Meunier de Salish (Catostomus sp.) proposed programme de rétablissement : chapitre 2

2. Menaces


2.1 Désignation des menaces pesant sur la survie de l'espèce

Le potentiel de rétablissement d'une espèce en péril est fonction de l'ampleur, du moment de survenue, de la fréquence, de la durée et de l'étendue des menaces auxquelles elle fait face. Dans les sections qui suivent, nous résumons des analyses détaillées qui ont été publiées ailleurs (Pearson, 2004a, b).

Huit facteurs (tableau 1) ont été considérés comme des menaces d'après les connaissances disponibles sur la biologie de l'espèce et les conditions d'habitat observées dans l'aire de répartition canadienne. Toutes les menaces sont immédiates en ce sens qu'elles agissent directement sur le meunier de Salish ou son habitat. Les facteurs reconnus pour favoriser ou déclencher l'apparition de menaces sont décrits à la figure 2. La vulnérabilité du meunier de Salish à chaque menace et la gravité de chaque menace dans les différents bassins hydrographiques sont cotées et résumées au tableau 2. Les cotes attribuées sont fondées sur l'analyse d'une série d'indicateurs qui provoquent, accroissent ou atténuent les menaces. Un résumé par bassin hydrographique est présenté au tableau 3. Pour obtenir des détails sur les méthodes d'évaluation et la justification des cotes attribuées, voir Pearson (2004a; 2004b).

Tableau 1. Menaces potentielles pesant sur le meunier de Salish au Canada
Menace Préoccupation en matière de gestion
1) Hypoxie Les épisodes d'hypoxie extrême provoquent une mortalité aiguë ou une réduction de la condition physique.
2) Destruction physique de l'habitat Le drainage, l'aménagement de digues, le redressement des chenaux et le remplissage des plans d'eau détruisent l'habitat.
3) Fragmentation de l'habitat Des obstacles permanents ou temporaires comme des ponceaux trop élevés, des barrages de castors et des barrages agricoles empêchent ou découragent l'accès à certains tronçons de cours d'eau. Cela limite l'accès à des habitats utilisables ou modifie la dynamique de métapopulation et accroît le risque de disparition.
4) Toxicité Les déversements de substances toxiques de sources ponctuelles ou diffuses réduisent la survie ou la condition physique.
5) Dépôts de sédiments Les sédiments déposés dégradent l'habitat en réduisant la densité des invertébrés (nourriture), en réduisant l'écoulement d'eau oxygénée jusqu'aux œufs dans les rapides et, dans les cas les plus graves, en remplissant les fosses.
6) Manque d'eau saisonnier Les faibles débits qui surviennent à la fin de l'été éliminent l'habitat, ce qui entraîne une réduction de la condition physique ou de la survie.
7) Accroissement de la prédation Les prédateurs introduits consomment des individus ou réduisent leur condition physique en provoquant chez ces derniers des changements comportementaux (p. ex. accroissement de la dépense d'énergie et réduction de l'apport énergétique).
8) Perte de rapides provoquée par l'apparition d'étangs de castors Les barrages de castors inondent l'habitat de rapides.

 

Tableau 2. Résumé de l'évaluation des menaces pesant sur le meunier de Salish. Voir le texte pour plus de détails.
Menace Vulnérabilité Gravité dans l'aire de répartition
Hypoxie préoccupation majeure préoccupation majeure
Destruction physique de l'habitat préoccupation majeure préoccupation majeure
Fragmentation de l'habitat préoccupation moyenne préoccupation majeure
Toxicité préoccupation moyenne préoccupation moyenne
Dépôts de sédiments préoccupation moyenne préoccupation moyenne
Manque d'eau saisonnier préoccupation mineure préoccupation moyenne
Accroissement de la prédation préoccupation mineure préoccupation moyenne
Perte de rapides provoquée par l'apparition d'étangs de castors préoccupation mineure préoccupation mineure


Figure 2. Facteurs dont on sait ou dont on soupçonne qu'ils favorisent ou déclenchent l'apparition de menaces pour le meunier de Salish

Graphique de cheminement (voir description longue ci-dessous).
Description pour la figure 2

La figure 2 décrit l’interaction entre les facteurs dont on sait ou dont on soupçonne qu’ils favorisent ou déclenchent l’apparition de menaces pour le meunier de Salish (schéma tiré de Pearson, 2004a). Les facteurs contributifs, notamment la charge en éléments nutritifs, le dragage, l’aménagement de digues, le redressement des chenaux, le drainage, le remplissage, le prélèvement d’eau, les sols imperméables, les surfaces imperméables, le manque de végétation riveraine, la mauvaise gestion de l’érosion, la formation d’étangs à cause des castors, l’utilisation de pesticides ou d’herbicides, les déversements toxiques et les espèces introduites, sont indiqués comme étant des éléments contribuant aux menaces pour l’espèce, lesquelles influent ensuite sur l’abondance et la répartition du meunier de Salish et du naseux de la Nooksack.

 

Tableau 3. Évaluation de la gravité des menaces dans chacun des bassins hydrographiques canadiens où on a observé la présence du meunier de Salish. Les données de base ainsi que les détails concernant les méthodes d'évaluation sont présentés dans Pearson (2004a).L'évaluation du marais Elk/Hope est fondée sur des données récentes (Pearson, données non publiées).
Menaces Ruisseau Bertrand Ruisseau Pepin Ruisseau Fishtrap Rivière Upper Salmon Marais Salwein/
Hopedale
Atchelitz/
Chilliwack/
Semmihault
Ruisseau Miami Marais Mountain Marais Agassiz Marais Elk/Hope Rivière Little Campbell
Hypoxie préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation majeure
Destruction physique de l'habitat préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation moyenne
Fragmentation de l'habitat préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation moyenne
Toxicité préoccupation moyenne préoccupation mineure préoccupation majeure préoccupation mineure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation moyenne
Dépôts de sédiments préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation mineure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation moyenne
Manque d'eau saisonnier préoccupation majeure préoccupation mineure préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation majeure préoccupation mineure préoccupation moyenne
Accroissement de la prédation préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation mineure préoccupation moyenne préoccupation moyenne préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation moyenne préoccupation majeure
Perte de rapides provoquée par l'apparition d'étangs de castors préoccupation mineure préoccupation majeure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation mineure préoccupation moyenne

 

2.1.1 Menace 1 : hypoxie

Description

L'hypoxie découle de plusieurs causes en interaction, mais est essentiellement provoquée par les effets cumulatifs d'impacts aux échelles locales et des bassins hydrographiques. Les concentrations d'éléments nutritifs dans les eaux souterraines et les cours d'eau de la vallée du Fraser sont élevées, en raison principalement du surépandage de fumiers et d'engrais sur les terres agricoles (Lavkulich et al., 1999; Schreier et al., 2003), mais également des eaux de ruissellement urbaines et des fosses septiques (Lavkulich et al., 1999). L'augmentation des concentrations d'éléments nutritifs entraîne des proliférations algales et de fortes densités de macrophytes qui épuisent la teneur en oxygène de l'eau pendant la nuit. La décomposition des algues mortes et de la végétation amplifie le problème et peut fortement réduire les concentrations d'oxygène pendant le jour également. L'absence d'ombre fournie par la végétation riveraine favorise l'augmentation des températures de l'eau. Une eau plus chaude affichera des concentrations d'oxygène dissous (OD) inférieures et augmentera la demande métabolique chez les poissons et autres organismes. La réduction de la circulation de l'eau empêche celle-ci de se réoxygéner et peut découler du redressement des chenaux (Schreier et al., 2003), de la présence d'étangs de castors (Fox et Keast, 1990; Schlosser et Kallemyn, 2000) ou de faibles débits.

Vulnérabilité (préoccupation majeure)

Le meunier de Salish peut tolérer une hypoxie moyenne et a été capturé dans des secteurs où les concentrations d'oxygène dissous étaient inférieures à 2 mg/L (Pearson, données non publiées). Néanmoins, il survient sans doute des mortalités à l'échelle de tronçons attribuables à de graves conditions d'hypoxie. Un marais du ruisseau Pepin affichant une très forte densité de meuniers de Salish entre 1999 et 2002 (plus de 1000 poissons dans 1420 m² d'habitat) était devenu presque anoxique (OD < 1,5 mg/L) et apparemment vide de poissons en 2003 (Pearson, 2004a). On ignore à quel niveau se produisent des effets sublétaux (p. ex. croissance et fécondité réduites). Les œufs, les larves et les poissons qui hivernent ne sont vraisemblablement pas affectés par de graves conditions d'hypoxie, car celles-ci surviennent habituellement entre le milieu et la fin de l'été, lorsque les débits sont faibles et les températures élevées. Des concentrations d'OD ≥ 4 mg/L semblent adéquates pour le meunier de Salish (voir 1.4 - Description des besoins de l'espèce).

Gravité (préoccupation majeure)

Tout comme la destruction directe de l'habitat, l'hypoxie semble être la menace la plus grave pour les populations de meuniers de Salish et ce, dans l'ensemble de l'aire de répartition de l'espèce. L'hypoxie est une préoccupation majeure dans sept des onze bassins hydrographiques (tableau 3). Lorsque, à la fin de l'été 2004, l'on a couvert à l'aide de relevés 58 km de zones de cours d'eau désignées en tant qu'habitat essentiel dans le présent programme de rétablissement, les concentrations d'OD étaient inférieures à 4 mg/L dans 40 % de l'habitat et inférieures à 2 mg/L dans 21 % de l'habitat (Pearson, données non publiées). Les mesures des concentrations d'OD ont été effectuées de jour, mais comme les plus faibles concentrations d'OD sont observées à l'aube, on peut avancer qu'il s'agit de chiffres prudents. L'un des principaux facteurs contribuant à l'hypoxie, la charge en éléments nutritifs, a pris beaucoup d'ampleur avec l'intensification agricole de la vallée du Fraser (Hall et Schreier, 1996). L'épandage de fumiers sur les terres agricoles dans Abbotsford entraîne actuellement des apports en nitrates qui sont environ trois fois supérieurs à ce que les cultures peuvent absorber, et ce ratio est à la hausse (Schreier, comm. pers, 2005); l'excédent d'éléments nutritifs pénètre dans les eaux souterraines et de surface.


2.1.2 Menace 2 : destruction physique de l'habitat

Description

Le redressement des chenaux, le dragage et le remplissage dégradent de façon directe les habitats de cours d'eau. Le redressement des chenaux réduit la longueur de ceux-ci (et la superficie d'habitat) et amplifie les conditions d'hypoxie en réduisant le mélange. Le dragage provoque l'élimination des rapides de frai et d'autres caractéristiques de l'habitat, tandis que le remplissage détruit tous les habitats touchés.

Vulnérabilité (préoccupation majeure)

Comme l'ensemble des espèces, le meunier de Salish est grandement vulnérable à la destruction à grande échelle de son habitat. Les densités les plus élevées de meuniers de Salish sont observées dans les marais et les étangs de castors (Pearson, 2004a), habitats qui sont souvent asséchés et transformés en terres agricoles.

Gravité (préoccupation majeure)

Environ 77 % des zones de milieux humides présentes avant la colonisation dans la vallée du Fraser ont été drainées ou remblayées (Boyle et al., 1997). Quinze pour cent des cours d'eau de la zone ont été recouverts ou canalisés dans une conduite (Pêches et Océans Canada, 1998). Une importante proportion (qui demeure toutefois inconnue) des autres cours d'eau ont été redressés ou ont été dragués à répétition à des fins agricoles ou urbaines. On ne peut surestimer l'étendue historique de la perte d'habitat du poisson attribuable à ces activités. Le dragage autorisé et illégal de fossés et de chenaux de cours d'eau à des fins de maîtrise des inondations et de drainage agricole se produit toujours chaque année dans l'ensemble des bassins hydrographiques où on a observé la présence du meunier de Salish. Tout comme l'hypoxie, la destruction physique de l'habitat se situe parmi les menaces les plus graves pesant sur l'espèce. On considère qu'il s'agit d'une préoccupation majeure dans sept des onze bassins hydrographiques et d'une préoccupation moyenne dans les quatre autres (tableau 3). La perte d'habitat historique signifie que le meunier de Salish dépend maintenant davantage des habitats qui restent.


2.1.3 Menace 3 : fragmentation de l'habitat

Description

Dans les cours d'eau de la vallée du Fraser, les obstacles physiques tels que les ponceaux surélevés, les barrages de castors et les ouvrages de retenue agricoles empêchent habituellement le mouvement des poissons d'un habitat à l'autre et ce, pendant toute l'année ou une partie de celle-ci. En outre, les autres menaces dont il est question ici peuvent également fragmenter l'habitat en empêchant le mouvement des poissons au sein des tronçons touchés ou entre ceux-ci. À une plus grande échelle, les liens entre les bassins hydrographiques pendant les périodes d'inondation étaient sans aucun doute beaucoup plus courants avant les importants travaux de drainage et d'aménagement de digues qui ont été effectués au cours du dernier siècle.

Vulnérabilité (préoccupation moyenne)

La répartition du meunier de Salish est agrégative, et une faible proportion de l'habitat contient la majeure partie des individus (Pearson, 2004a). Les individus sont habituellement confinés à un domaine vital peu étendu (moins de 200 m de chenal), mais il arrive à l'occasion qu'ils parcourent de plus grandes distances, particulièrement pendant la période du frai (Pearson et Healey, 2003). Cela signifie que chaque bassin hydrographique abrite des sous-populations de base qui établissent des liens entre elles lors de migrations occasionnelles. Pour que les mouvements entre ces sous-populations aient lieu, il faut d'ordinaire que les individus parcourent plusieurs kilomètres de cours d'eau ou franchissent les limites de bassins hydrographiques réunis à l'occasion dans des conditions de hautes eaux. La plupart des obstacles et des cas de fragmentation de l'habitat observés dans les bassins hydrographiques où vit le meunier de Salish remontent aux 50, voire aux 130 dernières années; les populations survivantes ont affiché une certaine résilience (Pearson, 2004a). Cependant, les effets peuvent se manifester sur des périodes plus longues. Les effets de la fragmentation sur la persistance à long terme de l'espèce demeurent inconnus. Quand des possibilités d'accès leur sont offertes, les populations de meuniers de Salish ont affiché une capacité à coloniser rapidement un nouvel habitat (Patton, 2003).

Gravité (préoccupation majeure)

La destruction de l'habitat aquatique qui s'est produite dans la vallée du Fraser au cours des 150 dernières années a fragmenté l'habitat disponible. À l'échelle régionale, des liens formés en période de hautes eaux entre les bassins hydrographiques apparaissent toujours chaque année dans certains réseaux (ruisseau Miami avec marais Mountain) et au moins à quelques années d'intervalle dans d'autres réseaux (ruisseau Bertrand avec les rivières Salmon et Little Campbell; Pearson, 2004a), mais nombre des anciens liens ne se forment plus ou sont maintenant affaiblis. L'assèchement du lac Sumas, la dérivation de la rivière Chilliwack hors de son delta et l'isolation du marais Agassiz par une digue et un viaduc en sont les exemples les plus frappants (Pearson, 2004a). Au sein des bassins hydrographiques, des obstacles physiques tels que les ponceaux surélevés, les barrages de castors et les ouvrages de retenue des eaux agricoles empêchent souvent les mouvements entre certains habitats tout au long de l'année ou au cours d'une partie de l'année dans presque tous les cours d'eau de la vallée du Fraser. Les pertes d'habitats historiques entraînent une plus grande dépendance du meunier de Salish à l'égard des habitats qui restent.


2.1.4 Menace 4 : toxicité

Description

Les composants toxiques qui pénètrent dans les cours d'eau de la vallée du Fraser proviennent du ruissellement des eaux de pluie urbaines, des eaux souterraines contaminées (p. ex. pesticides et herbicides agricoles), des rejets industriels directs, des effluents d'installations de traitement des eaux usées, des dépôts aériens et des déversements accidentels (Hall et al., 1991). Les concentrations dans la colonne d'eau varient avec le temps étant donné que le degré de dilution fluctue avec le débit des cours d'eau et que les apports sont souvent épisodiques (p. ex. un premier écoulement d'eaux de pluie à la suite d'une longue période sèche; Hall et al., 1991). Certains contaminants, particulièrement les métaux lourds, se lient aux sédiments où ils peuvent être prélevés et bioaccumulés par des invertébrés aquatiques et, par la suite, par des poissons.

Vulnérabilité (préoccupation moyenne)

On manque de données sur les concentrations seuils correspondant à des effets aigus et sublétaux chez le meunier de Salish. Le meunier de Salish peut être vulnérable aux contaminants présents dans la nourriture et la colonne d'eau et, comme il s'agit d'une espèce vivant au fond qui s'alimente principalement de benthos, il peut être sensible aux contaminants liés aux sédiments. La présence de meuniers de Salish est moins probable dans les tronçons où l'utilisation des terres, dans un rayon de 200 m du chenal, est en majeure partie urbaine (Pearson, 2004a). Les substances toxiques provenant des exutoires d'eaux de pluie peuvent expliquer en partie ce phénomène.

Gravité (préoccupation moyenne)

La toxicité est considérée comme une menace moyenne dans l'ensemble de l'aire de répartition. Elle est peu documentée dans la plupart des cours d'eau où vit le meunier de Salish, mais y est vraisemblablement présente à un degré ou à un autre. Il s'agit d'une préoccupation majeure dans certaines zones. Ainsi, les sédiments du marais Agassiz sont contaminés par les eaux de pluie urbaines et contiennent des concentrations de cuivre et de zinc supérieures aux recommandations pour la protection de la vie aquatique (Schreier et al., 2003). Certaines parties de trois autres cours d'eau (ruisseau Bertrand, ruisseau Fishtrap et Atchelitz/Chilliwack/Semmihault) reçoivent également des eaux de pluie de zones urbaines adjacentes et sont vraisemblablement contaminées également. On a détecté la présence de pesticides et d'herbicides dans les eaux de surface et souterraines des bassins hydrographiques habités par le meunier de Salish (Hall et al., 1991; Schreier et al., 2003). La liste des composés qui peuvent pénétrer dans les cours d'eau à la suite de pulvérisations, d'une mauvaise gestion des déchets et de déversements accidentels est très longue.


2.1.5 Menace 5 : dépôts de sédiments

Description

Le dépôt de sédiments est fonction de l'équilibre entre l'arrivée des sédiments dans le chenal et la capacité du cours d'eau à mobiliser et à transporter ces sédiments vers l'aval. L'arrivée de sédiments peut être accrue par des rejets directs, le ruissellement des eaux de pluie ou l'érosion des rives favorisée par l'absence de végétation riveraine ou l'accroissement des débits de pointe (Waters, 1995). Or, toutes ces sources sont susceptibles de s'accroître avec l'aménagement urbain et les exploitations agricoles et minières au sein d'un bassin hydrographique.

Vulnérabilité (préoccupation moyenne)

Le meunier de Salish fraie dans des zones de rapides entre avril et le début de juillet (Pearson et Healey, 2003) et est probablement davantage vulnérable à la sédimentation lorsqu'il se trouve dans ces zones pendant cette période. La présence de meuniers de Salish est moins probable dans les tronçons où l'utilisation des terres, dans un rayon de 200 m du chenal, est en majeure partie urbaine (Pearson, 2004a); les apports de sédiments provenant des exutoires d'eaux de pluie et le dépôt des sédiments dans les zones de rapides peuvent expliquer en partie ce phénomène.

Gravité (préoccupation moyenne)

Le dépôt de sédiments et son effet négatif sur la reproduction sont des préoccupations moyennes dans la plupart des bassins hydrographiques où vit le meunier de Salish (tableau 3). Les rejets chroniques à grande échelle provenant de carrières de gravier ont entraîné le remplissage des fosses et éliminé en grande partie les lieux de refuge en cours d'eau ainsi que les sources de nourriture d'un tronçon d'habitat essentiel présent dans le ruisseau Pepin.


2.1.6 Menace 6 : manque d'eau saisonnier

Description

À la fin de l'été, lorsque les précipitations sont peu abondantes, le débit des cours d'eau de la vallée du Fraser est presque exclusivement assuré par les eaux souterraines. Les hydrogrammes des cours d'eau varient grandement selon la perméabilité du sol de surface et l'utilisation de l'eau. Les bassins hydrographiques présentant de grands aquifères non confinés ou des tributaires de montagnes alimentés par la fonte des neiges (p. ex. ruisseau Elk) gardent des débits réguliers d'eau froide tout au long de cette période critique, tandis que les débits de surface peuvent cesser complètement dans les bassins hydrographiques présentant des sols de surface imperméables (p. ex. ruisseau Bertrand et ses tributaires). Malheureusement, la période de faible débit de la fin de l'été coïncide avec la demande maximale d'eau pour les puits et les cours d'eau servant à l'irrigation et à l'alimentation domestique, ce qui peut réduire les niveaux d'eau encore davantage. Les changements courants d'utilisation du territoire dans la vallée du Fraser ont également tendance à amplifier les problèmes associés au manque d'eau. L'exploitation de carrières de gravier réduit la taille de l'aquifère qui maintient le débit de base; l'aménagement urbain augmente la superficie des surfaces imperméables, ce qui réduit l'infiltration vers l'aquifère; le drainage des terres agricoles abaisse les nappes phréatiques, ce qui réduit les débits d'étiage encore davantage. Les étangs de castors constituent une force stabilisatrice, car ils maintiennent les niveaux d'eau dans des tronçons qui pourraient autrement s'assécher. Grâce aux barrages de castors, les débits d'étiage sont accrus en raison de la hausse des niveaux d'eau souterraine qu'ils provoquent et de l'apport d'eau provenant du suintement des barrages (Stabler, 1985; Gurnell, 1998).

Vulnérabilité (préoccupation mineure)

Les habitats de fosses profondes que recherche le meunier de Salish sont rarement complètement asséchés. Le frai et l'incubation des œufs ont lieu au printemps et au début de l'été, lorsque les niveaux d'eau sont en général élevés. L'absence d'eau est un facteur pouvant amplifier plusieurs autres menaces, y compris l'hypoxie, la toxicité, la fragmentation de l'habitat et l'introduction de prédateurs.

Gravité (préoccupation moyenne)

L'absence d'eau est une préoccupation moyenne à l'échelle de l'aire de répartition. Il s'agit d'une préoccupation majeure dans trois des onze bassins hydrographiques, d'une préoccupation mineure dans trois autres et d'une préoccupation moyenne dans les cinq derniers (tableau 3).


2.1.7 Menace 7 : accroissement de la prédation

Description

L'accroissement de la prédation découlera fort vraisemblablement de l'introduction de nouveaux prédateurs dans l'habitat du meunier de Salish. De telles introductions sont en cause dans la disparition de nombreuses espèces de poissons indigènes un peu partout en Amérique du Nord (Miller et al., 1989; Richter, 1997; Gido et Brown, 1999).

Vulnérabilité (préoccupation mineure)

Les impacts de l'introduction de prédateurs sur les populations de meuniers de Salish demeurent inconnus mais ne semblent pas être graves. Le meunier de Salish cohabite avec la barbotte (Ameiurus nebulosis), le ouaouaron (Rana catesbeiana)ou l'achigan à grande bouche (Micropterus salmoides) depuis au moins dix ans dans diverses parties de son aire de répartition (Pearson, données non publiées). Ces trois espèces s'alimentent vraisemblablement de meuniers de Salish juvéniles, et l'achigan à grande bouche devient suffisamment gros pour consommer des spécimens adultes. Les impacts de ces prédateurs varient probablement selon les attributs de l'habitat. Les trois prédateurs recherchent les zones littorales chaudes. La barbotte est également extrêmement tolérante aux conditions d'hypoxie (Scott et Crossman, 1973). D'autres espèces de poissons introduites, comme l'achigan à petite bouche (Micropterus dolomieu), la marigane noire (Pomoxis nigromaculatus) et le crapet-soleil (Lepomis gibbosus) se propagent dans la région au moyen d'introductions non autorisées et d'expansions d'aire de répartition subséquentes (Hatfield et Pollard, 2006). L'introduction d'achigans à petite bouche est en cause dans la disparition d'espèces de poissons de petite taille dans les lacs de l'est du Canada (Chapleau et al., 1997; Whittier et al., 1997; Vander Zanden et al., 1999; Whittier et Kincaid, 1999; Findlay et al., 2000; MacRae et Jackson, 2001). Les espèces introduites peuvent modifier l'utilisation de l'habitat par le meunier de Salish et amplifier d'autres effets sur l'habitat, comme l'augmentation des températures de l'eau ou la fréquence et la gravité des conditions d'hypoxie. Par contre, en déployant des efforts de rétablissement pour augmenter la complexité de l'habitat grâce à la création de zones de refuge pour le meunier de Salish, on peut réduire les impacts des espèces introduites (Jackson et al., 2001).

Gravité (préoccupation moyenne)

Des prédateurs introduits habitent chaque cours d'eau où vit le meunier de Salish. La menace que de nouveaux prédateurs soient introduits est également toujours présente.


2.1.8 Menace 8 : perte de rapides provoquée par l'apparition d'étangs de castors

Description

On sait que les étangs de castors ont une incidence à la fois positive et négative sur les populations de poissons (Hanson et Campbell, 1963; Keast et Fox, 1990; Lavkulich et al., 1999; Schlosser, 1995), mais l'impact de la perte de rapides avec l'apparition de ces étangs a reçu peu d'attention.

Vulnérabilité (préoccupation mineure)

Tant et aussi longtemps que la quantité relativement faible d'habitats de rapides nécessaire au frai demeure intacte, il est peu probable que la perte d'habitat découlant de la formation d'étangs de castors ait une incidence sur les populations de meuniers de Salish. Or, d'autres aspects de la formation d'étangs peuvent nuire à ces populations (Pearson, 2004a). En stabilisant les environnements hautement variables des cours d'eau d'amont (Hanson et Campbell, 1963; Naiman et al., 1986), la création d'étangs de castors devrait profiter au meunier de Salish. En fait, pendant les périodes d'étiage de la fin de l'été, les étangs de castors fournissent le seul habitat humide dans un certain nombre de tronçons (Pearson, 2004a). Les barrages, cependant, réduisent aussi la circulation de l'eau, augmentent l'hypoxie et constituent des obstacles pour les spécimens voulant échapper aux mauvaises conditions dans lesquelles ils vivent.

Gravité (préoccupation mineure)

La perte d'habitat en raison de la création d'étangs de castors est une préoccupation majeure dans un bassin hydrographique, une préoccupation moyenne dans un autre et une préoccupation mineure dans tous les autres (tableau 3).

2.2 Résumé de l'analyse des menaces

Les populations de meuniers de Salish semblent très vulnérables aux graves conditions d'hypoxie et à la perte d'habitat. L'hypoxie est répandue, elle dégrade des zones qui autrement peuvent présenter un habitat de qualité, peut tuer rapidement un nombre important de poissons, est causée par de nombreux facteurs contributifs, peut facilement passer inaperçue et se produira sans doute à une fréquence accrue à l'avenir. La destruction directe de l'habitat est vraisemblablement la principale cause des déclins historiques observés chez les populations de meuniers de Salish. De grandes parties de l'ensemble des ruisseaux étudiés ont été redressées, remblayées ou draguées à répétition. Des dommages causés par les activités de nettoyage de fossés municipaux et les travaux non autorisés sur des terres privées continuent de se produire.

La fragmentation de l'habitat est considérée comme une menace moyenne pour le meunier de Salish, mais cette question est peu documentée. La toxicité, le dépôt de sédiments et le manque d'eau saisonnier semblent être des menaces majeures dans certains bassins hydrographiques, mais pas au point de menacer l'espèce dans l'ensemble de son aire de répartition.

Les prédateurs introduits sont considérés comme une menace moyenne. Bien que les prédateurs soient nombreux, présents dans l'aire de répartition canadienne et souvent en cause dans le déclin et la disparition d'autres espèces indigènes, plusieurs cas de cohabitation avec le meunier de Salish ont été répertoriés pendant plus de deux générations. La menace d'introduction de nouveaux prédateurs plus agressifs est cependant préoccupante. La perte de rapides déjà rares provoquée par l'apparition d'étangs de castors peut limiter le frai, mais cette menace est considérée comme mineure à l'échelle du bassin hydrographique, bien que le rôle que peut jouer la limitation du recrutement au niveau des populations de meuniers de Salish demeure inconnu. Les étangs de castors peuvent avoir des effets opposés sur le meunier de Salish et sur une autre espèce de poisson inscrite à la liste de la Loi sur les espèces en péril (LEP), le naseux de la Nooksack, dans le ruisseau Pepin. Les zones de rapides, un habitat essentiel pour le naseux de la Nooksack, sont détruites par les barrages de castors, mais ceux-ci créent des habitats marécageux profonds qui sont favorables aux meuniers de Salish adultes.

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