Grand requin blanc (Carcharodon carcharias), population de l’Atlantique : programme de rétablissement 2025

Titre officiel : Programme de rétablissement du grand requin blanc (Carcharodon carcharias) dans les eaux canadiennes de l’Atlantique

Dessin
Grand requin blanc (population de l’Atlantique)
Information sur le document

Référence recommandée :

Pêches et Océans Canada. 2025. Programme de rétablissement du grand requin blanc (Carcharodon carcharias) dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada, Ottawa. vi + 50 p.

Pour télécharger le présent programme de rétablissement ou pour obtenir un complément d’information sur les espèces en péril, y compris les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), les descriptions de résidence, les plans d’action et d’autres documents connexes sur le rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.

Illustration de la couverture : Jeffrey C. Domm

Also available in English under the title:
“Recovery Strategy for White Shark (Carcharodon carcharias) in Atlantic Canadian Waters”

© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, représenté par la ministre des Pêches, 2025. Tous droits réservés.
No 978-0-660-77300-1
No de catalogue En3-4/381-2025F-PDF

Le contenu du présent document (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.

Préface

En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’adopter une législation et des programmes complémentaires qui assureront la protection des espèces en péril partout au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration des programmes de rétablissement pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées, et sont tenus de rendre compte des progrès réalisés dans les 5 ans suivant la publication du document final dans le Registre public des espèces en péril, puis tous les 5 ans après ça.

La ministre des Pêches est la ministre compétente, en vertu de la LEP, à l’égard du grand requin blanc (population de l’Atlantique) et a élaboré le présent programme de rétablissement, conformément à l’article 37 de la LEP. Aux fins de l’élaboration du Programme, la ministre compétente a tenu compte, conformément à l’article 38 de la LEP, de l’engagement qu’a pris le gouvernement du Canada de conserver la diversité biologique et de respecter le principe selon lequel, s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à l’espèce sauvage inscrite, l’incertitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour retarder la prise de mesures efficaces pour prévenir sa disparition ou sa décroissance. Dans la mesure du possible, le programme de rétablissement a été préparé en collaboration avec d’autres ministères fédéraux, des gouvernements provinciaux, des organisations autochtones et toute autre personne ou organisation, en vertu du paragraphe 39(1) de la LEP.

Comme l’indique le préambule de la LEP, la réussite du rétablissement de l’espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de parties concernées qui participeront à la mise en œuvre des mesures formulées dans le présent programme. Cette réussite ne pourra pas reposer seulement sur Pêches et des Océans Canada (MPO), ou sur toute autre autorité responsable. Les coûts associés à la conservation des espèces en péril sont partagés entre les différentes autorités responsables. Les Canadiens et les Canadiennes sont invités à appuyer ce programme et à contribuer à sa mise en œuvre pour le bien du grand requin blanc (population de l’Atlantique) et de l’ensemble de la société canadienne.

Le présent programme de rétablissement sera suivi de 1 ou de plusieurs plans d’action qui présenteront de l’information sur les mesures de rétablissement qui doivent être prises par le MPO et d’autres autorités responsables et/ou organisations participant à la conservation de l’espèce. La mise en œuvre du présent programme est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des autorités responsables et organisations participantes.

Remerciements

Le MPO souhaite remercier les nombreuses personnes qui ont apporté leur précieuse contribution à l’élaboration du présent programme de rétablissement.

Sommaire

Au Canada, le grand requin blanc (Carcharodon carcharias), population de l’Atlantique, a été inscrit à titre d’espèce en voie de disparition à la Loi sur les espèces en péril (LEP) en 2011. Le présent programme de rétablissement fait partie d’une série de documents consacrés à cette espèce qui devraient être pris en considération ensemble, notamment les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) (COSEPAC, 2006; 2021), l’évaluation du potentiel de rétablissement (EPR) (MPO, 2006 (PDF, 62 mo)), l’évaluation de l’étendue des dommages admissibles (MPO, 2017) et le plan d’action (à venir). La possibilité de rétablissement du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique est inconnue. Conformément au principe de précaution, un programme de rétablissement a été élaboré comme il convient de faire lorsque le rétablissement est déterminé comme étant réalisable.

À l’échelle mondiale, le grand requin blanc est une espèce rare, bien que sa présence soit plus fréquente dans certaines régions et qu’il soit largement réparti dans les mers subtropicales et tempérées. L’espèce est répartie le long de la côte nord-américaine de l’Atlantique, surtout depuis le Massachusetts jusqu’au New Jersey en été, et au large de la Floride en hiver. Les mentions de grands requins blancs dans les eaux canadiennes de l’AtlantiqueNote de bas de page 1 sont relativement rares et, le plus souvent, les observations ont lieu de juin à septembre.

La mortalité anthropique constitue la principale menace pesant sur le grand requin blanc. L’espèce est capturée à titre de prise accessoire dans le cadre de la pêche commerciale et elle est prisée par les pêcheurs sportifs. En outre, ses parties, surtout ses mâchoires, ses dents et ses nageoires, font l’objet d’un commerce international lucratif. Le rétablissement du grand requin blanc est limité par sa faible abondance naturelle, sa faible capacité reproductive, sa croissance lente et sa maturation tardive; tous ces facteurs contribuent à sa faible productivité générale (Bowlby et Gibson, 2020).

La taille de la population de grands requins blancs dans l’Atlantique Nord-Ouest est inconnue. Des études indiquent que la population aurait connu un déclin allant jusqu’à 86 % au cours des années 1970 et 1980 (Baum et al., 2003; McPherson et Myers, 2009; Curtis et al., 2014). Selon des données plus récentes, il y aurait eu une augmentation de l’abondance après la mise en œuvre de mesures de conservation pendant les années 1990 (Curtis et al., 2014). Malgré cette tendance positive, les estimations de l’abondance de la population demeurent inférieures aux estimations de 1961 et la vulnérabilité des populations de grands requins blancs aux menaces anthropiques soulève des préoccupations quant au rétablissement de l’espèce.

Les stratégies générales à adopter pour répondre aux menaces pesant sur la survie et le rétablissement de l’espèce, de même que les approches de gestion et de recherche nécessaires à l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition sont décrites à la section 7. Celles-ci orienteront l’élaboration de mesures de rétablissement spécifiques dans 1 ou plusieurs plans d’action.

La désignation de l’habitat essentiel du grand requin blanc n’est pas possible pour le moment, car on ne dispose pas d’information suffisante. Le calendrier des études indique les recherches requises pour désigner l’habitat essentiel en vue d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition établis pour l’espèce (section 8).

Les interactions accidentelles avec le grand requin blanc au cours des activités suivantes sont exemptées par le programme de rétablissement (section 10 du présent document) :

De plus, les interactions directes avec le grand requin blanc au cours des activités suivantes sont exemptées par le programme de rétablissement :

Une proposition de plan d’action sera élaborée dans les 5 ans suivant la publication de la version finale du programme de rétablissement.

Résumé du caractère réalisable du rétablissement

Il est difficile d’évaluer la faisabilité du rétablissement des segments de la population de grands requins blancs de l’Atlantique Nord-Ouest qui utilisent les eaux canadiennes de l’Atlantique, car elle dépend du rétablissement global de la population dans l’ensemble de son aire de répartition ainsi que de l’influence des conditions océaniques sur les profils de déplacement. Si les changements climatiques peuvent mener à la dégradation de l’habitat du grand requin blanc à l’échelle mondiale, ils peuvent aussi améliorer la qualité de l’habitat dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, où l’abondance de l’espèce augmenterait (Bastien et al., 2020). À l’inverse, si la population devait connaître un déclin, comme ce fut le cas par le passé (Baum et al., 2003; McPherson et Myers, 2009), les déplacements vers l’extrémité nord de son aire de répartition pourraient devenir moins fréquents, ce qui réduirait le nombre d’occurrences dans les eaux du Canada atlantique.

D’après les 4 critères suivants, établis dans les politiques prises en vertu de la LEP (Gouvernement du Canada, 2009), le caractère réalisable du rétablissement du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique est inconnu. Conformément au principe de précaution, un programme de rétablissement a été élaboré en vertu du paragraphe 41(1) de la LEP, comme il convient de le faire lorsque le rétablissement est déterminé comme étant réalisable. Le présent programme de rétablissement traite des inconnues entourant le caractère réalisable du rétablissement.

1. Des individus de l’espèce sauvage capables de se reproduire sont disponibles maintenant ou le seront dans un avenir prévisible pour maintenir la population ou augmenter son abondance.

Réponse : Oui.

À l’heure actuelle, des individus capables de se reproduire sont disponibles pour contribuer à la croissance et à l’abondance de la population dans les eaux américaines (Casey et Pratt, 1985; Curtis et al., 2014). Les grands requins blancs vivant dans les eaux canadiennes ne devraient pas être distincts ou séparés de la population étendue de l’Atlantique Nord-Ouest (COSEPAC, 2021).

2. Une superficie suffisante d’habitat convenable est disponible pour soutenir l’espèce, ou pourrait être rendue disponible par des activités de gestion ou de remise en état de l’habitat.

Réponse : Oui.

Le grand requin blanc est présent dans des eaux tempérées et tropicales; son aire de répartition est vaste et comprend des eaux côtières et pélagiques (extracôtières) (Compagno, 2001). Dans l’ouest de l’Atlantique, de grands requins blancs ont été observés depuis les eaux de Terre-Neuve-et-Labrador jusqu’au golfe du Mexique (Casey et Pratt, 1985; Skomal et al., 2012; Skomal et al., 2017; Curtis et al., 2014). D’après la surveillance électronique, environ 25 % de la population utilise les eaux canadiennes (Bowlby et al., 2022). Le grand requin blanc est un prédateur généraliste capable de réguler partiellement sa température corporelle (Compagno, 2001), une caractéristique qui lui permet de vivre dans diverses conditions environnementales.

3. Les principales menaces pesant sur l’espèce ou son habitat (y compris les menaces à l’extérieur du Canada) peuvent être évitées ou atténuées.

Réponse : Oui.

Dans l’Atlantique Nord-Ouest, les prises accessoires de grands requins blancs dans les pêches américaines semblent être la source de mortalité la plus importante (Santana-Morales et al,. 2012; Curtis et al., 2014). Les prises accessoires de grands requins blancs sont documentées dans les pêches à engins fixes et mobiles (par exemple, les filets-trappes, les filets maillants et les chaluts à panneaux). Dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, la mortalité fortuite par pêche est la principale source de mortalité documentée (voir plus de précisions à la section 5.2.2). Même s’il est vrai que les déclarations incomplètes et la mauvaise identification de l’espèce peuvent fausser les données disponibles, les enregistrements de prises accessoires de grands requins blancs causant la mortalité de cette espèce sont très rares dans les eaux canadiennes (MPO, 2017).

Le rétablissement d’une espèce largement répartie comme le grand requin blanc est difficile lorsque la gestion est partagée par plusieurs pays. Les efforts canadiens peuvent contribuer au rétablissement et à la protection de la population de grands requins blancs de l’Atlantique Nord Ouest; cependant, la collaboration avec d’autres instances est primordiale pour le rétablissement. La collaboration avec les États-Unis; d’autres nations; des organisations internationales, comme la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique; des organisations régionales de gestion des pêches; et l’Union internationale pour la conservation de la nature peut continuer à faciliter l’élaboration et la mise en œuvre de mesures d’atténuation et de gestion contribuant au rétablissement de cette population à l’extérieur du Canada.

Des conditions actuelles des permis de pêche, exigeant entre autres la remise à l’eau des grands requins blancs capturés accidentellement, si possible, et le soutien à l’atténuation des menaces, sont requises dans le cadre de l’exemption décrite à la section 10 du présent programme de rétablissement. Une autre condition d’exemption est la déclaration obligatoire des prises accessoires dans un document de surveillance approuvé par le MPO, conformément à la LEP. Ce document fournira des renseignements pour mieux comprendre la menace posée par les prises accessoires et soutenir le rétablissement. En outre, les activités de recherche et de suivi amélioreront les connaissances sur la biologie, l’écologie et la répartition saisonnière du grand requin blanc, ce qui orientera les mesures de gestion et d’atténuation supplémentaires.

Les effets des changements climatiques sur le grand requin blanc sont mal compris, mais ces derniers pourraient modifier l’aire de répartition de l’espèce dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. La menace associée aux changements climatiques qui pèse sur l’espèce ne peut pas être atténuée à l’échelle régionale; cependant, elle n’est pas considérée comme étant une menace principale pour l’espèce.

4. Des techniques de rétablissement existent pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition ou pourront être élaborées dans un délai raisonnable.

Réponse : Inconnu.

Les données accessibles sont insuffisantes pour étayer les modèles traditionnels d’évaluation des pêches qui peuvent être utilisés afin de déterminer les objectifs quantitatifs d’abondance et les objectifs en matière de population et de répartition pour les espèces en péril (MPO, 2006). Pour pallier cette lacune, le présent programme de rétablissement comporte 1 but de rétablissement qualitatif qui sera utilisé jusqu’à ce que des données suffisantes soient disponibles pour l’élaboration d’objectifs en matière de population et de répartition. À mesure que de nouveaux renseignements sur les menaces et leur atténuation deviendront disponibles, il sera normalement possible d’élaborer davantage de mesures de gestion et de techniques de rétablissement ciblées au Canada afin de réduire la mortalité due aux menaces anthropiques de l’espèce.

1 Introduction

Le grand requin blanc (Carcharodon carcharias), population de l’AtlantiqueNote de bas de page 2, a été inscrit à titre d’espèce en voie de disparition à la Loi sur les espèces en péril (LEP) en 2011.

Le présent programme de rétablissement fait partie d’une série de documents consacrés au grand requin blanc (population de l’Atlantique) qui devraient être pris en considération ensemble, notamment les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) (COSEPAC, 2006; 2021), l’évaluation du potentiel de rétablissement (EPR) (MPO, 2006 (PDF, 62 ko)), l’évaluation de l’étendue des dommages admissibles (MPO, 2017), et le ou les plans d’action subséquents. Le programme de rétablissement est un document de planification qui énonce ce qui doit être fait pour arrêter ou renverser le déclin d’une espèce. Il établit les objectifs et indique les principaux champs des activités à entreprendre. La planification détaillée du rétablissement de l’espèce se fait à l’étape suivante, soit celle du plan d’action.

L’EPR est un processus entrepris par Pêches et Océans Canada (MPO) dans le but de fournir l’information et les avis scientifiques nécessaires à la mise en œuvre de la LEP en s’appuyant sur la meilleure information scientifique accessible, l’analyse et la modélisation des données ainsi que sur des opinions d’experts. Le résultat de ce processus permet d’étayer bon nombre de sections du programme de rétablissement. Pour obtenir des renseignements plus détaillés qui vont au-delà de ce qui est présenté dans le présent programme de rétablissement, veuillez consulter les rapports de situation du COSEPAC (COSEPAC, 2006; 2021) et l’EPR (MPO, 2006).

2 Évaluation de l’espèce par le COSEPAC

Date de l’évaluation : Avril 2021

Nom commun (population) : Grand requin blanc (population de l’Atlantique)

Nom scientifique : Carcharodon carcharias

Statut : En voie de disparition

Justification de la désignation : Cette espèce très mobile est une espèce migratrice saisonnière dans les eaux canadiennes de l’Atlantique et fait partie d’une population étendue de l’Atlantique Nord-Ouest. Le statut de la population canadienne est considéré comme étant le même que celui de la vaste population de l’Atlantique Nord-Ouest, qui aurait diminué de plus de 70 % au cours de la dernière génération et demie (depuis les années 1960) en raison de la mortalité accidentelle causée par les pêches. Cependant, la population semble être demeurée stable depuis les années 1990 et devrait le demeurer ou augmenter légèrement. Malgré la mise en place de mesures visant à améliorer les pratiques de pêche, la mortalité causée par les prises accessoires dans les pêches continue d’être la principale menace pesant sur l’espèce. L’espèce est encore vulnérable à cette menace en raison de sa longue durée de génération (42 ans) et de son faible taux de reproduction.

Répartition : Océan Atlantique, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse, Québec

Historique du statut : Espèce désignée « en voie de disparition » en avril 2006. Réexamen et confirmation du statut en mai 2021.

3 Information sur la situation de l’espèce

Le grand requin blanc est reconnu mondialement comme une espèce en péril depuis plusieurs décennies. Le tableau 1 présente un résumé des diverses désignations attribuées à l’espèce. Cette liste n’est pas exhaustive et les désignations présentées ne sont pas toutes associées à des interdictions juridiquement contraignantes visant à protéger l’espèce. De plus amples renseignements sur la protection accordée au grand requin blanc à l’échelle nationale se trouvent dans les documents de Bruce (2008) et de Santa-Morales et al. (2012).

Tableau 1. Résumé de la protection actuelle et des autres désignations attribuées au grand requin blanc. Le contenu du tableau reflète les années d’évaluation les plus récentes et pourrait ne pas mentionner les désignations antérieures.
Autorité responsable Administration/organisation Année Désignation/statut Niveau de désignation
Canada Loi sur les espèces en péril
L.C. 2002, ch. 29
2011 Inscrit à l’annexe 1 de la LEP à titre d’espèce en voie de disparition Population
Canada Comité sur la situation des espèces en péril au Canada 2006, 2021 Désigné en voie de disparition Population
États-Unis Magnuson-Stevens Fishery Conservation Act – Atlantic Highly Migratory Species Fishery Management Plan 1997 Inscrit à la liste des espèces dont la pêche est interdite Population
Pays de la Méditerranée Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe 1982 Inscrit à l’annexe III Population
Communauté internationale Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) 1982 Inscrite à l’annexe I Espèce
Communauté internationale Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage 2007 Inscrit aux annexes I et II Espèce
Communauté internationale Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction 2005 Inscrit à l’annexe II Espèce
Communauté internationale Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature 2018 Désigné vulnérable Espèce

Depuis son inscription à titre d’espèce en voie de disparition (2011), le grand requin blanc (population de l’Atlantique) est protégé partout où il se trouve par l’article 32 de la LEP :

« Il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre. » [paragraphe 32(1)]

« Il est interdit de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu — notamment partie d’un individu ou produit qui en provient — d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée. » [paragraphe 32(2)]

En vertu de l’article 73 de la LEP, le ministre compétent peut conclure un accord ou délivrer un permis, si les conditions préalables sont respectées, qui autorise une personne à exercer une activité touchant une espèce sauvage inscrite, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus.

4 Information sur l’espèce

4.1 Description

Le grand requin blanc est un prédateur endothermique (à sang chaud) de grande taille qui occupe le sommet de la plupart des réseaux trophiques associés aux lieux qu’il fréquente (Compagno, 2001). Les plus grands individus peuvent atteindre une longueur supérieure à 6 m. La longueur à la naissance se situe entre 109 et 165 cm. Le grand requin blanc se distingue par son corps trapu, son museau de forme conique et ses grosses dents, plates, triangulaires et dentelées. Il possède de longues fentes branchiales et ses grands iris noirs sont bien visibles. Comme la plupart des requins, il possède 2 nageoires dorsales : la première est grande et possède une pointe arrière foncée qui n’est pas fusionnée au dos, tandis que la deuxième est beaucoup plus petite. La nageoire caudale est grande et en forme de croissant. Comme le montre la figure 1, la surface dorsale est foncée, passant du gris ou du gris brunâtre à noirâtre, tandis que la surface ventrale est d’un blanc très contrastant (COSEPAC, 2021).

Dessin, voir le description longue
Figure 1. Caractéristiques utiles pour l’identification du grand requin blanc. A. Vue latérale; B. Vue détaillée des dents antérieures supérieures et inférieures. Illustrations de R. Aidan Martin. Source : COSEPAC, 2021.
Description longue

Une vue latérale d’un requin blanc à l’aide d’un diagramme distinct des dents antérieures supérieures et inférieures. Des flèches indiquent les caractéristiques qui sont utiles pour identifier le requin blanc. Ces caractéristiques sont les suivantes : un museau conique, des yeux noirs, un ventre blanc sans taches sombres, de longues fentes branchiales qui s’étendent sur les deux tiers de la hauteur du corps; la première nageoire dorsale prend naissance à la hauteur de l’extrémité arrière libre des nageoires pectorales; à son extrémité, la surface inférieure de la nageoire pectorale est noire; la pointe arrière libre de la première nageoire dorsale est de couleur foncée; la deuxième nageoire dorsale est devant la nageoire anale; le pédoncule caudal est caréné, et la nageoire caudale est semi-lunaire, ou en forme de croissant. La figure illustre également les dents antérieures supérieures et inférieures. Les flèches indiquent les caractéristiques des dents, soit une couronne triangulaire, des bords grossièrement dentelés et une racine bilobée, ou à deux lobes.

La biologie et l’écologie du grand requin blanc sont peu connues (Bruce, 2008). Il s’agit d’une espèce longévive à croissance lente qui peut survivre jusqu’à 73 ans (Hamady et al., 2014; Natanson et Skomal, 2015). L’espèce est caractérisée par une maturation tardive; les mâles atteignent la maturité à 26 ans, et les femelles, à 33 ans (Natanson et Skomal, 2015). On a estimé que la longueur à la maturité sexuelle serait de 4 à 5 m pour les femelles et de 3,1 à 4,1 m pour les mâles, d’après la dissection d’organes reproducteurs des 2 sexes ou l’étendue de la calcification du ptérygopode chez des mâles (Francis, 1996; Pratt, 1996; Tanaka et al., 2011). Des recherches plus récentes ont estimé la longueur totale à la maturité sexuelle à 4,1 m pour les femelles et à 3,3 m pour les mâles de la population de l’Atlantique Nord-Ouest (Márquez-Farías et al. 2024).

Le grand requin blanc a une longue période de gestation (10 à 20 mois), de petites portées (2 à 17 petits) (Bruce, 2008; COSEPAC, 2021) et une faible capacité reproductive (Smith et al., 1998). La durée d’une génération est incertaine en raison des estimations variables des paramètres du cycle vital, mais on a estimé qu’elle se situe entre 23 et 62 ans et qu’elle s’approche probablement plus de 62 ans (Bruce, 2008; Hamady et al., 2014; MPO, 2017). On sait que l’espèce est très opportuniste et qu’elle se nourrit d’un vaste éventail d’organismes comme des poissons (y compris des raies et d’autres requins), des phoques, des baleines, des tortues de mer, des oiseaux de mer et certains invertébrés (calmars et crustacés) (Bruce, 2008). Les individus d’une longueur supérieure à 3 ou 4 m se nourrissent surtout de mammifères marins (Klimley, 1985; Estrada et al., 2006). On a observé de grands requins blancs qui se nourrissaient de carcasses de mammifères marins comme des baleines (Skomal et al., 2012). On sait que les grands requins blancs se regroupent à proximité de nombreux bancs de poissons, habituellement dans des zones de remontée des eaux, et près de colonies de phoques (Compagno, 2001). Le régime alimentaire de l’espèce varie selon la région, en fonction de la disponibilité, de l’abondance et de la vulnérabilité des proies (Compagno, 2001).

Le grand requin blanc doit nager sans cesse pour être en mesure de respirer. Si un individu est dans l’impossibilité de nager, il se noiera.

4.2 Abondance de la population et répartition de l’espèce

Le grand requin blanc est réparti dans les régions tempérées et subtropicales du monde entier. Dans l’Atlantique Ouest, on a observé des grands requins blancs de la baie de Bonavista, à Terre-Neuve-et-Labrador, jusqu’au nord du Brésil (Compagno, 2001; Fergusson et al., 2005) (voir la figure 2). D’après les preuves d’ADN et les études de marquage, une seule population très répartie occuperait l’Atlantique Nord-Ouest, avec un flux génétique limité avec les autres populations (Boustany et al., 2002; Gubili et al., 2011; O’Leary et al., 2015). Cela signifie que la population de l’Atlantique Nord-Ouest est en grande partie isolée sur le plan génétique des populations présentes ailleurs dans l’Atlantique, dans la Méditerranée et dans le Pacifique.

carte, voir le description longue
Figure 2. Aire de répartition mondiale du grand requin blanc. Les zones en gris foncé correspondent à des zones de répartition confirmées, et les zones gris pâle, à des zones de répartition présumées ou non confirmées (Compagno, 2001).
Description longue

Une carte du monde indiquant la latitude et la longitude le long des axes. Les zones ombragées gris pâle représentent l’aire de répartition soupçonnée ou non confirmée du requin blanc, soit la majorité de l’océan Atlantique, de l’océan Pacifique et de l’océan Indien. Il y a très peu de gris pâle au nord ou au sud du 60e parallèle. L’aire de répartition confirmée du requin blanc est représentée par des zones ombragées gris foncé. Les zones en gris foncé du Pacifique Nord s’étendent aux eaux côtières de l’Amérique du Nord (du golfe de Californie à l’Alaska), du Japon et de la Chine. Les zones en gris foncé du Pacifique Sud forment une vaste zone au large des côtes de l’Amérique du Sud qui s’étend jusqu’aux eaux du Pacifique moyen et côtières de l’Australie, de la Nouvelle‑Zélande et de certaines parties de l’Asie du Sud‑Est. Dans l’ouest de l’Atlantique Nord, les zones en gris foncé s’étendent aux eaux côtières de l’Amérique du Nord (de Terre‑Neuve à la Floride), au golfe du Mexique et à certaines parties des Caraïbes. Dans l’est de l’Atlantique Nord, les zones en gris foncé s’étendent aux eaux côtières de la France, du Portugal et de l’Angleterre ainsi qu’à certaines parties de la mer Méditerranée, dont la mer Adriatique et la mer Égée. Les zones en gris foncé de l’Atlantique Sud s’étendent aux eaux côtières du sud du Brésil et de l’Argentine et aux eaux côtières de l’Angola et de l’Afrique du Sud. Dans l’océan Indien, les zones en gris foncé englobent les eaux côtières de l’Afrique du Sud et du Mozambique, autour de Madagascar et au large de l’Australie‑Occidentale.

Les eaux canadiennes de l’Atlantique représentent l’étendue septentrionale de l’aire de répartition de la population (Curtis et al., 2014; COSEPAC, 2021). La première observation de grand requin blanc dans les eaux canadiennes a été signalée en 1873. Des observations confirmées ont été documentées dans l’ensemble des eaux canadiennes de l’Atlantique, la majorité d’entre elles se produisant entre juin et septembre, et les observations les plus nombreuses ayant lieu en août (figure 3; COSEPAC, 2021; MPO, 2024). Ces dernières années, les activités de recherche et d’identification accrues ont révélé que les eaux canadiennes de l’Atlantique étaient plus fréquemment utilisées par l’espèce qu’on le croyait auparavant (Skomal et al., 2017; Bastien et al., 2020).

carte, voir le description longue
Figure 3. Mentions de grands requins blancs (de 1873 à 2023) dans les eaux canadiennes de l’Atlantique (MPO, 2024). Les mentions sur la carte ont été placées en utilisant les coordonnées connexes, lorsqu’elles étaient disponibles. En l’absence de coordonnées, l’emplacement est déterminé de façon approximative au moyen de la description associée à la mention. Il convient de noter que certaines activités de relevés n’ont pas été prises en compte dans cette figure. Ces activités n’étaient pas réparties également dans la zone représentée. Les données issues des activités de marquage acoustique ou par satellite ne sont pas incluses sur la carte. Pêches et Océans Canada examine les mentions et les classe selon qu’elles ont été confirmées ou non confirmées, d’après l’information accessible (par exemple, photos, vidéos et descriptions).
Description longue

Une carte du Canada atlantique qui montre la baie de Fundy, le golfe du Saint-Laurent et les eaux au large de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et de la Côte-Nord du Québec. Les mentions de requins blancs de 1873 à 2023 sont indiquées sur la carte et sont différenciées comme étant des mentions confirmées ou non confirmées. La majorité des mentions sont confirmées. Les mentions se trouvent dans l’ensemble du Canada atlantique, surtout près des côtes. Sur le plan longitudinal, les mentions sont distribuées depuis les Grands Bancs de Terre-Neuve et s’étendent loin à l’ouest, soit jusqu’à l’estuaire de la rivière Portneuf dans le fleuve Saint-Laurent. Sur le plan latitudinal, les mentions sont distribuées depuis le détroit de Belle Isle au large de la pointe nord de Terre-Neuve jusqu’au sud du banc de l’île de Sable. Les zones où l’on a relevé des concentrations de requins blancs comprennent la baie de Fundy, la baie Passamaquoddy, le détroit de Northumberland et la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

Le grand requin blanc utilise les eaux côtières, le plateau continental, les eaux pélagiques et mésopélagiques, entreprend régulièrement de longues migrations vers le large et semble suivre des itinéraires communs lorsqu’il se déplace entre les zones côtières (Boustany et al., 2002; Bruce et al., 2006; COSEPAC, 2021 et Franks et al., 2021). Grâce aux études télémétriques et photographiques sur le grand requin blanc, on comprend beaucoup mieux les déplacements à l’échelle locale, les tendances en matière de résidence et les migrations sur de longues distances (Klimley et Ainley, 1996; Bonfil, 2004; Bruce et al., 2006; Bruce, 2008; Duffy et al., 2012; Skomal et al., 2017; Winton et al., 2023).

Seule une partie de la population globale de l’Atlantique Nord-Ouest pénètre dans les eaux canadiennes de façon saisonnière, et il est prouvé que les individus retournent à plusieurs reprises dans des zones similaires pendant de nombreuses années (Franks et al,. 2021; Bowlby et al., 2022). Les grands requins blancs subadultes et matures des deux sexes sont présents dans les eaux canadiennes de l’Atlantique et se répartissent largement dans toute la région (Skomal et al., 2017; Bastien et al., 2020; Franks et al., 2021; Bowlby et al., 2022). Les juvéniles et les subadultes sont plus susceptibles de fréquenter les eaux canadiennes (Bowlby et al., 2022).

En ce qui concerne la population de l’Atlantique Nord-Ouest, les zones à forte concentration de grands requins blancs varient selon les saisons, avec une densité plus élevée dans les eaux de la baie médio-atlantique, de la Nouvelle-Angleterre et du Canada en été, et au large du sud-est des États-Unis et dans le golfe du Mexique en hiver (Curtis et al., 2014). Au Canada, les eaux entourant la Nouvelle-Écosse (y compris la baie de Fundy et le golfe du Saint-Laurent) et la bordure du plateau continental autour des Grands Bancs sont des zones très fréquentées (Franks et al., 2021). Alors que les requins côtiers comprennent des requins juvéniles, subadultes et adultes, les subadultes et les adultes sont plus nombreux à utiliser l’habitat pélagique (Curtis et al., 2014, Skomal et al., 2017). Le comportement lié à la quête de nourriture pourrait entraîner un déplacement vers l’habitat pélagique; cependant, Skomal et ses collaborateurs (2017) ont indiqué que les déplacements extracôtiers des femelles pourraient coïncider avec la gestation, comme le suggèrent des études de marquage effectuées dans le Pacifique (Domeier et Nasby-Lucas, 2012; Domeier, 2012). Une zone de croissance côtière a été localisée au large de Long Island, dans l’État de New York (Shaw et al., 2021), mais aucun nouveau-né ou jeune de l’année n’a encore été documenté au Canada (Bowlby et al., 2022). L’utilisation de l’habitat hauturier et côtier semble saisonnière, les individus ayant tendance à rester dans les eaux du plateau continental (< 200 m) pendant l’été et l’automne dans tout l’Atlantique Nord-Ouest et n’utilisant des habitats plus profonds qu’à d’autres moments de l’année (Skomal et al., 2017; Bowlby et al., 2022). Des grands requins blancs ont été observés dans une grande fourchette de températures de l’eau (de -0,9 à 30,5 °C) (Bigelow et Schroeder, 1948; Franks et al., 2021).

Des recherches menées au large de la Californie ont montré que les femelles présentent un profil migratoire sur 2 ans, utilisant les eaux côtières ou hauturières selon le stade de leur cycle biologique, tandis que les mâles affichent un profil migratoire sur 1 an (Domeier et Nasby‑Lucas, 2013). Des études génétiques ont montré que la dispersion des grands requins blancs pourrait différer en fonction du sexe, les femelles démontrant une plus grande fidélité aux sites (Pardini et al., 2001; Gubili et al., 2012).

Le grand requin blanc est rare à l’échelle mondiale, et les données sur les populations sont limitées (COSEPAC, 2021). L’abondance de l’espèce à l’échelle planétaire, y compris celle de la population de l’Atlantique Nord-Ouest, est inconnue. Même dans les habitats connus pour être plus fréquentés par le grand requin blanc comme les eaux au large du centre de la Californie et de l’Afrique du Sud, les estimations de la population indiquent que le nombre de grands requins blancs est relativement faible (Chapple et al., 2011; Andreotti et al., 2016). Dans la population de l’Atlantique Nord-Ouest, Curtis et ses collaborateurs (2014) ont répertorié 649 mentions vérifiées (excluant les détections d’individus marqués) sur une période de 210 ans (de 1800 à 2010); 94 % de ces mentions étaient postérieures à 1950. Winton et ses collaborateurs (2023) ont estimé que 800 grands requins blancs ont visité le site de regroupement de Cape Cod de 2015 à 2018.

Des recherches indiquent des déclins des populations dans l’Atlantique Nord-Ouest, au large de l’Afrique du Sud et de l’est de l’Australie, ainsi que dans la mer Adriatique par le passé (Pepperell, 1992; Reid et Krough, 1992; Cliff et al., 1996; Soldo et Jardas, 2002; Baum et al., 2003; Curtis et al., 2014). Des études plus récentes montrent une stabilité relative en Afrique du Sud (Bowlby et al., 2023; 2024) et des augmentations apparentes de l’abondance dans l’Atlantique Nord-Ouest, en Nouvelle-Zélande et en Californie (Dudley et Simpfendorfer, 2006; Reid et al., 2011; Lowe et al., 2012; Curtis et al., 2014).  Avant 2014, une seule étude publiée portait sur les tendances de l’abondance du grand requin blanc dans l’Atlantique Nord-Ouest. Dans le cadre de celle-ci, les données sur les captures par unité d’effort issues de la pêche pélagique à la palangre américaine ont été utilisées pour estimer un déclin de la population de 79 % entre 1986 et 2000 (Baum et al., 2003). Toutefois, l’ampleur de ce déclin a été contestée (Burgess et al., 2005). D’après les recherches de McPherson et Myers (2009), les grands requins blancs ont décliné de 86 % dans les eaux de l’est du Canada sur trois générations (de 1926 à 1988), selon les données d’observation. Curtis et ses collaborateurs (2014) ont examiné les données de 1800 à 2010 afin de rassembler l’ensemble de données le plus complet sur les observations et sur les captures par unité d’effort de grands requins blancs dans l’Atlantique Nord-Ouest. Leurs analyses indiquent une hausse de l’abondance de la population de l’Atlantique Nord-Ouest depuis la mise en œuvre de mesures de conservation aux États-Unis (É.-U.) dans les années 1990. Cette tendance à la hausse des populations de grands requins blancs est observée à l’échelle mondiale. Cependant, l’ampleur de l’augmentation de la population est incertaine, en grande partie parce que la productivité est maintenant considérée comme inférieure à ce que l’on croyait auparavant (Bowlby et Gibson, 2020).

Malgré des tendances de la population apparemment positives, la mortalité associée aux menaces anthropiques demeure préoccupante pour la viabilité à long terme de la population de l’Atlantique Nord-Ouest (Curtis et al., 2014 ; COSEPAC, 2021). Selon une récente analyse de viabilité de la population, les prélèvements annuels totaux de grands requins blancs de la population de l’Atlantique Nord-Ouest devraient rester inférieurs à 10 animaux si l’on veut que les taux de croissance de la population restent positifs et assurent la persistance de la population à long terme (Bowlby et Gibson, 2020).

Le peuple mi’kmaq du Canada atlantique affirme qu’il connaît le grand requin blanc depuis des milliers d’années; une dent de requin blanc, datant de 1 000 à 2 000 ans avant notre ère, a été découverte dans un dépotoir d’huîtres sur l’île Pig, en Nouvelle-Écosse, dans le détroit de Northumberland (Gilhen, 1998; COSEPAC, 2021). Les connaissances autochtones représentent une source d’information sur la répartition du grand requin blanc et son utilisation de l’habitat. Les connaissances locales des utilisateurs de l’océan sont aussi une source d’information sur la répartition du grand requin blanc et l’utilisation qu’il fait de l’habitat.

4.3 Besoins de l’espèce

On ne connaît pas les besoins en matière d’habitat du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Comme il est décrit à la section 4.2, l’espèce est régulièrement présente dans les zones côtières et pélagiques des eaux canadiennes de l’Atlantique durant l’été et l’automne, mais des occurrences ont aussi été répertoriées en hiver.

Pendant l’été, les eaux plus chaudes et la présence d’échoueries de phoques pourraient expliquer la répartition de l’espèce, car il est probable que les grands requins blancs se nourrissent de mammifères marins et les chassent dans le Canada atlantique (Brodie et Beck ,1983; Lucas et Natanson, 2010; COSEPAC, 2021).

La survie et le rétablissement du grand requin blanc sont influencés par des facteurs limitatifs intrinsèques, y compris l’abondance naturellement faible, la croissante lente, la maturation tardive et la faible fécondité de l’espèce, qui entraînent une faible productivité générale (COSEPAC, 2021). Ces facteurs peuvent être amplifiés par la fidélité des femelles à certains sites, ce qui pourrait augmenter leur vulnérabilité à l’exploitation (Pardini et al., 2001). L’espèce pourrait aussi être particulièrement sensible à la toxicité de l’environnement et à la pollution en raison de son cycle vital et de son mode de reproduction ovovivipare (COSEPAC, 2021). La représentation fortement disproportionnée des juvéniles et des subadultes dans les eaux canadiennes (Bowlby et al., 2022) pourrait rendre la population de plus en plus vulnérable aux répercussions des menaces touchant ces stades biologiques dans les eaux canadiennes.

5 Menaces

5.1 Évaluation des menaces

Par « menace », on entend une activité ou un processus humain qui a causé, cause ou peut causer des dommages à une espèce sauvage en péril, sa mort ou des modifications de son comportement, ou la destruction, la détérioration ou la perturbation de son habitat jusqu’au point où des effets sur la population se produisent (MPO, 2014b). Une activité humaine peut exacerber un processus naturel, comme la prévalence d’une maladie (MPO, 2014b). Le COSEPAC (2006; 2021) a désigné « en voie de disparition » les grands requins blancs présents dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, surtout à cause de menaces qui, bien qu’elles se produisent hors de ces eaux, influent probablement sur la capacité de rétablissement de l’espèce dans les eaux canadiennes. Son statut a été réexaminé et confirmé comme en voie de disparition en mai 2021 (COSEPAC, 2021). Les menaces pesant sur le grand requin blanc sont résumées dans le tableau 2 et sont décrites de façon plus détaillée à la section 5.2 et dans le rapport du COSEPAC (2006; 2021). Les catégories d’évaluation des menaces sont définies à l’annexe B.

L’évaluation des menaces présentée dans le tableau 2 a été réalisée en fonction de l’information figurant dans le rapport de situation du COSEPAC (2006), l’EPR (MPO, 2006), l’évaluation de l’étendue des dommages admissibles (MPO, 2017), d’autres renseignements publiés, ainsi que l’opinion d’experts. Cette évaluation n’a pas fait l’objet d’un examen scientifique par les pairs et a précédé la publication des plus récentes lignes directrices sur l’évaluation des menaces pour les espèces en péril (MPO, 2014b). Les résultats de l’évaluation peuvent changer à mesure que de nouveaux renseignements deviennent disponibles. En l’absence d’une estimation de la population et de connaissances sur la façon dont les menaces pourraient avoir touché la population jusqu’à maintenant, il est impossible de déterminer avec certitude les effets de ces menaces à l’échelle de la population. Ces effets ont plutôt été inférés à partir des connaissances actuelles sur les taux de mortalité et de blessure des individus, le cas échéant.

Tableau 2. Résumé des menaces pesant sur le grand requin blanc à l’échelle mondiale et dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Veuillez consulter l’annexe B pour les définitions des termes utilisés dans ce tableau.
Menace Échelle Niveau de préoccupation Étendue Réalisation Fréquence Gravité Certitude causale
Pêche dirigée, enlèvement des nageoires et commerce de curiosités Mondiale Élevé Généralisée Actuelle Continue Élevée Élevée
Eaux canadiennes de l’Atlantique Faible Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue
Prises accessoires commerciales Mondiale Élevé Généralisée Actuelle Continue Élevée Élevée
Eaux canadiennes de l’Atlantique Faible Inconnue Actuelle Récurrente Inconnue Inconnue
Pêche récréative Mondiale Moyen Généralisée Actuelle Continue Modérée à faible Moyenne
Eaux canadiennes de l’Atlantique Faible Inconnue Actuelle Inconnue Faible Faible
Programmes de lutte contre les requins Mondiale Faible Localisée Actuelle Continue Modérée à faible Faible
Eaux canadiennes de l’Atlantique S.O. S.O. S.O. S.O. S.O. S.O.
Persécution Mondiale Faible à moyen Inconnue Actuelle/ passée Ponctuelle/ continue Inconnue Moyenne
Eaux canadiennes de l’Atlantique Inconnu Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue
Écotourisme Mondiale Faible Localisée Actuelle Récurrente Inconnue Faible
Eaux canadiennes de l’Atlantique Faible Localisée Actuelle Récurrente Inconnue Faible
Aquariums publics (par le passé) Mondiale Faible Inconnue Passée Unique (1 fois) Inconnue Faible
Eaux canadiennes de l’Atlantique S.O. S.O. S.O. S.O. S.O. S.O.
Bioaccumulation persistante de toxines Mondiale Faible Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue Faible
Eaux canadiennes de l’Atlantique Inconnu Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue
Dégradation de l’habitat Mondiale Faible Généralisée Inconnue Inconnue Inconnue Faible
Eaux canadiennes de l’Atlantique Inconnu Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue Inconnue

5.2 Description des menaces

Les menaces mondiales concernent toutes les populations de grands requins blancs, mais on sait peu de choses sur leurs effets sur la partie de la population de l’Atlantique Nord-Ouest présente dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Les menaces sont décrites ci-dessous selon le contexte mondial et, lorsque c’était possible, des renseignements sur le grand requin blanc des eaux canadiennes de l’Atlantique ont été ajoutés. Dans l’évaluation du COSEPAC (2021), il a été déterminé que les principales menaces pesant sur le grand requin blanc sont les activités humaines, surtout les pêches commerciales et récréatives, le commerce de curiosités (dents et mâchoires), le commerce de nageoires utilisées à des fins alimentaires ou comme trophées et la bioaccumulation de toxines. D’autres menaces (section 5.2.10) pourraient entraîner la mortalité directe d’individus ou blesser ces derniers, avoir une incidence sur le comportement de l’espèce ou l’utilisation de l’habitat et contribuer à la diminution de la viabilité ou de la valeur adaptative de la population.

5.2.1 Pêche dirigée, enlèvement des ailerons et commerce de curiosités

Échelle mondiale

Les grands requins blancs sont principalement capturés à titre de prises accessoires commerciales, mais ils sont ciblés par des pêches à petite échelle et par les pêches artisanales dans certaines régions (Compagno, 2001). Ils sont surtout ciblés pour leurs nageoires, leurs mâchoires et leurs dents de grande valeur (Compagno, 2001; CITES, 2004). Les dents et les mâchoires sont vendues dans le commerce de curiosités en tant que bijoux, souvenirs, décorations et objets de collection. Les individus de grande taille sont plus recherchés en raison de la valeur élevée de leurs mâchoires et de chacune de leurs dents (Compagno, 2001; Bonfil et al., 2004; Duffy, 2004; Fowler et al., 2005). En raison de la grande valeur de ses nageoires, le grand requin blanc est plus vulnérable à l’enlèvement des nageoires, soit le fait de prélever et de conserver les nageoires d’un individu et de jeter le reste du corps à la mer. Il s’agit d’une pratique qui contribue considérablement à la surexploitation des requins à l’échelle mondiale (IUCN, 2003). Les nageoires sont ensuite vendues à des fins alimentaires ou en tant que trophées. La chair, la peau, le cartilage et l’huile du foie de l’espèce sont propres à la consommation humaine, mais la teneur en mercure élevée de la chair en limite la demande (Compagno, 2001).

La grande valeur et la notoriété du grand requin blanc favorisent le braconnage et le commerce illégal. Selon des éléments probants, même dans les lieux où des mesures réglementaires de protection de l’espèce existent, y compris l’Australie, l’Afrique du Sud et les États-Unis, l’espèce faisait l’objet de braconnage et de commerce illégal en date du début des années 2000 (CITES, 2004; Shivji et al., 2005). Compte tenu de la grande valeur et de la facilité de transport des dents de grands requins blancs, et de l’existence d’un marché pour leur commerce, la menace pourrait être plus importante que ne l’indiquent actuellement les rapports de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) (Cooper, 2009).

Étant donné que l’ampleur de la pêche, y compris les activités de pêche et de commerce illégales, non déclarées et non réglementées, est inconnue dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce et que les produits issus du grand requin blanc ont une grande valeur, on considère que cette menace est une importante source de mortalité du grand requin blanc à l’échelle mondiale.

Eaux canadiennes de l’Atlantique

Depuis 1994, l’enlèvement des ailerons est interdit dans les eaux canadiennes ainsi que pour les détenteurs de permis de pêche canadiens menant des activités à l’extérieur de la zone économique exclusive (MPO, 2007). Le Canada a adopté des politiques de protection contre l’enlèvement des nageoires de requin (Pikitch et al., 2008), qui sont décrites à la section 7.1. Dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, aucun commerce illégal de produits issus du grand requin blanc n’aurait cours, ou ce commerce serait minime, mais il faudrait davantage de renseignements pour évaluer correctement la contribution de ce commerce au niveau de préoccupation de la menace. La pêche dirigée du grand requin blanc et la rétention des prises accessoires de l’espèce sont interdites dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

5.2.2 Prises accessoires commerciales

Échelle mondiale

La prise accessoire consiste en l’interaction entre une espèce non ciblée et un engin de pêche. Étant donné que le grand requin blanc doit nager sans cesse pour respirer, il est particulièrement sensible à la mortalité lorsqu’il se retrouve en tant que prise accessoire dans des engins de pêche limitant ou empêchant ses mouvements, ce qui diminue le courant d’eau vers ses branchies. À l’échelle mondiale, les grands requins blancs sont capturés dans les pêches à engins fixes et mobiles (Curtis et al., 2014). Compagno (2001) a déterminé que les pêches associées aux plus grands taux de prises accessoires de l’espèce sont les pêches à la palangre, aux lignes, au filet maillant de fond fixe, au filet maillant pélagique, au casier, à la fascine à hareng, au trémail, au chalut de fond et au chalut pélagique et à la senne coulissante. À l’échelle mondiale, on ne sait pas quelle pêche est associée au plus grand nombre de prises accessoires de l’espèce (Diaz et Serafy, 2005; Moyes et al., 2006; Campana et al., 2009). Le COSEPAC (2021) a indiqué que la pêche à la palangre pélagique américaine est la principale cause de mortalité associée aux prises accessoires dans le nord‑ouest de l’Atlantique et que la majorité des prises accessoires se produisent au sud de la Floride; ces affirmations sont fondées en grande partie sur le document de Baum et al. (2003). Des études antérieures et actuelles menées dans le sud de la Californie indiquent que les pêches au filet, comme le trémail, le filet dérivant et le filet maillant, capturent plus de grands requins blancs que les autres pêches étudiées (Lowe et al., 2012; Santana-Morales et al., 2012).

Les prises accessoires commerciales réalisées dans les eaux du sud des États-Unis semblent être la plus importante cause de mortalité de l’espèce dans l’Atlantique Nord-Ouest (Curtis et al., 2014).

Eaux canadiennes de l’Atlantique

Les renseignements sur les prises accessoires de grands requins blancs dans les eaux canadiennes de l’Atlantique sont rares. On pense que les prises accessoires commerciales entraînant la mortalitéNote de bas de page 3 sont rares, d’après les 31 mentions entre 1873 et 2023, même s’il est probable que ce chiffre sous-estime le véritable taux d’interactions causant la mortalité (MPO, 2017; 2024).

Environ 60 % des prises accessoires authentifiées entre 1920 et 2023 provenaient de filets maillants à morue ou à merluche et de fascines à hareng (MPO, 2017; 2024). Deux grands requins blancs morts dans des fascines ont été répertoriés dans la baie de Fundy en 2010 et 2011 (MPO, 2017). Pour l’ensemble des eaux canadiennes de l’Atlantique, il n’y a que 4 mentions de prises accessoires de grands requins blancs dans les bases de données des observateurs en mer (MPO, 2024). Pour toutes ces mentions, l’identification de l’espèce n’a pas été confirmée en raison de la faible longueur des individus capturés et de l’absence d’une confirmation par photo ou vidéo. D’autres mentions de prises accessoires tirées du rapport du COSEPAC (2006) ont été obtenues dans le cadre d’une revue de la littérature et des mentions récentes ont été fournies par des pêcheurs.

Aucune étude n’a examiné les prises de requins ou les taux de mortalité dans les fascines à hareng. Toutefois, la mortalité connexe pourrait être faible si les individus capturés sont demeurés immergés et s’ils pouvaient se déplacer et respirer avant leur fuite ou leur remise en liberté à l’état vivant en temps opportun. Cependant, la remise à l’eau des grands requins blancs vivants capturés dans les fascines serait improbable, car la plupart des fascines s’assèchent lorsque la marée se retire. Même si le taux de mortalité des grands requins blancs associé aux filets maillants dans les eaux canadiennes de l’Atlantique n’a pas été déterminé, il devrait être élevé parce que cet engin limite les mouvements des individus capturés et diminue le courant d’eau vers leurs branchies, perturbant ainsi leur respiration. La seule étude connue examinant la mortalité associée aux prises accessoires de requins dans les pêches au filet maillant dans les eaux canadiennes de l’Atlantique a été menée dans les eaux de Terre-Neuve-et-Labrador de 2001 à 2003 (Benjamins et al., 2010). Cette étude n’a pas permis de déterminer les taux de mortalité du grand requin blanc, ni d’aucune autre espèce.

Il existe 2 mentions d’interactions avec un grand requin blanc dans des documents de surveillance prévus par la LEP et approuvés par le MPO. Cependant, Hurtubise et al. (2020) ont constaté que, pour les tortues luths menacées, ces données sous-estiment les véritables taux d’interaction entre les tortues et la pêche au Canada atlantique. Cette conclusion s’applique probablement aussi à d’autres espèces visées par la LEP pour lesquelles des documents sur la surveillance, exigée par la LEP, doivent être soumis, y compris le grand requin blanc. 

Les types d’engins de pêche commerciale associés à la capture accidentelle de grands requins blancs dans d’autres juridictions, pour lesquels il n’existe aucune mention d’interaction avec l’espèce dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, pourraient être la source d’interactions futures dans ces eaux. Il s’agit notamment des chaluts semi-pélagiques et des palangres de fond (Compagno, 2001).

D’après les dossiers disponibles, on considère que les prises accessoires dans les pêches commerciales sont peu préoccupantes dans les eaux canadiennes de l’Atlantique; néanmoins, la variabilité du niveau de présence des observateurs en mer des pêches canadiennes pouvant interagir avec les grands requins blancs complique les évaluations quantitatives de la fréquence et de l’ampleur des prises accessoires.

Le COSEPAC (2021) précise que le réchauffement à long terme pourrait déplacer le centre de l’aire de répartition de l’espèce vers le nord, ce qui pourrait modifier la fréquence des captures accidentelles dans les pêches du Canada atlantique par rapport à d’autres parties de l’aire de répartition de la population.

5.2.3 Pêche récréative

Échelle mondiale

Les pêches récréatives au requin sont souvent mal documentées par les organismes gouvernementaux et ne sont habituellement pas considérées comme une priorité en matière de gestion. En raison de sa taille, de sa notoriété et de sa puissante résistance à la capture, le grand requin blanc est ciblé par des pêches sportives dirigées aux fins d’établissement de records de pêche et de collecte de mâchoires à titre de trophées (Compagno, 2001; CITES, 2004). Toutefois, à l’échelle mondiale, un nombre croissant de pêcheurs remettent volontairement les requins capturés à l’eau. Cette tendance coïncide avec la réalisation de programmes de marquage à participation volontaire (Babcock, 2008). Le grand requin blanc est une espèce interdite (c’est-à-dire qu’elle ne peut faire l’objet d’aucune pêche récréative ni commerciale) dans toutes les eaux américaines depuis 1997 (Curtis et al., 2014).

Eaux canadiennes de l’Atlantique

Selon les dossiers, depuis 1873, des grands requins blancs n’ont été capturés qu’à 4 reprises lors d’activités de pêche récréative dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Ce faible nombre de captures est en partie attribuable à la rareté et à la taille de l’espèce ainsi qu’à la capacité des individus de mordre les agrès de pêche habituels pour s’en libérer (MPO, 2006). Au Canada, la pêche récréative des requins, y compris les bateaux affrétés et les excursions de pêche, est limitée à la pêche à l’hameçon avec remise à l’eau (aucune rétention n’est autorisée) et les grands requins blancs ne peuvent pas être ciblés. Certaines collectivités des provinces maritimes organisent depuis longtemps un petit nombre de tournois de pêche du requin. La rétention de certaines espèces de requins est permise dans ces tournois, mais les grands requins blancs ne peuvent pas être ciblés ou conservés.

5.2.4 Programme de lutte contre les requins

Échelle mondiale

Les grands requins blancs sont intentionnellement ciblés par les programmes de protection des plages au moyen de filets et de palangres de surface, qui visent à assurer la sécurité des baigneurs en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande (CITES, 2004; Curtis et al., 2012; Gibbs et al., 2019). Peu d’individus sont capturés au moyen de ces filets, et la menace pesant sur la population est donc probablement faible, mais la mortalité des individus capturés dans ces filets et ces palangres de surface est élevée. L’utilisation des palangres de surface SMART (Shark-Management-Alert-in-Real-Time) en Australie constitue une option de rechange moins nocive que les programmes traditionnels de lutte contre les requins (Tate et al., 2021; Butcher et al., 2023).

Eaux canadiennes de l’Atlantique

Il n’existe aucun programme de lutte contre les requins dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

5.2.5 Persécution

Échelle mondiale

En raison d’interactions parfois mortelles avec des humains, le grand requin blanc a acquis une mauvaise réputation qui est perpétuée par les médias populaires. Par conséquent, des campagnes visant à tuer de grands requins blancs sont parfois organisées à la suite d’attaques par des requins ou pour anticiper de telles attaques (par exemple, abattages) (CITES, 2004; Fergusson et al., 2005; Curtis et al., 2012). En outre, des individus sont parfois tués parce qu’ils sont considérés comme nuisibles aux pêches. Cette situation est exacerbée par la tendance des requins à examiner des bateaux et d’autres objets flottants, ce qui les attire vers la surface et qui augmente potentiellement le risque qu’ils soient intentionnellement blessés ou tués (Compagno, 2001).

Eaux canadiennes de l’Atlantique

Étant donné que le grand requin blanc a été persécuté ailleurs où l’utilisation de l’habitat par l’espèce chevauche celle des humains, cela peut également se produire dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Il n’existe toutefois aucun cas confirmé de cette menace dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

5.2.6 Écotourisme

Échelle mondiale

Les activités écotouristiques mal gérées constitueraient une menace pour le grand requin blanc. Dans plusieurs régions du monde (par exemple, aux États-Unis, au Mexique, en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande), la plongée en cage et d’autres types d’activités touristiques ont été conçues pour permettre aux gens d’observer le grand requin blanc dans son milieu naturel. Les effets à long terme de ces activités sur les populations de grands requins blancs sont inconnus (CITES, 2004), mais les effets sur le comportement du grand requin blanc pourraient être préoccupants (Laroche et al., 2007; Huveneers et al., 2018). Une préoccupation majeure est l’approvisionnement en nourriture sous forme d’appâts, qui a été lié à des effets négatifs sur le comportement de surface du grand requin blanc et son utilisation de l’habitat, conduisant à un conditionnement qui peut entraîner une augmentation du taux d’interactions entre les requins et les humains (Becerril-García et al., 2020a). Plusieurs études ont examiné les effets du tourisme sur le comportement, la résidence et l’activité des grands requins blancs, en particulier en Afrique du Sud et en Australie où les sites de regroupement connus des grands requins blancs chevauchent les activités touristiques (Huveneers et al., 2018). Des interactions néfastes entre des grands requins blancs et des cages ont également été répertoriées dans des activités d’écotourisme (Becerril-García et al., 2019; 2020a). À l’échelle mondiale, la plongée en cage pour observer les grands requins blancs fait souvent l’objet d’une gestion et de réglementations visant à atténuer les effets sur la santé et le comportement des grands requins blancs (Bruce, 2015).

Eaux canadiennes de l’Atlantique

À l’heure actuelle, l’écotourisme axé sur les grands requins blancs est limité au Canada atlantique. Cependant, au fur et à mesure que la sensibilisation du public et son intérêt pour le grand requin blanc dans les eaux du Canada atlantique augmentent, le potentiel des activités d’écotourisme axées sur cette espèce augmente également.

Dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, plusieurs sites de regroupement de pinnipèdes sont connus, en particulier pour les phoques gris. Il existe peu de recherches documentant les regroupements saisonniers de grands requins blancs autour de ces colonies de pinnipèdes ou ailleurs dans le Canada atlantique, et on ignore l’effet que les activités d’appâtage découlant de l’écotourisme pourraient avoir sur la modification du comportement ou de l’aire de répartition des grands requins blancs.

5.2.7 Aquariums publics

Échelle mondiale

Des aquariums publics ont capturé de grands requins blancs vivants pour les exposer dans les années 1970 et 1980; ces requins périssaient généralement après quelques jours de captivité (Compagno, 2001). L’aquarium de Monterey Bay, situé en Californie, a organisé 5 expositions de grands requins blancs vivants depuis 2004. Tous les requins ont survécu et ont été relâchés avec succès dans la nature après 6 mois ou moins passés à l’aquarium. La menace est considérée comme passée, car les grands requins blancs sont rarement capturés à ces fins.

Eaux canadiennes de l’Atlantique

La capture de grands requins blancs vivants n’est pas considérée comme une menace dans les eaux canadiennes de l’Atlantique puisqu’elle n’est pas permise et ne semble pas exister.

5.2.8 Bioaccumulation persistante de toxines

Échelle mondiale

Compte tenu de son régime alimentaire et de sa longévité, le grand requin blanc est susceptible de bioaccumuler des polluants dans son corps, comme cela a été observé chez d’autres espèces de requins et de raies (élasmobranches) (Cagnazzi et al., 2019).

Des spécimens de grands requins blancs des eaux sud‑africaines ont été trouvés avec des teneurs élevées en pesticides organochlorés, en métaux (par exemple, du mercure) et en biphényles polychlorés (BPC) (Schlenk et al., 2005). Des juvéniles se trouvant dans la Southern California Bight présentaient des teneurs en mercure 6 fois plus élevées que la valeur de dépistage préoccupante établie pour les espèces sauvages, des concentrations élevées de contaminants organiques dans leur foie et des concentrations de dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) supérieures à celles signalées pour tout autre élasmobranche (Mull et al., 2012). Le potentiel de transfert de contaminants des grands requins blancs femelles à leur progéniture est important en raison du niveau trophique élevé de l’espèce (Lyons et al., 2013).

L’accumulation de ces toxines entraîne de graves problèmes de santé (par exemple, troubles de reproduction, anomalies squelettiques, perturbations endocriniennes et immunotoxicité) chez plusieurs mammifères marins et pourrait constituer une préoccupation pour le grand requin blanc. Des recherches suggèrent cependant que le grand requin blanc pourrait avoir des mécanismes de protection physiologiques pour atténuer les effets de ces toxines. En effet, les requins blancs d’Afrique du Sud présentaient des concentrations sanguines de métaux lourds qui seraient normalement toxiques chez les vertébrés, mais aucun signe d’effets néfastes sur leur santé n’a été observé (Merly et al., 2019).

Eaux canadiennes de l’Atlantique

De nombreuses études ont évalué la prévalence potentielle et les effets de la bioaccumulation sur le grand requin blanc dans l’Atlantique Nord-Ouest. Marciano et ses collaborateurs (2024) ont constaté une accumulation de substances per et polyfluoroalkylées (SPFA) dans le plasma et les tissus hépatiques du grand requin blanc. Les requins échantillonnés au large de la Nouvelle-Écosse présentaient des concentrations plasmatiques de SPFA plus élevées que les requins échantillonnés ailleurs dans l’aire de répartition de la population, ce qui pourrait être attribué à des différences de régime alimentaire. Bielmyer-Fraser et ses collaborateurs (2023) ont constaté que les concentrations de certains métaux variaient en fonction du site de collecte, que les concentrations de nickel variaient en fonction du sexe, et que des stratégies de détoxification efficaces pouvaient exister dans la population. Crawford et ses collaborateurs (2023) ont observé une bioaccumulation de mercure dans le plasma et les tissus du grand requin blanc, avec des niveaux de mercure dans les tissus musculaires comparables à ceux d’autres populations de grands requins blancs, mais dépassant presque quatre fois les niveaux de mercure dans le plasma documentés dans d’autres populations. Cette bioaccumulation n’était cependant pas associée à des marqueurs de mauvaise santé, ce qui indique que l’espèce possède des mécanismes efficaces pour répondre à un tel stress physiologique.

5.2.9 Dégradation de l’habitat

Échelle mondiale

L’augmentation du développement côtier, le déversement de déchets organiques, la surpêche des espèces proies et les changements climatiques peuvent mener à la dégradation d’importantes zones d’alimentation, d’accouplement et de mise bas du grand requin blanc. Cependant, le grand requin blanc pourrait adapter son comportement et l’utilisation qu’il fait de l’habitat en réponse à la dégradation de l’habitat. Le COSEPAC (2021) précise que la hausse de la température de l’eau et l’acidification des océans peuvent avoir un effet négatif sur les petits et les aires de croissance du grand requin blanc, car les petits ne peuvent pas se déplacer sur de longues distances pour trouver des eaux propices à leur survie et à leur croissance. La documentation qui traite de la façon dont la dégradation de l’habitat peut altérer la santé, la répartition et la productivité des requins demeure rare.

Eaux canadiennes de l’Atlantique

L’utilisation de l’habitat par le grand requin blanc dans les eaux côtières et hauturières canadiennes de l’Atlantique englobe une vaste zone géographique pendant une grande partie de l’année (voir la section 4.2 Abondance et répartition de l’espèce). Bien qu’elles ne soient pas documentées dans la littérature publiée, diverses formes de dégradation de l’habitat pourraient constituer une menace pour l’espèce.

5.2.10 Autres menaces

On pense que certaines activités anthropiques présenteraient des menaces pour le grand requin blanc à l’échelle mondiale et dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, bien qu’elles soient mal comprises. Ces renseignements ne sont pas inclus dans le tableau 2, car peu ou pas d’information est disponible pour évaluer le niveau de préoccupation et la certitude causale.

Champs électromagnétiques anthropiques

Les espèces d’élasmobranches, telles que le grand requin blanc, possèdent un « sens électrique » qui leur permet de détecter des champs électromagnétiques (CEM) localisés dont elles peuvent se servir pour s’orienter à plus grande échelle (examiné dans Hueter et al., 2004). Des études sur d’autres élasmobranches indiquent que la détection des CEM les aide à repérer leurs proies, à éviter les prédateurs et à s’orienter à l’échelle locale. Elles peuvent se servir des CEM pour s’orienter dans leur environnement de manière active comme passive (Hueter et al., 2004).

Les sources anthropiques de CEM ont été introduites dans l’environnement marin par une grande variété de sources, et ce, dans de nombreuses régions du monde (Normandeau et al., 2011). On sait peu de choses concernant leurs répercussions sur les espèces et les écosystèmes marins. Bien qu’il manque de l’information sur les effets des CEM sur le grand requin blanc et d’autres espèces marines, les CEM constituent possiblement une menace.

Dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, les sources anthropiques potentielles de CEM comprennent les câbles électriques, les câbles de télécommunications sous-marins et les structures d’exploitation des énergies renouvelables au large des côtes (par exemple, énergie éolienne ou marémotrice) (Isaacman et Daborn, 2011; Normandeau et al., 2011; MPO, 2013a; COSEPAC, 2021). Ces CEM peuvent interférer avec la capacité d’un requin à utiliser son sens électromagnétique, ce qui pourrait avoir des effets sur son comportement et ses fonctions vitales. La portée des émissions de CEM provenant de sources comme les câbles sous‑marins peut être minimale et localisée. Compte tenu des lacunes actuelles dans les connaissances sur la biologie des requins, le niveau de préoccupation que cette menace peut représenter pour le grand requin blanc à l’échelle mondiale et dans les eaux canadiennes de l’Atlantique n’est pas bien compris (Isaacman et Daborn, 2011; Normandeau et al., 2011; MPO, 2013a).

Perturbations acoustiques

Le bruit dans l’océan augmente à l’échelle mondiale. Parmi les sources de bruit anthropique figurent la navigation commerciale, l’exploration et l’extraction des ressources naturelles et le développement industriel (par exemple, battage de pieux).

Le système auditif du grand requin blanc le rendrait sensible à la moindre vibration ou au moindre son (Martin, 2003). Des expériences sur le terrain et en laboratoire sur d’autres espèces de requins indiquent que les requins peuvent entendre des sons dont les fréquences vont d’environ 10 Hz (hertz, cycles par seconde) à environ 800 Hz et qu’ils sont plus sensibles aux sons inférieurs à 375 Hz. Des études montrent également que les requins sont davantage attirés par des pulsations irrégulières à fréquence relativement basse comme celles habituellement associées à un poisson en difficulté (Martin, 2003). Les résultats de ces études pourraient s’appliquer au grand requin blanc; l’impact global du bruit anthropique sur l’espèce demeure cependant mal compris. Le bruit pourrait forcer le grand requin blanc à se déplacer de ses zones d’alimentation préférées ou réduire sa capacité à détecter ses proies, ce qui pourrait entraîner des coûts énergétiques pour les individus et les populations.

Développement côtier et extracôtier

Le développement côtier et l’exploitation des océans comprennent, entre autres, la construction côtière sur terre, les développements dans l’eau (comme la construction de quais et le dragage), l’exploration et l’exploitation pétrolières et gazières et le développement des énergies renouvelables (comme l’énergie éolienne et marémotrice). Ces activités pourraient entraîner une dégradation de l’habitat (par exemple en introduisant des contaminants et des sédiments excédentaires), une augmentation des perturbations acoustiques et d’autres répercussions sur le grand requin blanc et ses proies.

Le développement de l’énergie marémotrice dans la baie de Fundy pourrait chevaucher les zones où l’on sait que le grand requin blanc est présent. La production d’énergie marémotrice consiste à placer une structure de production d’énergie, comme une turbine, dans l’environnement marin. Les effets potentiels sur les espèces présentes dans la région peuvent provenir d’interactions physiques, de perturbations acoustiques ou de la création de CEM par des câbles électriques sous-marins (AECOM, 2009). Des collisions avec les turbines marémotrices pourraient survenir et entraîner des blessures ou de la mortalité chez le grand requin blanc et ses proies. Le risque de mortalité ou de blessure dépend de la conception du système d’énergie marémotrice (par exemple, diamètre des turbines, nombre de turbines, vitesse des pales, position dans la colonne d’eau). Les câbles utilisés aux fins de la production d’énergie marémotrice émettent des CEM de faible intensité et ne sont pas susceptibles d’entraîner un comportement d’évitement (AECOM, 2009). Certains modèles d’énergie marémotrice peuvent présenter des risques pour les proies du grand requin blanc et les effets cumulatifs de multiples turbines marémotrices, particulièrement à l’échelle commerciale, pourraient augmenter la probabilité ou la gravité des menaces pesant sur le grand requin blanc. Étant donné que les effets du développement de l’énergie marémotrice sur l’espèce demeurent inconnus, il faudrait élaborer des plans de suivi des effets sur l’environnement qui permettraient d’effectuer un suivi rigoureux des répercussions potentielles des projets d’énergie marémotrice sur l’espèce.

Le COSEPAC (2021) a également relevé l’aquaculture comme étant possiblement une menace pour l’espèce dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, car des interactions du grand requin blanc avec les sites de salmoniculture ont été documentées. Bien que des modifications aux filets puissent réduire la possibilité de telles interactions, ces filets constituent un risque d’empêtrement pour les requins blancs. De plus, même si les interactions sont probablement rares, l’intensification de l’activité aquacole peut se traduire par davantage d’interactions et d’empêtrements.

Parmi les autres menaces figurent les perturbations physiques dues à l’aménagement de parcs éoliens, les collisions avec des navires dans les couloirs de navigation et les déplacements découlant de l’aménagement de plateformes pétrolières et gazières. Au moment de l’évaluation, le COSEPAC (2021) indiquait que ces menaces étaient peu susceptibles d’avoir une incidence sur l’espèce en raison de l’un ou de plusieurs des facteurs suivants : le comportement du grand requin blanc ou l’étendue et l’intensité actuelles de la menace.

6 Objectifs en matière de population et de répartition

Les objectifs en matière de population et de répartition établissent, dans la mesure du possible, le nombre d’individus ou de populations, de même que la répartition géographique de l’espèce, qui sont nécessaires au rétablissement de l’espèce. Les objectifs en matière de population et de répartition du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique sont :

Objectif en matière de population : maintenir ou augmenter la population de grands requins blancs qui fréquentent les eaux canadiennes de l’Atlantique.

Objectif en matière de répartition : maintenir la répartition du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

Les renseignements disponibles sur l’abondance et la répartition du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique sont insuffisants pour fixer des objectifs quantitatifs. Les recherches et les mesures de gestion prévues et en cours au Canada devraient contribuer au rétablissement de la population et fournir des renseignements qui permettront de préciser ces objectifs dans l’avenir.

Les objectifs en matière de population et de répartition reconnaissent que les grands requins blancs présents dans les eaux canadiennes de l’Atlantique représentent une proportion inconnue de la population de l’Atlantique Nord-Ouest et que les changements dans l’ensemble de cette population se refléteront probablement dans la proportion de grands requins blancs présents dans les eaux canadiennes. Ce programme de rétablissement est donc axé sur la réduction de la mortalité anthropique dans les eaux canadiennes tout en favorisant une collaboration à l’échelle internationale en vue d’influer sur l’abondance totale du grand requin blanc dans l’Atlantique Nord-Ouest. Si, à l’avenir, la population de l’Atlantique Nord-Ouest est jugée stable, les activités de rétablissement se concentreront sur le maintien de cette stabilité. Aucune activité ne sera mise en œuvre pour modifier les tendances de répartition du grand requin blanc sans tenir compte des changements dans l’abondance et la répartition de la population à l’échelle mondiale.

Le rétablissement du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique dépendra des stratégies de conservation mises en œuvre dans toute l’aire de répartition de la population. C’est pourquoi des efforts de rétablissement uniquement déployés dans les eaux canadiennes de l’Atlantique pourraient ne pas permettre d’évaluer l’espèce à un statut inférieur (par exemple, menacée, préoccupante ou non en péril).

Les objectifs en matière de population et de répartition seront réévalués dans un délai significatif sur le plan biologique lorsque le rétablissement pourra être mesuré efficacement ou à mesure que de nouveaux renseignements seront disponibles. Un délai de 5 ans ou un délai similaire pour la production de rapports ne permettrait pas d’évaluer le rétablissement de la population avec exactitude compte tenu de la longévité et de la maturation tardive de cette espèce. La durée de génération demeure incertaine, les estimations indiquant une durée soit plus courte (26 ans), soit plus longue (62 ans) (MPO, 2017). Dans tous les cas, la longévité de l’espèce et les caractéristiques de son cycle vital signifient qu’il faudrait probablement des décennies avant que les changements de population se manifestent et que le rétablissement ne soit accompli. Des mesures provisoires des progrès seront nécessaires pour suivre le rétablissement à court terme (section 9).

7 Stratégies et approches générales pour l’atteinte des objectifs

Les approches de recherche et de gestion nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition, y compris les mesures déjà achevées ou en cours, sont décrites dans cette section et regroupées sous les stratégies générales suivantes :

Stratégie générale 1 : Recherche et surveillance

Stratégie générale 2 : Gestion et protection

Stratégie générale 3 : Collaboration internationale

Stratégie générale 4 : Participation, intendance et sensibilisation du public

7.1 Mesures déjà achevées ou en cours

Stratégie générale no 1 : recherche et suivi

Le gouvernement, les universités et les ONGE ont mis en place plusieurs programmes de recherche à long terme pour étudier et surveiller le grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. Jusqu’à présent, la recherche s’est concentrée sur des études télémétriques de l’utilisation de l’habitat par le requin blanc dans les eaux canadiennes, ainsi que sur l’évaluation de l’abondance et des tendances de la population. Des recherches sur d’autres menaces pesant sur la population et sur l’espèce en général (par exemple, la bioaccumulation, l’écotourisme) sont également en cours. Des nécropsies ont aussi été réalisées sur des grands requins blancs retrouvés morts dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, afin d’améliorer la compréhension de la santé des grands requins blancs et des menaces qui pèsent sur l’espèce.

Stratégie générale no 2 : gestion et protection

Depuis son inscription en 2011, le grand requin blanc est visé par l’article 32 de la LEP, c’est-à-dire qu’il est interdit de tuer un individu de l’espèce, de lui nuire, de le harceler, de le capturer et de le prendre; il est aussi interdit de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu, toute partie d’un individu ou tout produit qui en provient. En vertu de l’article 74 de la LEP, des permis de pêche commerciale respectant les exigences énoncées à l’article 73 de cette même loi ont été délivrés, à la suite d’un examen approfondi de l’activité de pêche proposée. Ces permis autorisent les interactions accidentelles avec de grands requins blancs et sont assortis de conditions, telles que la remise à l’eau des grands requins blancs d’une manière qui leur cause le moins de dommages possible et la déclaration de toutes les interactions avec des grands requins blancs dans un document de surveillance aux termes de la LEP, approuvé par le MPO.

Les interactions du grand requin blanc avec les engins de pêche sont surveillées par l’intermédiaire du programme d’observateurs en mer. Le pourcentage de couverture par des observateurs en mer varie considérablement d’une pêche à l’autre, certaines pêches n’étant pas suivies par des observateurs en mer. La vérification à quai est obligatoire pour 100 % des débarquements commerciaux d’espèces pélagiques de grande taille, y compris les prises accessoires autorisées de requins, bien qu’aucune pêche ne soit autorisée à débarquer de grands requins blancs (MPO, 2007; Hanke et al., 2012).

Le Plan d’action national pour la conservation et la gestion des requins (PDF, 547 ko) du Canada (MPO, 2007) a établi un cadre national pour la gestion des espèces de requins d’intérêt commercial et devrait indirectement profiter au grand requin blanc grâce aux efforts de gestion accrus axés sur les espèces de requins. L’amputation des ailerons de requins est interdite au Canada depuis 1994. Cette interdiction est appliquée au moyen de restrictions dans les conditions de permis de pêche du MPO pour les pêches commerciales des grands poissons pélagiques et des poissons de fond dans les eaux canadiennes de l’Atlantique. En 2016, le Canada s’est engagé à respecter une décision de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO) visant à adopter une politique de « nageoires naturellement attachées » qui exige que tous les requins capturés accidentellement et débarqués au Canada aient encore leurs nageoires naturellement attachées au corps (c’est-à-dire que les nageoires n’ont pas été enlevées de la carcasse du requin) (MPO, 2016). Cette politique est aussi mise en œuvre par l’intermédiaire des conditions à l’obtention d’un permis (MPO, 2019).

En 2019, le gouvernement du Canada a modifié la Loi sur les pêches de façon à définir et à interdire l’enlèvement des nageoires de requin, et à interdire l’importation et l’exportation de nageoires de requin, qui ne sont pas attachées à une carcasse, sauf lorsque l’enlèvement est effectué conformément à un permis délivré par la ministre des Pêches à des fins de recherche scientifique sur la conservation des requins et seulement si ces recherches sont susceptibles de favoriser la survie de toute espèce de requin (MPO, 2019). Les politiques et autres lois s’appliquant à toutes les espèces de requins, comme indiqué ci-dessus, fournissent des couches supplémentaires de protection à celles déjà fournies par la LEP pour le grand requin blanc.

Stratégie générale no 3 : collaboration internationale

En 2005, l’OPANO a interdit l’enlèvement des nageoires de requin ainsi que le transbordement et le débarquement de nageoires qui ne sont pas naturellement attachées à la carcasse d’un requin dans la zone réglementée par l’OPANO (NAFO, 2005). En 2016, l’OPANO a adopté des mesures qui interdisent l’enlèvement des nageoires de requin à bord des navires (NAFO, 2016). À titre de partie contractante de l’OPANO, les navires canadiens sont assujettis à ces mesures lorsque leurs activités se déroulent dans la zone réglementée par l’OPANO. La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) n’a pas adopté une politique de « nageoires naturellement attachées » (Shark League, 2017). Cependant, depuis 2004, la CICTA applique une politique selon laquelle le poids total des ailerons de requin à bord d’une embarcation ne doit pas dépasser 5 % du poids total des requins à bord (CICTA, 2005; MPO, 2014a). De nombreuses mesures internationales ont été prises pour offrir un certain niveau de protection aux grands requins blancs (voir le tableau 1).

Le Canada est signataire du Plan d’action international pour la conservation et la gestion des requins des Nations Unies, qui vise à assurer la conservation et la gestion à long terme des requins grâce à la collecte de données et à la recherche, à l’atténuation des menaces et à la prise de mesures collaboratives (FAO, 1999).

Il existe de nombreux partenariats internationaux de recherche collaborative, comme décrit dans la stratégie générale 1 : Recherche et surveillance.

Stratégie générale no 4 : consultation, intendance et sensibilisation du public

Une gamme de produits et d’activités offre au public une éducation générale sur le grand requin blanc et du matériel éducatif plus ciblé est disponible pour les utilisateurs de l’océan qui pourraient rencontrer l’espèce, notamment des ressources pour identifier les grands requins blancs et des pratiques exemplaires pour la manipulation du grand requin blanc afin de faciliter sa remise à l’eau depuis les engins de pêche commerciaux et récréatifs.

De nombreuses initiatives existent, ou ont existé, afin de de signaler les observations de grands requins blancs, notamment le Centre de recherche sur la vie marine de Grand Manan, le réseau d’identification des requins du WWF-Canada, la base de données des observations de grands requins blancs du MPO, le Registre canadien des attaques de requins et la ligne téléphonique d’urgence de la Marine Mammal Response Society pour tous les animaux marins dans les provinces maritimes, y compris les grands requins blancs.

La Massachusetts Division of Marine Fisheries collabore également avec l’Atlantic White Shark Conservancy et d’autres organismes pour élaborer une carte et une application Web, « Sharktivity », qui montre l’emplacement géographique des observations et des détections de grands requins blancs (Atlantic White Shark Conservancy, 2024). OCEARCH gère également un outil de suivi des requins accessible au public, qui affiche l’emplacement des grands requins blancs marqués par l’organisation (OCEARCH, 2024).

7.2 Orientation stratégique pour le rétablissement

Les approches de recherche et de gestion nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition sont présentées dans le tableau 3. Celles-ci contribueront à l’élaboration de mesures de rétablissement spécifiques dans 1 ou plusieurs plans d’action.

Une proportion plus élevée de la population de requins blancs de l’Atlantique Nord-Ouest devrait se trouver dans les eaux américaines comparativement aux eaux canadiennes de l’Atlantique (Casey et Pratt, 1985; Curtis et al., 2014); la réussite des mesures de rétablissement dans les eaux canadiennes de l’Atlantique dépend donc des mesures prises ailleurs dans l’Atlantique Nord-Ouest. Le MPO encourage les autres agences et organisations à participer au rétablissement du grand requin blanc (population de l’Atlantique) en mettant en œuvre ce programme de rétablissement.

Tableau 3. Tableau de planification du rétablissement du grand requin blanc (population de l’Atlantique).
Description générale des approches de recherche et de gestion Prioritéa Stratégie générale Menace ou préoccupation visée
1. Entreprendre des recherches et une surveillance scientifiques pour mieux comprendre l’aire de répartition de la population de grands requins blancs, son utilisation de l’habitat et son régime alimentaire dans les eaux canadiennes de l’Atlantique, ainsi que la structure et la dynamique de la population de grands requins blancs dans l’Atlantique Nord-Ouest. Élevée 1, 3 Connaissance limitée de l’utilisation de l’habitat dans les eaux canadiennes, ainsi que de la structure, de la dynamique et de l’aire de répartition de la population
2. Entreprendre des recherches opportunistes (par exemple, prélèvement d’échantillons biologiques, analyse du contenu stomacal ou de la cause de la mort) sur des individus capturés accidentellement ou morts. Moyenne 1, 3 Connaissance limitée de la population, de la répartition et de l’utilisation de l’habitat dans les eaux canadiennes; connaissance limitée des menaces
3. Recueillir des connaissances autochtones et locales pour mieux comprendre l’aire de répartition du grand requin blanc et son utilisation de l’habitat. Faible 1 Connaissance limitée de la population, de la répartition et de l’utilisation de l’habitat dans les eaux canadiennes
4. Recueillir et tenir à jour les renseignements sur les observations de grands requins blancs. Faible 1 Connaissance limitée de la population, de la répartition et de l’utilisation de l’habitat dans les eaux canadiennes
5. Entreprendre des recherches scientifiques pour mieux comprendre la nature et la fréquence des menaces documentées et émergentes qui pèsent sur le grand requin blanc. Élevée 1 Connaissance limitée des menaces
6. Étudier et mettre en œuvre des améliorations aux méthodes, aux exigences de consignation, ainsi qu’à la couverture des observateurs en mer. Moyenne 1, 2 Prises accessoires commerciales
7. Collaborer aux efforts, locaux, nationaux et internationaux de recherche et de surveillance visant le grand requin blanc et gérer les activités humaines en appui du rétablissement. Élevée 1, 3 Toutes les menaces
8. Assurer la production continue et améliorée de rapports sur les interactions avec les pêches dans les eaux canadiennes de l’Atlantique et explorer des mesures pour améliorer la conformité au besoin. Moyenne 2 Prises accessoires commerciales, pêche récréative
9. Étudier et mettre en œuvre des mesures visant à atténuer les interactions entre les pêches, le cas échéant. Élevée 2 Prises accessoires commerciales
10. Veiller à ce que la protection et le rétablissement du grand requin blanc soient pris en compte dans la gestion de toutes les activités océaniques pertinentes. Élevée 2 Toutes les menaces
11. Assurer l’application continue des lois et des politiques pertinentes pour surveiller et contrôler l’importation et l’exportation de produits dérivés du grand requin blanc au Canada dans la mesure du possible. Moyenne 2 Pêche, enlèvement illégal des nageoires et commerce de curiosités
12. Étudier et mettre en œuvre, le cas échéant, des mesures spécifiques pour surveiller et contrôler l’importation et l’exportation illégales de produits dérivés du grand requin blanc au Canada. Moyenne 2 Pêche, enlèvement illégal des nageoires et commerce de curiosités
13. Promouvoir et soutenir les politiques de gestion et de commerce dans les forums internationaux qui encouragent la protection et le rétablissement à long terme du grand requin blanc à l’échelle mondiale. Moyenne 3 Pêche, enlèvement illégal des nageoires et commerce de curiosités; prises accessoires commerciales
14. Informer les intervenants et le grand public sur l’écologie et la conservation du grand requin blanc ainsi que sur les menaces qui pèsent sur lui. Moyenne 4 Persécution et contrôle; prises accessoires commerciales; pêche récréative; pêche, amputation des ailerons et commerce de curiosités

a. « Priorité » reflète l’ampleur dans laquelle l’approche contribue directement au rétablissement de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une approche qui contribue au rétablissement de l’espèce :

8 Habitat essentiel

8.1 Désignation de l’habitat essentiel de l’espèce

Aux termes de la LEP, l’habitat essentiel est « l’habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce ». [paragraphe 2(1)]

De plus, la LEP définit ainsi l’habitat d’une espèce aquatique comme suit : « […] les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire ». [paragraphe 2(1)]

La désignation de l’habitat essentiel du grand requin blanc (population de l’Atlantique) n’est pas possible pour le moment, compte tenu de l’information actuellement accessible sur la répartition de la population et l’utilisation de l’habitat. Le calendrier des études décrit les recherches requises pour désigner l’habitat essentiel en vue d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition établis pour l’espèce.

8.2 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

D’autres recherches sont requises pour désigner l’habitat nécessaire à l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition et pour protéger l’habitat essentiel contre la destruction. Ces recherches additionnelles comprennent les études décrites dans le tableau 4.

Tableau 4. Calendrier des études pour désigner l’habitat essentiel du grand requin blanc (population de l’Atlantique)
Description de l’étude Justification Échéanciera

Entreprendre des études écologiques qui fournissent des renseignements sur l’utilisation de l’habitat et le comportement du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

Les connaissances sur l’espèce et son utilisation de l’habitat dans les eaux canadiennes de l’Atlantique sont limitées. Les études qui examinent des facteurs comme l’aire de répartition du grand requin blanc et son utilisation de l’habitat (défini par les caractéristiques océanographiques), ainsi que l’utilisation de l’habitat par stade biologique, peuvent aider à désigner l’habitat essentiel de cette espèce de même que les caractéristiques biophysiques de cet habitat.

5 ans

Mener des études qui aident à comprendre la répartition saisonnière, les déplacements, la migration et l’abondance du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique (par exemple, grâce au marquage et à la surveillance continus de grands requins blancs dans les eaux de l’Atlantique Nord-Ouest).

Accroître les connaissances sur la répartition et l’utilisation de l’habitat du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique afin de soutenir la désignation future de l’habitat essentiel.

5 ans

a. L’échéancier reflète le temps nécessaire pour réaliser l’étude à partir de la publication de la version définitive du programme de rétablissement dans le Registre public des espèces en péril.

9 Mesure des progrès

Les indicateurs de rendement présentés ci-dessous proposent un moyen de définir et de mesurer les progrès vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition. Les progrès accomplis vers l’atteinte de ces objectifs seront consignés dans le rapport sur les progrès de la mise en œuvre du programme de rétablissement. La réussite du programme de rétablissement permettra d’atteindre le but global de maintenir ou d’augmenter la population de grands requins blancs qui fréquentent les eaux canadiennes de l’Atlantique et de maintenir l’aire de répartition des grands requins blancs dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

Mesures globales des progrès

Mesure globale des progrès no 1 : la portion de la population de grands requins blancs de l’Atlantique Nord-Ouest qui fréquente les eaux canadiennes de l’Atlantique est maintenue ou augmentée.

Mesure globale des progrès no 2 : la répartition du grand requin blanc dans les eaux canadiennes de l’Atlantique est maintenue.

Mesures intermédiaires des progrès

Dans l’attente de l’établissement d’une référence pour évaluer la réussite des mesures globales des progrès, les mesures intermédiaires des progrès suivantes seront utilisées :

Mesure intermédiaire des progrès A : une évaluation normalisée des tendances de l’abondance et de la répartition relatives du grand requin blanc au Canada a été effectuée .

Mesure intermédiaire des progrès B : une analyse des données disponibles sur les prises accessoires de grands requins blancs dans les pêches du Canada atlantique a été effectuée .

Mesure intermédiaire des progrès C : des mesures efficaces d’atténuation des menaces sont appliquées et adaptées à mesure que de nouveaux renseignements deviennent disponibles, de sorte que les dommages totaux admissibles ne sont pas dépassés.Note de bas de page 4

Mesure intermédiaire des progrès D : l’habitat essentiel du grand requin blanc est désigné dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.

Mesure intermédiaire des progrès E : la participation canadienne aux initiatives internationales pour le rétablissement et la conservation du grand requin blanc est maintenue et améliorée, le cas échéant.

10 Activités autorisées par le programme de rétablissement

Aux termes de la LEP, « les paragraphes 32(1) et (2), l’article 33, les paragraphes 36(1), 58(1), 60(1) et 61(1) ne s’appliquent pas à une personne exerçant des activités autorisées, d’une part, par un programme de rétablissement, un plan d’action ou un plan de gestion et, d’autre part, sous le régime d’une loi fédérale, notamment au titre d’un règlement pris en vertu des articles 53, 59 ou 71 ». [paragraphe 83(4)]

L’EPR initiale du requin blanc (MPO, 2006) a conclu que tout niveau de dommage mettrait en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce. Étant donné que les conclusions ultérieures de Curtis et al. (2014) ont suggéré que la population semble augmenter, le MPO a réexaminé la portée des dommages admissibles pour le grand requin blanc en 2016 (MPO, 2017). Il y a 4 critères qui ont été pris en compte pour cette évaluation, comme l’indique le Cadre révisé pour l’évaluation de l’étendue des dommages admissibles en vertu de l’article 73 de la Loi sur les espèces en péril (MPO, 2004) :

  1. La population est-elle si petite ou si concentrée dans l’espace qu’elle serait vulnérable à l’élimination en cas d’événement catastrophique?
  2. La trajectoire récente du stock est-elle stable ou susceptible d’être à la hausse?
  3. Les sources connues de mortalité causée par l’homme sont-elles peu susceptibles d’augmenter?
  4. La probabilité est‑elle élevée pour que les objectifs de rétablissement soient atteints dans des délais raisonnables, même en présence de dommages admissibles?

En ce qui concerne les critères 1 à 3, cette nouvelle évaluation des dommages admissibles a examiné les recherches passées et récentes sur le grand requin blanc et la population de l’Atlantique Nord-Ouest en particulier. Le critère 4 a été évalué à l’aide d’un modèle de simulation conçu pour le grand requin blanc qui tient compte de l’incertitude des paramètres du cycle vital (par exemple, les estimations contradictoires de la longévité et de l’âge à la maturité) tout en modélisant la probabilité de déclin de la population selon différents scénarios de mortalité (représentant différents niveaux de dommages admissibles). Le MPO (2017) a conclu, relativement aux 4 critères, qu’il est possible d’observer une mortalité anthropique dans les eaux canadiennes sans que la survie ou le rétablissement de l’espèce soit mis en péril, selon ce qui suit :

  1. La répartition spatiale et les profils de déplacement du grand requin blanc rendent l’ensemble de la population de l’Atlantique Nord-Ouest relativement invulnérable aux événements catastrophiques localisés. Certaines composantes de la population peuvent être vulnérables à certaines périodes de l’année, comme lorsque les grands requins blancs fréquentent des zones côtières géographiquement distinctes comme la baie de Fundy.
  2. Bien que l’incertitude soit considérable pour la récente trajectoire de la population de grands requins blancs dans l’Atlantique Nord-Ouest, la meilleure estimation (et la plus actuelle) laisse entendre que la population a augmenté depuis les années 1990 (Curtis et al., 2014). Par contre, l’ampleur de l’augmentation est incertaine. Indirectement, l’établissement récent d’un programme de surveillance indépendant des pêches pour le grand requin blanc au large de Cap Cod (depuis 2009) soutient l’idée que l’espèce est de plus en plus abondante dans les eaux adjacentes au Canada et pourrait donc être plus abondante dans les eaux canadiennes de l’Atlantique.
  3. Les prises accessoires des pêcheurs commerciaux maritimes constituent la principale cause de mortalité anthropique dans les eaux canadiennes. Les fascines et les filets maillants semblent être les types d’engins ayant le plus grand potentiel d’interaction avec l’espèce. La mortalité accidentelle déclarée de 1950 à 2016 est demeurée à 3 individus par décennie dans toutes les pêches du Canada atlantique; cependant, l’étendue des pêches commerciales n’est pas restée statique pendant cette période. Rien dans les données plus récentes n’indique que la mortalité accidentelle due à la pêche est de plus en plus fréquente (MPO, 2024), et il y a moins de fascines maintenant qu’auparavant en raison de la gestion plus restrictive des petites espèces pélagiques comme le maquereau. Si la mortalité accidentelle en eaux canadiennes représente un événement fortuit, il est peu probable qu’elle augmente considérablement à l’avenir même si des changements sont apportés aux activités.

Il y a une forte probabilité que les objectifs en matière de population et de répartition puissent être atteints selon plusieurs scénarios de dommages admissibles pour le grand requin blanc au Canada même si la mortalité annuelle attribuable aux prises accessoires augmente comparativement aux estimations passées. Si la population de grands requins blancs de l’Atlantique Nord‑Ouest est caractérisée par un très faible taux de croissance intrinsèque de la population, seulement quelques trajectoires simulées de la population ont prédit un déclin compte tenu des niveaux de mortalité actuels (3 individus par décennie). Toutefois, le pourcentage des trajectoires de population en déclin change relativement rapidement à mesure que la mortalité augmente; il double si l’on présume 1 mortalité par année, augmente de plus de 5,5 fois si l’on présume 3 mortalités par année, augmente de plus de 14 fois si l’on présume 10 mortalités par année et augmente de plus 19 fois si l’on présume 20 mortalités par année. Au niveau de mortalité le plus élevé, on présume un déclin de 72 % des trajectoires de population.

Étant donné la rareté des captures accidentelles de grands requins blancs par le passé, même à des moments où l’on pensait que l’espèce était plus abondante (par exemple dans les années 1950 et 1960), on ne s’attend pas à ce que les niveaux de mortalité modélisés les plus élevés soient observés dans les eaux canadiennes de l’Atlantique (MPO, 2017).

Compte tenu des résultats de l’analyse du MPO (2017), les objectifs en matière de population et de répartition peuvent être atteints si les niveaux de mortalité anthropique restent aux niveaux actuels ou augmentent légèrement. Un taux de mortalité maximal de 1 grand requin blanc par année, calculé en moyenne sur une période de 10 ans (c’est-à-dire un maximum de 10 mortalités sur 10 ans), est donc jugé acceptable. La portée des dommages sera réévaluée si de nouveaux renseignements deviennent disponibles (par exemple, si une estimation de l’abondance de la population est disponible ou mise à jour, des informations sur la tendance de la population suggèrent un changement, ou s’il est déterminé que les femelles subissent une sénescence reproductive).

Conformément au paragraphe 83(4) de la LEP, ce programme de rétablissement permet les activités décrites aux sections 10.1 à 10.3 ci-dessous.

Les personnes souhaitant participer à des activités autres que celles décrites aux sections 10.1 à 10.3 du présent programme de rétablissement, qui sont donc susceptibles de tuer de grands requins blancs, de leur nuire, de les harceler, de les capturer ou de les prendre, ou d’entraîner la destruction de tout élément de l’habitat essentiel (une fois désigné), doivent soumettre à la ministre des Pêches une demande de permis au titre de l’article 73 de la LEP. Le permis délivré, le cas échéant, inclura notamment les conditions régissant l’activité que la ministre estime nécessaires pour protéger l’espèce, réduisant au minimum les conséquences négatives de l’activité autorisée sur l’espèce ou assurant son rétablissement. La délivrance ou non du permis demeure à la discrétion de la ministre. Un permis ne peut être délivré que si la ministre estime que :

  1. toutes les solutions de rechange susceptibles de réduire au minimum les conséquences négatives de l’activité pour l’espèce ont été envisagées et la meilleure a été retenue;
  2. toutes les mesures possibles seront prises afin de réduire au minimum les conséquences négatives de l’activité pour l’espèce ou son habitat essentiel (une fois celui-ci désigné);
  3. l’activité ne mettra pas en péril la survie et le rétablissement de l’espèce.

Le formulaire de demande de permis de la LEP peut être téléchargé sur le site Web des espèces aquatiques en péril du MPO.

10.1 Pêches commerciales et pêches commerciales communautaires

Conformément au paragraphe 83(4) de la LEP, ce programme de rétablissement permet aux pêcheurs qui :

  1. sont titulaires d’un permis délivré en vertu de la Loi sur les pêches à des fins d’activités de pêche commerciale; ou
  2. pratiquent la pêche sous le régime d’un permis de pêche commerciale communautaire délivré en vertu du Règlement sur les permis de pêche communautaire des Autochtones (DORS/93-332);

d’avoir des interactions avec le grand requin blanc qui, accidentellement, tuent des individus de l’espèce, leur nuisent, les harcèlent ou les capturent. Cette exemption est soumise aux conditions suivantes :

Les conditions de permis sont révisées régulièrement et seront modifiées, si nécessaire, à mesure que de nouveaux renseignements deviennent disponibles. D’autres mesures de gestion ou d’atténuation propres à une pêche peuvent être mises en œuvre au moyen de plans de pêche axés sur la conservation ou de plans de gestion intégrée des pêches. Les mesures de gestion ou d’atténuation seront examinées et modifiées, si nécessaire, à mesure que de nouvelles informations seront disponibles. Le MPO travaillera avec l’industrie pour les permis de pêche commerciale et les Premières Nations pour les permis communaux de pêche commerciale afin d’affiner ces mesures visant à soutenir le rétablissement du grand requin blanc.

10.2 Activités de recherche scientifique menées par le MPO sur le grand requin blanc à des fins de conservation

Aux termes du paragraphe 83(4) de la LEP, ce programme de rétablissement permet la tenue d’activités de recherche scientifique ciblant le grand requin blanc menées par le MPO et autorisées en vertu de l’article 52 du Règlement de pêche (dispositions générales) (DORS/93-53) qui, accidentellement, tuent des individus de l’espèce, leur nuisent, les harcèlent ou les capturent. Cette exemption est soumise aux conditions suivantes :

Le présent programme de rétablissement permet également le prélèvement d’échantillons biologiques dans le cadre d’activités de recherche scientifique, ce qui pourrait entraîner la collection et la possession de parties de grand requin blanc (par exemple, sang ou tissus).

En cas de mortalité de grands requins blancs à cause d’activités de recherche menées par le MPO ou de mortalité portée à l’attention du MPO, ce programme de rétablissement permet aux chercheurs du MPO de collecter et de posséder des individus du grand requin blanc ou des parties d’un individu aux fins de recherche. La possession est assujettie aux conditions suivantes :

10.3 Activités de recherche menées par le MPO susceptibles d’interagir accidentellement avec le grand requin blanc

Aux termes du paragraphe 83(4) de la LEP, ce programme de rétablissement permet la tenue d’activités de recherche scientifique menées par le MPO et autorisées en vertu de l’article 52 du Règlement de pêche (dispositions générales) (DORS/93-53) qui, accidentellement, tuent des individus de grand requin blanc, leur nuisent, les harcèlent ou les capturent. Cette exemption est soumise aux conditions suivantes :

En cas de mortalité résultant d’activités de recherche ou de mortalité portée à l’attention du MPO, ce programme de rétablissement permet aux chercheurs de collecter et de posséder des individus ou leurs parties (par exemple, sang ou tissus). La collection et la possession sont assujetties aux conditions suivantes :

Les recherches qui ne sont pas menées par le MPO, qu’elles portent sur le grand requin blanc ou qu’elles soient susceptibles d’interagir avec le grand requin blanc, ne sont pas incluses dans les exemptions. Les personnes souhaitant participer à de telles activités doivent demander et obtenir un permis délivré par le MPO en vertu de l’article 73 de la LEP.

11 Énoncé sur les plans d’action

L’approche du gouvernement du Canada à l’égard de la planification du rétablissement se décline en 2 étapes, la première étant le programme de rétablissement et la seconde, le plan d’action. Un plan d’action est un document qui décrit les mesures ou les activités de rétablissement spécifiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis dans le programme de rétablissement.

Un plan d’action proposé pour le grand requin blanc (population de l’Atlantique) sera élaboré dans les 5 ans suivant la publication de la version finale du programme de rétablissement.

12 Références

Annexe A : Registre des collaborations et des consultations

La version provisoire du programme de rétablissement a été remise aux Premières Nations et aux organisations autochtones en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Québec.

La version provisoire du programme de rétablissement a été transmise aux parties intéressées de l’industrie de la pêche commerciale, aux producteurs de fruits de mer, aux opérateurs d’excursions récréatives en bateau et aux organisateurs de tournois de pêche au requin, ainsi qu’aux intervenants pertinents dans les organisations non gouvernementales et les universités.

L’ébauche du programme de rétablissement a aussi été distribuée aux ministères provinciaux concernés, y compris, le ministère des Pêches et de l’Aquaculture de la Nouvelle-Écosse et le ministère de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches du Nouveau-Brunswick.

Tous les commentaires reçus dans le cadre de ces examens ont été pris en considération et examinés dans la mesure du possible.

Annexe B : Catégories de menaces

Niveau de préoccupation : indique le degré d’importance (élevé, moyen, faible) de la gestion de la menace pour la conservation. L’établissement du niveau de préoccupation est relatif et reflète les priorités de gestion selon les connaissances actuellement limitées sur le grand requin blanc et les menaces qui pèsent sur lui.

Étendue : indique si la menace est localisée, c’est‑à‑dire si elle est liée à un site précis ou à une petite partie de l’aire de répartition de l’espèce, ou généralisée, c’est‑à‑dire si elle est liée à toute l’aire de répartition de l’espèce ou à une grande partie de celle-ci.

Réalisation : indique si la menace est passée, dans le sens qu’elle a contribué à un déclin, mais qu’elle ne touche plus l’espèce; actuelle, dans le sens qu’elle touche actuellement l’espèce; imminente, dans le sens que l’on s’attend à ce qu’elle touche l’espèce très bientôt; anticipée, dans le sens qu’elle pourrait toucher l’espèce dans l’avenir; ou inconnue, dans le sens que l’on ne sait pas si elle est présente actuellement, mais que c’est une menace possible.

Fréquence : décrit l’étendue temporelle de la menace. La menace peut être une réalisation unique (qui n’a eu lieu ou qui n’aura lieu qu’une seule fois); saisonnière (qui n’est présente qu’à certains moments de l’année; ou encore l’espèce est présente de façon saisonnière); récurrente (qui se produit de façon irrégulière ou peu fréquente); continue (qui se produit de façon constante).

Gravité : décrit l’importance (élevée, modérée, faible ou inconnue) de l’impact éventuel ou réel de la menace sur la population.

Certitude causale : reflète la solidité des données probantes établissant un lien entre la menace et ses effets sur une population. Une certitude causale élevée indique que des preuves scientifiques substantielles établissent un lien de cause à effet entre la menace et les contraintes sur la population. Une certitude causale moyenne indique que des preuves scientifiques établissent un lien entre la menace et les contraintes sur la population. Une certitude causale faible indique que des preuves limitées ou inexistantes établissent un lien probable entre la menace et les contraintes sur la population.

Annexe C : Signalement de l’observation de grands requins blancs

Toute personne qui aperçoit un requin est encouragée à documenter et à signaler l’observation à Pêches et Océans Canada (MPO).

Si vous voyez un requin, restez à une distance sécuritaire et notez autant de détails que possible sur l’observation, tels que :

Ces renseignements peuvent être communiqués au MPO au moyen des mécanismes suivants :

L’information sur l’identification des espèces de requins dans les eaux canadiennes de l’Atlantique se trouve sur le site Web du MPO.

Détails de la page

2025-11-17