 50 prochaines années.

D’ici là, les indicateurs de rendement proximaux sont :

9. Énoncé sur les plans d’action

Un ou plusieurs plans d’action exposant notamment les mesures à prendre pour la mise en œuvre du programme de rétablissement du caribou de la Gaspésie seront publiés dans le Registre public des espèces en péril dans les cinq ans suivant l’affichage de la version finale du présent programme de rétablissement modifié.

10. Références

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Annexe A : Limites de l’habitat du caribou de la Gaspésie, cartographié par le gouvernement du Québec en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune

Annexe - please read long description

Dans la légende de la carte, l’« habitat légal » correspond à l’« habitat LCMVF (HL) - 2011 ».

Source : Équipe de rétablissement du caribou de la Gaspésie, 2018

Description longue

Annexe A montre une carte des limites de l’habitat du caribou de la Gaspésie. Les réserves fauniques de Matane et de Dunière sont montrés, près de Bas-St-Laurent. La Réserve faunique des Chic-Chocs et le Parc National de la Gaspésie sont montrés, dans le nord de la Gaspésie. Les limites de l’habitat légal du caribou de la Gaspésie comprennent l’habitat entre Logan et McGerrigle, soit le Parc National de la Gaspésie.

Annexe B : Évolution de la composition et de la structure du paysage forestier du caribou de la Gaspésie (1998-2009)

Tiré de St-Laurent et coll. (2015b). S’y référer pour obtenir davantage d’information.

Évolution de la surface couverte par les sapinières matures, de la densité moyenne de routes gravelées, ainsi que de la surface de coupes totales et de coupes partielles 0-20 ans entre les paysages forestiers du 3e et du 4e inventaire écoforestier
Échelle spatiale Inventaire écoforestier Surface de sapinière mature (%) Densité moyenne de routes gravelées (km/km2) Surface de coupes totales 0-20 ans (%) Surface de coupes partielles 0-20 ans (%)
HL* 3e inventaire (1998) 58,08 5,57 3,74 0,59
HL* 4e inventaire (2009) 56,38 6,93 2,09 1,06
HL+5km 3e inventaire (1998) 56,57 8,16 5,33 1,92
HL+5km 4e inventaire (2009) 53,88 12,49 5,46 3,95
HL+10km 3e inventaire (1998) 58,83 9,75 6,88 1,86
HL+10km 4e inventaire (2009) 51,41 16,18 8,51 6,09
HL+15km 3e inventaire (1998) 59,86 11,13 7,25 1,99
HL+15km 4e inventaire (2009) 49,03 18,65 10,29 6,84
HL+20km 3e inventaire (1998) 59,77 12,39 7,49 2,26
HL+20km 4e inventaire (2009) 46,94 20,48 11,20 7,01
HL+25km 3e inventaire (1998) 59,21 12,49 7,55 2,71
HL+25km 4e inventaire (2009) 45,41 20,84 11,97 7,27
HL+30km 3e inventaire (1998) 58,27 12,62 7,59 2,64
HL+30km 4e inventaire (2009) 44,54 20,97 11,90 7,55
Bas-Saint-Laurent + Gaspésie 3e inventaire (1998) 46,16 17,50 8,36 1,56
Bas-Saint-Laurent + Gaspésie 4e inventaire (2009) 35,72 23,72 8,84 7,16

* HL correspond à l’ « habitat LCMVF (HL) - 2011 »; la largeur de la zone considérée en périphérie de l’HL est aussi présentée.

Annexe C : Probabilité d’extinction du caribou de la Gaspésie selon différents scénarios

Tiré de Frenette et St-Laurent (2016). S’y référer pour obtenir davantage d’information.

Probabilité d’extinction de la population de caribous de la Gaspésie du secteur des monts McGerrigle et du secteur des monts Albert et Logan sur un horizon de 50 ans, selon six différents scénarios
Numéro Scénario Intensité Probabilité relative d’extinction : Monts McGerrigle Probabilité relative d’extinction : différence par rapport au scénario no 2* Probabilité relative d’extinction : Monts Albert/Logan Probabilité relative d’extinction : différence par rapport au scénario no 2*
no 1 Recrutement actuellement observé Actuel 0,82 -0,53 0,96 -0,24
no 2 Recrutement actuellement estimé Actuel 0,29 0 0,72 0
no 3 Diminution régionale de coyotes -15 % 0,02 0,27 0,44 0,28
no 3 Diminution régionale de coyotes -25 % 0,03 0,26 0,26 0,46
no 3 Diminution régionale de coyotes -35 % 0,00 0,29 0,15 0,57
no 4 Diminution régionale d’orignaux -10 % 0,13 0,16 0,56 0,16
no 4 Diminution régionale d’orignaux -25 % 0,08 0,21 0,57 0,15
no 4 Diminution régionale d’orignaux -50 % 0,24 0,05 0,69 0,03
no 5 Restauration d’habitat (en % de coupes 6-20 ans) Cible de 9 % 0,18 0,11 0,57 0,15
no 5 Restauration d’habitat (en % de coupes 6-20 ans) Cible de 7 % 0,21 0,08 0,73 -0,01
no 5 Restauration d’habitat (en % de coupes 6-20 ans) Cible de 5 % 0,37 -0,08 0,75 -0,03
no 6 Restauration d’habitat et diminution de coyotes

Cible de 9 %

de coupes 6-20 ans

et de -25 % de coyotes

0,01 0,28 0,18 0,54

* La différence entre la probabilité d’extinction pour chaque modèle et celle du modèle utilisant les valeurs de recrutement estimées en conservant les conditions actuelles du système (scénario no2) est présentée à titre d’indicateur de performance de chaque modèle.

Annexe D : Techniques d’atténuation pour éviter la destruction de l’habitat essentiel

Adapté d’Environnement Canada (2012).

La réduction ou l’atténuation des effets négatifs sur le caribou de la Gaspésie liés à un projet proposé peut inclure diverses techniques, notamment l’évitement de la destruction de l’habitat non perturbé ou des caractéristiques biophysiques nécessaires pour les fonctions vitales de l’espèce, la réduction du bruit et de la pollution, ou la réduction au minimum de la perturbation en adaptant sa forme ou en ajustant le moment où elle survient. Le tableau suivant présente des exemples de points à considérer et de techniques de réduction ou d’atténuation possibles au moment de planifier le développement dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie.

Exemples de points à considérer lors de la planification du développement dans l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie, et exemples de techniques de réduction ou d’atténuation possibles
Points à considérer lors de la planification du développement Exemples de techniques de réduction ou d’atténuation possibles
Seuil de perturbation à court et à long terme Réduire au minimum l’empreinte du développement en envisageant l’utilisation de zones où l’habitat est déjà perturbé; restaurer l’habitat de manière à assurer la disponibilité d’habitat non perturbé au fil du temps.
Facteurs écologiques Éviter de détruire les caractéristiques biophysiques.
Configuration spatiale Réduire au minimum les perturbations en ajustant la configuration (p. ex. petit polygone plutôt que configuration linéaire).
Perturbations sensorielles Atténuer le bruit, la luminosité, les odeurs et les vibrations pour éviter le harcèlement du caribou.
Pollution Réduire la pollution à l’aide d’épurateurs ou d’autres techniques.
Moment des perturbations Certains types de perturbations pourraient survenir seulement pendant les saisons où le caribou de la Gaspésie n’utilise pas une zone donnée ou ne répond pas négativement à l’activité menée.
Effets induits De nouvelles voies d’accès dans des zones auparavant non perturbées pourraient entraîner de nouvelles perturbations en ouvrant le territoire à d’autres projets d’aménagement, à une utilisation récréative, etc. Cela pourrait être évité à l’aide d’un plan de gestion de l’accès comprenant des limites d’accès, la fermeture de routes, etc.
Corridors favorisant les déplacements des prédateurs L’incidence peut être réduite à l’aide de techniques qui préviennent l’utilisation des corridors par les prédateurs (aucun compactage de la neige, reboisement immédiat, etc.).
Augmentations des populations de prédateurs ou d’autres proies Des techniques de gestion de la mortalité pourraient être envisagées où l’abattage de prédateurs pourrait constituer une option nécessaire de dernier recours, mise en œuvre de manière temporaire, en combinaison avec la restauration de l’habitat.

Annexe E : Effets sur l’environnement et sur les espèces non ciblées

Une évaluation environnementale stratégique (EES) est effectuée pour tous les documents de planification du rétablissement en vertu de la LEP, conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmesNote de bas de page 35. L’objet de l’EES est d’incorporer les considérations environnementales à l’élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour appuyer une prise de décisions éclairée du point de vue de l’environnement, et d’évaluer si les résultats d’un document de planification du rétablissement peuvent affecter un élément de l’environnement ou tout objectif ou cible de la Stratégie fédérale de développement durableNote de bas de page 36 (SFDD).

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que des programmes peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés. Les résultats de l’EES sont directement inclus dans le programme lui-même, mais également résumés ci-dessous.

La possibilité que ce programme de rétablissement produise par inadvertance des effets négatifs sur l’environnement et sur d’autres espèces a été envisagée. Par exemple, les activités de rétablissement incluent des activités de contrôle du coyote et de l’ours noir. Cependant, considérant les effectifs des populations de ces deux espèces en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, et le fait que les activités de contrôle sont présentement circonscrites dans une partie de l’aire de répartition, l’impact de ces activités sur ces espèces n’est pas jugé significatif à l’échelle de ces deux régions administratives. Le piégeage des prédateurs est effectué par des professionnels (p. ex. ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs; Société des établissements de plein air du Québec), selon des normes rigoureuses. Ces dernières comprennent l’utilisation de pièges qui rendent impossible la capture de caribous, et qui réduisent les prises accidentelles d’autres espèces.

De façon globale, les stratégies générales pour le rétablissement qui sont énoncées dans ce programme de rétablissement devraient avoir un effet positif sur toute la flore et la faune présente dans les habitats de l’espèce cible qui est autant associée à la toundra alpine qu’au milieu forestier. Il est à noter que l’aire de répartition du caribou de la Gaspésie est reconnue comme un point chaud de diversité biologique au Québec (Tardif et coll., 2005). En effet, plusieurs espèces végétales en situation précaire s’y trouvent. Il y a d’abord le saule à bractées vertes (Salix chlorolepis) et le polystic des rochers (Polystichum scopulinum), qui sont des espèces inscrites comme menacées à l’annexe 1 de la LEP. Ces deux espèces, de même que l’aspidote touffue (Aspidotis densa), la minuartie de la serpentine (Minuartia marcescens) et la verge d’or simple à bractées vertes (Solidago simplex subsp. simplex var. chlorolepis) sont des espèces désignées menacées au Québec en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. L’aire de répartition du caribou inclut aussi des espèces végétales susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables au Québec comme l’adiante des Aléoutiennes (Adiantum aleuticum), le chardon mutique, variété des montagnes (Cirsium muticum var. monticolum) et la fétuque du mont Alta (Festuca altaica). L’aire de répartition du caribou de la Gaspésie est également utilisée par plusieurs espèces d’oiseaux en péril. En effet, les espèces suivantes sont inscrites à l’Annexe 1 de la LEP : grive de Bicknell (Catharus bicknelli) - espèce menacée, arlequin plongeur (Histrionicus histrionicus), population de l’Est - espèce préoccupante, garrot d’Islande (Bucephala islandica), population de l’Est - espèce préoccupante. Ces espèces sont également désignées comme espèces vulnérables en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, tout comme l’aigle royal (Aquila chrysaetos) et le pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus).

Pour l’instant, rien ne permet de croire que le rétablissement du caribou de la Gaspésie puisse représenter une menace significative pour ces espèces. Toutefois, le caribou de la Gaspésie fréquente les secteurs où croît le saule à bractées vertes. Cette espèce est susceptible d’être piétinée et broutée par le caribou (Environnement Canada, 2011b). Il n’est cependant pas possible de connaître l’impact de ce piétinement pour l’instant. Concernant le broutement, bien que le caribou des bois soit reconnu pour s’alimenter de feuilles et de ramilles de saules, l’importance de la consommation du saule à bractées vertes n’est pas connue. Ces deux menaces potentielles semblent relativement limitées, puisqu’elles ne sont pas identifiées dans le rapport du COSEPAC (2006) sur le saule à bractées vertes au Canada.

En conclusion, les informations disponibles actuellement tendent à confirmer que le présent programme de rétablissement n’entraînera pas d’effets négatifs significatifs sur l’environnement ou sur d’autres espèces.

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