Programme de rétablissement du cisco à museau court au Canada [proposition] : Menaces

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Tableau 1. Tableau de l'évaluation des menaces
Menaces/attributs Niveau de préoccupationNote de bas de page a Étendue Existence Fréquence AmpleurNote de bas de page b Certitude causaleNote de bas de page c
Perturbation de l'écosystème : Espèces envahissantes, changements de l'habitat Élevé Très répandue Passée/actuelle Continue Inconnue Inconnue
Hybridation : Hybridation introgressive Élevé Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue
Surexploitation (menace passée ayant contribué au déclin, mais qui ne touche plus l'espèce) : Pêches commerciales aux cyprinidés Élevé Très répandue Passée Continue Grande Grande

La surexploitation, la perturbation de l'écosystème et l'hybridation introgressive ont contribué au déclin du cisco à museau court (Smith 1964 et 1967, Berst et Spangler 1973, Todd et Stedman 1989, Parker 1988, COSEPAC 2005).

Comme il y a lieu de croire que le cisco à museau court est une espèce disparue et qu'il n'en existe plus de population viable, cette espèce n'est désormais plus touchée par la menace de surexploitation posée par les pêches commerciales, qui a contribué à son déclin. Si une telle menace de surexploitation n'est plus qu'une histoire du passé, elle pourrait bien revenir dans l'actualité si les pêches commerciales aux cyprinidés reprennent à l'avenir.

Des menaces déjà reconnues, celle de la surexploitation due aux pêches commerciales aux cyprinidés est probablement celle qui a eu les répercussions les plus immédiates et les plus importantes sur le cisco à museau court (Smith 1968, Christie 1973, Wells et McLain 1973, Parker 1988, COSEPAC 2005). Dans le lac Ontario, l'espèce était abondante dans les années 1880 (Pritchard 1931), mais, dans les années 1930, ces pêches s'étaient déjà effondrées (Gray 1979). La dernière présence de cette espèce dans le lac Ontario a été consignée en 1964 (Gray 1979, Parker 1988, COSEPAC 2005). Un modèle similaire de surexploitation a été observé dans les lacs Michigan et Huron; la dernière présence de l'espèce à ces endroits a été consignée, respectivement, en1974 et en 1985 (Webb et Todd 1995). La surexploitation et l'effondrement éventuel de la population du cisco à museau court se sont produits suivant le modèle de la disparition des autres communautés de ciscos des profondeurs dans les Grands Lacs, dont le cisco des profondeurs (C. johannae), le cisco à mâchoires égales (C. zenithicus), le cisco à nageoires noires (C. nigripinnis), le kiyi (C. kiyi) et le bouffi (C. hoyi) (Smith 1968, Wells et McLain 1972, Todd et Smith 1992).

Les pêches commerciales aux cyprinidés, qui englobaient à l'époque le cisco à museau court, ont cessé définitivement dans les eaux canadiennes des lacs Huron et Ontario (L. Mohr, communication personnelle). Le niveau de préoccupation quant à la surexploitation a été déterminé comme étant élevé pour les pêches dans le passé, et il en demeurerait ainsi s'il y en avait encore des populations viables et si des pêches aux cyprinidés avaient encore cours. Pendant les années où elles se pratiquaient, les pêches commerciales étaient fort répandues. Elles sont demeurées ininterrompues à partir du milieu des années 1800 au moins, et elles ont eu leur plus forte incidence avant les années 1970. Leur incidence a toujours été élevée dans le passé, et il en est allé de même pour leur degré de certitude causale (Stone 1944, Smith 1964, Wells et McLain 1972, Berst et Spangler 1973, Parker 1988, Webb et Todd 1995, COSEPAC 2005). L'un des graves problèmes associés aux pêches commerciales aux cyprinidés tenait au fait de l'absence d'une gestion de ces pêches qui soit axée sur les différentes espèces. Après que les espèces les plus grosses aient été retirées de façon sélective, la taille des engins a été réduite afin de cibler les plus petits individus, et de maintenir ainsi les pêches dans leur ensemble (Stone 1944, Smith 1964). Cette pratique a conduit au retrait séquentiel des pêches aux plus petites espèces, puis, dans certains cas, à l'effondrement éventuel des pêches dans leur ensemble (Smith 1964, Smith 1968, Wells et McLain 1972, Parker 1988).

La perturbation de l'écosystème a pour origine de nombreux facteurs de stress, dont les changements subis par les habitats aquatiques et côtiers, les espèces envahissantes, la contamination, les changements dans les communautés biotiques, l'exploitation des ressources, l'utilisation des terres ou la couverture végétale et les changements climatiques. Le plus important de ces facteurs de stress pour le cisco à museau court est probablement l'introduction des espèces envahissantes (Brown et coll. 1987). À l'heure actuelle, plus de 185 espèces aquatiques envahissantes subsistent dans les Grands Lacs et de nouvelles introductions futures sont probables (Environnement Canada et US Environmental Protection Agency 2009).

On soupçonne que la lamproie (Petromyzon marinus), qui est un prédateur, a contribué à l'effondrement de différentes populations de poissons, dont le cisco à museau court (Smith 1968, Berst et Spangler 1973). La rivalité ou la prédation attribuable aux espèces envahissantes, comme le gaspareau (Alosa pseudoharengus) et l'éperlan arcen-ciel (Osmerus mordax), peut avoir contribué au déclin de la population, ou du moins, peut avoir empêché son rétablissement (Berst et Spangler 1972, Wells et McLain, Parker 1989). L'établissement récent des moules Dreissena dans les Grands Lacs et le déclin simultané du benthique amphipode du genre Diporeia pourraient également avoir touché de façon considérable les communautés biotiques des Grands Lacs (Dermot et Kerec 1997, Nalepa et coll. 1998, Lozano et coll. 2001, Mills et coll 2003, Dobiesz et coll. 2005, Nalepa et coll. 2006, NOAA 2006, Riley et coll. 2008, Environnement Canada et US Environmental Protection Agency 2009). Le degré auquel cela aurait pu toucher l'espèce de cisco des profondeurs, qui dépend du Diporeia pour se nourrir, est inconnu. Les changements subis par l'habitat, dont l'eutrophisation, la pollution et la dégradation, ont également été considérés en tant que facteurs ayant restreint le rétablissement de la population des ciscos des profondeurs (Wells et McLain 1972, Colby et coll. 1972, Christie 1973, Parker 1988). On en sait peu sur les conséquences pour le cisco à museau court des autres facteurs de stress subis par l'écosystème énumérés ci-dessus. Le niveau de préoccupation déterminé quant à la perturbation de l'écosystème est élevé puisque cet élément aurait probablement empêché, ou a empêché, le rétablissement du cisco à museau court même si la surexploitation, qui est la menace principale, avait été éliminée ou atténuée. L'ampleur de la perturbation de l'écosystème est décrite comme étant répandue à la grandeur des lacs Ontario, Michigan et Huron, là où vivait le cisco à museau court. La perturbation de l'écosystème s'est produite par le passé et se poursuit toujours; sa fréquence est déterminée comme étant continue. La gravité et la certitude causale sont indéterminées puisque la plupart des populations de ciscos à museau court étaient déjà en baisse en raison de la surexploitation, et parce qu'aucune étude n'a été conduite pour déterminer quelles ont été spécifiquement les répercussions de l'écosystème sur le cisco à museau court.

L'hybridation introgressive entre le cisco à museau court et les autres ciscos des profondeurs a été considérée comme étant un facteur ayant accéléré l'extinction de l'espèce (Smith 1964, Todd et Stedman 1989, Webb et Todd 1995). Smith (1964) indique une croissance apparente de formes uniques et différentes de cyprinidés dans le lac Michigan, selon les remarques des pêcheurs locaux, et il laisse entendre que les stocks futurs de ciscos pourraient être différents de ceux observés par le passé. Le manque de références sur la génétique des espèces de cisco rend cette menace difficile à valider. C'est pourquoi tous les attributs de cette menace sont considérés comme étant inconnus, sauf pour le niveau de préoccupation qui est déterminé comme étant élevé, selon les références historiques.

La Loi sur les espèces en péril (LEP) définit l'habitat d'une espèce aquatique comme suit :

Toujours selon la LEP, l'habitat essentiel est défini comme suit :

On en sait peu sur les exigences en matière d'habitat du cisco à museau court. Nous savons que l'espèce vivait dans les eaux modérément profondes des lacs Ontario (22 à 92 m), Michigan (37 à 110 m) et Huron (37 à 92 m) [COSEPAC 2005]. Selon son régime alimentaire, il vivait là où il pouvait se nourrir de crustacés d'eaux douces du genre Mysis diluviana et Diporiea (Parker 1988, COSEPAC 2005). Naumann et Crawford (2009) ont conclu que définir l'habitat essentiel des espèces de poissons rares et dont la taxonomique est incertaine, comme le cisco à mâchoires égales du lac Huron qui est étroitement connexe, est impossible en raison de la rareté des apparitions et du besoin de considérer des facteurs importants au niveau physique et biologique autres que la profondeur des eaux. Le manque d'information propre à l'espèce sur les exigences biologiques et historiques du cisco à museau court aurait empêché l'identification de l'habitat essentiel à ce moment. De plus, l'extinction présumée du cisco à museau court porte à croire que la survie ou le rétablissement de l'espèce n'est pas possible, de sorte que la notion d'habitat essentiel au sens de la LEP est inopérante.

La conservation ou le rétablissement du cisco à museau court est impossible, comme l'indiquent les évaluations du COSEPAC, puisque l'espèce n'a pas été repérée depuis 25 ans dans les lacs où elle vivait. Cependant, la collecte d'un seul spécimen de ces emplacements ou de tout autre emplacement représenterait un espoir pour l'espèce. Donc, tout effort de conservation de l'espèce serait d'abord porté sur la confirmation de son état actuel par le biais de programmes d'études, de gestion et de recherches.

Malgré des efforts de pêche et d'échantillonnage considérables, la dernière apparition du cisco à museau court s'est produite dans le lac Huron, en 1985. Avant cette date, l'observation du cisco à museau court était rare et il ne s'agissait que de quelques spécimens par année (Webb et Todd 1995, COSEPAC 2005). En raison de sa rareté historique et de la période de temps écoulé depuis sa dernière apparition, l'espèce est probablement éteinte. Cependant, les efforts de documentation devraient se poursuivre pour toute apparition de l'espèce. Toute personne visant les ciscos des profondeurs, dont les pêcheurs commerciaux et les équipes de recherche ou d'évaluation, doit savoir que la faible possibilité existe d'observer le cisco à museau court et on doit leur fournir des renseignements de base ainsi qu'un guide d'identification pour les aider à distinguer cette espèce des autres ciscos coexistants. On doit déterminer à l'avance des protocoles adéquats et des autorités scientifiques pour aider à identifier et à archiver l'échantillon, dans l'éventualité où l'espèce apparaîtrait de nouveau.

La surexploitation dans les Grands Lacs a accéléré l'effondrement du cisco à museau court, et a probablement empêché son rétablissement, en raison de la gestion qui n'était pas spécifique et de la pêche aux cyprinidés qui visait cette espèce. C'est pourquoi tout effort de conservation du cisco à museau court devrait probablement viser la pêche aux cyprinidés en soi. Jusqu'à ce que son existence soit confirmée, aucune mesure de gestion propre au cisco à museau court n'est recommandée. Cependant, le cisco à museau court est l'une des nombreuses espèces de ciscos des profondeurs des Grands Lacs a être considérées comme étant « en péril » par le COSEPAC, dont le cisco des profondeurs (espèce éteinte), le cisco à mâchoires égales (espèces menacées), le cisco à nageoires noires (espèces menacées)Note de bas de page 1 et le Kiyi (espèce dont l'état est préoccupant), il serait donc judicieux d'élaborer des plans de gestion visant la conservation de l'ensemble des espèces de ciscos. Une surveillance périodique des prises de pêches aux cyprinidés commerciales aiderait à confirmer l'état du cisco à museau court.

La difficulté à distinguer les bancs d'espèces individuels dans les profondeurs des Grands Lacs, ainsi que le manque de connaissances quant à leur historique et leurs exigences en matière d'habitat en résultant, ont fortement entravé les efforts de gestion efficace et de protection de ces espèces. Donc, les recherches pour résoudre les incertitudes en matière de taxonomie empêchant l'identification des espèces individuelles, dont le cisco à museau court, doivent se poursuivre. De nouvelles technologies et des approches innovantes, particulièrement dans le domaine de la génétique, offrent le potentiel de surmonter certaines des barrières pour l'identification découlant des approches traditionnelles en matière de taxonomie.

Pour ce qui est des nouvelles apparitions de cisco à museau court, certaines recherches récentes basées sur des analyses d'isotopes stables provenant des spécimens archivés du lac Supérieur (Schmidt et coll. 2009) indiquent qu'il existe des différences claires au niveau de la niche trophique entre les espèces autrefois appelées cisco à museau court et cisco à mâchoires égales. L'espèce précédemment identifiée comme étant le cisco à museau court des lacs Supérieur et Nipigon a été associée au cisco à mâchoires égales dans les années 1980 (Todd 1980, Todd et Smith 1980). Bien que l'analyse d'isotopes stables ne constitue pas un jugement définitif, elle laisse entendre que l'état du cisco à museau court du lac Supérieur devrait faire l'objet d'une enquête plus poussée. D'autres analyses d'isotopes stables et des examens génétiques du cisco à mâchoires égales du lac Supérieur pourraient aider à déterminer si ces populations comprennent, ou comprenaient, le cisco à museau court.

Afin d'appuyer les mesures décrites dans cette section, il est recommandé de procéder à des examens des collectes de ciscos par l'intermédiaire de sondages continus de la Commission Géologique des États-Unis, et de programmes de surveillance du cisco à museau court et d'autres espèces de ciscos des profondeurs du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario et de Pêches et Océans Canada.

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