Le lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada : Programme de rétablissement et plan d’action 2022

Titre officiel : Programme de rétablissement et plan d’action pour le lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada

Loi sur les espèces en péril
Série des programmes de rétablissement

Lépisosté tacheté
Information sur le document

Citation recommandée : Pêches et Océans Canada. 2021. Programme de rétablissement et plan d’action pour le lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada [Proposition]. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Pêches et Océans Canada, Ottawa. vii + 81 p.

Pour obtenir des exemplaires du rapport d’étape ou de plus amples renseignements sur les espèces en péril, y compris les rapports de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), les programmes de rétablissement, les descriptions de résidence, les plans d’action et d’autres documents liés au rétablissement, veuillez consulter le Registre public des espèces en péril.

Illustration de la page couverture : © Joseph R. Tomelleri

Also available in English under the title:
“Recovery Strategy and Action Plan for the Spotted Gar (Lepisosteus oculatus) in Canada”

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre de Pêches et Océans Canada, 2021. Tous droits réservés.

ISBN

No de catalogue.

Le contenu du présent document (à l’exception des illustrations) peut être utilisé sans permission, mais en prenant soin d’indiquer la source.

Préface

En vertu de l’Accord pour la protection des espèces en péril (1996), les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux signataires ont convenu d’établir une législation et des programmes complémentaires qui assureront la protection efficace des espèces en péril partout au Canada. Aux termes de la Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (LEP), les ministres fédéraux compétents sont responsables de l’élaboration des plans d’action pour les espèces inscrites comme étant disparues du pays, en voie de disparition ou menacées, dont le rétablissement a été jugé réalisable. Ils sont également tenus de rendre compte des progrès réalisés cinq ans après la publication du document final dans le Registre public des espèces en péril.

Le présent document a été préparé de manière à être conforme aux exigences de la LEP concernant les programmes de rétablissement et les plans d’action. Il fournit donc l’orientation stratégique aux fins du rétablissement de l’espèce, notamment les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce, ainsi que des mesures de rétablissement plus détaillées pour soutenir cette orientation stratégique, qui soulignent ce qui doit être fait pour atteindre ces objectifs. La LEP exige qu’un plan d’action comprenne également une évaluation des coûts socioéconomiques des mesures de rétablissement plus détaillées et des avantages découlant de sa mise en œuvre. Il est important de noter que l’établissement d’objectifs en matière de population et de répartition, de même que la désignation de l’habitat essentiel, sont des exercices de nature scientifique, et que les facteurs socioéconomiques n’ont pas été pris en considération lors de leur élaboration.

La ministre des Pêches et des Océans (MPO) et le ministre responsable de l’Agence Parcs Canada sont les ministres compétents en vertu de la LEP en ce qui touche le lépisosté tacheté et ont élaboré les présents programme de rétablissement et plan d’action, conformément aux articles 37 et 47 de la LEP. Pendant la préparation du programme de rétablissement et de son plan d’action, les ministres compétents ont tenu compte, conformément à l’article 38 de la LEP, de l’engagement qu’a pris le gouvernement du Canada de conserver la diversité biologique et de respecter le principe selon lequel, s’il existe une menace d’atteinte grave ou irréversible à l’espèce sauvage inscrite, le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes pour prévenir sa disparition ou sa décroissance. Dans la mesure du possible, le présent programme de rétablissement et son plan d’action ont été préparés en collaboration avec l’Agence Parcs Canada, Environnement et Changement climatique Canada, la province de l’Ontario, et le milieu universitaire, conformément aux paragraphes 39(1) et 48(1) de la LEP.

Comme il est indiqué dans le préambule de la LEP, le rétablissement de cette espèce dépendra de l’engagement et de la collaboration d’un grand nombre de groupes concernés qui participeront à la mise en œuvre des recommandations et des mesures formulées dans le présent programme de rétablissement et son plan d’action. Un rétablissement réussi ne pourra reposer seulement sur Pêches et Océans Canada (MPO) et l’APC, ni sur toute autre instance seule. Les coûts de la conservation des espèces en péril sont partagés entre les différentes instances concernées. La population canadienne est invitée à appuyer et à mettre en œuvre ce programme de rétablissement et son plan d’action dans l’intérêt du lépisosté tacheté, mais également de l’ensemble de la société canadienne.

Remerciements

Le présent programme de rétablissement et son plan d’action ont été préparés par le Programme des espèces en péril de la Région d’Ontario et des Prairies du MPO, grâce à la collaboration et aux contributions de nombreuses personnes et organisations. Un grand merci aux personnes suivantes du MPO de leurs commentaires et de leur contribution à ce document : Josh Stacey, John Jimmo, Shelly Dunn, Shawn Staton, William Glass et Andrew Drake.

Sommaire

Le lépisosté tacheté a été inscrit sur la liste des espèces menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) lorsque la Loi est entrée en vigueur en 2003. En 2019, son statut a été relevé à celui d’espèce en voie de disparition. Le présent programme de rétablissement et son plan d’action sont considérés comme faisant partie d’une série de documents qui sont liés et qui doivent être pris en considération ensemble, notamment le rapport de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), l’évaluation du potentiel de rétablissement et un programme de rétablissement publié en 2021. Il a été déterminé que le rétablissement de cette espèce était faisable sur les plans biologique et technique.

Le lépisosté tacheté est une espèce de taille relativement grande (jusqu’à 760 mm de longueur totale), fortement cuirassée. Ce prédateur possède un corps long et étroit ainsi qu’un museau oblong muni de nombreuses dents pointues. Le dos et la partie supérieure des flancs sont de couleur vert olive à brun velouté, au-dessus de la ligne latérale, et la partie inférieure est de couleur argent mat. Les adultes présentent des taches brunes sur le museau, la tête, le corps et les nageoires. Le lépisosté tacheté se distingue du lépisosté osseux, qui est plus courant, par son museau plus court et plus large. L’espèce occupe une aire de répartition vaste, mais discontinue, dans les bassins du fleuve Mississippi et des Grands Lacs de l’est de l’Amérique du Nord. L’aire de répartition canadienne du lépisosté tacheté semble se limiter à trois milieux humides côtiers peu profonds du lac Érié : la réserve nationale de faune (RNF) de la baie Long Point et du ruisseau Big, le parc national de la Pointe-Pelée et la baie Rondeau. Des spécimens uniques ont été observés dans le ruisseau Muddy, le port de Hamilton et le lac East (lac Ontario), et des occurrences historiques et possibles non confirmées ont été signalées dans le lac Sainte-Claire, le port de Hamilton, le marais Coote’s Paradise et le cours supérieur du Saint-Laurent (près de Kingston, en Ontario). Ces résultats permettent de penser qu’un échantillonnage plus poussé est nécessaire pour déterminer si des populations sont effectivement présentes à ces endroits.

Les principales menaces qui pèsent sur l’espèce sont décrites à la section 5 et comprennent les modifications de l’habitat, les charges en sédiments et en éléments nutritifs, le retrait de la végétation aquatique, les espèces exotiques, les changements climatiques, les obstacles qui limitent les déplacements et les pressions exercées par la pêche (prises accidentelles). Les objectifs en matière de population et de répartition (section 6) pour le lépisosté tacheté sont de maintenir la répartition et la densité actuelles des populations existantes dans les trois milieux humides côtiers du lac Érié (parc national de la Pointe-Pelée, baie Rondeau et réserve nationale de faune de la baie Long Point et du ruisseau Big). Le plan d’action énonce également les mesures qui offrent les meilleures possibilités de réaliser les objectifs susmentionnés en matière de population et de répartition, y compris des mesures à mettre en œuvre pour contrer les menaces et surveiller le rétablissement de l’espèce. Les stratégies générales à adopter pour répondre aux menaces pesant sur la survie et le rétablissement de l’espèce, de même que les approches de gestion et de recherche nécessaires à l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition, sont décrites à la section 7.

L’habitat essentiel du lépisosté tacheté est défini aussi précisément que possible, avec les meilleurs renseignements disponibles. Les fonctions et les caractéristiques nécessaires pour appuyer les processus du cycle biologique de l’espèce et atteindre les objectifs en matière de population et de répartition sont également précisées. Le présent programme de rétablissement et plan d’action désigne l’habitat essentiel du lépisosté tacheté comme étant composé des milieux humides côtiers et des bras d’eau calmes connectés, y compris les zones riveraines inondées interconnectées et les chenaux tributaires, du parc national de la Pointe-Pelée, de la réserve nationale de faune de la baie Long Point (incluant la réserve nationale de faune de Long Point) et du ruisseau Big et de la baie Rondeau. À ces endroits, la majorité de l’habitat essentiel a été désignée dans un programme de rétablissement antérieur, en 2012; le présent document désigne d’autres habitats essentiels dans la baie Rondeau et dans la baie Long Point (incluant la réserve nationale de faune de Long Point). La protection de l’habitat essentiel de l’espèce est assurée dans le parc national de la Pointe-Pelée et dans la réserve nationale de faune du ruisseau Big par une description de l’habitat essentiel publiée dans la Gazette du Canada en vertu du paragraphe 58(2) de la LEP, ce qui déclenche l’interdiction de détruire toute partie de cet habitat essentiel. La description de l’habitat essentiel sera modifiée pour inclure la réserve nationale de faune de Long Point. L’habitat essentiel dans la baie Rondeau et dans les autres parties de la baie Long Point (c’est-à-dire à l’extérieur de la réserve nationale de faune) sera protégé aux termes d’un arrêté visant la protection de l’habitat essentiel pris conformément aux paragraphes 58(4) et 58(5) de la LEP, qui invoque l’interdiction prévue au paragraphe 58(1) de détruire toute partie l’habitat essentiel désigné (section 2.3). Une évaluation des coûts socioéconomiques du plan d’action et des avantages découlant de sa mise en œuvre figure à la section 9.

Sommaire de la faisabilité du rétablissement

Le rétablissement du lépisosté tacheté est considéré comme biologiquement et techniquement réalisable. La faisabilité du rétablissement est déterminée d’après quatre critères établis par le gouvernement du Canada (2009)Note de bas de page 1:

1. Des individus de l’espèce sauvage qui sont capables de se reproduire sont-ils disponibles maintenant ou dans l’avenir prévisible pour maintenir la population ou améliorer son abondance?

Oui. Des populations reproductrices sont présentes dans l’aire de répartition canadienne de l’espèce (par exemple, parc national de la Pointe-Pelée et baie Rondeau).

2. Une superficie suffisante d’habitat convenable est-elle à la disposition de ces espèces, ou pourrait-elle devenir grâce à des activités de gestion ou de restauration de l’habitat?

Oui. Il semble y avoir des habitats suffisants à au moins un emplacement où des populations subsistent. Les activités de restauration de l’habitat peuvent également être utiles à d’autres endroits.

3. Les menaces importantes qui pèsent sur l’espèce ou son habitat peuvent-elles être évitées ou atténuées?

Oui. Des menaces importantes telles que la sédimentation et les apports d’éléments nutritifs, l’augmentation de la turbidité et la perte d’habitats humides peuvent être atténuées par des méthodes de restauration établies.

4.Des techniques de rétablissement existent-elles pour atteindre les objectifs de population et de répartition ou peuvent-elles être développées ans un délai raisonnable?

Oui. Les techniques permettant de réduire les menaces relevées (par exemple, utilisation de pratiques de gestion exemplaires pour réduire la sédimentation et les apports d’éléments nutritifs) et de restaurer les habitats humides sont bien connues, et leur efficacité a été démontrée.

Les efforts de rétablissement ne seront pas consentis de manière uniforme entre toutes les populations. Aux emplacements où les populations sont réduites ou disparues, il faudra peut-être déployer des efforts substantiels afin d’améliorer l’habitat et procéder à des réintroductions.

Contexte

1. Introduction

Le lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) a été inscrit sur la liste des espèces menacées en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) lorsque la Loi est entrée en vigueur en 2003. Son statut a été relevé à celui d’espèce en voie de disparition en 2019. Le présent programme de rétablissement et son plan d’action font partie d’une série de documents sur le lépisosté tacheté qui sont liés et qui doivent être pris en considération ensemble, notamment le « Programme de rétablissement du lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada » [PDF 1,31 Mo] (MPO 2012), le « Rapport de situation du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) sur le lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada » [PDF 1,45 Mo] (COSEPAC 2015) et l’Avis scientifique tiré de l’évaluation du potentiel de rétablissement (EPR) [PDF 232 Ko] (MPO 2010).

Un programme de rétablissement est un document de planification qui établit les mesures à prendre pour mettre un terme au déclin d’une espèce ou le renverser. Il fixe des objectifs, définit les principaux domaines dans lesquels des mesures doivent être prises et donne des renseignements généraux sur l’espèce et les menaces qui pèsent sur elle, ainsi que sur son habitat essentiel. La planification détaillée à l’appui des orientations stratégiques définies dans le programme de rétablissement de l’espèce se déroule à l’étape du plan d’action.

L’EPR est un processus entrepris par le Secteur des sciences de Pêches et Océans Canada (MPO) dans le but de fournir l’information et les avis scientifiques requis pour l’application de la LEP en s’appuyant sur les meilleures données scientifiques disponibles, les analyses et la modélisation des données, ainsi que des opinions d’experts. Le résultat de ce processus permet d’étayer bon nombre de sections du programme de rétablissement et plan d’action. Pour obtenir de plus amples renseignements, au-delà de ce qui est présenté dans le présent programme de rétablissement, veuillez consulter le rapport de situation du COSEPAC et l’avis scientifique découlant de l’évaluation du potentiel de rétablissement et plan d’action.

2. Renseignements concernant l’évaluation de l’espèce par le COSEPAC

Date de l’évaluation : novembre 2015

Nom commun de l’espèce: Lépisosté tacheté

Nom scientifique : Lepisosteus oculatus (Winchell, 1864)

Statut : En voie de disparition

Justification de la désignation : Cette espèce a une répartition très limitée au Canada, et des populations ne sont connues que dans seulement trois milieux humides en bordure du lac Érié. Les habitats végétalisés peu profonds qui sont requis pour toutes les étapes du cycle de vie continuent d’être dégradés et sont vulnérables à une végétation aquatique envahissante, à l’élimination de la végétation indigène, au remplissage, au dragage et à l’envasement.

Répartition au Canada : Ontario

Historique du statut : Espèce désignée « préoccupante » en avril 1983. Réexamen et confirmation du statut en avril 1994. Réexamen du statut : l’espèce a été désignée « menacée » en novembre 2000 et en mai 2005. Réexamen du statut : l’espèce a été désignée « en voie de disparition » en novembre 2015.

3. Information sur la situation de l’espèce

Tableau 1. Résumé de la protection actuelle et des autres statuts attribués au lépisosté tacheté.
Autorité responsable Administration ou organisation Année(s) d’évaluation/d’inscription Situation et/ ou description Niveau de désignation
Ontario Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition 2005 Menacée Population
Ontario NatureServe. 2017 S1 : gravement en péril Population
Canada Comité sur la situation des espèces en péril (COSEPAC) 2015 En voie de disparition  Population
Canada Loi sur les espèces en péril (LEP) 2005 Menacée Population
Canada NatureServe. 2017 N1 : gravement en péril Population
États-Unis NatureServe. 1996 N5 : non en péril Population
International NatureServe. 2012 G5 : non en péril Espèce
International  Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) 2012 Préoccupation mineure Espèce

Depuis son inscription à titre d’espèce menacée, le lépisosté tacheté est protégé partout où il se trouve en vertu de l’article 32 de la LEP :

 « Il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre. » [paragraphe 32(1)]

« Il est interdit de posséder, de collectionner, d’acheter, de vendre ou d’échanger un individu – notamment partie d’un individu ou produit qui en provient – d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée. » [paragraphe 32(2)]

En vertu de l’article 73 de la LEP, le ministre compétent peut conclure un accord autorisant une personne à exercer une activité touchant une espèce sauvage inscrite, tout élément de son habitat essentiel ou la résidence de ses individus, ou lui délivrer un permis à cet effet.

4. Information sur l’espèce

4.1 Description

Les lépisostés se distinguent facilement des autres espèces de poissons par leurs corps longs et étroits recouverts d’une cuirasse et par leurs longs museaux. Le corps du lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus Winchell, 1864) est fortement cuirassé par des écailles osseuses ganoïdes qui ne se chevauchent pas. Son museau et sa mâchoire sont oblongs et forment un bec relativement grand muni de nombreuses dents pointues (figure 1). La longueur du museau du lépisosté tacheté représente environ de 40 à 80 % de la longueur de sa tête, tandis que la largeur minimale de l’individu représente environ de 10 à 16 % de la longueur du museau (COSEPAC 2005). Les individus de cette espèce mesurent d’ordinaire de 200 à 600 mm de longueur totale (LT), mais peuvent atteindre 1 120 mm de LT et peser 2 700 g (Coker et al. 2001). Au Canada, le plus gros spécimen observé mesurait 767 mm de LT et a été capturé dans la baie Rondeau en 2007 (N.E. Mandrak, Pêches et Océans Canada [MPO], comm. pers., 2007). Le lépisosté tacheté possède un pédoncule caudal court et haut (c’est-à-dire, que le point de fixation est situé entre le corps et la queue). La colonne vertébrale est courbée vers le haut à la hauteur de la queue, se prolongeant sur une faible distance dans le lobe supérieur de la queue arrondie. Le dos et la partie supérieure des flancs sont de couleur vert olive à brun velouté, au-dessus de la ligne latérale, et la partie inférieure est de couleur argent mat. L’adulte possède des taches brunes sur le museau, la tête, le corps et les nageoires. Les larves de lépisosté tacheté présentent un prolongement charnu de la colonne vertébrale au-dessus du côté supérieur de la queue et sont de couleur vive, avec de larges lignes brun foncé sur le dos, les flancs et le ventre.

Le lépisosté tacheté se distingue de la seule autre espèce de lépisosté indigène rencontrée au Canada, le lépisosté osseux (L. osseus), par son museau plus court et plus large et son pédoncule caudal plus court et plus haut (Scott et Crossman 1998) (figure 2). Comme les deux espèces sont tachetées, on ne peut utiliser cet attribut pour les distinguer. Le lépisosté de Floride (L. platyrhincus) a été observé dans le bassin des Grands Lacs, à la suite de rejets de poissons d’aquarium. Le lépisosté de Floride ressemble beaucoup au lépisosté tacheté, mais le premier n’a pas les plaques translucides osseuses que l’on trouve sur l’isthme qui sépare les ouvertures des branchies chez le lépisosté tacheté (figure 3) (COSEPAC 2005).

 

Figure 1. Lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus).
Description longue

La Figure 1 s’agit d’une illustration sous droit d’auteur de Joseph R. Tomelleri. Elle montre qu’il est facile de distinguer le lépisosté tacheté des autres espèces de poissons par son corps long et étroit recouvert d’une cuirasse et par son long museau. Le corps du lépisosté tacheté est fortement cuirassé par des écailles osseuses ganoïdes qui ne se chevauchent pas. Son museau et sa mâchoire sont oblongs et forment un bec relativement grand muni de nombreuses dents pointues. Le lépisosté tacheté possède un pédoncule caudal court et haut (c.-à-d. que le point de fixation est situé entre le corps et la queue). La colonne vertébrale est courbée vers le haut à la hauteur de la queue, se prolongeant sur une faible distance dans le lobe supérieur de la queue arrondie. Le dos et la partie supérieure des flancs sont de couleur vert olive à brun velouté, au-dessus de la ligne latérale, et la partie inférieure est de couleur argent mat. L’adulte possède des taches brunes sur le museau, la tête, le corps et les nageoires. Les larves de lépisosté tacheté présentent un prolongement charnu de la colonne vertébrale au-dessus du côté supérieur de la queue et sont de couleur vive, avec de larges lignes brun foncé sur le dos, les flancs et le ventre. 

Figure 2. Différences dans la longueur et la largeur du museau distinguant le lépisosté tacheté (en bas) du lépisosté osseux (capturés dans la baie Rondeau en 2002, adaptation de COSEPAC 2005).
Description longue

La Figure 2 est une illustration de la différence entre le museau d’un lépisosté tacheté, en haut de l’illustration, et celui d’un lépisosté osseux, en bas de l’illustration.

Le lépisosté tacheté se distingue du lépisosté osseux (L. osseus), la seule autre espèce indigène de lépisosté que l’on trouve au Canada, par son museau plus court et plus large et son pédoncule caudal plus court et plus haut. Comme les deux espèces sont tachetées, on ne peut utiliser cet attribut pour les distinguer. La longueur du museau du lépisosté tacheté représente environ de 40 à 80 % de la longueur de sa tête, tandis que la largeur minimale de l’individu représente environ de 10 à 16 % de la longueur du museau. Les individus de cette espèce mesurent d’ordinaire de 200 à 600 mm de longueur totale (LT), mais peuvent atteindre 1 120 mm de LT et peser 2 700 g. Au Canada, le plus gros spécimen observé mesurait 767 mm de LT et a été capturé dans la baie Rondeau en 2007.

Figure 3. Plaques osseuses sur l’isthme distinguant le lépisosté tacheté (gauche) du lépisosté de Floride (droite) (photo de E. Holm, Musée royal de l’Ontario).
Description longue

La Figure 3 est une illustration d’un lépisosté tacheté à gauche et d’un lépisosté de Floride à droite. Le lépisosté de Floride (L. platyrhincus) a été observé dans le bassin des Grands Lacs, à la suite de rejets de poissons d’aquarium. Le lépisosté de Floride ressemble beaucoup au lépisosté tacheté, mais le premier n’a pas les plaques translucides osseuses que l’on trouve sur l’isthme qui sépare les ouvertures des branchies chez le lépisosté tacheté.

4.2 Abondance et répartition de la population

4.2.1 Aire de répartition mondiale et abondance de la population

Le lépisosté tacheté n’est présent qu’en Amérique du Nord, où il occupe une aire de répartition vaste mais discontinue dans les bassins hydrographiques du Mississippi, des Grands Lacs et de la côte du golfe, dans l’est de l’Amérique du Nord; il est présent dans 18 États et en Ontario (figure 4). Dans le bassin hydrographique des Grands Lacs, le lépisosté tacheté est présent en Indiana, au Michigan, en Ohio, en Ontario et en Pennsylvanie (Lee et al. 1980, Page et Burr 1991). Dans le bassin hydrographique du Mississippi, on le trouve de l’Illinois, au nord, jusqu’en Alabama et au Texas, au sud, et du Tennessee et de la Floride, à l’est, jusqu’en Oklahoma, à l’ouest (Lee et al. 1980, Page et Burr 1991). Moins de 1 % de l’aire de répartition mondiale de l’espèce se trouve au Canada.

Figure 4. Aire de répartition mondiale du lépisosté tacheté.
Description longue

La Figure 4 est une carte [adaptée de Page et Burr (1991)] montrant, à l’aide de zones grisées, l’aire de répartition mondiale du lépisosté tacheté et l’abondance des populations. Le lépisosté tacheté n’est présent qu’en Amérique du Nord, où il occupe une aire de répartition vaste, mais discontinue, dans les bassins hydrographiques du Mississippi, des Grands Lacs et de la côte du golfe, dans l’est de l’Amérique du Nord; il est présent dans 18 États et en Ontario. Dans le bassin hydrographique des Grands Lacs, le lépisosté tacheté est présent en Indiana, au Michigan, en Ohio, en Ontario et en Pennsylvanie. Dans le bassin hydrographique du Mississippi, on le trouve de l’Illinois, au nord, jusqu’en Alabama et au Texas, au sud, et du Tennessee et de la Floride, à l’est, jusqu’en Oklahoma, à l’ouest. Moins de 1 % de l’aire de répartition mondiale de l’espèce se trouve au Canada.

4.2.2 Aire de répartition canadienne et abondance de la population

L’aire de répartition actuelle du lépisosté tacheté au Canada comprend les milieux humides côtiers du lac Érié (parc national de la Pointe-Pelée, baie Rondeau, baie Long Point [y compris la réserve nationale de faune (RNF) de Long Point, le parc provincial de Long Point et la pointe Turkey] et la réserve nationale de faune du ruisseau Big), et demeure non confirmée dans le port de Hamilton, la baie Frenchman et le lac East le long de la rive nord du lac Ontario (figure 5).

Les échantillons canadiens ont été prélevés de façon sporadique, ce qui rend difficile l’évaluation des effectifs et des tendances des populations. Les premières captures confirmées de lépisostés tachetés ont été faites dans le parc national de la Pointe-Pelée, en 1913, dans la baie Long Point, en 1947 et dans la baie Rondeau, en 1955. D’autres captures réalisées par des pêcheurs commerciaux en 1925 et en 1938 ont probablement eu lieu dans la baie Rondeau également.

Lac Sainte-Claire : Un seul spécimen de lépisosté tacheté a été capturé dans le lac Sainte-Claire en 1962, non loin de l’embouchure de la rivière Thames (COSEPAC 2015). Depuis, aucun spécimen n’a été détecté dans le lac Sainte-Claire, malgré les nombreux relevés d’échantillonnage effectués à l’aide de divers types d’engins appropriés. Par exemple, le MPO a échantillonné 20 sites de la réserve nationale de faune de Sainte-Claire en 2005 à l’aide de verveux (pour un effort total de 480 heures) et aucun lépisosté tacheté n’a été détecté (Mandrak et al. 2006a).

Rivière Sydenham : On a rapporté deux captures de lépisostés tachetés dans la rivière Sydenham en 1975. Cependant, un spécialiste en larves de poissons a déterminé par la suite qu’il s’agissait d’un lépisosté osseux et aucun spécimen de référence n’est associé à la deuxième capture (COSEPAC 2005). Aucun spécimen additionnel n’a été capturé dans les environs de ces deux mentions lors d’échantillonnages subséquents menés en 2002 et 2003 par électropêche depuis une embarcation, au verveux et à la senne; (N.E. Mandrak, MPO, données inédites); les deux mentions initiales de la rivière Sydenham sont donc douteuses. D’autres spécimens ont été signalés dans le sud-ouest de l’Ontario, mais soit leur ré-identification a révélé qu’il s’agissait en fait de lépisostés osseux, soit le pêcheur n’a pas conservé de spécimen de référence et l’identification n’est donc pas confirmée (COSEPAC 2005).

Rivière Thames : Un spécimen a été capturé en 1962 au lac Sainte-Claire, près de l’embouchure de la rivière Thames et l’échantillonnage de l’ADN environnemental effectué en 2012 (Boothroyd et al. 2016) a mené à une détection positive dans le ruisseau Jeanette. Toutefois, l’échantillonnage classique n’a pas permis de capturer des individus de l’espèce, malgré les relevés relativement exhaustifs menés par le MPO et le ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario (MRNFO) dans la rivière Thames et trois de ses affluents : le ruisseau Jeanette, le ruisseau Baptiste et le ruisseau Big.

Ruisseau Cedar : Un lépisosté tacheté a été détecté pour la première fois dans le ruisseau Cedar, un affluent du lac Érié, à environ 10 km à l’ouest de Kingsville, en 2019. Un échantillonnage plus poussé est nécessaire pour déterminer si une population se trouve effectivement à cet endroit ou si cet individu est un immigrant de passage provenant de la baie Rondeau ou de la Pointe-Pelée. Des brèches se sont produites dans le cordon littoral de la Pointe-Pelée, ce qui a permis l’émigration de lépisostés tachetés.

Pointe-Pelée : Un seul spécimen avait été capturé à la Pointe-Pelée avant 2002 (1913), malgré divers échantillonnages qui ont eu lieu dans les années 1980 et 1990 (COSEPAC 2015). En revanche, l’échantillonnage effectué pour plusieurs projets différents entre 2002 et 2009 a permis de détecter 122 spécimens (COSEPAC 2015) (figure 6) dans des zones comme les étangs West Cranberry, East Cranberry, Lake, Redhead et Harrison. Depuis 2009, aucun échantillonnage ciblant le lépisosté tacheté n’a été effectué à cet endroit et aucune capture accidentelle n’a eu lieu.

La répartition et la taille de la population de lépisosté tacheté de la Pointe-Pelée ne sont pas claires à l’heure actuelle; cependant, Glass et ses collaborateurs (2012) ont mené une étude par marquage-recapture en 2009 à l’aide d’étiquettes à transpondeur intégré passif (TIP) dans l’étang Lake, où l’espèce a été historiquement détectée, et ont recapturé 6 des 93 individus marqués, ce qui leur a permis d’estimer une population de 483 individus dans une zone de 220 hectares (ha). Il est possible que l’espèce soit plus largement répartie à la Pointe-Pelée dans des zones comme les étangs Sanctuary, Girardin et Crossing, mais un échantillonnage plus vaste et plus ciblé est nécessaire pour étudier ce potentiel. D’après les recherches qui ont caractérisé la structure génétique et la diversité du lépisosté tacheté (Glasset al. 2015), les populations de la Pointe-Pelée sont isolées des populations extérieures sur le plan de la reproduction et, par conséquent, peuvent être génétiquement réduites. De plus, ces auteurs supposent que la diversité génétique limitée et le flux génétique avec d’autres populations pourraient rendre le lépisosté tacheté de la Pointe-Pelée plus vulnérable aux perturbations de l’environnement et à la dégradation de l’habitat. Toutefois, des événements météorologiques récents ont provoqué des brèches du cordon littoral de la Pointe-Pelée, ce qui a permis à des lépisostés tachetés qui se trouvaient dans des milieux humides précédemment isolés d’émigrer.

Marais Hillman : Aucun lépisosté tacheté n’a jamais été capturé à cet endroit; cependant, les relevés d’ADN environnemental menés en 2012 ont mené à des détections positives (Boothroyd et al. 2016). D’autres échantillonnages réalisés selon des méthodes classiques sont nécessaires pour confirmer la présence de l’espèce à cet endroit.

Ruisseau Muddy : Un lépisosté tacheté a été détecté pour la première fois en 2011 dans le ruisseau Muddy, un affluent du lac Érié situé près du parc provincial Wheatley (figure 6). Un échantillonnage plus poussé est nécessaire pour déterminer si une population se trouve effectivement à cet endroit ou si cet individu se déplaçait entre la baie Rondeau et la baie Long Point, ce qui est une possibilité compte tenu du flux génétique documenté entre ces deux emplacements (Glass et al. 2015).

Baie Rondeau : Le lépisosté tacheté a été détecté pour la première fois dans la baie Rondeau en 1955, et seulement six spécimens y avaient été capturés à la fin du siècle (COSEPAC 2015). Entre 2000 et 2010 (2010 étant la dernière année déclarée dans le programme de rétablissement de 2012), 500 individus ont été capturés dans la baie à l’occasion de plusieurs projets d’échantillonnage réalisés à l’aide de divers types d’engins (COSEPAC 2015). Entre 2011 et 2017, 154 lépisostés tachetés ont été capturés dans la baie et 82 dans les affluents de la baie, y compris les drains de Wood (13), Mill (16), Flat (10), Indian (36) et Mclean (7) (figure 7). Cet échantillonnage fournit une compréhension détaillée de la répartition du lépisosté tacheté dans la baie Rondeau et ses affluents; toutefois, il est probable que l’espèce est présente plus en amont, dans les affluents où l’échantillonnage n’a pas été effectué, mais où des caractéristiques d’habitat convenables sont probablement présentes. Par exemple, Glass et Mandrak (2014) ont capturé des individus en amont de la première grande traversée routière du drain Maclean et du ruisseau Mill et pensent que le lépisosté tacheté se trouve probablement de la baie au premier obstacle permanent au passage du poisson qui, dans la majorité des cas, s’étendrait au-delà de l’habitat essentiel désigné dans le programme de rétablissement de 2012. De plus, les études de radiotélémétrie menées en 2007 à 2009 et 2016 à 2017 documentent davantage l’utilisation de l’habitat par le lépisosté tacheté, y compris les endroits où des méthodes classiques n’avaient pas permis de le détecter (c’est-à-dire, le drain de Third Concession), ainsi que d’autres zones d’eaux libres de la baie (figure 8).

L’effectif de la population de lépisosté tacheté dans la baie Rondeau est estimé à 8 121 individus d’après une extrapolation de l’abondance estimée dans la zone de 220 ha de l’étang Lake à la Pointe-Pelée, qui comprend un habitat semblable (Glass et al. 2012). Des études sur la génétique des populations de lépisosté tacheté (Glass et al. 2015) indiquent que les cinq populations distinctes de la baie Rondeau sont sympatriques, peut-être en raison de la philopatrie dans l’utilisation des lieux de frai. Ces auteurs font remarquer que, dans l’ensemble, la population de la baie Rondeau semble solide sur le plan de la diversité génétique; toutefois, le maintien de certaines sous-populations peut être beaucoup plus sensible aux modifications de l’habitat.

Baie Long Point, marais du ruisseau Big et pointe Turkey : Le lépisosté tacheté a été détecté pour la première fois dans la baie Long Point, dans la partie intérieure de la baie, près de Port Rowan, en 1947. Un deuxième spécimen a été capturé dans l’unité de Long Point de la RNF de Long Point (située à l’extrémité de la pointe) en 1984. Aucun autre spécimen n’a été détecté dans la région de la baie Long Point avant 2003. Entre 2003 et 2010 (2010 étant la dernière année déclarée dans le programme de rétablissement de 2012), 10 lépisostés tachetés ont été capturés dans la baie Long Point, ainsi que deux dans la réserve nationale de faune du marais du ruisseau Big (le ruisseau Big se jette dans la baie Long Point) et trois dans le marais de la pointe Turkey (adjacent à l’intérieur de la baie Long Point) (COSEPAC 2015). De 2011 à 2017, l’espèce a été détectée plus fréquemment : 45 individus ont été capturés dans l’intérieur de la baie Long Point, et un seul individu détecté à chacun des endroits suivants : Pointe Turkey, réserve nationale de faune du ruisseau Big et unité Long Point de la réserve nationale de faune de Long Point (figure 9).   

L’effectif de la population de lépisosté tacheté dans la baie Long Point n’a pas été estimé compte tenu du nombre limité d’individus capturés dans la région au moment où Glass et ses collaborateurs (2012) ont entrepris leur étude (COSEPAC 2015). Glass et ses collaborateurs (2015) postulent que la baie Long Point est un puitsNote de bas de page 2  avec une petite population composée d’immigrants de la baie Rondeau et de la Pointe-Pelée. Cette conclusion était fondée sur la comparaison de la structure génétique des populations de la Pointe-Pelée, de la baie Rondeau et de la baie Long Point, ainsi que sur le nombre limité d’individus capturés à cet endroit, malgré un effort d’échantillonnage comparable (Glass et al. 2015). Toutefois, l’analyse génétique effectuée dans le cadre de l’étude reposait sur cinq individus capturés dans la baie Long Point, et l’espèce a été détectée plus largement à cet endroit depuis la publication de cette étude.

Port de Hamilton et Coote’s Paradise : D’autres lépisostés tachetés ont été signalés dans le port de Hamilton, mais ces déclarations n’avaient pas été corroborés par des spécimens de référence avant 2010, lorsqu’un seul spécimen a été capturé par le MRNFO (MRNFO, données inédites). Les échantillonnages subséquents ciblant l’espèce, y compris selon des méthodes d’échantillonnage traditionnelles (verveux) en 2011 (Glass et Mandrak 2014) et les relevés de l’ADN environnemental (Boothroyd et al. 2016) en 2012, n’ont pas permis de détecter de lépisosté tacheté, bien que les relevés de l’ADN environnemental en 2013 aient mené à une détection positive dans le ruisseau Spencer, un affluent de Coote’s Paradise qui est relié au port de Hamilton (Glass et Mandrak 2014). Un échantillonnage classique a été effectué à Coote’s Paradise en 2014, mais n’a pas permis de capturer de lépisosté tacheté (Glass et Mandrak 2014). Un échantillonnage plus poussé est nécessaire pour déterminer s’il existe une population reproductrice à ces deux endroits connectés.

Baie Frenchman : Un spécimen de lépisosté tacheté pourrait avoir été détecté dans la baie Frenchman (un bras côtier du lac Ontario) en 2018 dans le cadre du Programme sur la carpe asiatique du MPO. Malheureusement, les photos prises du spécimen ne permettent pas d’exclure la possibilité qu’il s’agisse d’un lépisosté de Floride introduit, une espèce très proche.  

Lac East : En mai 2007, un seul spécimen a été prélevé par un pêcheur commercial dans le lac East. On estime qu’il s’agit du même individu qui a été capturé plusieurs fois; les prises de lépisostés tachetés ont cessé après que le spécimen a été remis au MRNFO (J. Bowlby, MRNFO, comm. pers. 2009). Outre ces prises, aucun autre individu n’a été capturé. Un échantillonnage intensif a été mené dans le lac East en 2008 à l’aide de types d’engins qui se sont révélés efficaces pour détecter la présence de l’espèce; le but de l’exercice était de révéler la présence d’une population reproductrice; cependant, l’échantillonnage n’a pas permis de détecter de lépisosté tacheté (B. Glass, UW, données inédites). De plus, aucune capture de lépisosté tacheté n’a été enregistrée lors de l’échantillonnage non ciblé effectué par le MPO en 2010, ni dans la pêche commerciale aux verveux menée à grande échelle dans le lac East. En conséquence, les observations d’un pêcheur commercial, portant probablement sur un seul individu, demeurent les seules occurrences de cette espèce dans le lac East, et il est improbable qu’une population reproductrice soit présente à cet endroit (Bouvier et Mandrak 2010).

Baie de Quinte (chenal North) : La première occurrence vérifiée du lépisosté tacheté dans le bassin hydrographique du lac Ontario concerne un spécimen capturé dans la baie de Quinte (chenal North) en 1985. Malgré la pêche commerciale menée à grande échelle dans le secteur ainsi que les importants programmes d’échantillonnage au filet exécutés par le MRNFO, aucun autre spécimen de lépisosté tacheté n’a été capturé, et il est possible que cette observation soit le résultat d’une introduction étant donné qu’aucun autre spécimen n’a été observé.

Le lépisosté tacheté n’a été détecté dans aucune autre localité au Canada, malgré un échantillonnage poussé visant les espèces en péril mené dans tout le sud-ouest de l’Ontario. Ainsi, les populations de la baie de Quinte et du lac Sainte-Claire (si les observations anormales sont représentatives des populations historiques) seraient disparues d’après les échantillonnages effectués récemment dans les habitats adéquats situés à ces emplacements (COSEPAC 2005).

Figure 5. Aire de répartition canadienne du lépisosté tacheté.
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La Figure 5 s’agit d’une carte illustrant la répartition canadienne et l’abondance de la population ainsi que l’aire de répartition actuelle du lépisosté tacheté, c’est-à-dire les milieux humides côtiers du lac Érié (parc national de la Pointe-Pelée, baie Rondeau, baie Long Point [y compris la réserve nationale de faune (RNF) de Long Point, le parc provincial de Long Point et la pointe Turkey] et la réserve nationale de faune du ruisseau Big). La présence du lépisosté tacheté demeure non confirmée dans le port de Hamilton, la baie Frenchman et le lac East le long de la rive nord du lac Ontario.

Un médaillon dans l’angle supérieur gauche de la carte montre une vue de haut niveau de l’emplacement géographique du lépisosté tacheté, et le médaillon dans l’angle supérieur droit de la carte montre les emplacements de la population le long du lac Ontario. Un médaillon situé dans l’angle droit de la carte renferme une légende qui montre des emplacements précis du lépisosté tacheté le long du lac Érié et de l’extrémité inférieure du lac Ontario, qui sont indiqués par des couleurs distinctes correspondant à des marques de couleur sur la carte. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties.

Les échantillons canadiens ont été prélevés de façon sporadique, ce qui rend difficile l’évaluation des effectifs et des tendances des populations. Les premières captures confirmées de lépisostés tachetés ont été faites dans le parc national de la Pointe-Pelée, en 1913, dans la baie Long Point, en 1947 et dans la baie Rondeau, en 1955. D’autres captures réalisées par des pêcheurs commerciaux en 1925 et en 1938 ont probablement eu lieu dans la baie Rondeau également.

Figure 6. Répartition des sites de capture de lépisostés tachetés dans la région de la Pointe-Pelée et les zones environnantes.
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La Figure 6 s’agit d’une carte montrant la répartition géographique des sites de capture de lépisostés tachetés et la plage des dates de capture précises à ces emplacements.

Un médaillon dans l’angle supérieur gauche de la carte représente un gros plan de l’emplacement géographique du lépisosté tacheté dans le ruisseau Cedar, un affluent du lac Érié situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Kingsville. Le médaillon dans l’angle supérieur droit de la carte montre un gros plan de l’emplacement de la population dans le ruisseau Muddy, un affluent du lac Érié situé près du parc provincial Wheatley. Le médaillon dans l’angle inférieur droit de la carte fournit une légende qui montre les endroits précis où le lépisosté tacheté a été capturé à la Pointe-Pelée et dans les environs, indiqués par des couleurs distinctes qui correspondent à des marques de couleur sur la carte, ainsi que la plage des dates de capture. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties. Un médaillon dans l’angle inférieur gauche de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique de la Pointe-Pelée sur le lac Érié. Un autre médaillon dans l’angle inférieur droit de la carte montre une vue de haut niveau de l’emplacement géographique des sites de capture de lépisostés tachetés à la Pointe-Pelée et dans le lac Érié.

Figure 7. Répartition des sites de capture de lépisostés tachetés dans la baie Rondeau.
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La Figure 7 s’agit d’une carte montrant les emplacements géographiques des sites de capture de lépisostés tachetés dans la baie Rondeau, les affluents de la baie et le parc provincial Rondeau.

Un médaillon dans l’angle supérieur gauche de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique de la baie Rondeau et du parc provincial Rondeau. Le médaillon dans l’angle inférieur droit de la carte fournit une légende qui montre les endroits précis où le lépisosté tacheté a été capturé dans la baie Rondeau, les affluents de la baie et le parc provincial Rondeau, indiqués par des couleurs distinctes qui correspondent à des marques de couleur sur la carte, ainsi que la plage des dates de capture. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties.

Figure 8. Suivi du lépisosté tacheté par radiotélémétrie au printemps (2007, 2008, 2009, 2016 et 2017), à l’été et au début de l’automne (2007 seulement) dans la baie Rondeau, et observations visuelles de lépisostés tachetés au printemps.
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La Figure 8 s’agit d’une carte qui montre les emplacements géographiques où le lépisosté tacheté a été détecté à l’aide de la radiotélémétrie dans la baie Rondeau, ses affluents et le parc provincial Rondeau, ainsi que d’autres zones d’eaux libres de la baie.

Un médaillon dans l’angle inférieur droit de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique de la baie Rondeau et du parc provincial Rondeau. Le médaillon dans l’angle supérieur gauche de la carte fournit une légende qui montre les saisons précises où le lépisosté tacheté a été marqué dans la baie Rondeau, les affluents de la baie et le parc provincial Rondeau, indiquées par des couleurs distinctes qui correspondent à des marques de couleur sur la carte, ainsi que les saisons correspondantes. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties.

Figure 9. Répartition des sites de capture de lépisostés tachetés dans la baie Long Point.
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La Figure 9 elle illustre les emplacements géographiques des sites de capture de lépisostés tachetés dans l’intérieur de la baie Long Point, près de Port Rowan, à la pointe Turkey, dans la réserve nationale de faune du ruisseau Big et dans l’unité de Long Point de la réserve nationale de faune de Long Point.

Un médaillon dans l’angle supérieur gauche de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique de la baie Long Point et de l’intérieur de la baie Long Point. Le médaillon dans l’angle supérieur droit de la carte fournit une légende qui montre les endroits précis où le lépisosté tacheté a été capturé dans l’intérieur de la baie Long Point, près de Port Rowan, à la pointe Turkey, dans la réserve nationale de faune du ruisseau Big et dans l’unité de Long Point de la réserve nationale de faune de Long Point, indiqués par des couleurs distinctes qui correspondent à des marques de couleur sur la carte, ainsi que la plage des dates de capture. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties.

4.3 Besoins de l’espèce

4.3.1 Besoins biologiques et en matière d’habitat

Du frai jusqu’au stade embryonnaire (sac vitellin) : Le lépisosté tacheté adulte se déplace des habitats d’hivernage vers les eaux peu profondes lorsque la température de l’eau commence à atteindre 15 °C (Glass et Mandrak 2014). Le frai a ensuite lieu au printemps (mai et juin), lorsque la température de l’eau atteint 21 à 26 °C, dans les eaux peu profondes du littoral contenant une végétation aquatique dense (Glass et al. 2012), comme des marais et des zones riveraines inondées (Goodyear et al. 1982, Scott et Crossman 1998, Sneddenet al. 1999, Cudmore-Vokey et Minns 2002), ainsi que dans les affluents et les canaux de drainage au débit lent (Glass et Mandrak 2014). Dans la baie Rondeau, le lépisosté tacheté adulte affiche une forte préférence pour les eaux tant peu profondes (< 0,5 m) que profondes (> 2,5 m) au printemps, où le pH était inférieur à 8,5 (Glass et al. 2012); toutefois, ce sont probablement des individus en halte migratoire, qui ne fraient pas cette année-là ou qui ont fini de frayer qui choisissent des eaux de plus de 2,5 m (B. Glass, comm. pers. 2019). De plus, on a observé des lépisostés tachetés en train de frayer sur des lits de végétation aquatique composés de myriophylles (Myriophyllum sp.), de cornifles nageantes (Ceratophyllum sp.) (Glass et al. 2012), de potamot crépu (Potamogeton crispus) (B. Glass, UW, comm. pers. 2009) et d’autres espèces émergentes (Glass et Mandrak 2014). Des recherches récentes sur l’habitat de frai utilisé par le lépisosté tacheté dans la baie Rondeau en 2017 ont fait appel à la radiotélémétrie pour mesurer les caractéristiques physiochimiques associées à la sélection du site de frai. Les résultats indiquent que les sites de frai préférés : 1) se trouvent près de la rive (de préférence à moins de 10 m du rivage); 2) contiennent habituellement des espèces de potamot (Potamogeton spp.); 3) sont composés de caractéristiques du substrat qui soutiennent la croissance des macrophytes; 4) sont plus profonds (profondeur de prédilection entre 0,8 et 1,6 m) que les zones environnantes. Ces variables ont expliqué 30 %, 13,5 %, 11,3 % et 8,9 %, respectivement, de la sélection du site de frai (A. Drake, comm. pers. 2019).

Bien qu’on ait observé dans des recherches antérieures que le lépisosté tacheté commence à frayer dans les eaux canadiennes lorsque la température de l’eau atteint de 21 à 26 °C, des recherches récentes ont été menées pour comprendre les degrés-jours de croissance cumulatifs qui mènent au début des activités de frai (A. Drake, comm. pers. 2017). Les degrés-jours de croissance (DJC) représentent un indice de la température qui peut servir à prédire la croissance des plantes, des insectes et des poissons ou, subsidiairement, le début d’un stade biologique précis, dans ce cas-ci le frai du lépisosté tacheté en fonction de l’accumulation d’énergie thermique au printemps. Les résultats de ces recherches indiquent une probabilité de 50 % et de 90 % de frai après 210 et 291 degrés-jours de croissance cumulatifs, respectivement, avec une température de base de 10 °C. Par ailleurs, en utilisant une température de base de l’eau de 15 °C, la probabilité de frai est de 50 % et de 90 % après 62 et 85 degrés-jours de croissance cumulatifs, respectivement (A. Drake, comm. pers. 2017). Cette approche permet de mieux comprendre le moment de la reproduction du lépisosté tacheté en fonction du début de la période de réchauffement printanier.

Après le frai, les œufs fertilisés, démersaux et collants, qui prennent la forme de masses visqueuses, se fixent à la végétation aquatique et aux débris (Coker et al. 2001, COSEPAC 2005), puis éclosent dans la semaine (Cudmore-Vokey et Minns 2002). On a trouvé des œufs de poissons à proximité des lieux de frai du lépisosté tacheté sur un certain nombre d’espèces de plantes aquatiques, principalement des cornifles nageantes (Ceratophyllum demersum), des potamots zostériformes (Potamogeton zosteriformis), des alpistes roseaux (Phalaris arundinacea) et des hydrocharides grenouillettes (Hydrocharis morsus-ranae) (A. Drake, comm. pers. 2019); toutefois, une analyse génétique est en cours pour confirmer l’identité des œufs.

Les œufs de lépisosté tacheté éclosent en larves en une semaine environ (Cudmore-Vokey et Minns 2002). Les larves de lépisosté tacheté ont un organe adhésif (disque suceur) sur leur museau (Simon et Wallus 1989) et, bien qu’elles soient capables de nager, elles demeurent souvent à la verticale, fixées à des végétaux aquatiques ou à d’autres objets. Le sac vitellin est absorbé lorsque les individus ont atteint une longueur totale d’environ 17 mm ou plus – d’après un taux de croissance de 1,3 à 1,7 mm/jour (Alfaro et al. 2008), sur une période approximative de 10 à 13 jours. Les lépisostés tachetés trouvés dans les eaux canadiennes atteignent la maturité sexuelle après trois ans (Glasset al. 2011) et sont itéroparesNote de bas de page 3  (Redmond 1964). Selon de récentes études de suivi menées dans la baie Rondeau, au moins certains individus ne fraient pas chaque année (B. Glass, comm. pers. 2019), ce qui peut s’expliquer par les conditions environnementales ou l’état nutritionnel des individus, comme on l’a constaté pour d’autres espèces de poissons (Rideout et Tomkiewicz 2011). De plus, on a observé que le lépisosté tacheté affiche une fidélité au site de frai en retournant aux mêmes endroits plusieurs années (B. Glass, comm. pers. 2019).

Larves aux jeunes de l’année : Les jeunes de l’année demeurent au site de frai jusqu’à ce que leur sac vitellin soit absorbé, après quoi ils se dispersent et commencent à s’alimenter (Simon et Wallus 1989), tout en demeurant dans les zones littorales peu profondes (moins d’un mètre) où se trouvent des végétaux et des substrats de boue, de limon et de sable (Goodyear et al.1982). Un échantillonnage a été effectué pour détecter les larves de lépisosté tacheté en 2018 dans deux affluents (drain McDougall/ruisseau Flat et drain Bates Bloomfield) de la baie Rondeau, ainsi que dans des zones riveraines adjacentes à l’embouchure de ces affluents, où des études de radiotélémétrie antérieures ont montré que le frai a lieu (Gáspárdy et al. 2021). Un total de 37 larves de lépisosté, confirmées par une analyse génétique pour déterminer l’identité de l’espèce, ont été capturées pour la première fois au début du mois de juin (Gáspárdy et al. 2021). Les résultats de cette étude ont montré que les larves de lépisosté étaient beaucoup plus nombreuses dans les habitats littoraux (dans de nombreux cas, moins d’un mètre du rivage, mais dans presque tous les cas, moins de cinq mètres du rivage) des affluents et le long des rives des lacs qu’aux emplacements plus au large. Plus précisément, 27 % et 68 % des larves de lépisosté taché ont été capturées dans les zones littorales, respectivement, tandis que seulement 5 % l’ont été dans les zones extracôtières des lacs et des affluents définis comme des zones dans le chenal central d’un affluent (Gáspárdy et al. 2021).

Glass et Mandrak (2014) ont démontré que les jeunes de l’année du lépisosté tacheté capturés dans la baie Rondeau préféraient des zones moins profondes (moins de 0,5 m) et des températures de l’eau supérieures à 23,5 °C, ainsi que des niveaux de turbidité modérés (50-149 UTN). De même, ils étaient associés à la végétation aquatique émergente, flottante et submergée (couverture totale moyenne de plus de 70 %).

Juvéniles (de l’âge 1 jusqu’à la maturité sexuelle [2 à 3 ans pour les mâles; 3 à 4 ans pour les femelles]) : Il y a peu d’information publiée sur les besoins en matière d’habitat des lépisostés tachetés juvéniles; cependant, il est probable que ces besoins soient semblables à ceux des jeunes de l’année et des adultes.

Adultes : Au Canada, on observe le lépisosté tacheté adulte dans les eaux chaudes et peu profondes (de 0 à 5 m) des milieux humides côtiers du lac Érié où pousse une végétation abondante (Lane et al. 1996). De façon générale, les individus de l’espèce préfèrent les bassins calmes, les bras morts et les baies où se trouvent une végétation aquatique abondante (Parker et McKee 1984; Page et Burr 1991; Glasset al. 2012) ou des branches submergées (Snedden et al. 1999). La végétation dense procure le camouflage nécessaire au lépisosté tacheté et le dissimule à la vue de ses proies potentielles (Coen et al. 1981), ce qui facilite probablement sa tactique de chasse à l’affût (COSEPAC 2015). Par ailleurs, Glass et ses collaborateurs (2012) indiquent que les peuplements mixtes de macrophytes fournissent un habitat optimal pour le lépisosté tacheté dans les milieux humides côtiers du lac Érié. Par exemple, les sites de collecte du lac Érié avaient une végétation dense composée notamment des espèces suivantes : nénuphar (Nuphar spp.), massette (Typha spp.), élodée du Canada (Elodea canadensis), potamot (Potamogeton sp.), chara (Chara sp.), myriophylle, vallisnérie américaine (Vallisneria sp.) et cornifle nageante (Ceratophyllum sp.) (Parker et Mckee 1984, B. Glass UW, comm. pers. 2009). De même, dans d’autres zones de l’aire de répartition de l’espèce, comme l’Oklahoma, le lépisosté tacheté est principalement associé aux végétaux suivants : renouée amphibie (Polygonum sp.), potamot, myriophylle et carmantine (Justicia sp.) (Tyler et Granger 1984).

Les substrats de prédilection du lépisosté comprennent le limon, l’argile et le sable (Lane et al. 1996). Les sites où des lépisostés tachetés ont été capturés au Canada présentaient des profondeurs, d’après le disque de Secchi, allant de 0,3 à plus de 3 m, des concentrations d’oxygène dissous allant de 9 à 11 mg/L et des températures de l’eau allant de 15 à 17 °C (en septembre) (Parker et Mckee 1984). Des études expérimentales examinant la croissance de lépisostés tachetés capturés dans des lacs intérieurs du sud du Michigan montrent que les individus maintenus dans l’eau à 16 °C avaient connu une croissance minimale et perdaient du poids, tandis que ceux conservés à 23 °C et à 30 °C connaissaient des taux de croissance nettement plus élevés et se nourrissaient plus fréquemment (David 2012). On peut en déduire que le lépisosté tacheté utilise probablement des habitats où la température de l’eau est plus élevée pour maximiser son potentiel de croissance, ce qui est semblable au comportement observé par Glass et ses collaborateurs (2012).

Snedden et ses collaborateurs ont étudiés les déplacements quotidiens et saisonniers du lépisosté tacheté en Louisiane (1999). Les déplacements les plus importants avaient lieu lorsque les températures et les niveaux de l’eau augmentaient au printemps. Les individus établissaient de vastes domaines vitaux au printemps, habituellement dans des plaines inondables inondées, qui leur offraient un habitat de frai et d’alevinage convenable. Glass et ses collaborateurs (2012) ont observé que les adultes après le frai choisissaient des emplacements dont le pH était inférieur à 8,5 et sans macrophytes. Ils en déduisent que le lépisosté tacheté se déplace probablement dans ces zones pour se nourrir d’espèces de ménés comme la queue à tache noire (Notropis hudsonius), qui utilisent des zones au fond sableux pour le frai printanier. De plus, les lépisostés tachetés adultes préféraient des eaux de plus de 2,5 m au printemps lorsqu’ils ne se livraient pas à des activités de frai (B. Glass, comm. pers. 2019). Les petits domaines vitaux étaient habituellement établis pendant l’été, l’automne et l’hiver (médiane de 6,6 ha) (Snedden et al. 1999). Cependant, environ un tiers des lépisostés tachetés qui ont fait l’objet d’un suivi ont établi des domaines vitaux beaucoup plus grands (médiane de 265 ha), généralement à des distances considérables des sites de capture initiaux (Snedden et al. 1999). Ces nouveaux domaines vitaux se composaient d’habitats inondés de façon saisonnière et de marais fortement végétalisés avec peu ou pas de débit. De même, Glass et ses collaborateurs (2012) ont observé que le lépisosté tacheté adulte dans la baie Rondeau affichait une forte préférence en été pour les zones extracôtières caractérisées par des peuplements de macrophytes mixtes (au moins deux genres) et avait tendance à occuper des domaines vitaux définis. Ils ont également constaté une forte prédilection pour les zones les plus profondes (plus de 2,5 m) et les moins profondes (moins de 0,5 m) dans la baie Rondeau où le pH était compris entre 8,0 et 8,49 (Glass et al. 2012). Sauf au printemps, le lépisosté tacheté est plus actif la nuit, qui coïncide sans doute avec sa période d’alimentation.

4.3.2 Rôle écologique

Le lépisosté tacheté est l’un des prédateurs les plus abondants dans les habitats des eaux peu profondes et de structures complexes du sud des États-Unis (COSEPAC 2005) et est considéré comme un élément clé du réseau trophique (Snedden et al. 1999); dans les secteurs où il est abondant sur le plan local (par exemple, la baie Rondeau), il peut également jouer un rôle écologique clé. Le lépisosté tacheté est principalement un prédateur piscivore qui chasse à l’affût et qui se nourrit également d’écrevisses et d’insectes aquatiques (COSEPAC 2005). En Ontario, Scott (1967) a déterminé que la perchaude (Perca flavescens) et les ménés (cyprinidés) représentaient une part importante de son régime alimentaire, tandis que des études plus récentes indiquent que l’umbre de vase (Umbra limi) et les jeunes de l’année des centrarchidés sont aussi des proies importantes (W. Glass, comm. pers. 2019). Comme le lépisosté tacheté a tendance à demeurer près de la surface, les espèces-proies qui occupent ces zones sont plus vulnérables à la prédation (Ostrand et al. 2004). En outre, le lépisosté tacheté peut vivre dans des eaux ayant de faibles concentrations en oxygène, ce qui lui permet de s’alimenter dans les secteurs évités par d’autres prédateurs (Burleson et al. 1998, Snedden et al. 1999). Le lépisosté tacheté cohabite avec le lépisosté osseux dans la baie Long Point, le parc national de la Pointe-Pelée et la baie Rondeau, mais est absent de nombreux habitats adéquats du sud-ouest de l’Ontario où le lépisosté osseux est abondant (N.E. Mandrak, MPO, données inédites); d’autres études sont nécessaires pour que l’on puisse déterminer les interactions interspécifiques entre ces espèces.

Aux États-Unis, le lépisosté tacheté est un hôte connu d’une moule perlière d’eau douce (Glebula rotundata), dont le cycle biologique comprend un stade larvaire parasitaire obligatoire, d’ordinaire sur un poisson-hôte (Parker et al. 1984); le lépisosté tacheté peut donc être l’hôte de moules d’eau douce dans les eaux canadiennes. En outre, d’autres espèces de lépisostés sont des hôtes connus de certaines espèces de moules d’eau douce vivant au Canada. Par exemple, le lépisosté osseux est l’hôte de l’anodonte commune (Pyganodon grandis) (D. Woolnough, Université de Trent, comm. pers. 2007).

4.3.3 Facteurs limitatifs

Plusieurs facteurs limitatifs peuvent avoir une incidence sur le potentiel de rétablissement du lépisosté tacheté. La température de l’eau limite probablement l’aire de répartition de l’espèce dans le sud-ouest de l’Ontario; toutefois, une expansion de l’aire de répartition de l’espèce vers le nord pourrait accompagner le réchauffement climatique (Mandrak 1989). La disponibilité de bras d’eau calmes, avec une végétation aquatique dense, est limitée dans les eaux du sud-ouest de l’Ontario. Certains des habitats actuellement occupés ne donnent accès au lac Érié que de façon intermittente, ce qui limite la migration et les possibilités de dispersion. Cet isolement limite le flux génétique (Glass et al. 2015), ce qui peut provoquer une baisse de la capacité reproductive de même qu’une dépression de consanguinité.

Le potentiel de rétablissement des populations de lépisostés tachetés peut être influencé par des facteurs ayant une incidence sur certains stades biologiques. Ferrara (2001) a étudié les stades biologiques du lépisosté tacheté afin de déterminer ceux qui avaient la plus forte incidence sur le taux de croissance de la population. Les résultats de cette étude laissent sous-entendre que la survie des lépisostés tachetés juvéniles était le facteur ayant la plus forte incidence sur le taux de croissance de la population. Ainsi, en théorie, les mesures de gestion qui améliorent la survie des juvéniles devraient entraîner une croissance maximale de la population, comparativement aux mesures visant d’autres stades biologiques.

5. Menaces

5.1 Évaluation des menaces

Les menaces pesant sur la survie et le rétablissement de l’espèce ont été évaluées et classées par ordre de priorité dans le cadre de l’évaluation du potentiel de rétablissement. Pour évaluer l’état de la menace pour les populations de lépisosté tacheté au Canada, chaque menace a été classée en fonction de sa probabilité et de son impact sur la population (voir les détails complets sur la méthode de classification dans Bouvier et Mandrak 2010). La catégorisation des impacts des menaces est propre à l’emplacement en ce sens qu’elle a été effectuée emplacement par emplacement. Si aucune information n’était disponible sur l’impact de la menace à un endroit donné, on s’est alors servi de l’approche de précaution – c’est le niveau le plus élevé d’impact pour l’ensemble des emplacements qui a été appliqué. On a par la suite combiné la probabilité et l’impact des menaces pour chaque population dans une matrice relative à l’état des menaces pour établir un état final des menaces pour chaque emplacement (tableau 2).

Tableau 2. État des menaces pour l’ensemble des populations de lépisosté tacheté, d’après une analyse de la probabilité et de l’impact des menaces.
Menaces a Bassin hydrographique du lac Érié - Pointe-Pelée Bassin hydrographique du lac Érié - Baie Rondeau Bassin hydrographique du lac Érié - Long Point Bassin hydrographique du lac Sainte-Claire - Lac Sainte-Claire Bassin hydrographique du lac Ontario - Port de Hamilton Bassin hydrographique du lac Ontario - Lac East
Modifications de l’habitat Élevé (3) Élevé (3) Faible (3) Élevé (3) Faible (3) Faible (3)
Enlèvement de la végétation aquatique – mécanique Faible (3) Élevé (3) Faible (3) Inconnu (3)   Faible (3)
Enlèvement de la végétation aquatique – chimique   Élevé (3) Faible (3) Faible (3)    
Turbidité et charges en sédiments  Faible (3) Élevé (3) Élevé (3) Moyen (3) Moyen (3) Inconnu (3)
Charges en éléments nutritifs  Faible (3) Élevé (3) Élevé (3) Faible (3) Faible (3) Inconnu (3)
Espèces exotiques Moyen (3) Moyen (3) Moyen (3) Moyen (3) Moyen (3) Moyen (3)
Prises accessoires Faible (3) Faible (3) Faible (2) Faible (3) Faible (3) Faible (3)

a Les chiffres entre parenthèses renvoient au niveau de certitude attribué à l’état de chaque menace, lequel correspond au degré de certitude associée à l’impact de la menace. La catégorisation du niveau de certitude est fondée sur les sources suivantes : 1 = études causales; 2 = études corrélatives; 3 = opinions d’experts. Les cellules en gris indiquent que la menace ne s’applique pas à la population en raison de la nature du système aquatique où elle vit. Les cellules non ombragées n’indiquent pas nécessairement une absence de relation entre une population et une menace; elles indiquent plutôt que la probabilité ou l’impact de la menace est inconnu.

5.2 Description des menaces

Modifications de l’habitat : Les habitats peu profonds, calmes et végétalisés, essentiels à tous les stades biologiques du lépisosté tacheté, disparaissent rapidement ou se dégradent en raison de l’envasement, du dragage, du remblayage et des améliorations portuaires (COSEPAC 2005). Les pertes d’habitat peuvent être causées par les travaux d’artificialisation des rives et la construction de structures dans l’eau et sur les rives (par exemple, jetées, épis, quais) dans l’habitat du lépisosté tacheté. Dans la baie Rondeau, des pertes d’habitat et une dégradation de l’habitat riverain ont fait suite aux travaux de stabilisation des rives exigés dans le cadre de projets d’artificialisation des rives.

Enlèvement de la végétation aquatique : La végétation aquatique peut être retirée par des moyens chimiques ou mécaniques pour des raisons socioéconomiques, comme pour faciliter l’accès par bateau ou la pêche commerciale. Ce type de modification de l’habitat mérite une attention particulière en raison de l’importance de la végétation aquatique pour le lépisosté tacheté. Les travaux physiques d’enlèvement de la végétation aquatique peuvent être dommageables pour l’espèce; l’enlèvement mécanique de la végétation perturbe les sédiments et crée des conditions de turbidité; l’enlèvement de la végétation à l’aide d’herbicides introduit des produits chimiques potentiellement nocifs dans l’eau. Le retrait de peuplements denses de monocultures d’espèces végétales exotiques comme le myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum) et le roseau commun d’Europe (Phragmites australis australis) est souvent souhaité dans des zones comme la baie Rondeau pour dégager les chenaux de navigation et les zones de baignade, ainsi que les rivages. Au moment où le dernier programme de rétablissement a été élaboré, on croyait que l’enlèvement de la végétation des peuplements denses submergés de myriophylle en épi pouvait être bénéfique pour le lépisosté tacheté. Depuis, d’importantes recherches ont été menées sur l’utilisation de l’habitat par le lépisosté tacheté à ses différents stades biologiques. Ces études, qui sont décrites plus en détail dans le document Mise à Jour Des Lignes Directrices Pour L’enlèvement De La Végétation Aquatique Dans L’habitat Essentiel Du Lépisosté Tacheté (MPO 2020), indiquent que le lépisosté tacheté dépend fortement des zones littorales végétalisées des échancrures et des affluents à différents stades biologiques : frai, œufs, larves et jeunes de l’année. De plus, on a trouvé des larves de lépisosté dans des habitats dominés par le myriophylle dans 60 % des cas, ce qui donne à penser que le retrait de cette végétation pourrait avoir des conséquences importantes pour le recrutement du lépisosté tacheté dans la baie Rondeau, où vivent des sous-populations (Glass et Mandrak 2015) qui sont déjà probablement en deçà de l’effectif de la population minimale viable de 13 840 individus précisée par Young et Koops (2010) (voir la section 8.1 – viabilité de la population). De plus, on a observé que le lépisosté tacheté adulte préférait se tenir dans les habitats peu profonds (moins de 0,5 m) et plus profonds (plus de 2,5 m) au printemps et en été, dont certains sont composés de myriophylle et d’autres types de végétation. Dans l’ensemble, ces résultats permettent de penser que l’enlèvement de la végétation pourrait avoir un impact sur tous les stades biologiques du lépisosté tacheté dans les zones peu profondes et profondes, côtières et hauturières de la baie Rondeau, ainsi qu’à d’autres endroits où l’espèce est présente, comme la baie Long Point et la Pointe-Pelée.

On procède également à l’enlèvement de végétaux dans la baie intérieure, à Long Point, particulièrement dans les chenaux où se trouvent des chalets communautaires et où la végétation aquatique est de plus en plus problématique (en raison de sa prolifération). En outre, les pêcheurs qui utilisent la senne traînante dans la baie Long Point enlèvent la végétation aquatique au printemps, ce qui facilite la pêche (J. Robinson, SCF, comm. pers. 2009).

Dans le secteur de la Pointe-Pelée, près de 60 % des marais historiques qui raccordaient autrefois, sur le plan hydrologique, le parc actuel avec le marais Hillman ont été asséchés entre les années 1890 et 1950 à des fins agricoles. Cela a vraisemblablement entraîné une réduction considérable de l’étendue de l’habitat disponible pour la population de lépisosté tacheté dans le secteur de la Pointe-Pelée (V. McKay, Agence Parcs Canada, comm. pers. 2008).

À l’heure actuelle, on ne connaît pas précisément la mesure dans laquelle les espèces exotiques émergentes comme le roseau commun d’Europe ont un effet sur les divers stades biologiques du lépisosté tacheté, bien que des renseignements limités sur les impacts potentiels de cette espèce envahissante soient présentés ci-après, dans la catégorie des espèces exotiques. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour déterminer si et où l’enlèvement du roseau commun d’Europe peut être justifié pour améliorer les conditions de l’habitat du lépisosté tacheté.

Charges en sédiments : La charge en sédiments touche les cours d’eau intérieurs, les milieux humides côtiers ainsi que les habitats situés près du littoral du fait qu’elle diminue la clarté de l’eau, augmente l’envasement des substrats et peut jouer un rôle dans le transport sélectif de polluants, y compris le phosphore. Elle est souvent attribuable à diverses sources, y compris de mauvaises pratiques agricoles et de gestion du territoire, l’entretien inapproprié des réseaux de drainage, les activités de dragage et l’enlèvement de la végétation riveraine.

L’augmentation de la turbidité telle que documentée à la Pointe-Pelée (H. Surrette, Université de Guelph, comm. pers. 2007) peut limiter la capacité du lépisosté tacheté à s’alimenter. La turbidité et l’envasement peuvent avoir un effet négatif sur l’espèce en perturbant sa respiration et sa vision, en diminuant l’abondance des proies de même qu’en étouffant ses œufs. Gray et ses collaborateurs (2012) ont constaté une diminution de 24 % du succès d’éclosion des œufs de lépisosté tacheté dans une eau légèrement turbide (∼5 UTN) comparativement à ceux qui étaient conservés dans de l’eau claire. L’envasement provoqué par les drains souterrains a été démontré dans la baie Rondeau, particulièrement lors de tempêtes (Gilbert et al. 2007). L’eau qui entre dans la baie Rondeau par les tributaires du nord et de l’ouest est fortement chargée d’éléments nutritifs et de solides en suspension (y compris des sédiments) et a eu des impacts à long terme considérables sur l’habitat de la baie, des zones littorales et des milieux humides riverains (Gilbert et al. 2007).

Charge en éléments nutritifs : L’enrichissement des cours d’eau, qui est souvent associé à la charge en sédiments, a été déterminé comme étant une menace principale pour les trois milieux humides côtiers occupés présentement par le lépisosté tacheté (EREE 2008). Une fois dans les cours d’eau, les éléments nutritifs (nitrates et phosphores) peuvent avoir une incidence négative sur la santé du milieu aquatique en provoquant des proliférations d’algues qui entraînent une réduction des concentrations d’oxygène dissous lorsqu’elles meurent et commencent à se décomposer. Les concentrations élevées d’éléments nutritifs (azote et phosphore) peuvent avoir des impacts directs (par exemple, en perturbant l’habitat) ou indirects (par exemple, en réduisant l’abondance des proies). On peut constater ce problème de façon toute particulière dans la baie Rondeau, où des charges en éléments nutritifs provenant des terres agricoles et des zones résidentielles adjacentes ont un impact négatif sur les habitats des milieux humides (Gilbert et al. 2007). On pense que des niveaux élevés d’éléments nutritifs ont provoqué en 2005 une prolifération d’algues qui a touché 70 % de la baie Rondeau et entraîné une diminution des concentrations d’oxygène dans toute la baie (Gilbert et al. 2007). Lorsque les charges en éléments nutritifs sont élevées, la diversité de la végétation décline et les espèces indigènes de végétation émergente et submergée des milieux humides (végétation de prédilection du lépisosté tacheté) cèdent la place à la massette et au roseau commun (Phragmites australis australis). Même si les milieux humides sont considérés comme très importants pour leur capacité de filtration de l’eau, des concentrations d’éléments nutritifs (et de produits chimiques) supérieures aux concentrations de référence ont des effets négatifs sur ces systèmes (Gilbert et al. 2007).

Espèces exotiques : Les espèces exotiques peuvent avoir bien des effets sur le lépisosté tacheté, y compris par la concurrence pour l’espace, l’habitat et la nourriture ainsi que par la restructuration des réseaux trophiques aquatiques. On dénombre maintenant au moins 182 espèces exotiques dans les Grands Lacs (Ricciardi 2006) et certaines d’entre elles pourraient avoir un impact sur le lépisosté tacheté ou son habitat. La carpe commune (Cyprinus carpio), le gobie à taches noires (Neogobius melanostomus) et les moules zébrée et quagga (Dreissena spp.) sont des espèces exotiques qui ont eu un effet dévastateur sur la communauté aquatique du lac Érié et qui continuent à modifier et transformer les écosystèmes et les processus écosystémiques. Le gobie à taches noires s’est disséminé dans tout le lac Érié. Des relevés à la senne effectués sur la plage de l’île Pelée et le long de la rive nord du lac Érié, en 2005-2006, ont révélé la présence du gobie à taches noires dans l’ensemble des 34 sites visités (Reid et Mandrak 2008). Puisque le lépisosté tacheté s’alimente d’ordinaire de poissons se trouvant près de la surface, le passage à une communauté de poissons de plus en plus dominée par les gobies (une espèce qui vit sur le fond) peut avoir un impact négatif sur le lépisosté; toutefois, le gobie à taches noires n’est pas abondant dans les zones végétalisées de la baie Rondeau; il est donc peu probable qu’il y ait un grand degré de chevauchement entre cette espèce envahissante et le lépisosté tacheté. Les espèces exotiques, comme la carpe commune et probablement des hybrides de massettes, soulèvent des préoccupations pour les populations actuelles de lépisosté tacheté du fait que ces espèces peuvent modifier de façon importante les habitats des milieux humides naturels.

De plus, le roseau commun d’Europe s’est répandu dans tous les habitats des milieux humides côtiers où le lépisosté tacheté est présent et a eu de profondes répercussions écologiques dans la baie Long Point (Badzinski et al. 2008) et le parc national de la Pointe-Pelée (Vis et al. 2014). Les peuplements denses de roseau commun d’Europe ont contribué à la réduction de l’habitat humide dans les milieux humides côtiers (Gilbert et Locke 2007; Rook et al. 2016), qui est un habitat important pour plusieurs stades biologiques du lépisosté tacheté. Des recherches ont été menées pour modéliser les scénarios d’impacts potentiels découlant des effets combinés des changements climatiques et de l’expansion accrue du roseau commun dans la baie Long Point (Mccusker 2017). Un des scénarios a démontré que les changements climatiques pourraient permettre au roseau commun d’Europe de coloniser des zones dans la baie Long Point dont la profondeur atteint actuellement jusqu’à 1 m, ce qui pourrait modifier dramatiquement la disponibilité de l’habitat humide. Cette étude était axée sur les impacts sur le crapet sac-à-lait (Lepomis gulosus); toutefois, les résultats pourraient s’appliquer au lépisosté tacheté, compte tenu de son utilisation de l’habitat littoral et de la sélectivité de divers peuplements de macrophytes à des stades biologiques critiques. Il est également possible que le roseau commun constitue un habitat convenable pour les premiers stades biologiques; des recherches plus poussées s’imposent donc pour comprendre pleinement l’interaction entre cette espèce végétale envahissante et le lépisosté tacheté et pour étudier les coûts et les avantages des activités visant à contrôler le roseau commun.

La propagation de la carpe de roseau (Ctenopharyngodon idella) dans les Grands Lacs peut également représenter, en raison de sa consommation de macrophytes aquatiques, une future menace importante pour les habitats des milieux humides côtiers dont dépend le lépisosté tacheté (Wittman et al. 2014). La carpe de roseau a été détectée dans les eaux canadiennes et américaines du lac Érié depuis les années 1980 (Cudmore et al. 2017). De plus, le frai de la carpe de roseau a été confirmé dans des affluents du lac Érié situés en Ohio (Chapman et al. 2013; Embke et al. 2016). Un certain nombre de zones de milieux humides côtiers sont à haut risque de colonisation par la carpe de roseau, compte tenu de leur profondeur et de la densité de la végétation aquatique, y compris Long Point et la baie Rondeau (Wittman et al. 2014; Gertzen et al. 2016), où vit le lépisosté tacheté. De plus, une évaluation du risque écologique pour la carpe de roseau dans les Grands Lacs (Cudmore et al. 2017) indique que la présence de carpes de roseau viables sur le plan de la reproduction (diploïdes) est très probable dans le lac Érié, avec des conséquences écologiques extrêmement importantes dans les 20 prochaines années. En ce qui concerne les impacts propres à l’espèce, Gertzen et ses collaborateurs (2016) présument que l’invasion de la carpe de roseau présente un risque élevé d’incidence sur le lépisosté tacheté compte tenu de ses besoins à différents stades de son cycle biologique, qui sont centrés sur la présence de macrophytes aquatiques.

Le lépisosté de Floride, une espèce exotique, a été prélevé dans le bassin des Grands Lacs (vraisemblablement à la suite de rejets de spécimens d’aquarium). Cette espèce apparentée pourrait constituer une menace supplémentaire pour le lépisosté tacheté, soit en provoquant une hybridation, soit en devenant une concurrente si elle venait à s’établir. On a observé des hybridations à des endroits où les aires de répartition de ces deux espèces se chevauchent en Floride (Lee et al. 1980) et où des lépisostés de Floride sont parfois vendus chez des détaillants locaux d’aquariums.

Changements climatiques : Les changements climatiques devraient avoir des effets importants sur les communautés aquatiques du bassin des Grands Lacs, et ce, par l’entremise de plusieurs mécanismes tels que l’augmentation des températures de l’eau et de l’air, les modifications des niveaux d’eau (c’est-à-dire, abaissement), le raccourcissement de la période de couverture de glace, l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes ainsi que l’apparition de maladies et de changements dans la dynamique prédateurs-proies (Lemmen et Warren 2004; Alexander 2012). On prévoit que les effets des changements climatiques seront généralisés et il faut donc présumer qu’ils auront un impact sur les espèces en péril et sur l’ensemble des habitats. Ce ne sont pas tous les effets des changements climatiques qui auront une incidence négative sur les espèces en péril ; les espèces dont l’aire de répartition est limitée par les températures de l’eau plus fraîches, comme le lépisosté tacheté, pourront accroître leur aire de répartition à condition que des corridors de dissémination constitués d’habitats appropriés soient disponibles. Cependant, une série de réactions associées aux changements dans les régimes d’évaporation et les communautés végétales ainsi que la baisse des niveaux de l’eau des lacs, l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des tempêtes et la diminution des niveaux d’eau dans les cours d’eau en été peuvent annuler les avantages directs d’une hausse des températures. De plus, les effets accrus des changements climatiques continueront probablement de favoriser l’expansion du roseau commun d’Europe le long des rivages côtiers des Grands Lacs (Alexander 2012).

Des scénarios de changements climatiques ont été modélisés dans les communautés de milieux humides côtiers des Grands Lacs, y compris Long Point, la pointe Turkey et la baie Rondeau (Mortsch et al. 2006). La modélisation des communautés des milieux humides indique que les niveaux d’eau plus bas projetés dans la plupart des scénarios de changements climatiques auront des répercussions sur la répartition et l’abondance des habitats et des communautés fauniques des milieux humides. Les niveaux d’eau inférieurs favorisent le développement des types de végétation plus secs le long des délimitations supérieures de la zone humide et réduisent l’habitat en eaux libres, y compris la végétation submergée utilisée par le lépisosté tacheté dans la plupart des échancrures. Dans une autre évaluation des effets prévus des changements climatiques sur les communautés de poissons des milieux humides côtiers des Grands Lacs inférieurs, Doka et ses collaborateurs (2006) prévoient que plusieurs espèces de poissons en péril figureront parmi les espèces les plus vulnérables. Les résultats de cette étude révèlent que le lépisosté tacheté arrive au cinquième rang en importance pour ce qui est de la vulnérabilité sur 99 espèces de poissons qui utilisent des habitats lacustres. La vulnérabilité était fondée sur une évaluation du risque posé par les changements climatiques dans les milieux humides côtiers, les préférences thermiques des espèces selon différents stades biologiques, ainsi que la répartition des espèces. De même, le Michigan Department of Natural Resources a déterminé que le lépisosté tacheté était très vulnérable aux changements climatiques futurs dans les Grands Lacs (Hoving et al. 2013).

Obstacles au déplacement : Les obstacles d’origine naturelle ou artificielle peuvent offrir une protection à certaines espèces contre des compétiteurs, des espèces exotiques et des prédateurs. En conséquence, toute faille dans ces obstacles peut avoir des impacts négatifs sur les communautés de poissons locales. Ainsi, une autre espèce de poisson en péril, le sucet de lac (Erimyzon sucetta), est présente dans deux milieux humides protégés par des digues où les niveaux de l’eau font l’objet d’une gestion (réserves nationales de faune du ruisseau Big et de Sainte-Claire); dans ce cas, ce serait les digues qui assureraient le maintien de l’habitat du sucet de lac (Staton et al. 2010). Des failles d’origine naturelle apparaissent parfois dans les obstacles naturels qui se trouvent dans le parc national de la Pointe-Pelée; cependant, de telles failles peuvent apparaître plus fréquemment par suite d’activités humaines qui perturbent les processus littoraux et qui, ce faisant, ont accéléré la vitesse d’érosion du littoral (V. Mckay, APC, comm. pers. 2007). À l’inverse, les obstacles peuvent également empêcher l’accès à un habitat convenable entraîner une fragmentation des populations et limiter l’effet d’une immigration de source externe. Dans certains cas, les ponceaux constituent un obstacle, par leur présence physique ou par l’effet qu’ils ont sur la vélocité de l’eau (par exemple, ponceaux installés au-dessus du lit du cours d’eau ou de mauvaises dimensions), au passage des poissons entre des zones humides et un habitat situé en amont.

On trouve des milieux humides présentant des obstacles naturels ou entretenus de façon artificielle dans le parc national de la Pointe-Pelée et la réserve nationale de faune du ruisseau Big (région de Long Point). Aucun lépisosté tacheté n’a été observé dans les plans d’eau où une gestion des niveaux d’eau est pratiquée.

Prises accidentelles : Même s’il est interdit par la loi de pêcher le lépisosté tacheté (que ce soit de façon commerciale ou récréative), il est tout de même possible que des individus de l’espèce soient capturés accidentellement. On ignore encore dans l’incidence possible des prises accessoires sur le lépisosté tacheté, mais on estime qu’elle est faible. Des études plus approfondies sont nécessaires sur les prises accessoires découlant de la pêche aux poissons-appâts, de la pêche au harpon et de la pêche sportive. Le MRNFO mène actuellement des enquêtes sur les possibilités de prises accessoires découlant de la pêche commerciale (par exemple, pêche au filet-trappe et à la senne traînante à Long Point). Une étude a été menée au cours des saisons de pêche du printemps et de l’automne 2009 dans les zones de l’intérieur de la baie Long Point et de la pointe Turkey afin d’étudier la possibilité de dommages accidentels aux espèces en péril (Gislason et al. 2010). Au total, 368 traits de filets commerciaux ont été examinés pour détecter des espèces en péril; cet examen a mené à la capture d’un lépisosté tacheté, ce qui démontre que les pêches commerciales représentent probablement une faible menace pour cette espèce. De plus, d’autres recherches sont en cours et comprennent l’installation de filets d’un type semblable à ceux utilisés par les pêcheurs commerciaux pendant les mêmes périodes dans l’intérieur de la baie Long Point, où la présence du lépisosté tacheté est connue. L’objectif de cette étude est d’étudier la santé de la pêche commerciale ainsi que de la communauté de poissons dans son ensemble, y compris les espèces en péril. De premiers échantillonnages ont été effectués en 2018 pour mettre à l’essai les types d’engins, et ont permis de capturer quatre lépisostés tachetés (MRNFO, données inédites 2019). Dans l’ensemble, il est peu probable que les pêches commerciales représentent une menace importante pour les espèces en péril, étant donné que les types d’engins utilisés (verveux) entraînent une mortalité faible ou nulle et que toutes les espèces en péril qui sont capturées devraient être relâchées (MRNFO, données inédites 2019).

Lacunes dans les connaissances : De nombreux aspects de la biologie, de l’écologie, de la répartition et de l’abondance du lépisosté tacheté demeurent inconnus. Or, on a besoin de cette information pour mettre au point les approches en matière de rétablissement ainsi que pour préciser la désignation de l’habitat essentiel. Même si l’on a appris beaucoup de choses sur l’utilisation de l’habitat par le lépisosté tacheté dans la baie Rondeau, il manque de l’information sur la superficie du domaine vital, l’utilisation de l’habitat, les déplacements saisonniers et la connectivité des populations du parc national de la Pointe-Pelée, de la baie Rondeau, de la réserve nationale de faune du ruisseau Big et de la baie Long Point. Les principales menaces susceptibles d’avoir une incidence sur les populations n’ont pas été évaluées de façon complète (p. ex. origine de la menace, ampleur). La compétition avec le lépisosté osseux, qui est plus abondant, peut constituer une menace pour le lépisosté tacheté. L’association de ces deux espèces étroitement apparentées et la probabilité d’établissement au Canada du lépisosté de Floride doivent faire l’objet d’études plus poussées.

Rétablissement

Les buts, les objectifs et les approches de rétablissement suivants s’inspirent de ceux du Programme de rétablissement de la région Essex-Érié (EREE 2008), qui couvre les trois populations subsistantes de lépisosté tacheté présentes dans les milieux humides côtiers du lac Érié.

6. Objectifs en matière de population et de répartition

Les objectifs en matière de population et de répartition établissent, dans la mesure du possible, le nombre d’individus ou de populations (leur répartition géographique étant précisée) qui est nécessaire au rétablissement de l’espèce. Les objectifs en matière de population et de répartition pour le lépisosté tacheté sont les suivants :

Objectif en matière de population : Veiller à ce que les populations de la Pointe-Pelée, de la baie Rondeau et de la baie Long Point (baie intérieure de Long Point, réserve nationale de faune du ruisseau Big, pointe Turkey et réserve nationale de faune de Long Point) soient viables et stables ou augmentent grâce à des mesures de protection et de mise en valeur.

Objectif en matière de répartition : Maintenir l’espèce dans son aire de répartition actuelle à la Pointe-Pelée, à la baie Rondeau et à la baie Long Point (intérieur de la baie Long Point, réserve nationale de faune du ruisseau Big, pointe Turkey et dans toute la pointe (parc provincial de Long Point et réserve nationale de faune de Long Point).

Le rétablissement de ces populations sera considéré comme réussi quand elles montreront des signes actifs de reproduction et de recrutement dans l’ensemble de leur aire de répartition. De plus, les menaces qui pèsent sur ces populations devraient être réduites à des niveaux faibles. Il est important de noter que l’emplacement de la baie Rondeau abrite des populations sources et, à ce titre, fournit des immigrants aux populations de la Pointe-Pelée (au moins historiquement) et de la baie Long Point. Ainsi, il est important de définir le rétablissement comme étant des signes actifs de reproduction et de recrutement dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce, afin de continuer à protéger les endroits où les populations sont viables et stables ou en hausse (par exemple, baie Rondeau) et à maintenir leurs fonctions en tant qu’emplacements sources. De plus, dans le cas du lépisosté tacheté, les populations historiques étaient sans doute naturellement précaires et leur résilienceNote de bas de page 4  limitée puisqu’elles se trouvent à la limite septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce. Par conséquent, il est important de tenir compte de ces deux facteurs lorsqu’on examine les dommages admissibles à des populations sources importantes comme celles qui se trouvent dans la baie Rondeau.

Des objectifs plus quantifiables seront élaborés une fois que les relevés et les études nécessaires auront été réalisés (voir la section 7.5 « calendrier des études pour désigner l’habitat essentiel »). Les objectifs en matière de population et de répartition sont fondés sur l’information actuelle. Si l’on trouve d’autres populations existantes (par exemple, ruisseau Muddy, port de Hamilton et baie Frenchman) de lépisosté tacheté ou si l’on juge possible de réintroduire une population disparue du pays, les objectifs en matière de population et de répartition seront révisés.

7. Stratégies et approches générales en vue d’atteindre les objectifs

7.1 Mesures déjà achevées ou en cours

Un « Programme de rétablissement du lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada » a été rédigé en 2012, et énumérait un certain nombre de mesures de rétablissement relevant de stratégies générales comme la surveillance, la recherche, l’intendance et la sensibilisation en vue de leur mise en œuvre. Depuis la publication de ce programme, des progrès raisonnables ont été réalisés concernant l’achèvement des mesures qui y sont énoncées. Voici quelques exemples pour chaque stratégie générale. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le « Rapport sur les progrès de la mise en œuvre du programme de rétablissement du lépisosté tacheté (Lepisosteus oculatus) au Canada pour la période 2012 à 2017 » [PDF 931 Ko].

Surveillance : Des relevés ciblés des emplacements historiques et des nouveaux emplacements potentiels ont été menés dans le lac Érié (marais Hillman, ruisseaux Flat, Georgie, Indian, Mill et Willow et drains McLeans et Wood [tous des affluents de la baie Rondeau]), le lac Ontario (Coote’s Paradise, lac East et port de Hamilton) et le lac Sainte-Claire (embouchure de la rivière Thames, ruisseaux Jeanette, Baptiste et Big). Un total de 47 lépisostés tachetés ont été détectés dans 5 sites (Glass et Mandrak 2014).

Recherche : Des recherches ont été menées sur : l’utilisation de l’habitat pour le frai et pendant les stades larvaires, juvéniles et adultes (Glass et al. 2012; Glass et Mandrak 2014; MPO, données inédites); la fidélité au site de frai (B. Glass, comm. pers. 2019); les évaluations des menaces telles que les effets de l’augmentation de la turbidité aux premiers stades biologiques du lépisosté tacheté (Grey et al. 2012); la variation génétique parmi les populations de lépisosté tacheté (Glass et al. 2015).

Intendance, vulgarisation et sensibilisation : Des activités d’amélioration de l’habitat, comme la plantation de végétation et des projets de restauration des zones riveraines, ont été menées dans les bassins hydrographiques de la Pointe-Pelée, de la baie Rondeau et de la baie Long Point. De plus, des présentations ont été données aux propriétaires fonciers, aux propriétaires de chalets et aux agriculteurs au sujet de la LEP, de l’habitat essentiel, des enjeux environnementaux et des initiatives réalisées dans la baie Rondeau, ainsi qu’à l’Association des terres autochtones de l’Ontario (OALA) et à l’Ontario First Nations Economic Development Association (OFNEDA), concernant les espèces aquatiques en péril et les mesures de protection en général. De plus, l’Agence Parcs Canada a élaboré un Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national du Canada de la Pointe-Pelée et les lieux historiques nationaux du Canada du Niagara (APC 2016), dans lequel elle prescrit des mesures qui facilitent le rétablissement du lépisosté tacheté.

7.2 Mesures à prendre et calendrier de mise en œuvre

La réussite du rétablissement de cette espèce dépend des mesures de nombreuses compétences différentes; elle nécessite l’engagement et la collaboration de groupes d’intérêt qui participeront à la mise en œuvre des directives et des mesures établies dans le présent programme de rétablissement et son plan d’action.

Le programme de rétablissement et son plan d’action décrivent les mesures qui offrent la meilleure chance d’atteindre les objectifs en matière de population et de répartition pour le lépisosté tacheté, y compris les mesures à prendre pour lutter contre les menaces qui pèsent sur lui et surveiller son rétablissement, et pour guider non seulement les activités que doivent prendre le MPO et l’APC, mais aussi celles dans lesquelles d’autres instances, organismes et particuliers ont un rôle à jouer. À mesure que l’on obtient de nouveaux renseignements, ces mesures et leur priorité respective peuvent être modifiées. Le MPO encourage vivement la population canadienne à participer à la conservation du lépisosté tacheté en entreprenant les mesures indiquées dans le présent programme de rétablissement et plan d’action. Il reconnaît le rôle important que jouent l’équipe de rétablissement du lépisosté tacheté et ses organismes et organisations membres dans la mise en œuvre des mesures relatives à cette espèce. Par exemple, l’APC a publié en 2016 le Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national du Canada de la Pointe-Pelée et les lieux historiques nationaux du Canada du Niagara (APC 2016) [PDF 2,21 Mo]. Bien que le MPO ait déjà mis en œuvre certaines de ces mesures, qui étaient prescrites dans le programme de rétablissement précédent, les mesures incluses dans le présent programme de rétablissement et son plan d’action seront conditionnelles à la disponibilité du financement et des autres ressources nécessaires. Comme il est indiqué dans les tableaux ci-après, des partenariats conclus avec des organisations précises permettront d’obtenir l’expertise et la capacité requises pour mener à bien certaines des mesures de rétablissement énumérées. L’exécution des mesures en question dépendra des priorités et des contraintes budgétaires de chaque groupe.

Le tableau 3 indique les mesures que doit prendre le MPO pour soutenir le rétablissement du lépisosté tacheté. Le tableau 4 indique les mesures que doivent prendre conjointement le MPO, l’APC et leurs partenaires, et d’autres organismes, organisations ou personnes. La mise en œuvre de ces mesures dépendra de cette approche collective, dans laquelle le MPO prend part aux efforts de rétablissement, mais ne peut mettre en œuvre seul les mesures. Le tableau 5 présente les mesures qui donnent à d’autres instances, organisations et personnes l’occasion de prendre l’initiative. Si votre organisation souhaite participer à l’une de ces mesures, veuillez communiquer avec le bureau des espèces en péril de la région d’Ontario et des Prairies. La mise en œuvre du programme de rétablissement et de son plan d’action est assujettie aux crédits, aux priorités et aux contraintes budgétaires des compétences et organismes participants. Certains programmes fédéraux de financement de projets liés aux espèces en péril pourraient offrir des fonds permettant de réaliser certaines des activités décrites, par exemple : le Programme d’intendance de l’habitat pour les espèces en péril; le Fonds autochtone pour les espèces en péril, et le Fonds de la nature du Canada pour les espèces aquatiques en péril.

Quatre stratégies générales ont été définies pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition : 1) inventaire et surveillance; 2) recherche; 3) gestion et coordination; et 4) intendance et vulgarisation. Les mesures de rétablissement sont classées par priorité (élevée, moyenne, faible). On trouvera une description plus détaillée de ces mesures après les tableaux (section 7.3).

Tableau 3. Mesures que doit prendre Pêches et Océans Canada.
No Mesures de rétablissement Stratégie générale Priorité a Menaces ou objectifs abordés Échéancier
1 Évaluation de la population : mettre en œuvre un programme indicateur normalisé de surveillance de la population à tous les emplacements où subsiste une population. Inventaire et surveillance Élevé Atteindre les objectifs en matière de population et combler lacunes dans les connaissances 2 ans
2 Surveillance et application de la loi : la surveillance de l’enlèvement illégal de végétation qui a lieu dans les habitats occupés par le lépisosté tacheté, mener des enquêtes et imposer des sanctions à cet égard. À mettre en œuvre avec le groupe de travail sur les questions liées à la végétation aquatique de la baie Rondeau. Inventaire et surveillance Élevé Protection de l’habitat En cours

a La priorité reflète le degré auquel la mesure contribue directement au rétablissement de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une mesure qui contribue au rétablissement de l’espèce :

Tableau 4. Mesures que doivent prendre en collaboration Pêches et Océans Canada et ses partenaires.
No Mesures de rétablissement Stratégie générale Priorité a Menaces ou objectifs abordés Échéancier Partenaire(s) b
3 Évaluation de la population : effectuer des relevés ciblés des populations existantes à des endroits comme la baie Rondeau et la Pointe-Pelée. Inventaire et surveillance Élevé Atteindre les objectifs en matière de population et de répartition. 3 à 5 ans  MRNFO, APC, offices de protection de la nature
4 Évaluation de la population : poursuivre les relevés ciblés de l’habitat convenable à des sites de captures limitées et soupçonnées ou aux endroits où des échantillons d’ADN environnemental positifs ont été prélevés dans les réseaux du lac Ontario (Coote’s Paradise, baie Frenchman, région de la baie de Quinte – chenal North), du lac Érié (ruisseau Cedar, ruisseau Muddy, marais Hillman, pointe Turkey) et du lac Sainte-Claire (ruisseau Jeanette, plage Tremblay). Inventaire et surveillance Élevé Atteindre les objectifs en matière de population et de répartition. 3 à 5 ans MRNFO, offices de protection de la nature
5 Évaluation de l’habitat : mettre en œuvre un programme indicateur normalisé de surveillance de la population à tous les emplacements existants, permettant d’améliorer les mesures d’atténuation pour le lépisosté tacheté, au besoin. Effectuer également une surveillance afin de pouvoir détecter rapidement les espèces exotiques. Inventaire et surveillance Élevé Protection de l’habitat 3 à 5 ans MRNFO, offices de protection de la nature
6 Évaluation de la menace : étudier l’impact des modifications de l’habitat résultant de la prolifération du roseau commun d’Europe envahissant, ainsi que des peuplements de monoculture du myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum), qui peuvent tous deux avoir des effets positifs ou négatifs sur le lépisosté tacheté selon le stade biologique. Recherche Élevé Toutes les menaces En cours MRNFO, SCF-ECCC, établissements d’enseignement
7 Évaluation de la menace : examiner la réaction du lépisosté tacheté aux pratiques de gestion des milieux humides (par exemple, enlèvement de la végétation par des moyens mécaniques et chimiques, gestion des niveaux d’eau et autres modifications touchant l’habitat); comprend les activités liées à la lutte contre le roseau commun d’Europe.  Recherche Élevé Modification de l’habitat, turbidité et charges en sédiments En cours MRNFO, APC, établissements d’enseignement
8 Évaluation de la menace : examiner la relation existant entre le lépisosté osseux et le lépisosté tacheté aux endroits où ces espèces coexistent. Recherche Faible Relations interspécifiques 3 à 5 ans MRNFO, APC, établissements d’enseignement
9 Évaluation de la menace : examiner les impacts que le changement climatique a et aura sur le lépisosté tacheté et sur ses habitats en milieux humides côtiers. Recherche Faible Changements climatiques En cours MRNFO, SCF-ECCC, établissements d’enseignement
10 Évaluation de la menace : en collaboration avec les partenaires concernés (par exemple, les offices de protection de la nature), évaluer les agents de perturbation présents à l’échelle du bassin hydrographique et qui ont une incidence sur les milieux humides côtiers occupés. Gestion et coordination Moyen Toutes les menaces 3 à 5 ans MRNFO, offices de protection de la nature
11 Atténuation de la menace : garantir que les lignes directrices actuelles sur la réduction, l’atténuation et la restauration des zones ayant subi les effets de travaux de dragage, de remblayage et d’enlèvement de la végétation tiennent compte des besoins du lépisosté tacheté et sont peaufinées à mesure que de nouveaux renseignements pertinents deviennent disponibles; collaborer avec des partenaires pour prévenir l’introduction d’espèces exotiques au moyen de pratiques exemplaires de gestion (PEG).  Gestion et coordination Moyen Perte et dégradation de l’habitat En cours MRNFO, MECP, APC, offices de protection de la nature
12 Atténuation des menaces : travailler en étroite collaboration avec les superviseurs, les ingénieurs et les entrepreneurs responsables du drainage pour limiter les effets des activités de drainage sur les habitats situés dans les milieux humides côtiers.  Gestion et coordination Moyen Perte et dégradation de l’habitat 3 à 5 ans Entreprises privées, municipalités
13 Coopération entre les organismes en matière de protection du lépisosté tacheté : continuer la surveillance de l’enlèvement illégal de végétation qui a lieu dans les habitats occupés par le lépisosté tacheté, mener des enquêtes et imposer des sanctions à cet égard.  Gestion et coordination Moyen Perte et dégradation de l’habitat plus de 5 ans  MRNFO, MECP, offices de protection de la nature et Groupe de travail sur les questions liées à la végétation aquatique de la baie Rondeau
14 Collaboration avec les planificateurs : inciter les organismes et autorités responsables à intégrer les recommandations de l’équipe de rétablissement dans les documents de planification, y compris les plans de gestion des terres.  Gestion et coordination Moyen Toutes les menaces En cours MRNFO, MECP, offices de protection de la nature
15 Collaboration entre les organismes : collaborer avec les partenaires pertinents (par exemple, MRNFO, APC, offices de protection de la nature) afin de partager des connaissances et de mettre en œuvre des mesures de rétablissement.  Gestion et coordination Élevé Toutes les menaces 3 à 5 ans MRNFO, MECP, APC, offices de protection de la nature
16 Sensibilisation aux possibilités d’intendance et aux approches d’atténuation : favoriser l’intendance parmi les propriétaires terriens, des Premières Nations et d’autres parties intéressées (par exemple, pêcheurs à la ligne) au sein des bassins hydrographiques des milieux humides côtiers occupés, particulièrement dans la baie Rondeau. Intendance et vulgarisation Élevé Toutes les menaces plus de 5 ans Propriétaires fonciers, groupes autochtones, groupes de pêcheurs à la ligne, organisations non gouvernementales de l’environnement
17 Sensibilisation aux possibilités d’intendance et aux approches d’atténuation : fournir une trousse d’information sur le lépisosté tacheté aux pêcheurs commerciaux et, peut-être, aux pêcheurs récréatifs; demander que l’on évite les habitats occupés et de rejeter à l’eau les individus capturés; déclarer toutes les captures de lépisosté tacheté. Intendance et vulgarisation Faible Prises accessoires 1 à 2 ans  MRNFO, MECP, offices de protection de la nature, OFAH, groupes de pêcheurs à la ligne
18 Activités d’amélioration de l’habitat et de réduction des menaces : collaborer avec les propriétaires fonciers à la mise en œuvre de PEG dans les secteurs où celles-ci seront les plus avantageuses; favoriser l’achèvement et la mise en application des plans agroenvironnementaux et des plans de gestion des éléments nutritifs. Intendance et vulgarisation Élevé Charges en sédiments et en éléments nutritifs, turbidité, perte et dégradation de l’habitat plus de 5 ans MRNFO, MECP et offices de protection de la nature

a La priorité reflète le degré auquel la mesure contribue directement au rétablissement de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une mesure qui contribue au rétablissement de l’espèce :

b Ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario (MRNFO); Environnement et Changement climatique Canada (ECCC); Service canadien de la faune (SCF); Agence Parcs Canada (APC); ministère de l’Environnement, de la Conservation et des Parcs de l’Ontario (MECP); Ontario Federation of Anglers and Hunters (OFAH); Groupe de travail sur les questions liées à la végétation aquatique de la baie Rondeau.

Tableau 5. Mesures qui donnent à d’autres instances, organisations et personnes l’occasion de prendre l’initiative.
No Mesures de rétablissement Stratégie générale Priorité a Menaces ou préoccupations traitées Administrations ou organismes potentiels/confirmés b
19 Évaluation de la menace : relever les sources ponctuelles d’apport d’éléments nutritifs et de sédiments et leurs effets relatifs. Recherche Élevé Turbidité, charges en sédiments et en éléments nutritifs ECCC, MRNFO, MECP et offices de protection de la nature
20 Évaluation de la menace : évaluer les impacts des prises fortuites sur les populations de lépisosté tacheté (par exemple, relevés auprès des pêcheurs commerciaux). Recherche Moyen Prises accessoires ECCC, MRNFO, MECP et offices de protection de la nature
21 Évaluation de la menace : mesurer les charges en sédiments et en éléments nutritifs (et peut-être en autres contaminants) provenant des cours d’eau qui sont raccordés à des milieux humides occupés par le lépisosté tacheté, ainsi que dans les milieux humides côtiers et les bras d’eau calmes connectés sur la rive nord du lac Érié. Recherche Moyen Turbidité, charges en sédiments et en éléments nutritifs ECCC, MRNFO, MECP et offices de protection de la nature
22 Amélioration de l’habitat et réduction de la menace : mener des activités de rétablissement bénéfiques pour le lépisosté tacheté; par exemple, l’amélioration de l’habitat de frai dans la baie Long Point est également recommandée pour accroître le niveau de succès de la reproduction (Glass et al. 2015). Intendance et vulgarisation Élevé Toutes les menaces MRNFO et offices de protection de la nature
23 Amélioration de l’habitat/réduction de la menace : mener des projets d’amélioration de l’habitat dans les endroits où se trouve le lépisosté tacheté afin de réduire les menaces (p. ex. plantation sur les rives ou stabilisation des rives). Intendance et vulgarisation Élevé Turbidité, charges en sédiments et en éléments nutritifs et espèces envahissantes MRNFO, ECCC-SCF et offices de protection de la nature
24 Sensibilisation aux activités d’intendance et aux approches d’atténuation : encourager l’appui du public et sa participation en élaborant du matériel et des programmes de sensibilisation, ce qui, en retour, incitera le public à participer à des programmes d’intendance locaux et à des activités de mise en œuvre visant à améliorer et à protéger l’habitat. Intendance et vulgarisation Moyen Toutes les menaces MRNFO, MECP et offices de protection de la nature

a La priorité reflète le degré auquel la mesure contribue directement au rétablissement de l’espèce ou est un précurseur essentiel à une mesure qui contribue au rétablissement de l’espèce :

b Ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario (MRNFO); Environnement et Changement climatique Canada (ECCC); Service canadien de la faune (SCF); ministère de l’Environnement, de la Conservation et des Parcs de l’Ontario (MECP).

7.3 Description à l’appui des tableaux sur la planification et la mise en œuvre du rétablissement

Stratégie générale 1 : Inventaire et surveillance

Mesures de rétablissement 1, 3 et 4 (évaluation de la population) : D’autres échantillonnages ciblés sur le lépisosté tacheté sont nécessaires à des endroits existants, historiques et nouveaux possibles ou présumés. Pour ce qui est des emplacements existants, un échantillonnage continu est nécessaire à la Pointe-Pelée, y compris dans les étangs West Cranberry, East Cranberry, Lake, Redhead et Harrison, où aucun échantillonnage n’a été effectué depuis 2009. De même, d’autres échantillonnages sont nécessaires dans la baie Long Point, où les détections de l’espèce ont récemment commencé à être plus fréquentes, y compris dans des zones comme la réserve nationale du ruisseau Big, l’intérieur de la baie Long Point, la pointe Turkey, le parc provincial de Long Point et la réserve nationale de faune de la baie Long Point. Un échantillonnage ciblé devrait également être effectué dans la baie Rondeau afin de guider la surveillance des populations et de répondre à d’éventuelles questions de recherche.

Il faudrait échantillonner aussi un certain nombre d’emplacements historiques ou nouveaux, présumés ou potentiels. Par exemple, dans le lac Érié, un échantillonnage classique a permis de détecter l’espèce dans le ruisseau Cedar en 2019, dans le ruisseau Muddy en 2011, et l’échantillonnage de l’ADN environnemental a mené à des détections dans le marais Hillman, situé à proximité, ce qui justifie de mener des relevés classiques pour déterminer s’il existe des populations à ces endroits et pour évaluer la connectivité entre les populations existantes dans le lac Érié. L’espèce a également été capturée historiquement dans le lac Sainte-Claire en 1962, près de l’embouchure de la rivière Thames et de la plage Tremblay, et l’échantillonnage de l’ADN environnemental en 2012 a donné à des détections positives dans le ruisseau Jeanette, bien que l’échantillonnage classique à cet endroit n’ait pas permis de capturer d’individus. D’autres échantillonnages pourraient être nécessaires à ces endroits à l’avenir. De plus, il existe un certain nombre d’endroits d’intérêt dans le bassin versant du lac Ontario, notamment : port de Hamilton (lépisosté tacheté détecté en 2010); Coote’s Paradise et ruisseau Spencer (détection d’ADN environnemental en 2013); baie Frenchman (détection non vérifiée en 2018); baie de Quinte et chenal North (où l’espèce a été historiquement détectée).        

Un programme de surveillance normalisé est nécessaire pour produire des estimations solides de l’effectif de la population aux emplacements existants. Des estimations de la population ont été établies pour l’étang Lake, dans le parc national de la Pointe-Pelée, à partir d’une étude par marquage et recapture, et ont été extrapolées à la baie Rondeau (Glass et al. 2012) Cependant, on sait que le lépisosté tacheté est plus largement réparti à la Pointe-Pelée, ce qui pourrait justifier une surveillance plus poussée pour élargir l’estimation de la population à cet endroit. De plus, les estimations de la population n’étaient pas disponibles pour la réserve nationale de faune de la baie Long Point, la pointe Turkey et le ruisseau Big en raison du faible nombre de prises. Depuis 2012, on a commencé à détecter l’espèce plus largement dans des zones comme l’intérieur de la baie Long Point, la pointe Turkey et la réserve nationale de faune de Long Point. Si l’échantillonnage ciblé réussit à capturer plus régulièrement le lépisosté tacheté à ces endroits, il pourrait être justifié d’adopter des approches de surveillance qui permettraient de dériver des estimations de la population. Dans l’ensemble, il faudrait idéalement entreprendre annuellement des approches appropriées de surveillance des populations de lépisosté tacheté dans la baie Rondeau, où l’espèce est connue comme étant la plus prévalente et, dans la mesure du possible, pour évaluer la trajectoire des populations, la faisabilité du rétablissement et les progrès réalisés vers l’atteinte ses objectifs de rétablissement. En reprenant l’information recueillie à l’aide des méthodes d’échantillonnage dans la baie Rondeau, il faudrait également effectuer une surveillance dans le parc national de la Pointe-Pelée à des intervalles plus grands (au moins tous les cinq ans). Enfin, il faudrait procéder à un échantillonnage exploratoire pour le lépisosté tacheté dans la baie Long Point (au moins tous les cinq ans). Si des lépisostés tachetés sont régulièrement capturés dans la baie Long Point, il serait possible de mettre en place un plan de surveillance à l’avenir.

Mesure de rétablissement 2 (surveillance et application de la loi) : Le MPO continuera de surveiller l’enlèvement illégal de végétation qui a lieu dans les habitats occupés par le lépisosté tacheté, de mener des enquêtes et d’imposer des sanctions à cet égard lorsqu’il se produit dans des habitats occupés par le lépisosté tacheté. Dans le cas de la baie Rondeau, cette tâche sera accomplie en collaboration avec le Groupe de travail sur les questions liées à la végétation aquatique de la baie Rondeau. Les activités de surveillance et d’application de la loi dans ce domaine serviront à réduire les menaces d’enlèvement de la végétation pesant sur les populations et à sensibiliser le public au fait que ces zones constituent un habitat important.

Mesure de rétablissement 5 (évaluation de l’habitat) : Des relevés de surveillance devraient être effectués dans l’ensemble des bassins versants où l’on sait que le lépisosté tacheté se trouve, afin d’étudier les changements dans les conditions de l’habitat au fil du temps. Ces relevés guideront les évaluations des menaces pesant sur cette espèce, et les tendances observées peuvent être utiles pour évaluer la trajectoire des populations et la faisabilité de leur rétablissement.

Stratégie générale 2 : Recherche

Mesures de rétablissement 6 à 9, 19 à 21 (évaluation de la menace) : Un certain nombre de menaces touchent actuellement le lépisosté tacheté ou pourraient le toucher à l’avenir. La prolifération du roseau commun d’Europe dans les milieux humides côtiers comme la baie Long Point, la baie Rondeau et la Pointe-Pelée peut avoir des répercussions sur différents stades biologiques du lépisosté tacheté en réduisant la disponibilité et la qualité de l’habitat pour le frai, les stades des œufs et des jeunes de l’année, ainsi qu’en limitant l’accès aux zones en amont des affluents où le frai a lieu. À l’inverse, le roseau commun d’Europe peut offrir un habitat bénéfique à d’autres stades biologiques. Pour l’instant, d’autres recherches sont nécessaires pour élucider les effets que cette espèce végétale envahissante peut avoir sur les populations de lépisosté tacheté. De plus, l’enlèvement de la végétation est une menace connue pour l’espèce, et des permis autorisant de telles activités sont fréquemment demandés dans la baie Rondeau, où se trouve la population la plus saine de lépisosté tacheté au Canada. Il faut comprendre dans quelle mesure les projets d’enlèvement de la végétation peuvent être réalisés avant que des répercussions importantes sur la population, compromettant les objectifs de rétablissement, ne commencent à se produire.

Les enquêtes sur les associations des communautés de poissons peuvent également mettre en évidence des pressions supplémentaires qui limitent la croissance de la population de lépisosté tacheté. Par exemple, la concurrence interspécifique avec le lépisosté osseux pourrait aggraver encore le sort du lépisosté tacheté, qui est déjà menacé par un certain nombre d’autres facteurs. La compréhension de telles interactions permettrait probablement de mieux comprendre la trajectoire de la population de lépisosté tacheté aux endroits où les deux espèces cohabitent. De plus, les études qui modélisent les effets potentiels des changements climatiques sur le lépisosté tacheté seraient grandement utiles à la planification du rétablissement de cette espèce. Par exemple, on n’est pas certain que la hausse de la température de l’eau puisse entraîner une augmentation de la croissance du lépisosté tacheté et une expansion de son aire de répartition, car l’espèce se trouve à la limite septentrionale de son aire de répartition continentale, ou que à l’inverse, elle se traduise par une réduction de la disponibilité de l’habitat essentiel du fait de l’assèchement de zones littorales convenables ou en combinaison avec la propagation d’espèces envahissantes comme le roseau commun d’Europe.

Des recherches sont encore nécessaires pour examiner les sources ponctuelles d’apport d’éléments nutritifs et de sédiments dans les bassins hydrographiques où vit le lépisosté tacheté, ainsi que leurs effets sur ce dernier. Par exemple, les pratiques d’utilisation des terres dans le bassin hydrographique environnant de la baie Rondeau et en amont de la réserve nationale de faune du ruisseau Big contribuent aux niveaux élevés de turbidité et de sédimentation et ont une incidence sur la qualité des zones en aval où se trouve le lépisosté tacheté. Cette mesure représente une occasion pour les instances extérieures, comme les offices de protection de la nature et les organisations non gouvernementales de l’environnement, d’examiner les répercussions de ces menaces sur le lépisosté tacheté et de repérer les zones dans les bassins hydrographiques concernés d’où proviennent les principaux apports de sédiments et de nutriments, afin de guider les futures initiatives d’intendance.

Enfin, des recherches sont nécessaires pour explorer l’impact potentiel de la récolte accidentelle de lépisosté tacheté dans la pêche commerciale et la pêche récréative. Pour ce faire, il faudrait effectuer des relevés auprès des pêcheurs afin d’évaluer la fréquence à laquelle l’espèce est capturée.

Stratégie générale 3 : gestion et coordination

Mesure de rétablissement 10 (évaluation des menaces) : Collaborer avec les organismes et instances partenaires pour cerner et évaluer les menaces qui pèsent sur le lépisosté tacheté, notamment en évaluant les agents de perturbation présents à l’échelle du bassin hydrographique en coopérant pour réaliser un grand nombre des mesures de recherche dont il a été question précédemment. Il pourrait s’agir de travailler avec Environnement et Changement climatique Canada, le MRNFO, des offices de protection de la nature, des ONGE et d’autres organisations afin d’assurer la surveillance et la recherche sur les menaces qui peuvent avoir un impact sur le lépisosté tacheté à des endroits existants. 

Mesures de rétablissement 11 et 12 (atténuation des menaces) : Travailler en étroite collaboration avec des organisations partenaires telles que le MRNFO, les offices de protection de la nature, les ONGE, les associations de propriétaires fonciers et les municipalités pour veiller à ce que les lignes directrices, les approches d’atténuation et les pratiques exemplaires de gestion (PEG) relatives au lépisosté tacheté et à son habitat soient prises en compte lorsque des travaux dans l’eau (p. ex. dragage, remblayage, enlèvement de la végétation) sont effectués dans des zones où la présence de l’espèce est connue.

Mesures de rétablissement 13 et 15 (coopération entre les organismes) : Collaborer avec des organismes partenaires comme le MRNFO pour réaliser des activités d’application de la loi et de surveillance liées à l’enlèvement de la végétation dans l’habitat du lépisosté tacheté, comme ce qui est prescrit dans la mesure 2, ainsi que pour mener des enquêtes et imposer des pénalités, en veillant à ce que la protection de l’espèce soit pleinement mise en œuvre.

Une coopération entre les administrations et les organisations est également nécessaire pour favoriser le rétablissement des populations de lépisosté tacheté en mettant en œuvre des activités d’intendance et d’amélioration de l’habitat comme celles prescrites dans les mesures 18, 22 et 23.

Mesure de rétablissement 14 (collaboration avec les planificateurs) : Encourager les municipalités à protéger les habitats qui sont importants pour le lépisosté tacheté dans leurs plans officiels et veiller à ce que les organismes de planification et de gestion connaissent les habitats importants pour l’espèce.

Stratégie générale 4 : intendance et vulgarisation

Mesures de rétablissement 16 à 18 et 24 (sensibilisation aux possibilités d’intendance et aux approches d’atténuation) : Mener des activités de vulgarisation et de sensibilisation ciblant plusieurs groupes d’intervenants afin de leur faire connaître des renseignements qui les intéressent, comme les approches d’intendance et les PEG pour la gestion des terres pour les propriétaires fonciers, les groupes autochtones et le grand public, ainsi que l’identification et la déclaration du lépisosté tacheté, de même que pour encourager les pêcheurs à la ligne et les pêcheurs commerciaux à relâcher les poissons capturés et à éviter si possible les habitats occupés (frayères au printemps). De plus, des activités de vulgarisation ciblant ces groupes d’intervenants devraient les informer sur l’importance du lépisosté tacheté, son cycle biologique et son habitat, et favoriser la mise en œuvre d’activités visant à améliorer et à protéger l’habitat.

Mesures de rétablissement 22 et 23 (amélioration de l’habitat et réduction des menaces) : Mener des activités d’amélioration de l’habitat aux endroits où le lépisosté tacheté est encore présent (par exemple, la Pointe-Pelée, la baie Rondeau, la baie Long Point), ainsi que dans les zones situées entre ces endroits ou dans lesquelles des populations pourraient se trouver (par exemple, le ruisseau Cedar, le marais Hillman, le ruisseau Muddy, le ruisseau West Two, le ruisseau East Two – parc provincial Wheatley) ou qui offrent un habitat transitoire convenable pour les adultes migrants (Glass et al. 2015). Pour ce qui est des emplacements existants, des activités d’amélioration de l’habitat pourraient être menées dans la baie Long Point afin d’améliorer la qualité et la quantité de l’habitat de frai et d’accroître le niveau de succès de la reproduction (Glass et al. 2015), ou dans les affluents de la baie Rondeau. Ces activités pourraient comprendre les activités de plantation sur les rives et de stabilisation des rives dans les drains qui se déversent dans la baie Rondeau ou dans le bassin hydrographique du ruisseau Big, qui se jette dans la baie Long Point.

8. Habitat essentiel

8.1 Désignation de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté

8.1.1 Description générale de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté

La Loi sur les espèces en péril (LEP) définit l’habitat essentiel comme suit : « ...habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d’une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d’action élaboré à l’égard de l’espèce ». [paragraphe 2(1)]

En outre, la LEP définit ainsi l’habitat d’une espèce aquatique : « [...] les frayères, aires d’alevinage, de croissance et d’alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s’est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire ». [paragraphe 2(1)]

L’habitat essentiel du lépisosté tacheté est défini aussi précisément que possible, avec les meilleurs renseignements disponibles. Les fonctions et les caractéristiques nécessaires pour appuyer les processus du cycle biologique de l’espèce et atteindre les objectifs en matière de population et de répartition sont également précisées. Des détails sur l’emplacement géographique de l’habitat essentiel sont également donnés.

Le présent programme de rétablissement et son plan d’action désignent l’habitat essentiel du lépisosté tacheté comme étant composé des milieux humides côtiers et des bras d’eau connectés, y compris les zones riveraines inondées interconnectées et les chenaux tributaires, du parc national de la Pointe-Pelée, la baie Long Point (y compris la réserve nationale de faune de Long Point) et la réserve nationale de faune de Big Creek, et la baie Rondeau.

Les zones désignées actuellement ne sont peut-être pas suffisantes pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition établis pour l’espèce. C’est pourquoi un calendrier d’études a été inclus afin de préciser davantage la description de l’habitat essentiel (en ce qui concerne ses fonctions, caractéristiques et propriétés biophysiques, ainsi que son étendue spatiale) pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce.

8.1.2 Données et méthodes utilisées pour désigner l’habitat essentiel

L’habitat essentiel du lépisosté tacheté a été désigné dans la mesure du possible, à l’aide de la meilleure information disponible. L’habitat essentiel désigné dans le présent programme de rétablissement et plan d’action décrit les zones géospatiales contenant les caractéristiques de l’habitat dont on sait qu’elles sont nécessaires à la survie ou au rétablissement de l’espèce.

À l’aide de la meilleure information disponible, l’habitat essentiel a été désigné selon une approche de « zone de délimitation » pour les trois milieux humides côtiers où l’espèce vit actuellement. Cette approche utilise les fonctions, caractéristiques et propriétés essentielles de chaque stade biologique du lépisosté tacheté afin de déterminer les parcelles d’habitat essentiel dans la « zone de délimitation », qui est définie par les données d’occupation de l’espèce. L’information sur l’habitat aux différents stades biologiques est résumée sous forme de graphique (tableau 7) à l’aide des données et des études disponibles dont il est question à la section 4.3 (besoins de l’espèce). L’approche de la « zone de délimitation » était la plus appropriée compte tenu du peu d’information disponible sur l’espèce et du manque de cartographie détaillée de l’habitat pour ces zones. Lorsque des renseignements sur l’habitat étaient disponibles (par exemple, la Classification écologique des terres [CET], les segments du Système d’inventaire du paysage aquatique, les polygones des zones de ressources aquatiques, les données bathymétriques), ils ont été utilisés pour désigner l’habitat essentiel. Les détections et les observations de l’espèce et les opinions d’experts ont également été utilisées pour guider la désignation de l’habitat essentiel. Le programme de rétablissement de 2012 a désigné pour la première fois l’habitat essentiel du lépisosté tacheté. Depuis, d’autres détections de l’espèce et d’autres renseignements sur son utilisation de l’habitat ont justifié la désignation d’autres habitats essentiels dans la baie Rondeau et dans la baie Long Point.

Parc national de la Pointe-Pelée : Dans le cadre du programme de rétablissement de 2012, un habitat essentiel a été désigné pour le lépisosté tacheté dans les étangs du parc national de la Pointe-Pelée à l’aide des données des ensembles de données suivants : Surette (2006), Razavi (2006), A.-M. Cappelli (données inédites, 2009) et B. Glass (données inédites, 2009), ainsi que de la documentation photographique en 2007 (S. Staton, obs. pers.). Les noms des étangs sont tirés de la série de cartes du Système national de référence cartographique (SNRC). Aucun habitat essentiel supplémentaire n’est proposé pour le moment.

Baie Rondeau : Les données utilisées pour désigner l’habitat essentiel dans la baie Rondeau ont été tirées de la base de données existante du MPO (de 1955 à 2004), en plus des vastes efforts de capture, d’échantillonnage et de suivi découlant de recherches plus récentes (par exemple, Glass et al. 2011; Glass et Mandrak 2014; MPO 2018). Dans le parc provincial Rondeau, l’habitat essentiel a été désigné pour la première fois dans le programme de rétablissement de 2012 à l’aide des données disponibles de la Classification écologique des terres pour le parc. La Classification écologique des terres évalue la répartition et le regroupement des espèces végétales et tente de les comprendre en fonction des profils et processus écosystémiques. Elle aide également à dégager des profils entre la végétation, les sols, la géologie, le relief et le climat, à différentes échelles. À l’aide des facteurs liés à la géologie, aux sols, à la physiographie et à la végétation, la Classification écologique des terres peut permettre de cartographier les communautés végétales à différentes échelles organisationnelles (Lee et al. 1998, Lee et al.2001). On a comparé les emplacements où des lépisostés tachetés ont été capturés dans le parc aux données de la Classification écologique des terres du parc (Dobbyn et Pasma 2005) afin de déterminer les types de végétation des milieux humides utilisés par l’espèce. Toutes les zones contenant ces types de la Classification écologique des terres ont été initialement incluses comme habitat essentiel; cependant, les habitats aquatiques qui se trouvaient isolés des eaux de la baie ont été exclus, car le lépisosté tacheté ne peut y accéder.

De plus, l’habitat essentiel a été désigné dans des affluents de la baie Rondeau car ces zones offrent un habitat de frai à l’espèce. Depuis le programme de rétablissement de 2012, le lépisosté tacheté a été capturé dans des affluents de la baie, y compris dans le drain Wood (aussi connu comme le ruisseau Georgie), le drain Cumming (aussi connu comme le ruisseau Mill), le drain McDougall (aussi connu comme le ruisseau Flat), le ruisseau Indian, et le drain MacLean (figure 7). De même, les études de radiotélémétrie menées en 2007 à 2009 et en 2016 et 2017 documentent davantage l’utilisation de l’habitat par le lépisosté tacheté, y compris les endroits où des méthodes classiques n’avaient pas permis de le détecter (c’est-à-dire, le drain de Third Concession) (figure 8), et ceux où on a capturé des spécimens qui sont probablement des larves de lépisosté tacheté. L’espèce est probablement présente plus en amont dans les affluents où aucun échantillonnage n’a été effectué, mais qui contiennent des caractéristiques de l’habitat convenables. Par exemple, Glass et Mandrak (2014) ont capturé des individus en amont de la première grande traversée routière du drain Maclean et du ruisseau Mill (drain Cumming) et pensent que le lépisosté tacheté se trouve probablement de la baie au premier obstacle permanent au passage du poisson qui, dans la majorité des cas, s’étend au-delà de l’habitat essentiel désigné dans le programme de rétablissement de 2012. C’est pourquoi l’habitat essentiel a été étendu en amont dans un certain nombre d’affluents en fonction des données d’échantillonnage et de l’opinion d’experts. L’habitat essentiel a également été désigné dans le drain de Third Concession.

Baie de Long Point (y compris la réserve nationale de la faune de Long Point) et la réserve nationale de la faune du ruisseau Big : Des données limitées sont disponibles sur la population de lépisosté tacheté dans la baie Long Point. Au moment du programme de rétablissement de 2012, il n’existait que 11 mentions du lépisosté tacheté dans l’intérieur de la baie Long Point et les données de capture pour la réserve nationale de faune du ruisseau Big (reliée à la baie Long Point) concernaient un emplacement (L. Bouvier, MPO, comm. pers. 2008). De plus, trois individus avaient été capturés dans le marais de la pointe Turkey. Depuis, le lépisosté tacheté a été détecté plus fréquemment, avec 30 individus capturés dans l’intérieur de la baie Long Point et un seul détecté à chacun des endroits suivants : pointe Turkey; réserve nationale de faune du ruisseau Big; l’unité de Long Point de la réserve nationale de faune de Long Point (figure 9).

L’habitat essentiel a été désigné initialement dans le programme de rétablissement de 2012, dans la réserve nationale de faune du ruisseau Big, l’intérieur de la baie Long Point et l’embouchure du ruisseau Big, à l’aide de la Classification écologique des terres, comme correspondant aux habitats situés en milieu humide (catégories de communautés végétales de la Classification comprenant les marais, les baissières, les marais peu profonds, les roseaux communs, la végétation aquatique mixte en eau peu profonde et à feuilles flottantes ainsi que les marécages broussailleux) et zones aquatiques (catégories de communautés végétales mixtes de la Classification croissant à une profondeur inférieure à 2 m, y compris les végétaux aquatiques croissant dans des eaux ouvertes, les végétaux aquatiques submergés croissant dans des eaux peu profondes et les végétaux submergés à feuilles flottantes croissant dans des eaux ouvertes). D’autres habitats essentiels ont été désignés, notamment : l’ensemble de la pointe (parc provincial de Long Point et réserve nationale de faune de Long Point) et le marais de la pointe Turkey, d’après les récentes détections de l’espèce; des zones de l’intérieur de la baie Long Point où la profondeur est inférieure à 3 m, d’après les profils d’utilisation de l’habitat par le lépisosté tacheté dans la baie Rondeau observés par Glass et al. (2012).

Viabilité des populations : On a comparé la superficie de l’habitat essentiel désigné pour chaque population aux estimations de l’espace requis pour une population minimale viable. On a estimé la superficie minimale pour une population viable (SMPV) pour chaque stade biologique du lépisosté tacheté pour les populations du Canada (tableau 8). La SMPV est définie comme la quantité d’habitat exclusif et convenable nécessaire pour atteindre un objectif de rétablissement viable sur le plan démographique fondé sur le concept d’une population minimale viable (PMV) (Vélez-Espino et al. 2008). La SMPV est ainsi une mesure quantitative de l’habitat essentiel qui peut faciliter le rétablissement et la gestion des espèces en péril (Vélez-Espino et al. 2008). La population minimale viable estimée pour le lépisosté tacheté adulte est d’environ 14 000 individus et la SMPV correspondante est estimée à 35 km2, avec une probabilité de 15 % d’un événement catastrophique par génération et un seuil d’extinction de 20 individus (c’est-à-dire, l’effectif de la population adulte en dessous duquel la population est considérée comme disparue). Pour de plus amples renseignements sur les valeurs de la population minimale viable et de la SMPV pour le lépisosté tacheté, consulter Young et Koops (2010).

Les valeurs de la SMPV sont quelque peu prudentes en ce sens qu’elles représentent la somme des besoins en matière d’habitat calculés pour chaque stade du cycle biologique du lépisosté tacheté; ces chiffres ne tiennent pas compte de la possibilité de chevauchement dans l’habitat des diverses stades biologiques et peuvent surestimer la superficie nécessaire pour soutenir une population minimale viable. Toutefois, comme bon nombre de ces populations se trouvent dans des zones où l’habitat est dégradé (la SMPV suppose que la qualité de l’habitat est optimale), des zones plus grandes que la SMPV peuvent être nécessaires pour soutenir une population minimale viable. De plus, pour certaines populations, il est probable que seule une partie de l’habitat désigné comme l’étendue de l’habitat essentiel répondrait aux exigences fonctionnelles des divers stades biologiques de l’espèce.

8.1.3 Désignation de l’habitat essentiel

Information géographique :

L’habitat essentiel des populations de lépisosté tacheté a été désigné à l’aide de la meilleure information disponible dans les cours d’eau suivants (figures 7 à 14) :

  1. Parc national de la Pointe-Pelée
  2. Baie Long Point (marais de la pointe Turkey et toute la pointe et la baie) et réserve nationale de faune du ruisseau Big
  3. Baie Rondeau et ses affluents      

Les zones d’habitat essentiel désignées à ces endroits peuvent chevaucher l’habitat essentiel désigné pour d’autres espèces en péril (par exemple, le sucet de lac dans le parc national de la Pointe-Pelée, la baie Rondeau et la baie Long Point); toutefois, les exigences particulières en matière d’habitat dans ces zones peuvent varier selon les espèces.

Les endroits où les fonctions, caractéristiques et propriétés de l’habitat essentiel ont été localisés à l’aide de la « démarche par zone de délimitation ». Cela signifie que l’habitat essentiel ne correspond pas à la totalité de la zone comprise dans les limites déterminées, mais plutôt seulement aux zones situées à l’intérieur des limites géographiques déterminées dans lesquelles la caractéristique biophysique et la fonction qu’elle soutient sont présentes, comme le montre le tableau 7.

Il est à noter que les structures anthropiques permanentes existantes qui peuvent être présentes dans les zones délimitées (par exemple, les marinas, les canaux de navigation) sont expressément exclues (à moins que ces structures ne maintiennent l’habitat essentiel); il est entendu que l’entretien ou le remplacement de ces élément peut être nécessaire à l’occasionNote de bas de page 5.

Les zones délimitées sur les cartes suivantes (figures 6 à 8) représentent la zone à l’intérieur de laquelle on trouve actuellement un habitat essentiel. Le tableau 6 ci-après présente les coordonnées géographiques qui situent les limites à l’intérieur desquelles se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté aux trois endroits; ces points sont indiqués sur les figures 6, 7 et 8.

Tableau 6. Coordonnées a indiquant l’emplacement des limites à l’intérieur desquelles se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté à trois endroits.
Numéro de l’étendue de l’habitat essentiel Parc national de la Pointe-Pelée Baie Rondeau Réserve nationale de faune de la baie Long Point et du ruisseau Big
1 41.971147˚ N 42.348050˚ N 42.594381˚ N
82.535144° O -81.850981˚ O -80.482269˚ O
2 41.984177˚ N 42.341470˚ N 42.690747˚ N
82.517724˚ O -81.840645˚ O -80.339494˚ O
3 41.973534˚ N 42.254411˚ N 42.550381˚ N
82.503157˚ O -81.874116˚ O -80.040992˚ O
4 41.948715˚ N 42.262122˚ N 42.574400˚ N
82.505035˚ O -81.937992˚ O -80.468900˚ O
5   42.281344˚ N  
-81.978094˚ O
6   42.320444˚ N  
-81.93138˚ O
7   42.340183˚ N  
-81.881806˚ O

a Les habitats fluviaux sont délimités au milieu du chenal du segment de cours d’eau le plus en amont et du segment de cours d’eau le plus en aval (c’est-à-dire, deux points seulement). Coordonnées obtenues à l’aide du système géodésique NAD83.

Une brève description des zones désignées comme habitats essentiels est donnée ci-après pour chacune des trois zones.

Parc national de la Pointe-Pelée : Les étangs du parc national de la Pointe-Pelée, y compris l’étang Redhead, l’étang Lake, l’étang East Cranberry, l’étang West Cranberry et l’étang Harrison, sont inclus dans la zone où se trouve l’habitat essentiel. Toutefois, le passage des embarcations entre les étangs Harrison et Lake, connu sous le nom de chenal Thiessen (figure 10), est exclu de cette description de l’habitat essentiel. Le chenal Thiessen est très bien géré (modifié et entretenu) depuis au moins 1922 afin de permettre aux embarcations de passer de la limite ouest du marais à l’étang Lake et aux autres étangs (Battin et Nelson 1978). Par conséquent, ce canal est considéré comme une structure anthropique et n'est pas identifié comme faisant partie de l'habitat essentiel.

Réserve nationale de faune de la baie Long Point et du ruisseau Big : La zone à l’intérieur de laquelle l’habitat essentiel se trouve dans la baie Long Point comprend les eaux contiguës de l’intérieur de la baie, toute la pointe, y compris le parc provincial de la baie Long Point et la réserve nationale de faune de Long Point, le marais de la pointe Turkey et toutes les eaux de la rive jusqu’à l’isobathe de 3 m (figure 11). L’habitat essentiel s’étend jusqu’à l’élévation de la laisse des hautes eaux du lac Érié à 174,62 m au-dessus du niveau de la mer (Système de référence international des Grands Lacs de 1985). De plus, l’habitat essentiel englobe la réserve nationale de faune du ruisseau Big(figure 11), à l’exclusion de la cellule intérieure endiguée, où aucun spécimen de lépisosté tacheté n’a été détecté (la cellule endiguée n’est pas accessible au lépisosté tacheté). La zone à l’intérieur de laquelle l’habitat essentiel a été désigné englobe l’ensemble des eaux et des milieux humides contigus, à l’exclusion des zones qui demeurent sèches en permanence, depuis la jetée à l’ouest jusqu’à la totalité de la réserve nationale de faune du ruisseau Big jusqu’à la digue de basse chute, à l’exception de l’habitat présent dans la cellule intérieure endiguée qui se trouve dans la réserve nationale de faune; cet habitat comprend également le ruisseau Big proprement dit ainsi que tous les milieux humides contigus situés au nord du ruisseau Big.

Baie Rondeau : La zone à l’intérieur de laquelle se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la baie Rondeau est actuellement désignée comme étant les eaux et les milieux humides (y compris les milieux humides inondés sur une base saisonnière) de l’ensemble de la baie (figure 12). Dans le parc provincial Rondeau, les habitats aquatiques qui sont isolés des eaux de la baie ont été exclus, car ces secteurs sont inaccessibles au lépisosté tacheté. Plus particulièrement, les secteurs désignés comme des milieux humides à l’est du sentier du marais contiennent en fait de vastes parties d’habitats terrestres en milieu sec qui isolent les parcelles humides intérieures (c’est-à-dire, les marécages) (S. Dobbyn, MRNFO, comm. pers. 2009). Environ la moitié de l’étendue de l’habitat essentiel désigné se trouve dans le parc provincial Rondeau.

L’habitat essentiel a également été désigné dans les affluents de la baie Rondeau, y compris l’embouchure des affluents qui se déversent dans la baie, depuis l’amont jusqu’au point à partir duquel un chenal bien défini peut être observé. De plus, l’habitat essentiel a été désigné plus en amont dans les affluents où des lépisostés tachetés ont été capturés ou observés ou qui contiennent probablement un habitat de frai convenable. L’étendue de l’habitat essentiel dans ces affluents particuliers est indiquée ci-après, d’est en ouest :

Figure 10. Limites à l’intérieur desquelles se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans le parc national de la Pointe-Pelée.
Description longue

La Figure 10 s’agit d’une carte qui illustre les limites et les points de coordonnées à l’intérieur desquels se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté, en particulier les étangs du parc national de la Pointe-Pelée, y compris l’étang Redhead, l’étang Lake, l’étang East Cranberry, l’étang West Cranberry et l’étang Harrison. Le passage des embarcations entre les étangs Harrison et Lake, connu sous le nom de chenal Thiessen, est exclu car il est très bien géré (modifié et entretenu) depuis au moins 1922 afin de permettre aux embarcations de passer de la limite ouest du marais à l’étang Lake et aux autres étangs.

Un médaillon dans l’angle supérieur gauche de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique du parc national de la Pointe-Pelée. Un médaillon dans l’angle inférieur gauche de la carte renferme une légende qui montre les endroits précis de l’habitat essentiel où l’on trouve le lépisosté tacheté : les étangs du parc national de la Pointe-Pelée, y compris l’étang Redhead, l’étang Lake, l’étang East Cranberry, l’étang West Cranberry et l’étang Harrison, désignés par des marques qui indiquent les coordonnées des limites relatives et les zones d’habitat essentiel. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties.

Figure 11. Limites à l’intérieur desquelles se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la réserve nationale de faune de la baie Long Point et du ruisseau Big.
Description longue

La Figure 11 s’agit d’une carte qui illustre les limites et les points de coordonnées à l’intérieur desquels se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la baie Long Point et la réserve nationale de faune du ruisseau Big. La zone à l’intérieur de laquelle l’habitat essentiel se trouve dans la baie Long Point comprend les eaux contiguës de l’intérieur de la baie, toute la pointe, y compris le parc provincial de la baie Long Point et la réserve nationale de faune de Long Point, le marais de la pointe Turkey et toutes les eaux de la rive jusqu’à l’isobathe de 3 m. L’habitat essentiel englobe la réserve nationale de faune du ruisseau Big et l’ensemble des eaux et des milieux humides contigus, à l’exclusion des zones qui demeurent sèches en permanence, depuis la jetée à l’ouest jusqu’à la totalité de la réserve nationale de faune du ruisseau Big jusqu’à la digue de basse chute, à l’exception de l’habitat présent dans la cellule intérieure endiguée qui se trouve dans la réserve nationale de faune; cet habitat comprend également le ruisseau Big proprement dit ainsi que tous les milieux humides contigus situés au nord du ruisseau Big.

Un médaillon situé dans l’angle supérieur droit de la carte renferme une légende qui montre les limites précises où se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la baie Long Point et la réserve nationale de faune du ruisseau Big. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties. Un autre médaillon dans l’angle supérieur droit de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique de la baie Long Point et de la réserve nationale de faune du ruisseau Big.

Figure 12. Limites à l’intérieur desquelles se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la baie Rondeau.

Description longue

La Figure 12 s’agit d’une carte qui illustre les limites et les points de coordonnées à l’intérieur desquels se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la baie Rondeau, qui est actuellement désigné comme étant les eaux et les milieux humides (y compris les milieux humides inondés sur une base saisonnière) de l’ensemble de la baie.

Un médaillon situé dans l’angle supérieur gauche de la carte renferme une légende qui montre les limites et coordonnées précises à l’intérieur desquelles se trouve l’habitat essentiel du lépisosté tacheté dans la baie Rondeau. Il indique également les zones de milieux humides et de parc, ainsi que les zones bâties. Un médaillon dans l’angle inférieur droit de la carte donne une vue de haut niveau de la frontière des États-Unis et du Canada et de l’emplacement géographique de la baie Rondeau.

La désignation de l’habitat essentiel dans le parc national de la Pointe-Pelée, la baie Long Point, la réserve nationale de faune du ruisseau Big et la baie Rondeau garantit la protection de l’habitat occupé à l’heure actuelle qui soutient le lépisosté tacheté, jusqu’à ce que l’habitat essentiel de l’espèce soit davantage peaufiné conformément au calendrier des études établi à la section 8.2. Ces zones sont nécessaires pour atteindre les objectifs établis en matière de survie et de rétablissement. Le calendrier des études décrit les activités nécessaires pour peaufiner la description actuelle de l’habitat essentiel aux emplacements existants confirmés, mais s’appliquera également à de nouveaux emplacements abritant une population établies si elle est confirmée (par exemple, lac East, port de Hamilton). La description de l’habitat essentiel seront peaufinées à mesure que d’autres renseignements seront disponibles pour appuyer les objectifs en matière de population et de répartition.

Fonctions, caractéristiques et propriétés biophysiques :

Le tableau 7 présente un résumé des meilleures connaissances disponibles sur les fonctions, caractéristiques et propriétés pour chaque stade biologique du lépisosté tacheté (voir les références complètes à la section 4.3, « besoins de l’espèce »). Il convient de noter qu’il n’est pas nécessaire que tous les attributs du tableau 7 soient présents pour qu’une caractéristique puisse être désignée habitat essentiel. Si une caractéristique, telle qu’elle est décrite dans le tableau 7, est présente et capable de soutenir la ou les fonctions connexes, elle est considérée comme un habitat essentiel pour l’espèce, même si certaines de ses propriétés se situent hors des limites indiquées dans le tableau.

Tableau 7. Fonctions, caractéristiques et propriétés essentielles de l’habitat essentiel pour chaque stade biologique du lépisosté tacheté a.
Stade biologique Fonction b Caractéristique c Propriété d
Adulte et premiers stades biologiques : du frai au stade larvaire précoce (sac vitellin ou longueur totale [LT] < 17 mm) Frai (de mai à juin)
Croissance
Milieux humides côtiers végétalisés et bras d’eau calmes reliés sur la rive nord du lac Érié, y compris les zones riveraines inondées interconnectées et les chenaux tributaires. 
  • Eau calme et limpide avec peu ou pas de débit (par exemple, bras d’eau calmes)
  • Eaux peu profondes (<1 m) dans les zones littorales des affluents et des baies
  • Végétation dense submergée et émergente (par exemple, myriophylle [Myriophyllum sp.] et potamot crépu [Potamogeton crispus])
  • Substrat composé d’un mélange de sable, de limon, d’argile ou de vase
  • Structure sous-marine (par exemple, branches)
  • Températures chaudes de l’eau (le frai se produit habituellement de 21 °C à 26 °C; migration vers les frayères observée à 18 ˚C); probabilité de 50 % et de 90 % de frai 210 et 291 degrés-jours de croissance cumulatifs[1], respectivement, avec une température de base de l’eau[2] de 10 °C et une probabilité de frai de 50 % et de 90 % après 62 et 85 degrés-jours de croissance cumulatifs avec une température de base de l’eau de 15 °C, respectivement
Larves (jeunes de l’année, LT > 17 mm) Croissance
Couvert
Comme ci-dessus.
  • Zones littorales côtières peu profondes (par exemple, profondeurs généralement inférieures à 1 m ou zones à moins de 30 m de la rive) dans les affluents et les baies
  • Végétation dense submergée et émergente (couverture > 70 %)
  • Substrat composé d’un mélange de sable, de limon, d’argile ou de vase
Juvéniles (de l’âge 1 jusqu’à la maturité sexuelle [2 à 3 ans pour les mâles; 3 à 4 ans pour les femelles]) Alimentation
Couvert
Comme ci-dessus.
  • Aucune information publiée, mais on présume qu’elle est la même que pour les jeunes de l’année et les adultes
Adulte (dès le début de la maturité sexuelle [2 à 3 ans pour les mâles; 3 à 4 ans pour les femelles] et plus) Alimentation
Couvert
Migration
Comme ci-dessus. 
  • Eau calme et limpide avec peu ou pas de débit, comme les bras d’eau calmes, les zones littorales (printemps et été) et les zones extracôtières relativement peu profondes (été)
  • Zones peu profondes (<0,5 m) et plus profondes (>2,5 m)
  • Lits denses de végétation mixte submergée et émergente (par exemple, nénuphar (Nuphar spp.), massette (Typha spp.), élodée du Canada (Elodea canadensis), potamot (Potamogeton sp.), chara (Chara sp.), myriophylle, vallisnérie américaine (Vallisneria sp.) et cornifle nageante (Ceratophyllum sp.))
  • Substrat composé d’un mélange de sable, de limon, d’argile ou de vase
  • Structure sous-marine (par exemple, branches)
  • Température chaude de l’eau (de 11,4 °C à 31,3 °C, avec une moyenne de 22,6 °C (± 0,19)
  • Espèces de proies en nombre suffisant (par exemple, ménés [Cyprinidés] et perchaude [Perca flavescens])

a Lorsqu’elles sont connues ou soutenues par des données existantes. Il est à noter que les structures anthropiques permanentes existantes qui sont présentes dans les zones délimitées (par exemple, trottoirs de bois, marinas, canaux de navigation, stations de pompage) sont expressément exclues (à moins que ces structures ne servent à maintenir l’habitat essentiel); il est entendu que l’entretien ou le remplacement de ces éléments peut être nécessaire à l’occasion.

b Fonction : Processus du cycle biologique de l’espèce inscrite ayant lieu dans l’habitat essentiel (par exemple, frai, croissance, alevinage, alimentation et migration).

c Caractéristique : Les caractéristiques décrivent les composantes structurelles essentielles qui soutiennent les fonctions requises pour répondre aux besoins de l’espèce. Les caractéristiques peuvent changer au fil du temps et sont généralement composées d’une ou de plusieurs propriétés. Une modification ou une perturbation de la caractéristique ou de l’une de ses propriétés peut avoir une incidence sur la fonction et sa capacité à répondre aux besoins biologiques de l’espèce.

d Propriété : Les propriétés sont les propriétés ou les attributs mesurables d’une caractéristique. Elles décrivent comment les caractéristiques définies soutiennent les fonctions requises pour les processus vitaux de l’espèce.

e Degrés-jours de croissance cumulatifs (voir la section 4.3 pour plus de détails)

f Voir l’explication des degrés-jours de croissance cumulatifs à la section 4.3 « besoins de l’espèce » : du frai jusqu’au stade embryonnaire (sac vitellin)    

Résumé des objectifs en matière de population et de répartition en lien avec l’habitat essentiel

Il s’agit des zones que la ministre des Pêches et des Océans, d’après la meilleure information disponible à l’heure actuelle, considère comme nécessaires pour atteindre en partie les objectifs en matière de population et de répartition requis pour assurer la survie et le rétablissement de l’espèce. D’autres zones pourront être désignées comme habitat essentiel dans les futures mises à jour du présent programme de rétablissement et plan d’action.

8.1.4 Viabilité des populations

L’effectif des populations a été estimé pour la Pointe-Pelée et la baie Rondeau en extrapolant l’abondance estimée dans la zone de 220 ha de l’étang Lake à la Pointe-Pelée, qui comprend de l’habitat représentatif de celui qui est retrouvé dans la baie Rondeau (Glass et al. 2012). La modélisation effectuée par Young et Koops (2010) a permis d’estimer une population minimale viable (PMV) pour le lépisosté tacheté de 1 424 ou 13 840 adultes en supposant une probabilité de 0,15 de déclin catastrophique par génération fondée sur des seuils de quasi-extinction de 2 ou 20 adultes, respectivement. Étant donné qu’un seuil d’extinction de deux adultes ne tient pas compte de la dépression de consanguinité, on utilise l’estimation plus prudente de 13 840 adultes fondée sur un seuil d’extinction de 20 adultes dans le présent document. De plus, Young et Koops (2010) ont estimé la superficie minimale pour une population viable (SMPV) pour chaque stade biologique du lépisosté tacheté; il s’agit d’une mesure quantitative de l’habitat essentiel qui peut faciliter le rétablissement et la gestion des espèces en péril (Vélez-Espino et al. 2008) pour s’assurer que l’habitat est disponible pour soutenir et maintenir la population minimale viable. L’étendue de l’habitat essentiel désigné pour chaque population a été comparée à la valeur estimée de la SMPV dans le tableau 8. Il convient de noter que pour certaines populations, il est probable que seule une partie de l’habitat désigné comme habitat essentiel répondra aux besoins fonctionnels en matière d’habitat des divers stades biologiques de l’espèce dans leur ensemble, et qu’elle ne tient pas compte non plus de la variation des caractéristiques de l’habitat requise par différents stades biologiques. Par exemple, la zone de l’habitat essentiel désigné pour le lépisosté tacheté dans la baie Long Point peut comprendre : 1) des zones où les propriétés décrites dans le tableau 7 ne se trouvent pas; 2) de grandes zones composées d’habitats en eaux libres d’une profondeur maximale de 3 m, qui peuvent convenir uniquement au stade adulte, ce qui signifie qu’elles peuvent ne pas répondre aux besoins pour les activités de reproduction. De plus, comme ces populations se trouvent dans des zones où l’habitat est dégradé (la SMPV suppose que la qualité de l’habitat est optimale), des zones plus grandes que la SMPV peuvent être nécessaires pour soutenir une population minimale viable. En outre, une évaluation génétique des populations de lépisosté tacheté (Glass et al. 2015) a permis d’identifier cinq sous-populations dans la baie Rondeau qui semblent être isolées sur le plan de la reproduction; par conséquent, les comparaisons de l’effectif estimé de la population de la baie Rondeau dans son ensemble par rapport à l’estimation de la population minimale viable pourraient ne pas refléter fidèlement la vulnérabilité des sous-populations aux perturbations de l’habitat (par exemple, on estime l’effectif de population de la baie Rondeau à 8 121 adultes, et la sous-population moyenne à 1 624 adultes  Note de bas de page 6 ). De futures études pourraient aider à quantifier la quantité et la qualité de l’habitat disponible dans les habitats essentiels pour toutes les populations; de tels renseignements, ainsi que la vérification du modèle de SMPV, permettront de déterminer avec plus de certitude la viabilité de la population. Les résultats du tableau 8 sont donc préliminaires et doivent être interprétés avec prudence. Dans l’ensemble, il est important de se rappeler que les estimations de la population minimale viable représentent le nombre nécessaire pour maintenir une population; en conséquence, dans la mesure du possible, les objectifs de rétablissement devraient viser à dépasser ces paramètres.

Tableau 8. Comparaison de la superficie de l’habitat essentiel désigné, de l’effectif estimé de la population, de la population minimale viable (PMV) et de la superficie minimale pour une population viable (SMPV) pour les populations de la baie Long Point (y compris la réserve nationale de faune de Long Point) et de la réserve nationale de faune du ruisseau Big, de la Pointe-Pelée et de la baie Rondeau. Les estimations de la population sont tirées de Glass et al. (2012); la population minimale viable et la SMPV sont tirées de Young et Koops (2010). PMV1 représente une probabilité d’événement catastrophique = 0,15 et un seuil de quasi-extinction de 2 adultes; PMV2 représente une probabilité d’événement catastrophique = 0,15 et un seuil de quasi-extinction de 20 adultes. Adapté de MPO (2020).
Population Superficie d’habitat essentiel désigné (km2) Effectif estimé de la population PMV1 PMV1 atteinte? SMPV1 SMPV1 atteinte? PMV2 PMV2 atteinte? SMPV2 SMPV2 atteinte
Réserve nationale de faune de la baie Long Point (incluant la réserve nationale de faune de Long Point) et du ruisseau Big  205,68 Inconnu 1 424 adultes Inconnue 3,6 km2 Oui 13 840 adultes Inconnue 35 km2 Oui
Pointe-Pelée  2,20 483 adultes 1 424 adultes Non 3,6 km2 Non 13 840 adultes Non 35 km2 Non
Baie Rondeau 36,98 8 124 adultes 1 424 adultes Oui 3,6 km2 Oui 13 840 adultes Non 35 km2 Oui

* L’estimation de la SMPV est fondée sur les approches de modélisation décrites ci-dessus. Pour plus de détails, voir Young et Koops (2010). Il existe peu d’information sur les besoins en matière d’habitat pour les divers stades biologiques du lépisosté tacheté. Le tableau 7 résume les connaissances disponibles sur les fonctions, les caractéristiques et les propriétés essentielles à chaque stade biologique (voir les références complètes à la section 1.4.1, habitat et besoins biologiques). Les zones désignées comme habitat essentiel doivent soutenir une ou plusieurs de ces fonctions de l’habitat. .

8.2 Calendrier des études visant à désigner l’habitat essentiel

D’autres recherches sont nécessaires pour préciser l’habitat essentiel nécessaire pour appuyer les objectifs en matière de population et de répartition de l’espèce et protéger l’habitat essentiel contre la destruction. Ces travaux supplémentaires comprennent les études identifiées dans le tableau 9 :

Tableau 9. Calendrier des études pour établir/préciser la désignation de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté.
Description de l’étude a Justification Échéancier
Mener des études pour déterminer les besoins en matière d’habitat pour chaque stade biologique du lépisosté tacheté. La détermination des besoins en matière d’habitat pour chaque stade biologique garantira la désignation de toutes les caractéristiques et propriétés nécessaires de l’habitat essentiel de cette espèce.

Ces études comprendront l’utilisation saisonnière de l’habitat des adultes et des juvéniles et l’habitat qui est utilisé aux stades du développement (par exemple, larves et jeunes de l’année). Plus précisément, des recherches sont nécessaires pour explorer le stade des jeunes de l’année jusqu’au point où la maturité sexuelle est atteinte, car il existe actuellement peu d’information sur l’utilisation de l’habitat et le comportement à ces stades biologiques. 

Depuis le dernier programme de rétablissement dans la baie Rondeau, des progrès importants ont été réalisés dans l’exploration des liens entre les caractéristiques de l’habitat et les divers stades biologiques du lépisosté tacheté; toutefois, bien que les données sur les associations avec l’habitat soient informatives, d’autres études sont nécessaires pour comprendre l’influence des différentes caractéristiques de l’habitat sur les taux vitaux de l’espèce, comme le recrutement, la croissance et la survie, tant à l’intérieur qu’entre les emplacements existants. Ces recherches permettraient de déterminer les caractéristiques de l’habitat qui ont la plus grande influence sur la trajectoire et la viabilité des populations.

Des recherches avancées, axées sur une meilleure compréhension des caractéristiques de l’habitat limitant la croissance de la population de lépisosté tacheté, devraient probablement être menées dans la baie Rondeau, où les associations avec les habitats sont bien comprises. De plus, il faudrait également mener des études de base sur les associations avec les habitats dans les deux autres zones, la Pointe-Pelée et la baie Long Point, afin d’explorer les variations dans l’utilisation de l’habitat entre ces zones. De plus, les différences observées dans la disponibilité des caractéristiques limitatives de l’habitat pourraient expliquer les différences dans l’abondance du lépisosté tacheté et la trajectoire de la population entre les emplacements (par exemple, baie Rondeau et baie Long Point). 
2021 à 2026
Étudier le rôle que jouent les habitats riverains et terrestres et semi-aquatiques adjacents dans les besoins globaux en matière d’habitat de l’espèce. Cela permettra de peaufiner la désignation de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté et d’orienter les pratiques exemplaires de gestion et les approches d’atténuation pour les pratiques d’utilisation des terres dans les zones adjacentes où la présence du lépisosté tacheté est connue.  2021 à 2026
Déterminer l’influence du roseau commun d’Europe, une espèce envahissante, sur les besoins en habitat du lépisosté tacheté et, en fin de compte, sur ses taux vitaux. De nombreuses recherches ont été entreprises sur les changements dans les habitats côtiers résultant de la propagation du roseau commun d’Europe. Il est probable, d’après certains de ces travaux antérieurs, que cette espèce de plante émergente envahissante aura des effets négatifs sur le lépisosté tacheté; cependant, le roseau commun d’Europe pourrait être bénéfique à certains stades biologiques du lépisosté tacheté (c’est-à-dire, aux stades des œufs et des larves). De plus, le contrôle du roseau commun d’Europe devrait avoir une influence négative sur l’espèce. Des études et des recherches sont donc justifiées pour explorer les impacts potentiels que le roseau commun d’Europe peut avoir sur le lépisosté tacheté ou l’utilisation potentielle de cette espèce envahissante par le lépisosté tacheté (à chaque stade biologique).  2021 à 2026
Examiner la réaction du lépisosté tacheté aux perturbations de l’habitat.  La recherche a surtout cherché à étudier l’influence des modifications de l’habitat sur l’utilisation de l’habitat par le lépisosté tacheté ou ses taux vitaux (par exemple, succès de la reproduction, survie) et permettra de mieux comprendre les séquences des effets sur l’habitat essentiel et de guider les décisions liées à la protection de l’habitat essentiel. Plus précisément, cette recherche pourrait comprendre des études des répercussions du nettoyage des drains, du dragage et des projets d’enlèvement de la végétation, qui sont couramment proposés dans les zones de la baie Rondeau où se trouve le lépisosté tacheté.  2021 à 2026
Effectuer des relevés de l’habitat dans les sites d’occurrence historiques et actuels et cartographier leur qualité et leur étendue.  Les résultats de ces relevés renforceront la fiabilité des données utilisées pour déterminer si les emplacements répondent aux critères relatifs à l’habitat essentiel; et aideront à préciser les limites spatiales de l’habitat essentiel.

Cette mesure dépend en grande partie de la compréhension des besoins en matière d’habitat pour chaque stade biologique (voir la première rangée). La détermination des caractéristiques de l’habitat qui limitent la croissance de la population de lépisosté tacheté (fonctions, caractéristiques et propriétés précisées) et la quantification de la disponibilité de ces caractéristiques permettront d’améliorer la modélisation de la population et de l’habitat disponible et ainsi de mieux comprendre la faisabilité du rétablissement et de faciliter la définition d’objectifs appropriés en matière de population et de répartition. De même, la cartographie et la quantification de l’habitat limitatif guideront également la protection de l’habitat du lépisosté tacheté. Par exemple, l’enlèvement de la végétation est une activité couramment proposée dans la baie Rondeau et il faut comprendre quel niveau de cette forme de modification de l’habitat peut être permis avant que les effets cumulatifs ne commencent à avoir une incidence sur la dynamique des populations de lépisosté tacheté.    
2021 à 2028
Poursuivre la recherche sur la modélisation des degrés-jours de croissance cumulatifs pour déterminer la période de frai.  Maintenant qu’un modèle de degrés-jours de croissance cumulatifs a été mis au point et qu’il peut être utilisé pour prédire la période de frai du lépisosté tacheté par rapport aux fluctuations des températures de l’eau au cours du printemps, il faudrait établir une station de surveillance dans un ou deux lieux de frai connus, probablement dans le bassin hydrographique de la baie Rondeau, pour valider la capacité prédictive du modèle. Plus précisément, il faudrait installer des enregistreurs de température dans les affluents faisant l’objet de la surveillance, et les jumeler à d’autres relevés afin de confirmer la période de frai et le modèle de degrés-jours de croissance cumulatifs. Une fois que cela aura été fait, on pourrait utiliser ces affluents comme sites de référence représentatifs d’autres endroits semblables dans la baie Rondeau, avec des profils de température annuels pour ces cours d’eau indiquant la période des activités de frai au cours d’une année donnée. Enfin, il faudrait aussi effectuer des recherches pour étudier la relation entre la température de l’air et la température de l’eau dans les affluents de la baie Rondeau, ce qui permettrait d’examiner la possibilité d’utiliser les données sur la température de l’air, qui sont beaucoup plus faciles à obtenir, pour déterminer des périodes de frai précises.  En cours
Créer un modèle population-habitat disponible pour chaque stade biologique. Une fois que les caractéristiques de l’habitat qui limitent la productivité du lépisosté tacheté auront été clairement déterminées (première mesure dans ce tableau), et les caractéristiques limitatives de l’habitat cartographiées (troisième mesure dans ce tableau), il sera possible de créer des modèles d’habitat disponible pour chaque stade biologique. Ces modèles aideront à élaborer des objectifs de rétablissement et à déterminer la quantité d’habitat essentiel nécessaire à chaque stade biologique pour les atteindre.  2021 à 2028
D’après l’information recueillie, passer en revue les objectifs en matière de population et de répartition. Déterminer l’étendue et la configuration de l’habitat essentiel qui sont requises pour atteindre l’objectif si l’information nécessaire est disponible Valider le modèle. Il peut être nécessaire de réexaminer les objectifs de rétablissement pour vérifier s’ils sont justifiables et s’ils peuvent être atteints; cette activité permettra d’améliorer la description de l’habitat essentiel (propriétés spatiales et biophysiques).  En cours

a Les activités indiquées dans ce calendrier d’études seront réalisées en collaboration avec d’autres instances.

8.3 Exemples d’activités susceptibles de détruire l’habitat essentiel

Aux termes de la LEP, la protection de l’habitat essentiel contre la destruction doit être assurée légalement dans un délai de 180 jours suivant sa désignation dans la version définitive du programme de rétablissement ou du plan d’action. Pour les zones d’habitat essentiel situées dans le parc national de la Pointe-Pelée et la réserve nationale de faune du ruisseau Big, une description de l’habitat essentiel devait être publiée dans la Gazette du Canada 90 jours après l’affichage du programme de rétablissement définitif original en octobre 2012, conformément au paragraphe 58(2). La description de l’habitat essentiel situé dans le parc national de la Pointe-Pelée et la réserve nationale de faune du ruisseau Big a été publiée dans la Gazette du Canada en 2016. Quatre-vingt-dix jours après la publication dans la Gazette du Canada, Partie I, l’interdiction prévue au paragraphe 58(1) de détruire toute partie de l’habitat essentiel désigné est entrée en vigueur. De plus, l’arrêté visant la protection de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté a été pris en 2017, aux termes des paragraphes 58(4) et (5), déclenchant l’interdiction au paragraphe 58(1) dans toutes les zones d’habitat essentiel à l’extérieur du parc national de la Pointe-Pelée et de la réserve nationale de la faune du ruisseau Big. Le présent programme de rétablissement actualisé et son plan d’action désignent d’autres habitats essentiels dans la baie Rondeau et la baie Long Point auxquels l’arrêté s’applique, y compris des affluents de la baie Rondeau, ainsi que la majeure partie de la baie Long Point; cependant, la désignation supplémentaire de l’habitat essentiel dans les unités de Throughfare et Long Point de la réserve nationale de faune de Long Point déclenche la nécessité de modifier la description de l’habitat essentiel dans la Gazette du Canada, conformément au paragraphe 58(2), ce qui aura pour effet d’appliquer l’interdiction au paragraphe 58(1) à ces nouvelles zones.

Les exemples d’activités susceptibles d’entraîner la destruction Note de bas de page 7 de l’habitat essentiel (tableau 10) qui suivent sont fondés sur les activités anthropiques connues qui sont susceptibles d’avoir lieu dans les habitats essentiels ou à proximité de ceux-ci et d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel si elles ne sont pas atténuées. La liste des activités n’est ni exhaustive, ni exclusive et a été établie d’après les menaces générales décrites à la section 5. L’absence d’une activité humaine donnée dans le présent tableau n’altère en rien la capacité du Ministère à la réglementer en vertu de la LEP. En outre, l’inclusion d’une activité dans cette liste n’entraîne pas automatiquement son interdiction et ne signifie pas que l’activité entraînera inévitablement la destruction de l’habitat essentiel. Chaque activité doit être évaluée au cas par cas, et des mesures d’atténuation pour chaque site doivent être prises lorsque cette option est fiable et disponible. Dans tous les cas, lorsque l’information est disponible, des seuils et des limites ont été associés aux propriétés de l’habitat essentiel afin de mieux orienter les décisions en matière de gestion et de réglementation. Cependant, dans de nombreux cas, les connaissances sur l’espèce et sur les seuils de tolérance de son habitat essentiel aux perturbations résultant des activités anthropiques font défaut et il faut les acquérir.

Les activités qui augmentent l’envasement et la turbidité ou qui entraînent l’enlèvement de la végétation aquatique indigène peuvent avoir des impacts négatifs sur l’habitat du lépisosté tacheté. Toutefois, certaines activités de gestion de l’habitat sont reconnues comme étant bénéfiques pour la survie ou le rétablissement à long terme de l’espèce et peuvent être autorisées si et quand elles sont nécessaires. Ces activités peuvent comprendre l’enlèvement ou le contrôle de la végétation aquatique ou semi-aquatique exotique; la gestion des niveaux d’eau (y compris l’entretien des digues); les activités de restauration de l’habitat (par exemple, la gestion des incendies). Par exemple, dans certains cas, le roseau commun d’Europe, une espèce exotique, peut avoir une incidence sur la qualité de l’habitat pour certains stades biologiques du lépisosté tacheté; l’enlèvement et le contrôle de cette espèce exotique peuvent donc être justifiés à certains endroits. Dans ces situations, selon les examens propres au site, des projets d’enlèvement à petite échelle du roseau commun d’Europe selon des moyens chimiques ou physiques approuvés peuvent être autorisés. À l’avenir, d’autres avis scientifiques seront nécessaires pour fournir de l’information sur les avantages ou les impacts potentiels de l’enlèvement du roseau commun d’Europe sur les populations de lépisosté tacheté. Au moment de la rédaction du programme de rétablissement précédent, on croyait que l’enlèvement à petite échelle des peuplements de monocultures de myriophylle en épi pourrait être bénéfique pour le lépisosté tacheté; cependant, depuis, un examen scientifique (MPO 2020) a montré que ces retraits ne profiteront pas au lépisosté tacheté, mais pourraient plutôt menacer la longévité des populations dans des endroits comme la baie Rondeau.

Tableau 10. Activités susceptibles d’entraîner la destruction de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté. La séquence des effets, ainsi que les liens potentiels avec les fonctions, les caractéristiques et les propriétés biophysiques de l’habitat essentiel, sont indiqués pour chaque activité.
Menace Activité Séquence des effets Fonction touchée Caractéristique touchée Propriété touché
Modifications de l’habitat Dragage
Nivellement
Excavation
Enlèvement de structures (par exemple, récupération de billes)
Les changements dans la bathymétrie et dans la morphologie des rives causés par le dragage, le nivellement près des berges et les travaux d’excavation peuvent entraîner l’élimination (ou le remblayage) des substrats de prédilection ainsi que modifier les profondeurs de l’eau et les profils de débit, ce qui peut avoir un impact sur la turbidité, les concentrations d’éléments nutritifs, les températures de l’eau et la migration. L’enlèvement de structures immergées peut entraîner la disparition d’abris et avoir un impact sur l’alimentation et la reproduction. Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Migration
Milieux humides côtiers et bras d’eau calmes reliés sur la côte nord du lac Érié, y compris les zones riveraines inondées interreliées et les chenaux tributaires. 
  • Eau calme et limpide avec peu ou pas de débit (par exemple, bras d’eau calmes)
  • Eaux peu profondes (< 1 m de profondeur)
  • Végétation dense submergée et émergente (par exemple,  myriophylle [Myriophyllum sp.] et potamot crépu [Potamogeton crispus])
  • Substrat composé d’un mélange de sable, de limon, d’argile ou de vase
  • Structure immergée (par exemple, branches, couvert)
  • Températures chaudes de l’eau (le frai se produit habituellement de 21 °C à 26 °C; migration vers les frayères observée à 18 ˚C)
  • Espèces de proies en nombre suffisant (par exemple, ménés [Cyprinidés] et perchaude [Perca flavescens])
Voir plus haut Mise en place de matériaux ou de structures dans l’eau (par exemple, épis, piliers, remblayage complet ou partiel, jetées);
Artificialisation des rives
La mise en place de matériaux ou de structures dans l’eau réduit la disponibilité de l’habitat (par exemple, la superficie occupée par la structure ou la zone remblayée est perdue). Le dépôt de remblai peut couvrir les substrats de prédilection, la végétation aquatique et des structures sous-marines. Le changement dans la morphologie des rives peut modifier les régimes de débit et les zones de dépôt des sédiments, provoquer de l’érosion et modifier les niveaux de turbidité. Ces changements peuvent avoir une incidence sur la croissance de la végétation aquatique, provoquer des changements dans les concentrations d’éléments nutritifs et avoir un impact sur les déplacements des poissons. L’artificialisation des rives peut réduire l’apport en substances organiques dans l’eau et modifier les températures de l’eau, ce qui peut avoir un impact sur la disponibilité des proies pour cette espèce.  Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Migration
Comme plus haut Comme plus haut
Voir plus haut Extraction d’eau ou drainage des milieux humides (par exemple, excavation de fossés, canalisation et aménagement de digues); modification de la période, de la durée et de la fréquence du débit L’extraction d’eau peut réduire la disponibilité des habitats en milieux humides. Le drainage de milieux humides peut réduire la disponibilité de l’habitat utilisé au cours des divers stades biologiques de cette espèce. Les profondeurs de l’eau peuvent être réduites, ce qui a une incidence sur la croissance de la végétation aquatique et sur les structures immergées qui servent d’abri ainsi que sur les températures de l’eau. L’apport de substances organiques provenant de milieux humides drainés peut être réduit, ce qui peut avoir une incidence sur la disponibilité des proies.

Les travaux de drainage des milieux humides (par exemple, excavation de fossés, canalisation et aménagement de digues) peuvent entraîner un accroissement des niveaux de turbidité et modifier les débits.

La modification des régimes de débit peut avoir un impact sur le dépôt des sédiments (par exemple, changements dans les substrats de prédilection), sur la disponibilité de la végétation immergée pour le frai, sur la turbidité et sur les concentrations d’éléments nutritifs. 
Comme plus haut Comme plus haut Comme plus haut
Voir plus haut Accès libre du bétail aux plans d’eau L’accès direct du bétail aux plans d’eau peut causer des dommages ou la perte de la végétation riveraine et aquatique. Les dommages qui sont ainsi causés aux rives, aux talus et aux lits des cours d’eau peuvent augmenter l’érosion et la sédimentation, ce qui a un impact sur la turbidité et les températures de l’eau. Un tel accès peut également augmenter les apports en éléments nutritifs organiques dans l’eau, ce qui entraîne une hausse des charges en éléments nutritifs, peut avoir un impact sur la croissance de la végétation aquatique, favoriser la prolifération algale et diminuer l’abondance des proies.  Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Comme plus haut Comme plus haut
Enlèvement de la végétation aquatique et riveraine Défrichage (enlèvement de la végétation par des moyens mécaniques et chimiques) L’enlèvement de la végétation aquatique ou riveraine, laquelle sert d’abri et de lieu de frai à l’espèce, peut avoir un impact négatif sur le succès du recrutement et de la prédation. La mort de végétaux qui fait suite aux traitements chimiques et aux travaux d’enlèvement de végétaux peut également avoir un impact négatif sur la qualité de l’eau et avoir une incidence sur la turbidité et les températures de l’eau. Ces facteurs devraient également être pris en compte en ce qui concerne la lutte contre les espèces envahissantes comme le roseau commun, et il faudrait s’efforcer de limiter les dommages causés aux populations de lépisosté tacheté.  Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Comme plus haut Comme plus haut
Turbidité et charges en sédiments Travaux effectués dans l’eau ou près de l’eau, sans une gestion appropriée des sédiments et de l’érosion (par exemple, utilisation d’équipement industriel, nettoyage ou entretien de ponts ou d’autres structures) Une mauvaise gestion des sédiments et de l’érosion ou la prise de mesures d’atténuation inappropriées peut augmenter les niveaux de turbidité, ce qui peut entraîner une réduction du succès de l’alimentation ou de la disponibilité des proies, ce qui a un impact sur la croissance de la végétation aquatique et peut entraîner une exclusion des poissons de leur habitat en raison des impacts physiologiques des sédiments dans l’eau (par exemple, irritation des branchies). Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Migration
Comme plus haut Comme plus haut
Charges en éléments nutritifs Surutilisation d’engrais et gestion inappropriée des éléments nutritifs (p. ex. gestion des débris organiques, gestion des eaux usées, déchets d’origine animale, fosses septiques et eaux d’égouts urbains) De mauvaises pratiques de gestion des terres et une mauvaise gestion des éléments nutritifs peuvent entraîner du ruissellement et une augmentation des charges en éléments nutritifs dans les plans d’eau voisins. Les concentrations élevées d’éléments nutritifs peuvent accélérer la croissance de la végétation aquatique et modifier les températures de l’eau. La disponibilité des espèces-proies peut aussi être réduite si les proies sont vulnérables à la pollution imputable aux substances organiques. Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Migration 
Comme plus haut  Comme plus haut
Espèces exotiques Introduction délibérée ou fortuite d’espèces exotiques Les activités d’alimentation de la carpe commune peuvent provoquer une augmentation de la turbidité et un déracinement de la végétation aquatique que le lépisosté tacheté utilise pour s’abriter.

La présence du lépisosté de Floride peut entraîner une exclusion du lépisosté tacheté de son habitat de prédilection et entraîner une concurrence accrue pour les proies.  
Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Comme plus haut  Comme plus haut
Obstacles aux déplacements Barrages, déversoirs et ponceaux (par exemple, problèmes relatifs au passage des poissons) L’installation et l’exploitation de structures qui empêchent les poissons de passer peut limiter le déplacement des individus, entraînant une fragmentation des populations. La modification du débit parfois associée à la construction de ces structures peut, en outre, avoir un impact sur la disponibilité de l’habitat (voir : Modifications de l’habitat : modification de la période, de la durée et de la fréquence du débit). Les obstacles peuvent modifier les niveaux d’eau, en amont et en aval, et ainsi avoir une incidence sur la disponibilité de l’habitat.    Frai
Croissance
Alimentation
Couvert
Migration
Comme plus haut  Comme plus haut

8.4 Mesures proposées pour protéger l’habitat essentiel

Conformément à la LEP, la protection de l’habitat essentiel doit être assurée légalement dans un délai de 180 jours suivant l’inclusion dans le Registre public des espèces en péril de la version définitive du programme de rétablissement final ou du plan d’action dans lequel l’habitat essentiel a été désigné. L’habitat essentiel du lépisosté tacheté a été désigné dans le programme de rétablissement de 2012 dans le parc national de la Pointe-Pelée, la réserve nationale de faune de Long Point/du ruisseau Big et la baie Rondeau. En 2017, un arrêté visant la protection de l’habitat essentiel a été pris, qui a déclenché l’interdiction prévue au paragraphe 58(1) de la LEP de détruire un élément de l’habitat essentiel retrouvé à l’extérieur du parc national et la réserve nationale de faune du ruisseau Big (qui sont protégés, comme décrit ci-dessous). L'arrêté s'applique également à toutes les nouvelles zones d'habitat essentiel désignées dans ce programme de rétablissement et plan d'action à l'extérieur du parc national et des réserves nationales de faune.

Pour les zones d’habitat essentiel situées dans le parc national de la Pointe-Pelée et la réserve nationale de faune du ruisseau Big, une description de l’habitat essentiel a été publiée dans la Partie I de la Gazette du Canada, vol. 150, n° 42 en 2016, conformément au paragraphe 58(2) de la LEP. La protection contre la destruction de l’habitat essentiel énoncée au paragraphe 58(1) est entrée en vigueur quatre-vingt-dix jours après cette publication dans la Gazette du Canada. La description de l'habitat essentiel sera modifiée pour inclure les zones supplémentaires de la réserve nationale de faune de Long Point, qui ont été ajoutées dans le présent programme de rétablissement et plan d'action. Cette interdiction offre une protection supplémentaire à celle qui est déjà prévue et accordée en vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de la Loi sur les espèces sauvages du Canada, respectivement, ainsi que de leurs règlements. Les individus d’espèces aquatiques inscrits comme en voie de disparition, menacés ou disparus du pays sont également protégés en vertu de la LEP une fois que l’espèce est inscrite à l’annexe 1 de la LEP en raison des interdictions prévues à l’article 32.

L’habitat du lépisosté tacheté bénéficie d’une protection générale contre les ouvrages ou les entreprises en vertu des dispositions sur la protection de l’habitat de la Loi sur les pêches du gouvernement fédéral. La Loi sur l’évaluation d’impact (LEI) tient également compte des répercussions des projets sur toutes les espèces sauvages inscrites et leur habitat essentiel lorsqu’il a été désigné. En vertu de l'article 79 de la LEP, toute personne qui (entre autres) est tenue, en vertu d'une loi du Parlement, de veiller à ce qu'une évaluation des effets environnementaux d'un projet soit effectuée doit :

  1. notifier le(s) ministre(s) compétent(s) si le projet est susceptible de toucher une espèce sauvage inscrite ou son habitat essentiel
  2. déterminer les effets nocifs du projet sur l’espèce sauvage inscrite et son habitat essentiel, et
  3.  si le projet est réalisé, que la personne veille à ce que des mesures soient prises en vue d’éviter ou d’amoindrir ces effets et les surveiller.

Les mesures doivent être prises d'une manière compatible avec les programmes de rétablissement ou les plans d'action applicables. 

À l’échelle provinciale, la Loi sur l’aménagement du territoire prévoit également une protection. Les offices d’aménagement doivent « se conformer » au paragraphe 2.1.7 de la déclaration de principes provinciale de 2020 en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire )(Ontario), qui interdit l’aménagement et la modification des sites dans l’habitat des espèces réglementées en voie de disparition et menacées. L’aménagement riverain en Ontario est géré par la réglementation sur les plaines inondables mise en œuvre par les offices locaux de protection de la nature. Aux termes de la Loi sur les terres publiques, un permis peut être exigé pour effectuer des travaux dans l’eau et le long de la rive. Le lépisosté tacheté est inscrit sur la liste des espèces menacées en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario. L’espèce elle-même est actuellement protégée par cette loi, et l’habitat du lépisosté tacheté a été protégé par les dispositions générales de protection de l’habitat de la Loi à compter du 20 juin 2013.

Les populations existantes de lépisosté tacheté présentes dans le lac Érié se trouvent dans le parc national de la Pointe-Pelée, le parc provincial Rondeau (qui représente la partie orientale de la baie seulement), la baie Long Point (y compris la réserve nationale de faune) et la réserve nationale de faune du ruisseau Big, ce qui assure une certaine protection à l’habitat de l’espèce. À l’heure actuelle, l’habitat occupé bénéficie d’une protection supplémentaire accordée aux réserves nationales de faune par la Loi sur les espèces sauvages du Canada et aux parcs provinciaux par la Loi sur les parcs provinciaux et les réserves de conservation. Les zones hautement prioritaires recommandées pour l’intendance comprennent actuellement les bassins hydrographiques de la baie Rondeau, où les impacts de l’utilisation des terres semblent compromettre les conditions de l’habitat dans la baie.

9. Évaluation des coûts et des avantages socioéconomiques

La LEP requiert que la composante plan d’action du document de rétablissement (plan d’action)Note de bas de page 8  comporte une évaluation des coûts socioéconomiques de sa mise en œuvre et des avantages en découlant (alinéa 49(1)(e) de la LEP [2003]). La présente évaluation aborde seulement les coûts socioéconomiques supplémentaires de la mise en œuvre du présent plan d’action dans une perspective nationale, ainsi que les avantages sociaux et environnementaux qui se présenteraient si le plan d’action était mis en œuvre intégralement, reconnaissant que les aspects de sa mise en œuvre ne relèvent pas tous de la responsabilité du gouvernement fédéral. L’évaluation vise à informer le public et à orienter la prise de décisions relatives à la mise en œuvre du plan d’action par les partenaires.

La protection et le rétablissement d’une espèce en péril peuvent entraîner des avantages et des coûts. Aux termes de la Loi, « Toutes les espèces sauvages ont une valeur intrinsèque appréciée des Canadiens pour des raisons d’ordre esthétique, culturel, spirituel, récréatif, éducatif, historique, économique, médical, écologique ou scientifique » (LEP 2003). Les écosystèmes sains et autosuffisants, dont les divers éléments sont en place, y compris les espèces en péril, apportent une contribution positive aux moyens de substance et à la qualité de vie de l’ensemble de la population canadienne. Une analyse documentaire a permis de confirmer que la préservation et la conservation des espèces sont précieuses aux yeux des Canadiens. Les mesures prises pour préserver une espèce, telles que la protection et la restauration de son habitat, sont également appréciées. En outre, plus une mesure contribue au rétablissement d’une espèce, plus le public lui accorde de la valeur (Loomis et White 1996; MPO 2008). De plus, la conservation des espèces en péril est un élément important de l’engagement pris par le gouvernement du Canada de conserver la diversité biologique conformément à la Convention internationale sur la diversité biologique. Le gouvernement du Canada s’est également engagé à protéger et à rétablir les espèces en péril en signant l’Accord pour la protection des espèces en péril [PDF 95 Ko]. Les coûts et les avantages précis associés au présent plan d’action sont décrits ci-après.

La présente évaluation ne porte pas sur les impacts socioéconomiques de la protection de l’habitat essentiel du lépisosté tacheté. Conformément à la LEP, le MPO doit s’assurer que l’habitat essentiel désigné dans un programme de rétablissement ou dans un plan d’action est légalement protégé dans les 180 jours suivant la publication de la version définitive du document sur le rétablissement. Lorsqu’on décide de recourir à un arrêté visant la protection d’un habitat essentiel, l’élaboration de cet arrêté devra suivre un processus réglementaire conforme à la Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation et comprendre une analyse des répercussions potentielles supplémentaires de l’arrêté qui devra être incluse dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation. En conséquence, aucune autre analyse de la protection de l’habitat essentiel n’a été entreprise pour évaluer les coûts et les avantages du plan d’action.

9.1 Fondement de la politique

Le fondement de la politique comprend la protection du lépisosté tacheté (cette espèce a été inscrite à l’annexe de la LEP en 2003) en vertu de la LEP ainsi que la protection continue assurée par la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario. D’autres lois peuvent offrir une protection directe ou indirecte de l’habitat du lépisosté tacheté, notamment la Loi sur les pêches fédérale et certaines lois provincialesNote de bas de page 9 . Le fondement de la politique inclut également les mesures de rétablissement mises en œuvre avantNote de bas de page 10  et après l’inscription du lépisosté tacheté sur la liste de la LEP. Ces mesures de rétablissement comprennent divers projetsNote de bas de page 11  financés par le gouvernement fédéral et la province de l’Ontario.

9.2 Coûts socioéconomiques

La majorité des activités de rétablissement énoncées dans ce programme de rétablissement et plan d’action sont en cours ou visent le court terme (2020 à 2024) ou le moyen terme. La plupart d’entre elles sont axées sur la recherche, la surveillance, la participation, l’éducation et la gestion afin de réduire les menaces ainsi que de documenter et de faciliter le rétablissement de l’espèce. Certaines des mesures sont des projets ponctuels (par exemple, recherche et surveillance), vraisemblablement financés à même les ressources actuelles du gouvernement fédéral. La mise en œuvre de mesures d’intendance locale serait soutenue par des programmes comme le Programme d’intendance de l’habitat des espèces en péril. Les activités de recherche liées aux pratiques de gestion des milieux humides seront sans doute le volet le plus coûteux de la composante plan d’action du document. Ces coûts ne devraient pas dépasser 100 000 $. En outre, la plupart des programmes doivent recevoir un soutien direct ou en nature de la part des demandeurs sous forme de fonds de contrepartieNote de bas de page 12 . Les coûts (directs et en nature) associés à ces mesures à court terme seront probablement faiblesNote de bas de page 13  et répartis sur les cinq prochaines annéesNote de bas de page 14 .

Les coûts de la mise en œuvre des activités décrites dans le plan d’action seront assumés par le gouvernement fédéral. Les coûts en nature, comme le temps des bénévoles, la fourniture d’expertise et d’équipement, résulteraient de la réalisation des activités indiquées dans le plan d’action. Certains coûts (y compris le soutien en nature) pourraient être assumés par la province de l’Ontario et les offices de protection de la nature.

Les mesures de rétablissement à long terme seront préparées selon une méthode coopérative au terme de discussions avec d’autres organismes, ordres de gouvernement, groupes d’intendance et intervenants, qui en considéreront, au cours du processus, les coûts et avantages.

9.3 Avantages socioéconomiques

Les avantages des activités de rétablissement nécessaires pour assurer le retour ou le maintien de populations autonomes de lépisosté tacheté ne sont pas quantifiables, mais on s'attend à ce qu'ils soient positifs et qu'ils se produisent à long terme. En plus des avantages non marchands pour les Canadiens qui découlent de la préservation et de la conservation des espèces, les mesures de rétablissement peuvent procurer des avantages à long terme. Le lépisosté tacheté est parmi les piscivores les plus abondants dans les habitats des eaux peu profondes et de structures complexes du sud des États-Unis (COSEPAC 2015), ce qui pourrait en faire un élément clé du réseau trophique (Snedden et al.1999). Comme l’espèce est relativement abondante dans la baie Rondeau et, dans une moindre mesure, dans le parc national de la Pointe-Pelée, le lépisosté tacheté joue probablement un rôle important en tant que prédateur de niveau trophique supérieur dans ces écosystèmes. De plus, l’espèce pourrait être un poisson-hôte pour des espèces de moules d’eau douce. Ces avantages écosystémiques devraient se maintenir si les mesures de rétablissement proposées dans le programme de rétablissement et plan d’action sont mises en œuvre. La mise en œuvre de programmes d’intendance locaux visant à améliorer les conditions de l’habitat et à réduire les menaces dans l’habitat essentiel permettra d’améliorer également l’habitat dans les milieux humides et d’assainir les bassins hydrographiques grâce à l’amélioration de la qualité de l’eau.

La mise en œuvre des mesures de rétablissement énoncées dans le programme de rétablissement et plan d’action permettrait aux Canadiens de jouir de certains avantages non quantifiables et non marchands. Des recherches récentes (Rudd et al. 2016) ont révélé que les ménages canadiens manifestaient une volonté positive et importante de payer pour des mesures de rétablissement qui ont mené à des améliorations pour des espèces en péril peu connues dans le sud de l’Ontario. Ces recherches incluaient explicitement le lépisosté tacheté.

En l’absence de renseignements sur les résultats biologiques des mesures définies dans le plan d’action, il n’est pas possible d’estimer les avantages supplémentaires qui peuvent être directement attribués à la mise en œuvre des mesures de rétablissement.

9.4 Effets distributifs

Les gouvernements et les offices de protection de la nature devraient assumer la majeure partie des coûts de mise en œuvre dans la composante plan d’action du présent document.

La population canadienne devrait profiter de la mise en œuvre du plan d’action grâce aux avantages non marchands et écosystémiques qui découleront du rétablissement et de la protection de l’espèce et de ses habitats. Les mesures de rétablissement qui permettent d’améliorer l’habitat fluvial favoriseront des bassins hydrographiques plus en santé en offrant des avantages comme une meilleure qualité de l’eau.

10. Mesure des progrès

10.1 Surveillance du rétablissement de l’espèce

plan d’action aideront à atteindre les objectifs en matière de population et de répartition. Une fois mises en œuvre, les mesures devraient faire progresser le rétablissement du lépisosté tacheté au Canada. Les indicateurs de rendement présentés ci-après permettront d’évaluer les progrès accomplis vers l’atteinte des objectifs en matière de population et de répartition. Un programme de rétablissement réussi permettra d’atteindre l’objectif global de protéger, d’améliorer et de maintenir des populations viables de lépisosté tacheté dans les trois milieux humides côtiers du lac Érié où se trouvent des populations existantes. Les progrès accomplis vers l’atteinte de ces objectifs seront décrits dans le rapport sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre du programme de rétablissement.

Indicateurs de rendement :

  1. Présence continue du lépisosté tacheté dans son aire de répartition actuelle d’ici 2026
  2. Trajectoires des populations de la baie Rondeau déterminées d’ici 2027
  3. Évaluation des populations de la Pointe-Pelée explorée grâce à la surveillance d’ici 2027
  4. Aire de répartition du lépisosté tacheté dans la baie Long Point examinée par échantillonnage exploratoire d’ici 2027
  5. Échantillonnage exploratoire effectué dans des emplacements potentiels nouveaux ou soupçonnés d’ici 2027

Les rapports sur les impacts écologiques et socioéconomiques du programme de rétablissement et de son plan d’action (en vertu de l’article 55 de la LEP) seront établis en évaluant la mise en œuvre des mesures de rétablissement après cinq ans. De nombreuses mesures de ce programme de rétablissement et de son plan d’action permettront de mieux comprendre l’espèce, sa situation et les menaces auxquelles elle fait face, et contribueront au fil du temps à la surveillance du lépisosté tacheté au Canada. Cette information de surveillance servira à faire rapport sur les indicateurs de rendement et les progrès réalisés vers le rétablissement dans les futurs rapports sur les progrès de la mise en œuvre du programme de rétablissement.

Les impacts écologiques plus vastes de la mise en œuvre de ce programme de rétablissement et de son plan d’action ont été pris en compte dans son élaboration. Pour rendre compte des répercussions écologiques de la mise en œuvre (aux termes de l’article 55 de la LEP), des données de surveillance sur d’autres composantes écologiques ont été déterminées, notamment des données de surveillance de la qualité et de la quantité de l’eau pour les bassins hydrographiques où l’espèce est présente, lorsque ces données existent. De plus, on pourrait surveiller d’autres espèces sensibles dont l’aire de répartition chevauche celle du lépisosté tacheté (par exemple, sucet de lac, méné camus) pour suivre leur trajectoire et documenter les changements dans la composition et l’abondance globales de la communauté de poissons.

La production de rapports sur les répercussions socioéconomiques du programme de rétablissement et de son plan d’action (aux termes de l’article 55 de la LEP) se fera au moyen de la collecte de données sur les coûts engagés pour sa mise en œuvre.

10.2 Surveillance de la mise en œuvre du plan d’action et rapports

La ministre surveillera la mise en œuvre du plan d’action et les progrès réalisés vers l’atteinte de ses objectifs en évaluant l’avancement des mesures de rétablissement définies dans la composante plan d’action du présent document (aux termes de l’article 55 de la LEP), et la ministre fera rapport de la mise en œuvre du plan cinq ans après son entrée en vigueur. Ces renseignements seront publiés dans un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre du plan d’action dans cinq ans et seront versés au Registre public.

10.3 Rapports sur les répercussions écologiques et socioéconomiques

Les impacts écologiques peuvent être définis comme des changements dans la structure ou les fonctions des écosystèmes. Leur évaluation peut se limiter aux espèces, à leurs habitats immédiats ou aux catégories générales de ressources naturelles. Les impacts écologiques plus vastes de la mise en œuvre de la composante plan d’action du présent document ont été pris en compte dans son élaboration. Afin de rendre compte des répercussions écologiques de la mise en œuvre (aux termes de l’article 55 de la LEP), des données de surveillance sur une ou plusieurs composantes écologiques ont été déterminées.

Le programme de rétablissement du lépisosté tacheté et son plan d’action adoptent une approche écosystémique pour s’attaquer aux menaces prédominantes dans les bassins hydrographiques où se trouve l’espèce, afin de restaurer et d’améliorer l’habitat aquatique. Grâce à une meilleure qualité de l’eau et de l’habitat dans le réseau hydrographique pour certains des organismes aquatiques les plus sensibles, les améliorations de l’habitat profiteront à la biodiversité en général et aideront à rétablir l’équilibre dans la communauté naturelle. Les travaux dans les zones riveraines seront réalisés de manière à ne pas nuire aux habitats et à la gestion des espèces semi-aquatiques et terrestres en péril. Dans la plupart des cas, la restauration des rives profitera aux espèces fauniques et végétales terrestres. Dans la mesure du possible, les efforts déployés dans le cadre du plan d’action pour le lépisosté tacheté seront combinés à ceux des praticiens de l’intendance.

Les impacts écologiques de la mise en œuvre du programme de rétablissement et de son plan d’action feront l’objet d’un rapport d’étape cinq ans après l’entrée en vigueur du plan, selon les méthodes de surveillance décrites ci-dessus, et seront versés au Registre public.

La production de rapports sur les répercussions socioéconomiques de la composante plan d’action du présent document (aux termes de l’article 55 de la LEP) se fera par la collecte de données sur les coûts engagés pour la mise en œuvre du plan d’action.

Le ministre évaluera et rendra compte de la mise en œuvre et des répercussions socioéconomiques du plan cinq ans après son entrée en vigueur. Ces renseignements seront publiés dans un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre du plan d’action dans cinq ans et seront versés au Registre public.

11. Références

Annexe A : effets sur l’environnement et sur les autres espèces

Conformément à la Directive du Cabinet sur l'évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes (2010), les documents de planification du rétablissement en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) intègrent des considérations en matière d'évaluation environnementale stratégique (EES) dans l'ensemble du document. Ce type d'évaluation vise à intégrer des considérations environnementales dans l'élaboration de politiques publiques, de plans et de propositions de programme pour appuyer une prise de décision éclairée en matière d'environnement et évaluer si les résultats d'un document de planification du rétablissement peuvent avoir des répercussions sur certains éléments de l'environnement ou sur l'atteinte des objectifs et des cibles de la Stratégie fédérale de développement durable.

La planification du rétablissement vise à favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu que les programmes et l’habitat essentiel désigné peuvent, par inadvertance, produire des effets environnementaux qui dépassent les avantages prévus. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient compte directement de tous les effets environnementaux, en s'attachant particulièrement aux impacts possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés. Les résultats de l'EES sont directement intégrés au programme lui-même, mais sont également résumés ci-après dans le présent énoncé.

Ce programme de rétablissement et plan d’action combinés profiterons clairement à l’environnement en favorisant le rétablissement du lépisosté tacheté. En particulier, il encouragera la protection et l'amélioration des habitats côtiers du lac Érié. Ces habitats abritent des espèces en péril de nombreux autres taxons (y compris des oiseaux, des reptiles, des poissons et des plantes) et, par conséquent, la mise en œuvre des mesures de rétablissement du lépisosté tacheté contribuera à la préservation de la biodiversité en général. La possibilité que ces mesures de rétablissement entraînent par inadvertance des effets négatifs sur d'autres espèces a été examinée. L'EES a conclu que la mise en œuvre de ce document sera clairement bénéfique pour l'environnement et n'entraînera pas d'effets négatifs importants sur l'environnement.

Annexe B : registre des initiatives de collaboration et de consultation

Des programmes de rétablissement et plans d’action doivent être préparés en collaboration avec d'autres instances, organisations, parties ou personnes touchées, comme il est décrit dans l'article 39 et 48 de la Loi des espèces en péril (LEP). Pêches et Océans Canada (MPO) a utilisé un processus de d’examen d’expert en espèce et d’expert en la matière pour solliciter la participation à l'élaboration du programme de rétablissement et plan d’action. L'information sur la participation est présentée ci-dessous.

Membres de l’équipe de rétablissement
Membre ou participant Organisme d’appartenance
Andrew Drake  Science du MPO
Dave Andrews Programme des espèces en péril du MPO
Dave Balint Programme des espèces en péril du MPO
William Glass Programme de protection du poisson et de son habitat du MPO
Richard Kavanaugh Programme de protection du poisson et de son habitat du MPO
Scott Gibson  Ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario
Scott Reid  Ministère des Richesses naturelles et des Forêts de l’Ontario
Lauren Sharkey Ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs
Joanne Tuckwell  Agence Parcs Canada
Tammy Dobbie Agence Parcs Canada
Juliana Galvis Environnement et Changement Climatique Canada
Jennifer Soetemans Environnement et Changement climatique Canada
Mike Nelson  Office de protection de la nature de la région d'Essex

La participation du public, des groupes autochtones et d'intervenants supplémentaires sera sollicitée par l'intermédiaire de sa publication dans le Registre public des espèces en péril pour une période de commentaires publics de 60 jours. Les commentaires reçus aideront à mettre au point le document définitif.

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