Programme de rétablissement pour multiespèces en péril dans les prés maritimes des écosystèmes du chêne de Garry : chapitre 3

2. Rétablissement multi-espèces

2.1 Limitations et menaces communes

Une vaste gamme de facteurs menacent directement les espèces en péril des prés maritimes ou leurs habitats. Ces menaces et leur ampleur pour chaque espèce sont présentées au tableau 4. Le classement des menaces vaut pour les populations répertoriées, mais d'autres menaces affecteraient aussi probablement les populations issues de translocations. Dans le cas des deux espèces de papillons, l'importance de chaque menace a été établie en fonction des effets qu'elle pourrait avoir sur les populations déjà connues ainsi que sur celles qui seraient découvertes ou réimplantées dans l'avenir (Miskelly et Heron, comm. pers.). En 2004, la présence d'une population de damier de Taylor à l'île Denman a été confirmée. Cette population, qui se trouve sur des terres privées, n'avait jamais été signalée (Heron, pers. comm.). On trouvera dans un document complémentaire (Fairbarns et Maslovat, 2005) une matrice présentant l'ampleur de chaque menace pour chaque espèce végétale à chaque station répertoriée. Dans ce qui suit, les menaces sont présentées globalement par ordre décroissant d'importance aux fins du rétablissement, des différences pouvant toutefois exister selon les espèces.

Tableau 4 : Menaces pesant sur l'habitat (H) et menaces pesant directement sur la survie (D) des espèces en péril des prés maritimes (Pour chaque espèce, les menaces sont classées selon les catégories suivantes : menace faible, menace modérée (Mod.), menace forte ou ? (ampleur inconnue))
Menaces Effet MI DT TV SPO GSS CD SB LS
1. Destruction de l'habitat D,H Forte Forte Forte Forte Forte Forte Forte Forte Forte
2. Plantes envahissantes - Arbustes envahissants D,H Forte Forte Forte Faible Forte Forte Forte Forte Forte
2. Plantes envahissantes - Graminées et autres herbacées envahissantes D,H Mod. Mod. Forte Mod. Mod. Forte Mod. Forte Forte
3. Fragmentation de l'habitat D Forte Forte Mod. Forte Forte Forte Forte Forte Forte
4. Changements dans la composition de la végétation indigène liés à l'altération des régimes d'incendie D,H Forte Forte Faible Mod. Mod. Mod. Forte Mod. Mod.
5. Activités récréatives D Mod. Mod. Forte Mod. Faible Mod. ? Forte Faible
6. Effondrement démographique D Mod. Mod. Mod. Mod. Mod. Mod. Forte Faible Faible
7. Fauchage D,H Mod. Faible Faible Faible   Forte      
8. Changements dans l'hydrologie H     Forte Faible Faible Faible   Faible Mod.
9. Changements climatiques D,H ? ? ? ? ? ? ? ? ?
10. Réintroduction des incendies D,H Forte Mod. ? ? ? ?   ? ?
11. Pâturage D,H Forte Faible              
12. Coupe et arrachement des plantes envahissantes D,H Faible Faible Mod. Faible Mod. Mod. Faible Mod. Mod.
13. Activités d'entretien D     Mod. Mod. Mod. Mod.   Faible  
14. Herbivorie D     Faible Faible Faible Faible   Mod. Mod.
15. Pesticides D Mod. Mod.              
16. Culture de plantes non indigènes D Faible Faible Mod.         Faible  
17. Pollution marine D? H?     Faible Faible Faible Faible   Faible Faible
18. Invertébrés envahissants D             ?    
19. Vertébrés envahissants D, H                 ?

Les cellules vides signifient que la menace n'est pas particulièrement pertinente pour l'espèce considérée.

MI = marbré insulaire, DT = damier de Taylor, TV = triphysaire versicolore, SPO = sanicle patte d'ours, GSS = grand silène de Scouler, CD = castilléjie dorée, LÉ = lupin élégant, SB = sanicle bipinnatifide, LS = lotier splendide


2.1.1 Destruction de l'habitat

La destruction de l'habitat est considérée comme une menace de première importance pour les espèces végétales visées par le présent programme de rétablissement (Ryan et Douglas, 1995; Ryan et Douglas, 1996a, 1996b; Penny et al., 1998; Donovan et Douglas, 2001; Penny et Douglas, 2001; Fairbarns et Wilkinson, 2003) et pour le damier de Taylor (Shepard, 2000c).

Le développement agricole et urbain a probablement détruit des populations tant répertoriées que non répertoriées d'espèces visées par le présent programme de rétablissement ainsi que des étendues de pré maritime, mais la plus grande partie des prés maritimes restants se trouvent dans des zones protégées ou sur des terres fédérales (voir les tableaux 11 à 17).


2.1.2 Plantes envahissantes

Les espèces végétales envahissantes (arbustes et graminées et autres herbacées non indigènes) constituent une menace importante pour les chênaies de Garry et les écosystèmes associés ainsi que pour toutes les espèces en péril visées par le présent programme de rétablissement (Fuchs, 2001; GOERT, 2002). Certaines plantes envahissantes peuvent accroître la disponibilité de l'azote, modifiant ainsi les processus écosystémiques (Maron et Connors, 1996; Adair et Groves, 1998; Levine et al., 2003), occuper des endroits où auraient pu s'établir de nouveaux individus (Brown et Rice, 2000; Ryan et Douglas, 1996a; Ryan et Douglas, 1996b), altérer les couches de litière (Facelli et Pickett, 1991; Bergelson, 1990), modifier la disponibilité de l'eau du sol selon les saisons et à différentes profondeurs (Harris et Wilson, 1970; Smith, 1994), altérer la structure et la composition du sol (Levine et al., 2003), accroître l'intensité des feux du fait d'un accroissement de la charge de combustible (D'Antonio et Vitousek, 1992) et entrer en compétition avec les plantes indigènes pour l'eau, la lumière et les éléments nutritifs (Fuchs, 2001; MacDougall, 2002).

Les espèces végétales envahissantes affectent les papillons en entrant en compétition avec les plantes exploitées par les chenilles et les adultes, en réduisant l'accès aux plantes nectarifères et en modifiant la structure physique de l'habitat (GOERT, 2002; Vaughan et Black, 2002a; 2002b).

Pour les menaces associées à diverses activités de gestion des espèces envahissantes, veuillez vous reporter aux menaces 7 (Fauchage), 10 (Réintroduction des incendies) et 12 (Coupe et arrachement des plantes envahissantes).


2.1.3 Fragmentation de l'habitat

L'habitat de pré maritime est naturellement fragmenté : on le trouve sur de petites îles et dans des secteurs des chênaies de Garry et des écosystèmes associés. Cependant, la perte récente d'habitat a accentué cette fragmentation en éliminant des milieux favorables avec la matrice adjacente. La fragmentation de l'habitat peut compromettre la survie à long terme des espèces en limitant les activités de restauration (p. ex. en rendant impossible les brûlages dans les régions urbanisées) ainsi que la dispersion des plantes en péril et de leurs pollinisateurs (ce qui peut réduire la capacité de reproduction). Elle entrave la dispersion des graines et des papillons, ce qui peut limiter la diversité génétique et réduire les possibilités de sauvetage (voir Fuchs, 2001, document qui traite plus à fond de cette question). Les habitats des papillons qui sont fragmentés peuvent ne pas offrir un assez vaste éventail de conditions environnementales pour assurer la disponibilité de plantes phénologiquement adéquates pour l'alimentation des chenilles émergentes (voir Fuchs, 2001).


2.1.4 Changements dans la composition de la végétation indigène liés à l’altération des régimes d’incendie

Avant l'arrivée des Européens, les Premières Nations ont procédé à de fréquents brûlages de faible intensité dans nombre de chênaies de Garry et écosystèmes associés (examen de la question dans Fuchs, 2001, et Beckwith, 2002), mais on ne sait pas bien quelle a été l'étendue de cette pratique dans les prés maritimes. Dans les régions abritant de fortes populations autochtones (p. ex. l'île de Vancouver), les brûlages ont probablement largement contribué au maintien des prés. Après l'arrivée des colons européens, on a supprimé cette pratique et lutter contre les incendies naturels (Fuchs, 2001; MacDougal et al., 2004). L'absence d'incendies permet l'établissement d'espèces ligneuses indigènes et leur empiètement dans des milieux dégagés (Fuchs 2001), accélère l'accumulation de biomasse aérienne (herbes et litière morte) et réduit la quantité de sol minéral exposé favorisant la germination et l'établissement des plantes.

Le sol des communautés végétales dominées par des plantes herbacées plutôt que par des espèces ligneuses renferme davantage de racines fines qui se décomposent pour produire de la matière organique. Les feux de faible intensité ne détruisent pas beaucoup la composante organique des couches supérieures du sol mais brûlent la matière organique superficielle, ce qui libère des éléments nutritifs sous une forme assimilable par les plantes. Dans les écosystèmes où le principal apport de matière organique provient d'herbacées ou de plantes ligneuses caducifoliées plutôt que de conifères, l'horizon Ah du sol présente un pH plutôt neutre, ce qui diffère grandement de ce qu'on observe dans les forêts de douglas, où les sols sont acides (Broersma, 1973).

L'empiètement par les plantes ligneuses peut se produire plus rapidement dans les secteurs humides du paysage que dans les secteurs sujets à des sécheresses estivales intenses et prolongées (GOERT, 2002; Vaughan et Black, 2002a; 2002b). Cet empiètement confine les prés indigènes aux secteurs sujets à l'assèchement, où les plantes peuvent connaître une sénescence prématurée dans les périodes de sécheresse. La sénescence prématurée pourrait réduire le nombre des plantes dont ont besoin les chenilles des papillons pour s'alimenter ou qui fournissent du nectar aux adultes (Hellmann, 2002; Cappuccino et Kareiva, 1985). Comme le spectre phénologique associé aux plantes restantes serait alors temporairement restreint, les papillons pourraient manquer de nourriture si leurs plantes hôtes se flétrissent. La population de damier de Taylor du parc Helliwell pourrait avoir disparu du fait que des conifères se sont établis dans les secteurs plus humides des prairies originales, qui renfermaient auparavant des plantes hôtes tardives.

Il y a aussi influence de l'absence d'incendies sur la communauté végétale en rapport avec les espèces exotiques envahissantes. Bien que certaines espèces exotiques soient favorisées par le feu (voir la menace 2), des incendies réguliers peuvent aussi réduire la végétation herbacée exotique, les brûlages fréquents ayant pour effet de diminuer les effectifs de nombreuses plantes exotiques très compétitives (Tilman, 1988, dans MacDougall, 2002; MacDougall, comm. pers., 2004).


2.1.5 Activités récréatives

Le piétinement par les personnes et les chiens peut endommager la végétation et tous les stades du cycle biologique des papillons. Les bicyclettes, les chevaux et les véhicules tous terrains peuvent compacter les sols et endommager tant les papillons que les plantes. L'équitation pourrait avoir contribué à la disparition récente du damier de Taylor à au moins deux endroits dans l'État de Washington (Vaughan et Black, 2002b). Bien qu'un faible piétinement puisse être bénéfique pour certaines espèces basses (p. ex. la triphysaire versicolore et la sanicle patte d'ours) du fait qu'il peut réduire la compétition et supprimer des herbacées exotiques hautes (Penny et al., 1998), certaines autres espèces, comme le lotier splendide, ne sont présentes qu'à des endroits à accès public limité et sont probablement sensibles au piétinement (Ryan et Douglas, 1996a). L'effet des chiens, particulièrement dans les secteurs où ils peuvent se promener librement, comme à la pointe Macaulay, et les effets potentiels des feux de plage qui se répandent sont inconnus.

L'accès du public aux terrains du ministère de la Défense nationale étant limité, les menaces liées aux activités récréatives y sont très faibles. Les propriétaires de bateaux doivent détenir un permis pour accoster à la réserve écologique de l'île Trial et à la réserve écologique des îles de la baie Oak, mais le ministère des Parcs de la Colombie-Britannique n'y exerce pas une surveillance efficace. Les parcs municipaux et régionaux sont tous fortement fréquentés par le public et des animaux de compagnie, et la fréquentation ira en augmentant étant donné la croissance démographique de Victoria. Certaines initiatives récentes visant à limiter la circulation libre des chiens qui ont été mises de l'avant sur certains territoires ont rencontré l'opposition du public et ont été infructueuses.


2.1.6 Effondrement démographique

Toutes les espèces visées par le présent programme de rétablissement ne comptent qu'un petit nombre de populations génétiquement isolées des autres populations conspécifiques. L'isolement génétique peut produire des adaptations locales, ce qui est généralement bénéfique mais peut aussi rendre l'espèce moins apte à s'adapter aux changements environnementaux. De plus, il peut aussi donner lieu à une limitation du fonds génétique, à une dépression de consanguinité et à une dérive génétique (Primack, 1993 dans Donovan et Douglas, 2000). Avec le temps, ces facteurs, combinés aux limitations environnementales présentes à la périphérie des aires de répartition des espèces, peuvent entraîner une réduction inquiétante de la production de graines, de la vigueur des plantules, des taux de floraison, de la résilience et du recrutement.

La fragmentation de l'habitat et une faible dispersion peuvent aussi donner lieu à un effondrement démographique et conséquemment à une faible production de graines.


2.1.7 Fauchage

L'effet du fauchage et de la tonte sur les espèces en péril est fonction des interactions entre l'autoécologie des diverses espèces et le moment du fauchage. Le fauchage est partiellement assimilable au feu et peut limiter l'empiètement des prés par les arbustes. Il peut avoir un effet positif sur les espèces basses, comme la sanicle patte d'ours. Cependant, il pourrait avoir contribué à la disparition de la castilléjie dorée dans le parc Beacon Hill (Hook, comm. pers., 2004). Effectué à des moments bien choisis, le fauchage devrait avoir peu d'effets négatifs sur les chenilles et chrysalides réintroduites du damier de Taylor, qui vivent près du sol. Cependant, le fauchage aurait probablement un impact négatif sur les chenilles des marbrés insulaires réimplantés, qui vivent sur les végétaux à 15-80 cm du sol (Guppy, comm. pers., 2003; Miskelly, obs. pers., 2004).

Dans certains parcs, dont le parc municipal Glencoe Cove (Saanich) et le parc Beacon Hill (Victoria), certains secteurs ne sont pas fauchés ou ne le sont que tard dans l'année (après la mi août) de façon à ce que les plantes en péril y soient affectées le moins possible (Daly, comm. pers., 2004; Raeroer, comm. pers., 2004).


2.1.8 Changements dans l'hydrologie

L'accroissement du drainage, la formation artificielle d'accumulations d'eau et l'élimination ou la diminution des sources d'eau, notamment des mares printanières, peuvent altérer les prés maritimes et dégrader l'habitat. L'irrigation, commune dans les zones urbaines et les espaces verts aménagés, peut favoriser les espèces moins tolérantes au stress, comme certaines plantes exotiques. On trouve à côté d'une population de sanicle patte d'ours un aménagement paysager fortement irrigué qui pourrait affecter l'espèce et limiter l'habitat propice à des endroits où elle pourrait avoir déjà été présente (Donovan et Douglas, 2000).


2.1.9 Changements climatiques

Les changements climatiques pourraient donner lieu à des étés plus chauds et à une compression des périodes de conditions printanières. Ces changements, combinés avec d'éventuels changements dans l'hydrologie, pourraient entraîner la disparition graduelle des populations restantes, qui ne trouveraient plus les conditions climatiques nécessaires à leur maintien.


2.1.10 Réintroduction des incendies

Des travaux supplémentaires devront être réalisés pour déterminer si la réintroduction des incendies constitue une mesure de restauration appropriée. La charge de combustible accrue fera que les incendies seront plus chauds et de plus grande ampleur que les incendies plus fréquents et moins chauds qui pouvaient se produire avant qu'on se mette à empêcher les incendies.

L'effet direct des brûlages dirigés sur les espèces en péril n'est pas connu, mais les incendies chauds tuent probablement les invertébrés (Nicolai, 1991, Swengel, 1996, et Siemann et al., 1997, dans Fuchs, 2001). L'ampleur de l'effet est déterminé par l'autoécologie des espèces et le moment du brûlage. Les chrysalides et les chenilles du damier de Taylor vivent habituellement près du sol par temps froid ou pluvieux et durant la diapause estivale (période de repos) (Guppy, obs. pers. dans la population de la baie Mill, 2003; Hellman, comm. pers., 2005; Ross, comm. pers., 2004). L'effet direct d'un brûlage de surface à faible intensité thermique, réalisé au bon moment de l'année, sur les chenilles ou les chrysalides du damier de Taylor est inconnu. Selon Guppy (comm. pers., 2004), les brûlages pourraient tuer directement nombre d'œufs, de chenilles et de chrysalides du marbré insulaire; en effet, les œufs et les chenilles vivent sur leurs plantes hôtes (à 15-80 cm du sol) (Miskelly, obs. pers., 2004), qui peuvent être endommagées par le feu, et les chrysalides se trouvent aussi au dessus de la surface du sol, mais fixées à des objets près du sol. Les incendies peuvent aussi, du moins pour une courte période, éliminer ou réduire l'effectif des plantes dont s'alimentent les chenilles des deux espèces de papillons.

Bien que des brûlages fréquents semblent éliminer des graminées exotiques arrivées à maturité, qu'on pense au pâturin des prés (Poa pratensis) et au dactyle pelotonné (Dactylis glomerata) (MacDougall 2002), nombre d'espèces exotiques, notamment le genêt à balais et la houlque laineuse (Holcus lanatus), sont favorisées par les incendies et colonisent rapidement tout sol minéral exposé par suite d'un incendie. Le genêt à balais peut proliférer après un incendie unique, mais il n'est pas favorisé par des incendies répétés. La présence de ces espèces exotiques peut à son tour accroître l'inflammabilité des écosystèmes (D'Antonio et Vitousek, 1992).


2.1.11 Pâturage

Dans le passé, on a fait brouter le bétail dans les îles Discovery, Trial, Chatham, Strongtide, VanTreight et Griffin. Le pâturage intensif, combiné à la culture des terres et à l'introduction d'espèces exotiques, a gravement altéré les écosystèmes du chêne de Garry, dont les prés maritimes (MacDougall et al., 2004). Le pâturage a probablement modifié la composition en espèces, la structure de la végétation et le cycle des éléments nutritifs dans ces écosystèmes (Hatch et al., 1999; Bartolome et al., 2004). Des chèvres férales continuent de brouter sur la crête Brown, dans l'île Saturna. Il faudra évaluer l'impact du pâturage sur les prés maritimes dans chaque localité, avant d'y modifier le régime de gestion, car il se peut que le pâturage empêche l'envahissement par les arbustes et atténue ainsi d'autres menaces pesant sur des espèces en péril.

Le pâturage modifie l'équilibre concurrentiel des communautés en faveur des espèces non palatables et, s'il a lieu au mauvais moment de l'année (soit au printemps), il peut décimer les espèces palatables, comme le lotier splendide. Le pâturage favorise les graminées gazonnantes et le surpâturage peut aussi fortement contribuer à l'établissement et à la dominance éventuelle d'espèces fourragères exotiques (Saenz et Sawyer, 1986 dans Fuchs, 2001) (voir la menace 2). Les animaux pâturant piétinent les chenilles et peuvent éliminer les plantes hôtes de ces dernières. Selon le moment du pâturage, les œufs et les chenilles des marbrés insulaires peuvent être consommés. Par conséquent, si on veut poursuivre le pâturage dans ces écosystèmes, on devra être informé de la phénologie des plantes et des invertébrés en péril (des lépidoptères en particulier) pour protéger le mieux possible les stades importants du cycle biologique de ces espèces.


2.1.12 Coupe et arrachement des plantes envahissantes

La gestion des espèces envahissantes peut aussi constituer de diverses façons une menace pour les espèces en péril. Dans la restauration des habitats des deux espèces de papillons, qui s'alimentent sur des plantes exotiques, on devrait mettre l'accent sur la réintroduction de plantes hôtes indigènes plutôt que préserver des plantes hôtes exotiques, comme le plantain lancéolé (Plantago lanceolata) pour le damier de Taylor, ou les crucifères envahissantes introduites exploitées par le marbré insulaire.

La possibilité d'obtenir un milieu propice aux espèces de papillons en maintenant ou favorisant des populations de plantes hôtes exotiques a été envisagée. Une telle mesure pourra être étudiée plus à fond au moment de l'élaboration du plan d'action.

L'arrachement à la main ou la coupe des arbustes envahissants et l'empilement et l'enlèvement des rémanents peuvent donner lieu au piétinement des espèces végétales en péril. Ces activités peuvent aussi affecter tous les stades de vie des papillons et de leurs plantes hôtes. Nombre de plantes envahissantes sont particulièrement aptes à coloniser les sols perturbés, de sorte que la perturbation des sols découlant de l'enlèvement des espèces envahissantes peut favoriser la prolifération de semis (Knops et al., 1995; Kotanen, 2004). En outre, les techniques de lutte inefficaces (comme la coupe des tiges des jeunes genêts à balais) peuvent se révéler néfastes pour les populations.

Parmi les autres techniques de lutte contre les espèces envahissantes, on compte le fauchage (menace 7) et le brûlage dirigé (menace 10).


2.1.13 Activités d'entretien

Les activités d'entretien autour des pylônes radio (p. ex. dans les concessions de Seacoast Communications dans l'île Trial, dans des terrains du ministère de la Défense nationale et dans des parcs) peuvent nuire aux espèces en péril. Au nombre des menaces potentielles, on compte le fauchage (menace 7), l'application d'herbicide, le piétinement, l'installation de gros câbles au sol, l'entreposage de matériels et de déchets, l'entretien des installations et le transport du matériel lourd et d'équipements depuis le quai jusqu'aux installations (Penny et Douglas, 2001).


2.1.14 Herbivorie

La concentration de brouteurs indigènes et leurs habitudes de broutage ont changé avec l'accroissement de l'urbanisation et la perte d'habitat. Le wapiti de Roosevelt (Cervus elaphus roosevelti), qu'on observait autrefois davantage dans les chênaies de Garry et les écosystèmes associés, est aujourd'hui rare et confiné aux régions moins peuplées de l'île de Vancouver. Le cerf à queue noire (Odocoileus hemionus columbianus) occupe aujourd'hui une superficie totale plus petite et est plus densément concentré que par le passé. Le développement, la diminution de la chasse et la réduction des effectifs de carnivores dans les régions peuplées ont entraîné une hausse de la densité des populations de cerfs. L'accroissement des ressources alimentaires dû à l'agriculture, à l'irrigation et à la prolifération des plantes exotiques est tel que les cerfs trouvent maintenant davantage d'aliments tard dans la saison. Dans certaines régions, les chiens peuvent chasser les ongulés. L'île Trial n'abrite pas de cerfs et l'îlot Alpha et l'île Griffin n'en comptent que très peu.

Le broutage des arbustes par les ongulés, auparavant associé à l'existence d'incendies fréquents de faible intensité, favorise la persistance des espèces des prés. Les arbustes qui survivent aux incendies sont suffisamment broutés pour que l'équilibre concurrentiel soit encore davantage modifié en faveur des espèces des prés. Les plantes herbacées non graminoïdes palatables et hautes, dont les méristèmes (points de croissance) se trouvent à bonne hauteur du sol, sont grandement affectées par le broutage, de sorte que les herbacées non palatables et basses (méristèmes proches du sol) se trouvent avantagées. La modification des profils de broutage peut avoir des effets positifs ou négatifs sur les espèces en péril selon leur palatabilité (ou celle de leurs plantes hôtes) et la palatabilité des végétaux concurrents.

L'effet des invertébrés phytophages indigènes est inconnu. Les insectes qui consomment des graines, particulièrement ceux qui s'attaquent aux graines avant la dispersion et qui peuvent détruire la production de graines d'inflorescences entières, peuvent affecter gravement la capacité de reproduction des plantes (Bigger, 1999). Les menaces associées au pâturage sont traitées plus haut (menace 11).


2.1.15 Pesticides

Pour lutter contre les infestations de spongieuse, espèce exotique, on procède à des pulvérisations aériennes de Bacillus thuringiensis ssp. kurstaki (Btk). Le Btk tue la plupart des chenilles des papillons diurnes et nocturnes, et les chenilles du damier de Taylor et du marbré insulaire s'alimentent très activement au début du printemps, période habituelle d'application du Btk (Wagner et Miller, 1995; Nealis, comm. pers., 2003). À cause de la dérive de ce produit (entraînement par le vent), on peut en trouver des concentrations toxiques à plus de deux milles des zones cibles (Whaley et al., 1998). On trouve dans un document de l'Équipe de rétablissement des écosystèmes du chêne de Garry (GOERT, 2002; page 36) des mesures pouvant être prises pour atténuer cette menace.


2.1.16 Culture de plantes non indigènes

La culture de plantes non indigènes (p. ex. pelouses et plantes horticoles) à proximité d'endroits abritant des espèces en péril peut avoir des effets sur ces dernières en pouvant introduire de nouvelles espèces envahissantes, accroître l'usage d'herbicide, altérer les régimes hydriques et réduire les effectifs des plantes hôtes indigènes des papillons. Les plantes horticoles peuvent aussi se répandre en dehors des lieux où elles sont cultivées et se naturaliser, ajoutant ainsi au problème des espèces envahissantes. La plantation et l'entretien de pelouses et de plantes horticoles ornementales à proximité de populations de sanicle patte d'ours dans le parc de la pointe Saxe pourraient avoir privé l'espèce de milieux lui convenant (Matt Fairbarns, obs. pers.).


2.1.17 Pollution marine

Le détroit de Juan de Fuca constitue la route de transport maritime la plus fréquentée de la côte du Pacifique au nord de San Francisco. Le risque de collision entre pétroliers et de déversements d'hydrocarbures y est élevé. En décembre 2003, un navire de charge est passé à trois minutes de s'échouer à l'île Trial (Victoria Times-Colonist, 2003), laquelle abrite cinq des sept espèces végétales visées par le présent programme de rétablissement et est l'un des lieux où le damier de Taylor était présent dans le passé.

Comme une bonne part de la superficie de pré maritime jouxte la zone intertidale et reçoit des embruns salés durant les tempêtes, la pollution marine pourrait y avoir un impact. On devra effectuer des recherches pour mieux déterminer les effets actuels et potentiels de la pollution marine diffuse et d'éventuels déversements ponctuels accidentels sur les espèces en péril.


2.1.18 Invertébrés envahissants

On devra étudier davantage l'effet des vers de terre introduits sur le cycle des éléments nutritifs et la productivité des écosystèmes (Fuchs, 2001). En outre, l'effet de la phytophagie de la limace rouge (Arion rufus), espèce introduite, de même que de la prédation des graines par des insectes introduits sur les espèces visées par le présent programme de rétablissement est encore inconnu.


2.1.19 Vertébrés envahissants non indigènes

Très peu de recherches ont été menées sur l'effet des vertébrés introduits sur les espèces en péril des écosystèmes du chêne de Garry (GOERT, 2002). Des lapins (Sylvilagus floridanus et Oryctolagus cuniculus) et des rats (Rattus sp.) fréquentent les prés maritimes et y consomment probablement des plantes et des graines. Certains oiseaux introduits, comme l'étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) et le moineau domestique (Passer domesticus), mangent des invertébrés et pourraient constituer une menace pour les papillons en péril. Enfin, l'effet des opossums d'Amérique (Didelphis virginiana) dans les écosystèmes du chêne de Garry des îles Denman et Hornby n'a pas encore été étudié.


2.2 Habitat essentiel

Pour l'instant, aucun habitat essentiel n'est proposé dans le présent programme aux fins de désignation aux termes de l'article 2 de la Loi sur les espèces en péril fédérale.

Bien que les besoins en matière d'habitat des espèces visées soient assez bien connus, il faudra que des travaux plus concluants soient réalisés avant que des parcelles spécifiques puissent être délimitées aux fins de la protection de l'habitat essentiel. Cette désignation devrait être proposée dans un ou plusieurs des plans d'action de rétablissement, une fois que les propriétaires fonciers et les organisations touchés auront été consultés, que des mesures d'intendance auront été élaborées avec eux et que les travaux encore requis pour quantifier l'habitat essentiel de chaque espèce et les superficies nécessaires auront été réalisés. Un programme d'études nécessaires à la désignation de l'habitat essentiel est proposé ci-dessous dans la section 2.2.4 du présent document.

Une fois qu'auront été réalisés des travaux clés tels que l'élaboration et la mise en œuvre d'un programme d'intervention auprès des propriétaires, on peut s'attendre à ce que l'habitat essentiel proposé inclue les milieux actuellement occupés par une ou plusieurs des espèces visées par le présent programme. Une définition de l'habitat essentiel proposé plus complète et incorporant également l'habitat potentiel nécessaire au rétablissement sera proposée à une date ultérieure, dans le cadre du Plan d'action de rétablissement.

On trouvera une description des caractéristiques biotiques et abiotiques de l'habitat de chaque espèce dans la section 3 (Information sur les espèces). On trouvera un sommaire de ces caractéristiques au tableau 3 de la section 1.1, « Zone d'habitat visée par le programme de rétablissement ».


2.2.1 Habitat actuel

L'habitat essentiel proposé devrait comprendre l'habitat actuel des espèces visées ainsi qu'une zone tampon adéquate d'habitat potentiel, afin de permettre la propagation des espèces et d'empêcher les espèces envahissantes d'occuper ces milieux. Avant de pouvoir délimiter chaque zone de manière précise sur le terrain aux fins de la désignation de l'habitat essentiel, il faudra effectuer des recherches supplémentaires, décrites ci-dessous dans la section 2.2.4. Tout lieu où la présence d'une population viable ou potentiellement viable de l'une ou l'autre des espèces visées a été confirmée devra nécessairement faire partie de l'habitat essentiel proposé. Par ailleurs, comme le marbré insulaire est disparu du Canada, l'habitat actuel de cette espèce se trouve entièrement aux États-Unis.


2.2.2 Habitat potentiel

L'habitat essentiel proposé doit comporter des zones tampons constituées d'habitat potentiel adéquat permettant la dispersion et freinant les espèces envahissantes. Pour définir avec exactitude les limites de chaque lieu sur le terrain en vue de la désignation de l'habitat essentiel, de nouvelles études seront nécessaires (voir la section 2.2.4).

L'aire de répartition actuelle de chaque espèce est insuffisante pour en assurer le rétablissement complet, tel que le définissent les buts du rétablissement décrits plus bas (section 2.4.2) pour chacune des espèces. Pour répondre aux besoins de ces espèces, il faudra également protéger les milieux supplémentaires dont elles ont besoin pour maintenir leurs populations à un niveau stable et viable, ce qui comprend sans doute les prés maritimes se trouvant encore dans un état proche de leur état naturel. Cependant, il faudra encore effectuer des travaux de recherche et des essais expérimentaux sur la faisabilité des translocations avant qu'un habitat essentiel puisse être proposé aux fins de désignation. De plus, l'habitat potentiel pourra nécessiter d'importantes activités de restauration et d'atténuation des menaces pour devenir pleinement propice. Par exemple, on pourrait devoir introduire des plantes hôtes en quantité suffisante pour que l'habitat puisse soutenir des populations viables tant du marbré insulaire que du damier de Taylor.


2.2.3 Exemples d'activités susceptibles de détruire l'habitat essentiel éventuellement désigné

Parmi les activités susceptibles d'entraîner une destruction de l'habitat essentiel proposé, on compte les suivantes :


2.2.4 Calendrier des études visant à mieux déterminer l'habitat essentiel

Les recherches additionnelles suivantes devront être effectuées pour désigner l'habitat essentiel des sept plantes et des deux invertébrés visés par le présent programme de rétablissement :

  1. Déterminer les conditions des microhabitats des populations existantes de même que les conditions qui existaient dans les milieux des populations disparues (c. à d. les caractéristiques biotiques et abiotiques essentielles de l'habitat, comme la texture du sol, l'épaisseur du sol, la pente, l'orientation, le régime hydrologique durant toute la période de végétation et la composition en espèces). On devra porter une attention particulière aux endroits du Canada renfermant des populations robustes et veiller à ne pas faire d'extrapolations à partir des conditions observées dans les endroits éloignés, où pourraient exister dans la végétation et le macroclimat des différences marquées invalidant les comparaisons. Date d'achèvement suggérée : 2008.
  2. Collaborer avec les propriétaires fonciers et les gestionnaires des terres pour élaborer des mécanismes visant à protéger et à bien gérer les zones d'habitat important pour les espèces de façon à assurer leur survie et leur rétablissement. Date d'achèvement suggérée : 2008
  3. Pour chaque population pour laquelle le profil du micro-bassin hydrographique (petit bassin interne abritant la majorité ou l'ensemble de la population) est essentiel au maintien d'un habitat propice, cartographier l'étendue entière du micro-bassin. Date d'achèvement suggérée : 2010.
  4. Déterminer dans quelle mesure les milieux qui ont abrité des populations dans le passé sont actuellement propices aux espèces concernées. Date d'achèvement suggérée : 2010.
  5. Repérer les lieux inoccupés de grande qualité et effectuer des relevés prenant en considération les paramètres phénologiques pour déterminer si ces lieux possèdent les principales caractéristiques hydrologiques et biotiques existant là où l'espèce considérée est présente. Date d'achèvement suggérée : 2010.
  6. Vérifier le caractère adéquat des lieux inoccupés de grande qualité (point 5 ci dessus) en effectuant un essai expérimental d'établissement et de maintien (avec suivi) d'une population à l'un de ces endroits. Date d'achèvement suggérée : 2010.
  7. Repérer et classer par ordre de priorité les lieux de grande qualité n'ayant pas fait l'objet de relevés et y effectuer des relevés prenant en considération les paramètres phénologiques pour vérifier s'ils renferment des populations non signalées des espèces jugées disparues du pays. Date d'achèvement suggérée : 2009.


2.3 Faisabilité du rétablissement

Du point de vue biologique et technique, le rétablissement est réalisable pour chacune des espèces d'invertébrés et de plantes visées par le présent programme de rétablissement. Il est difficile d'établir avec exactitude le potentiel de rétablissement des espèces en péril des prés maritimes à cause d'un manque important d'information. On devra effectuer des études et des essais additionnels pour déterminer si des obstacles insurmontables empêchent le maintien ou l'amélioration des populations existantes, la réimplantation de populations disparues et l'établissement de nouvelles populations. Par conséquent, la faisabilité écologique et technique du rétablissement pourrait devoir être réévaluée une fois ces nouveaux travaux réalisés. Le rétablissement au Canada des espèces disparues du pays (ou extrêmement rares), processus nécessitant des réintroductions, pourrait être limité par la possibilité d'obtenir un nombre suffisant d'individus sans menacer encore plus les populations existantes.

 

Tableau 5 : Faisabilité du rétablissement pour chacune des espèces
Critères de rétablissement MI DT TV SPO GSS CD SB LS
1. Y a-t-il suffisamment d'individus reproducteurs pour que le rétablissement soit réalisable? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
2. Existe-t-il suffisamment d'habitat réel ou potentiel pour que le rétablissement soit réalisable? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
3. Les menaces appréciables pesant sur les espèces ou leur habitat peuvent elles être évitées ou atténuées grâce à des mesures de rétablissement? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
4. Les techniques de rétablissement nécessaires existent-elles, et leur efficacité a-t elle été démontrée? Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

MI = marbré insulaire, DT = damier de Taylor, TV = triphysaire versicolore, SPO = sanicle patte-d’ours, GSS = grand silène de Scouler, CD = castilléjie dorée, LÉ = lupin élégant, SB = sanicle bipinnatifide, LS = lotier splendide

 


2.3.1 Faisabilité biologique

La faisabilité biologique du rétablissement, définie ici comme la capacité d'une espèce de se rétablir sur la seule base de sa capacité inhérente de reproduction et de la satisfaction de ses besoins biologiques connus, est possible pour toutes les espèces. Toutes les espèces végétales visées par le présent programme de rétablissement se reproduisent de façon sexuée et les deux espèces de papillons sont probablement capables de produire des masses d'œufs suffisamment importantes pour que de petites populations puissent s'accroître rapidement. Il faudra procéder à des translocations à partir de populations sources états uniennes pour le rétablissement du marbré insulaire, du damier de Taylor et du lupin élégant. Des études génétiques des populations états uniennes des deux papillons, qui sont limitées, pourraient être nécessaires pour évaluer les risques potentiels de la translocation.

Dans la période couverte par les mentions historiques et contemporaines, il semble que toutes les espèces visées par le présent programme de rétablissement aient toujours présenté des populations peu nombreuses et naturellement fragmentées (la section 3 – « Information sur les espèces » précise les nombres de populations et les effectifs). Les espèces présentant un petit nombre de populations pourraient avoir été stables ou viables dans le passé. Cependant, vu la rareté des mentions historiques, il est difficile de savoir si les faibles nombres de populations répertoriées témoignent d'une réelle rareté des espèces dans le passé où si les espèces étaient en fait plus répandues dans les prés maritimes avant la colonisation par les Européens, les anciennes populations ayant disparu depuis. Cependant, on peut affirmer que toutes les espèces présentent aujourd'hui un moins grand nombre de populations surtout à cause de la perte d'habitat, de l'altération des processus écologiques, des espèces envahissantes non indigènes et des effets directs de l'activité humaine plutôt qu'à cause de processus naturels.

Les populations existantes de la plupart des espèces sont relativement stables (p. ex. sanicle patte d'ours, grand silène de Scouler, castilléjie dorée, sanicle bipinnatifide, lotier splendide), mais les populations de certaines espèces présentent des fluctuations naturelles de leur effectif très marquées d'une année à l'autre (p. ex. triphysaire versicolore, lupin élégant).

Sécurisation de milieux comme habitat de qualité

Bien que les habitats aient connu des baisses de qualité et de superficie, il paraît toujours possible de sécuriser à cette fin suffisamment de milieux de qualité. Bien que certaines populations de plantes en péril se trouvent dans des terres privées, on compte bon nombre de populations dans des zones protégées (les tableaux 11 à 17 fournissent de l'information sur les populations et le régime foncier des terres les abritant).

On connaît actuellement une seule station canadienne du damier de Taylor, située à l'île Denman. Cette station a été découverte en mai 2005, sur une terre ayant subi une coupe à blanc 15 ans auparavant. Il est probable que l'espèce a colonisé ce milieu à partir d'un pré voisin. Le marbré insulaire ne possède plus de population connue au Canada, mais des populations pourraient être découvertes dans le cadre de relevés futurs. À moins que de nouvelles populations de bonne taille ne soient découvertes, le rétablissement de ces espèces disparues du pays dépendra de notre capacité d'établir les caractéristiques principales de leur habitat, nécessaires au maintien d'une population, ainsi que du succès des translocations. Dans certains cas, la translocation dans des lieux jamais occupés dans le passé pourrait être requise. Par exemple, le seul lieu protégé qui a déjà abrité une population de marbré insulaire est le parc Beacon Hill, endroit très fréquenté situé dans la municipalité de Victoria; la réintroduction de l'espèce dans ce parc pourrait ne pas fonctionner, à moins que des mesures importantes ne soient prises pour atténuer les menaces.

Possibilité de restauration des habitats

Bien que bon nombre de lieux ayant déjà abrité des populations d'espèces en péril des prés maritimes jouissent d'une certaine protection, les milieux peuvent n'y être plus appropriés. Le rétablissement nécessitera des études plus poussées permettant de déterminer les caractéristiques du milieu nécessaires à chaque espèce afin que puissent être établis les buts et les techniques de restauration. Pour les deux papillons, la restauration de l'habitat devra fournir un bassin de plantes hôtes (tant pour les chenilles que pour les adultes, qui ont besoin de nectar) présentant un large spectre phénologique, de façon à ce que les besoins des deux espèces puissent être satisfaits.

Faisabilité de l'élimination ou de l'atténuation des menaces

Bien que dans certains cas les menaces spécifiques soient inconnues ou incomplètement comprises, les menaces peuvent probablement être traitées par l'entremise de plans de restauration adaptés aux lieux concernés, et les nouvelles menaces peuvent être découvertes, précisées ou atténuées grâce à des travaux de recherche.


2.3.2 Faisabilité technique

Faisabilité des translocations

On mène actuellement dans un petit secteur de sol perturbé de l'île Trial un petit essai pilote de translocation de graines de trois des espèces végétales (castilléjie dorée, sanicle bipinnatifide et sanicle patte d'ours) provenant des environs. L'Oregon Zoo s'intéresse actuellement à la reproduction en captivité du damier de Taylor et élabore un programme d'élevage pour l'espèce (Miskelly, comm. pers., 2004; Potter, comm. pers., 2005) (voir sous IV.5 « Exemples de mesures de rétablissement terminées ou en cours »). On n'a pas réalisé d'élevage en captivité pour le marbré insulaire, et on dispose de très peu d'information sur le cycle biologique de cette espèce. Si les tentatives futures de translocation ne sont pas fructueuses, le degré de rétablissement (tel qu'établi dans les buts pour chaque espèce) devra être réévalué.


2.4 Rétablissement multi espèces

La présente section établit les buts et les objectifs en matière de protection et de gestion des écosystèmes de pré maritime, qui permettront de protéger et de gérer adéquatement l'habitat des espèces en péril visées par le présent programme de rétablissement. Elle présente de façon détaillée les buts et objectifs pour chaque espèce ainsi que les approches stratégiques recommandées pour les atteindre.


2.4.1 Buts et objectifs concernant les écosystèmes de pré maritime

Protéger tous les écosystèmes de pré maritime de qualité modérée à élevée ainsi que la matrice adjacente de qualité modérée à élevée, par voie d'intendance et par d'autres mécanismes, afin de prévenir les pertes supplémentaires. Maintenir la connectivité de l'habitat, afin de permettre le déplacement des pollinisateurs et la dispersion et de freiner les plantes envahissantes. Repérer et cartographier la plupart des prés maritimes qui ne l'ont pas encore été, afin de délimiter les superficies d'habitat potentiel convenant à des translocations ou à la réintroduction de populations.

But de rétablissement pour les écosystèmes de pré maritime

ProtégerNote de bas de page 4 et restaurer les écosystèmes de pré maritime de qualité modérée à élevée, avec la matrice adjacente, dans toute l'aire géographique.

Objectifs de rétablissement pour les écosystèmes de pré maritime
  1. ProtégerNote de bas de page 4, par voie d'intendance ou d'autres mécanismes, les zones de qualité modérée à élevée abritant des habitats de pré maritime, d'ici 5 à 10 ans.
  2. Obtenir la coopération des propriétaires ou gestionnaires de terrains essentiels à la conservation et au rétablissement des espèces visées, d'ici 5 ans.
  3. Déterminer les réponses des habitats à leur restauration et revoir les objectifs de restauration, d'ici 5 à 10 ans.
  4. Élaborer et mettre en œuvre pour les prés maritimes et leurs zones tampons des plans de gestion appropriés pour le traitement des espèces envahissantes et la restauration des processus écosystémiques, d'ici 5 à 10 ans.


2.4.2 Buts, objectifs et stratégies générales pour chaque espèce

Chaque espèce visée par le présent programme de rétablissement présente une autoécologie propre et différentes contraintes quant à son rétablissement. Avant de pouvoir évaluer de manière plus précise la faisabilité de la réintroduction du papillon disparu du pays, il faut d'abord accroître les efforts de recherche sur le terrain au cas où il resterait des populations non encore découvertes. Cela est important pour qu'on puisse assurer la protection de ces éventuelles populations et éviter de faire peser sur les possibles petites populations restantes de nouvelles menaces par contamination de leur fonds génétique.

Les objectifs numériques pour chaque espèce végétale sont fondés sur le nombre de populations historiques, le nombre de populations requises pour assurer la distribution de l'espèce dans l'ensemble de son ancienne aire de répartition et le nombre de populations requises pour que l'espèce puisse résister aux phénomènes stochastiques et à la variabilité environnementale (tableau 6). Des translocations seront nécessaires pour établir de nouvelles populations de toutes les espèces végétales. Une ébauche de lignes directrices pour les translocations est en cours de rédaction (Maslovat, en prép.).

Buts de rétablissement pour chaque espèce

On a établi les buts de rétablissement en évaluant le nombre de populations historiques et à partir des cotes alphanumériques établies par le COSEPAC sur la base de ses critères. Pour la plupart des espèces, l'effectif minimal sera déterminé dans le futur par analyse de viabilité. Les critères du COSEPAC sont formulés dans le document du COSEPAC intitulé « Processus et critères d'évaluation du COSEPAC » (COSEPAC, 2003b).

 

Tableau 6 : Buts de rétablissement pour des espèces en péril des prés maritimes
Espèces Cotes alphanumériques (critères du COSEPAC)Footnote a Buts de rétablissement
Marbré insulaire Aucune établie Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce.
Damier de Taylor B1 et B2c; C2a Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce.
Triphysaire versicolore B1a + B1bii et B2a + B2bii

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce, avec un minimum de huit populations, par les moyens suivants :

  • maintien ou accroissement des effectifs actuels des sept populations ou sous populations existantes et accroissement des effectifs des plus petites;
  • établissement d'une population expérimentale comptant un effectif annuel moyen d'au moins 300 individus produisant des fleurs.
Sanicle patte d'ours B1a +B1bii et B2a + B2bii

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce, avec un minimum de dix populations viables, par les moyens suivants :

  • maintien ou accroissement des effectifs actuels des huit populations ou sous populations existantes;
  • réimplantation d'au moins deux populations disparues ou établissement d'au moins deux nouvelles populations.
Grand silène de Scouler B1a + B1bii et B2a + B2bii

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce, avec un minimum de huit populations, par les moyens suivants :

  • maintien ou accroissement des effectifs actuels des deux populations ou sous populations existantes;
  • établissement d'au moins six nouvelles populations.
Castilléjie dorée B1a + B1bii et B2a + B2bii

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce, avec un minimum de neuf populations, par les moyens suivants :

  • maintien ou accroissement des effectifs actuels des deux populations ou sous populations existantes;
  • établissement d'au moins six nouvelles populations.
Lupin élégant B1a + B1bii et B2a + B2bii et D1

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce par les moyens suivants :

  • gestion et accroissement de la seule population existante;
  • établissement de populations additionnelles, dont le nombre sera établi grâce aux recherches futures.
Sanicle bipinnatifide B1a + B1bii et B2a + B2bii

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce, avec un minimum de dix populations, par les moyens suivants :

  • maintien ou accroissement des effectifs actuels de toutes les populations ou sous populations existantes;
  • gestion d'au moins huit des plus petites populations existantes (dont au moins une dans la partie sud de l'archipel des îles Gulf) de façon à en accroître les effectifs.
Lotier splendide B1a + B1bii and B2a + B2bii

Établir des populations viables et autosuffisantes dans l'ensemble de l'aire de répartition historique canadienne de l'espèce, avec un minimum de six populations, par les moyens suivants :

  • maintien des cinq populations ou sous populations existantes, avec accroissement des effectifs actuels des petites populations ou sous-populations et conservation des effectifs actuels des plus grosses;
  • établissement d'une population additionnelle renfermant chaque année au moins 100 individus produisant des fleurs.

 

Objectifs pour chaque espèce

Les objectifs suivants (tableau 7) sont requis pour que les buts ci dessus puissent être atteints. Ils doivent être atteints d'ici cinq ou dix ans. Ils sont présentés grosso modo par ordre décroissant de priorité, des différences pouvant toutefois exister selon les espèces.

 

Tableau 7 : Objectifs de rétablissement pour chaque espèce
Objectifs générauxFootnote a.1 MI DT TV SPO GSS CD SB LS
1. Établir la protectionFootnote b des populations existantes 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10
2. Faire en sorte que tous les propriétaires ou gestionnaires de terres concernés collaborent à la protection des habitats. <5 <5 <5 <5 <5 <5 <5 <5 <5
3. Déterminer les contraintes liées au cycle biologique, à la dispersion et à l'habitat ainsi que les méthodes pour les atténuer. 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10
4. Trouver les causes de la disparition des espèces du pays ou de la diminution ou de la perte de populations. 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10
5. Élaborer et mettre en œuvre un plan de surveillance et de restauration des habitats pour les endroits où la présence de l'espèce est attestée ou, dans le cas d'une espèce disparue du pays, pour les lieux désignés comme habitat potentiel. 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10
6. Repérer et classer par ordre de priorité les endroits à fouiller et effectuer des relevés pour déterminer si des populations non signalées sont présentes (c. à d. pour déterminer si des réintroductions sont nécessaires). 5-10 5-10 5 5 5 N/A 5 5 5
7. Repérer les zones d'habitat essentiel requises pour l'établissement de nouvelles populations, tel que décrit dans les buts fixés pour chaque espèce. 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10
8. Établir les techniques et des priorités pour l'établissement de nouvelles populations et d'une population expérimentale par espèce (si indiqué selon les résultats pour l'objectif 7). 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10 5-10

MI = marbré insulaire, DT = damier de Taylor, TV = triphysaire versicolore, SPO = sanicle patte d'ours, GSS = grand silène de Scouler, CD = castilléjie dorée, LÉ = lupin élégant, SB = sanicle bipinnatifide, LS = lotier splendide

 

Activités de recherche et de gestion requises pour atteindre les objectifs de rétablissement

Pour traiter les menaces et atteindre les objectifs de rétablissement, les activités de rétablissement ont été groupées selon sept grandes approches (tableau 8). Ces dernières sont classées grosso modo par ordre décroissant d'importance, les activités les plus urgentes figurant au sommet de la liste, des différences pouvant toutefois exister selon les espèces.

  1. Protection des habitats et des espèces : Un des principaux objectifs du présent programme de rétablissement est de freiner la destruction et la fragmentation des prés maritimes. Les prés maritimes où il y a occurrences attestées d'espèces en péril devraient être protégés et les occurrences nouvellement découvertes devraient être des priorités en matière de protection. La protection visera notamment les terres privées, par l'entremise d'acquisitions et d'engagements et autres accords d'intendance volontaires.
  2. Intendance des habitats : La participation des propriétaires fonciers et des gestionnaires des terres à la gestion des prés maritimes sera essentielle au rétablissement des espèces en péril. À ce chapitre, on devra communiquer de façon proactive avec les propriétaires fonciers et les gestionnaires des terres concernés et les faire participer au processus de planification du rétablissement. On devra également déterminer les lois, règlements et politiques qui s'appliquent aux différents propriétaires fonciers publics. Enfin, les propriétaires fonciers et les gestionnaires des terres devraient être encouragés à collaborer avec les chercheurs, à participer aux projets de restauration et de surveillance et à soutenir ces derniers.
  3. Recherche : Il est essentiel de connaître les caractéristiques de l'habitat des espèces ainsi que les plantes indigènes dont se nourrissent les papillons pour délimiter l'habitat essentiel. On devra effectuer des recherches démographiques pour évaluer le potentiel de rétablissement et la viabilité des populations et en assurer une surveillance adéquate. Des recherches génétiques seront nécessaires pour orienter l'établissement des populations expérimentales. Enfin, on devra étudier les effets des diverses menaces, comme les changements climatiques, la réintroduction des incendies, les espèces envahissantes, l'herbivorie et la prédation.
  4. Cartographie et inventaire : L'inventaire exhaustif des espèces en péril des prés maritimes aidera à clarifier les caractéristiques de leur habitat et à délimiter leur habitat essentiel. Il pourra révéler l'existence de populations non encore signalées et réduire au minimum le risque de contamination génétique associé aux essais d'établissement de populations expérimentales.
  5. Restauration des habitats : Pour bien rétablir les processus écosystémiques, restaurer l'habitat des espèces en péril et atténuer les menaces, il est essentiel que les travaux de restauration soient fondés sur des connaissances solides.
  6. Sensibilisation et éducation du public : L'élaboration et la diffusion d'informations sur les prés maritimes et leurs espèces en péril aidera à réduire au minimum les menaces associées à l'utilisation de ces milieux par le public. La participation du public pourrait aussi favoriser la découverte de nouvelles populations, particulièrement pour ce qui est des deux espèces de papillons. L'organisation d'ateliers et de présentations dans le cadre de rencontres communautaires est efficace pour éduquer les propriétaires fonciers.
  7. Établissement de populations expérimentales : L'établissement de nouvelles populations avec gestion adaptative pour certaines des espèces en péril des prés maritimes contribuera à l'atteinte des buts à long terme établis pour chacune de ces espèces. Ces essais expérimentaux nous aideront aussi à mieux connaître la biologie et l'écologie des espèces en péril concernées.

 

Tableau 8 : Stratégies de rétablissement
Priorité No des objectifs Grandes approches/ stratégies MenacesFootnote a.2 Description générale
Urgent 1, 2, 7 Protection des habitats et des espèces 1, 3, 5, 6 Établir des priorités pour l'acquisition ou la protection (p. ex. engagements volontaires et autres accords d'intendance) des lieux en collaboration avec le Groupe de mise en œuvre du rétablissement Planification de la conservation et protection des milieux de l'ERECG.
Urgent 1, 2 Intendance des habitats 1, 2, 4, 5, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 16 Établir la liste des propriétaires fonciers privés et publics dont les terres abritent des populations d'espèces en péril ou des prés maritimes. Contacter les propriétaires fonciers par la voie du programme de sensibilisation du public par l'entremise de l'ERECG ou d'autres organisations pour l'intendance visant la protection des espèces.
Nécessaire 3, 4, 5, 7, 8 Recherche 2, 4, 5, 6, 7, 8, 10, 12, 14, 18, 19

Établir les priorités de recherche et effectuer les études nécessaires pour combler les lacunes spécifiques dans les connaissances :

  • déterminer les caractéristiques de l'habitat de chaque espèce
  • déterminer s'il existe des goulots d'étranglement affectant la pollinisation ou la reproduction, la dispersion, la production de graines ou d'œufs, le recrutement, la survie des recrues
  • déterminer quelles plantes hôtes sont nécessaires pour les chenilles et les adultes (plantes nectarifères) des lépidoptères ainsi que la répartition et l'abondance requises de ces plantes
  • déterminer les activités de restauration et de gestion adaptative appropriées pour chaque espèce et son habitat, visant notamment les menaces (p. ex. les espèces envahissantes et l'empiètement par les espèces ligneuses) et le rétablissement des processus écologiques
  • déterminer la variation taxinomique par rapport aux populations états uniennes, si nécessaire
Nécessaire 3, 4, 5, 6, 7, 8 Cartographie et inventaire 2, 3, 4, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 14 Déterminer les caractéristiques des habitats des espèces en péril.
Nécessaire 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 Cartographie et inventaire 1, 2, 3, 4, 5, 8 Évaluer les prés existants à prioriser pour des activités comme l'acquisition et la restauration de milieux, la translocation d'espèces en péril, etc. Effectuer des relevés visant de nouvelles espèces en péril dans les prés maritimes.
Nécessaire 1, 3, 4, 5, 7 Restauration des habitats 2, 3, 4, 6, 7, 10 Déterminer la nécessité et la faisabilité de la restauration et élaborer et effectuer les essais de restauration qui s'imposent.
Utile 3, 4, 5, 6 Sensibilisation et éducation du public 2, 3, 5, 7, 8, 10, 12, 13, 15, 16 En collaboration avec le spécialiste de la sensibilisation et de l'éducation du public de l'ERECG et avec d'autres organisations, établir les priorités en matière d'éducation et de sensibilisation du public concernant les espèces en péril, leurs habitats et leur gestion (on pourra notamment cibler les clubs de naturalistes et de plein air, les écoles, les Premières Nations, les administrations locales, les propriétaires fonciers, les gestionnaires des terres et les divers intervenants).
Utile 1, 3, 4, 5, 7, 8 Établissement de populations expérimentales 1, 3, 6, 9 Déterminer la nécessité d'établir de nouvelles populations et, le cas échéant, choisir les lieux des translocations.

 


2.4.3 Lacunes dans les connaissances communes à toutes les espèces ou à la plupart

Il y a de nombreuses lacunes dans les connaissances qui sont communes à toutes les espèces ou à la plupart. Les lacunes suivantes sont présentées grosso modo par ordre décroissant d'importance relativement au rétablissement, des différences pouvant toutefois exister entre les espèces (sommaire au tableau 9).

  1. Effets des espèces envahissantes et réponses des espèces envahissantes, des espèces en péril et des habitats aux mesures de gestion. Cela comprend notamment l'effet de l'empiètement des végétaux ligneux lié à l'altération des régimes de perturbation; les réponses des espèces en péril et de leur habitat aux activités de gestion, de restauration et de limitation des espèces envahissantes; le manque d'objectifs précis pour les activités de restauration; l'aménagement traditionnel des paysages, avec utilisation du feu; les réponses de chaque espèce à la réintroduction de régimes d'incendies.
  2. Caractéristiques détaillées et délimitation des habitats propices, particulièrement pour les populations disparues. Cela comprend notamment l'éventail des milieux propices à chaque espèce (caractéristiques du sol, microhabitat, etc.); la taille minimale des parcelles d'habitat; la composition de la matrice et la capacité des zones tampons et des connexions spatiales de permettre la dispersion des espèces entre parcelles d'habitat; les processus édaphiques, dont le rôle et la nature des mycorhizes et de la faune du sol ainsi que l'effet des espèces introduites (incluant les vers de terre); les plantes hôtes indigènes et introduites des chenilles et des adultes (plantes nectarifères) du marbré insulaire et du damier de Taylor.
  3. Information sur la démographie et la dispersion pour chaque espèce. Cela comprend notamment la question de savoir où se situent les goulots d'étranglement démographiques pour chaque espèce (production de graines ou d'œufs, dispersion, recrutement, survie des recrues, etc.) et l'effet des fonds génétiques limités sur la capacité de reproduction.
  4. Répartitions exactes des espèces et nombres totaux de populations. On n'a pas vérifié s'il reste encore des individus dans tous les lieux où des populations ont été signalées dans le passé. On devra effectuer des relevés systématiques pour obtenir des données exactes sur la répartition des espèces et les populations et pour faire en sorte que toutes les populations soient protégées et bien gérées.
  5. Interactions trophiques et autres interactions écologiques. Cela comprend notamment le rôle des espèces en péril dans leurs habitats respectifs, dont l'ampleur et l'effet de leurs interactions avec les herbivores, les ravageurs et les maladies indigènes et introduites ainsi que de leur action pollinisatrice (papillons) dans les prés maritimes.
  6. Méthodes de germination ou de multiplication ex situ pour les plantes et techniques de reproduction ou d'élevage en captivité pour les papillons. Bien que la plupart des espèces visées par le présent programme de rétablissement aient fait l'objet de multiplications ex situ, leur multiplication ou leur élevage en captivité n'ont jamais été étudiés de façon rigoureuse. Il existe peu d'information sur la réintroduction de ces espèces en milieu naturel.
  7. Nature des différences génétiques existant entre les populations canadiennes et états-uniennes du lupin élégant, du damier de Taylor et du marbré insulaire. La taxinomie de la plupart des espèces est bien définie, mais des études génétiques devront être réalisées pour clarifier celles du lupin élégant et du marbré insulaire. On devra aussi procéder à des études génétiques pour comparer les populations canadiennes des espèces en péril avec leurs contreparties états uniennes, nombre de populations étant largement disjointes et pouvant ainsi être génétiquement distinctes. L'information ainsi recueillie sera précieuse pour le choix des populations sources aux fins des essais de translocation.

 

Tableau 9 : Lacunes dans les connaissances communes à toutes les espèces ou à la plupart
Lacunes dans les connaissances MI DT TV SPO GSS CD SM LS
1. Effets des espèces envahissantes et réponses des espèces envahissantes, des espèces en péril et des habitats aux mesures de gestion AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC
2. Caractéristiques détaillées et délimitation des habitats propices AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC Travaux en cours
3. Information sur la démographie et la dispersion pour chaque espèce AbsC AbsC AbsC C C C AbsC C C
4. Répartitions exactes des espèces et nombres totaux de populations   AbsC AbsC AbsC C AbsC AbsC AbsC AbsC
5. Interactions trophiques et autres interactions écologiques AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC
6. Méthodes de germination ou de multiplication ex situ pour les plantes et techniques de reproduction ou d'élevage en captivité pour les papillons AbsC AbsC LimSt C C C ÉtLim ÉtLim AbsC
7. Nature des différences génétiques existant entre les populations canadiennes et états-uniennes du lupin élégant, du damier de Taylor et du marbré insulaire AbsC AbsC AbsC AbsC AbsC C AbsC AbsC AbsC

MI = marbré insulaire, DT = damier de Taylor, TV = triphysaire versicolore, SPO = sanicle patte d'ours, GSS = grand silène de Scouler, CD = castilléjie dorée, LÉ = lupin élégant, SB = sanicle bipinnatifide, LS = lotier splendide. « AbsC » indique qu'il y a absence de connaissances pour l'espèce considérée. « C » indique qu'on dispose de certaines connaissances sur la question. « ÉtLim » indique l'existence d'études limitées.

 


2.4.4 Effets de la gestion sur les autres espèces et processus écologiques

Les chênaies de Garry et les écosystèmes associés abritent un grand nombre de taxons en péril, dont 3 mousses, 71 plantes vasculaires, 1 ver de terre, 3 insectes du groupe des libellules et demoiselles, 5 punaises, 2 mouches, 13 papillons diurnes, 2 reptiles, 14 oiseaux et 3 mammifères (British Columbia Marine Conservation Analysis website, en anglais seulement) (GOERT, 2004). Vu le grand nombre de taxons en péril et la forte concentrations d'espèces rares à certains endroits, il est impossible de décrire tous les effets positifs et négatifs possibles associés aux activités de rétablissement. Ces effets de la gestion devront être traités à un stade ultérieur, soit dans le plan d'action, soit durant les évaluations sur le terrain. La liste complète des espèces végétales en péril présentent dans les prés maritimes autres que celles visées par le présent programme de rétablissement est fournie plus bas (tableau 10). On traite également ici des effets potentiels sur les espèces de vertébrés et d'invertébrés en péril.

Des interactions négatives entre les espèces de papillons et de plantes visées par le présent programme de rétablissement sont possibles. Les marbrés insulaires s'alimentent sur des crucifères introduites des genres Brassica et Sisymbrium de même que sur des Lepidium (dont le Lepidium virginicum). Cependant, la restauration devrait mettre l'accent sur la plantation d'espèces indigènes. Les populations historiques de damier de Taylor de l'îlot Alpha et de l'île Trial pourraient s'être alimentées sur la castilléjie dorée (Castilleja levisecta), mais on n'en a pas de confirmation (Miskelly, comm. pers., 2004). Les chenilles de ce papillon ont aussi déjà été observées sur le Tryphysaria pusilla, et elles pourraient s'alimenter sur d'autres tryphisaires (Potter, comm. pers., 2005). La gestion des espèces envahissantes devrait être coordonnée avec les cycles biologiques des papillons.

Le bruant vespéral de la sous espèce affinis (Pooecetes gramineus affinis), figurant sur la liste rouge provinciale, l'alouette hausse col de la sous espèce strigata (Eremophila alpestris strigata), en voie de disparition, et la population de sturnelle de l'Ouest (Sturnella neglecta) de la dépression de Géorgie exploitent les prairies indigènes et les milieux ouverts présentant une végétation basse et clairsemée. Les chênaies de Garry et les écosystèmes associés pourraient être nécessaires à leur rétablissement (Beauchesne, 2002; Beauchesne et al., 2002; COSEPAC, 2003a). La présence du bruant vespéral de la sous espèce affinis et de la sturnelle de l'Ouest n'est pas pour le moment attestée dans les localités des espèces en péril des prés maritimes, mais ces deux oiseaux pourraient éventuellement bénéficier des mesures de rétablissement décrites dans le présent programme. La lutte contre les espèces envahissantes peut être bénéfique dans la mesure où elle n'est pas réalisée durant la saison de reproduction aux endroits où ces espèces sont attestées, soit du début de mai à la fin de juin dans le cas du bruant vespéral de la sous espèce affinis (Beauchesne, 2002) et du début d'avril à la fin de juillet dans le cas de la sturnelle de l'Ouest (Beauchesne et al., 2002). Dans la gestion des espèces envahissantes, on doit prendre en considération l'utilisation des arbustes aux fins de la reproduction (p. ex. remplacer les genêts envahissants par des espèces indigènes, comme l'holodisque discolore, le rosier de Nootka et l'amélanchier à feuilles d'aulne). On doit cependant être prudent, car les espèces végétales en péril pourraient être affectées par certaines espèces d'arbustes, qu'on pense au rosier de Nootka, qui est rhizomateux.

Des portions de chênaies de Garry et d'écosystèmes associés pourraient être désignées comme habitat de rétablissement pour l'alouette hausse col de la sous espèce strigata, qui figure sur la liste fédérale des espèces en péril, étant donné qu'en dehors de ces écosystèmes, il reste peu d'habitat potentiel intact pour elle. L'Équipe de rétablissement des écosystèmes du chêne de Garry devra veiller à ce qu'il y ait communication entre l'Équipe de rétablissement des prés maritimes et l'Équipe de rétablissement de l'alouette hausse col de la sous espèce strigata. Le grand héron (Ardea herodias fanninni) et le faucon pèlerin (Falco peregrinus anatum) sont présents dans des endroits qui chevauchent grossièrement des localités des espèces en péril des prés maritimes, mais on ne pense pas que le rétablissement des plantes et papillons rares puisse avoir des effets négatifs sur l'un ou l'autre de ces oiseaux.

Vu le grand nombre de plantes en péril présentes dans les prés maritimes, il est impossible de traiter de toutes les interactions possibles associées au rétablissement.

Le rétablissement des espèces visées par le présent programme de rétablissement bénéficiera probablement à d'autres espèces en péril de diverses façons, dont les suivantes :

Cependant, le rétablissement des espèces visées par le présent programme de rétablissement pourrait avoir une incidence négative sur d'autres plantes en péril de diverses façons, dont les suivantes :

 

Tableau 10 : Autres espèces végétales en péril présentes
Espèce Nom commun Cote subnationale (provinciale) Statut selon le COSEPAC
Agrostis pallens agrostide pâle S3  
Allium amplectens ail embrassant S3  
Allium geyeri var. tenerum ail tendre S2  
Alopecurus carolinianus vulpin de Caroline S2  
Anagallis minima mouron nain S2S3  
Balsamorhiza deltoidea balsamorhize à feuilles deltoïdes S1 VD
Callitriche marginata callitriche marginée S1 PD
Carex tumulicola carex tumulicole S1 PD
Castilleja ambigua ssp. ambigua castilléjie ambiguë S2  
Centaurium muehlenbergii érythrée de Muhlenberg S1 PD
Clarkia amoena fleur-de-satin S2S3  
Clarkia purpurea ssp. quadrivulnera clarkie à petites fleurs S1  
Claytonia rubra ssp. depressa claytonie à fleurs sessiles S3  
Crassula aquatica tillée aquatique S3  
Crassula connata var. connata tillée dressée S2  
Epilobium densiflorum épilobe densiflore S1 VD
Helenium autumnale hélénie automnale S2S3  
Heterocodon rariflorum hétérocodon rariflore S3  
Idahoa scapigera sidahoé acaule S2  
Isoetes nuttallii isoète de Nuttall S3  
Juncus kelloggii jonc de Kellogg S1 VD
Limnanthes macounii limnanthe de Macoun S3 P
Lomatium dissectum lomatium à feuilles découpées S1  
Lotus unifoliolatus var. unifoliolatus lotier des prairies S2S3  
Lupinus densiflorus var. densiflorus lupin densiflore S1 VD
Meconella oregana méconelle d'Orégon S2 VD
Microseris bigelovii microséris de Bigelow S1 PD
Orthocarpus bracteosus orthocarpe à épi feuillu S1 VD
Plagiobothrys tenellus plagiobothryde délicate S2  
Piperia elegans pipérie élégante S2S3  
Psilocarphus elatior psilocarphe élevé S1 VD
Ranunculus alismifolius renoncule à feuilles d'alisme S1 VD
Ranunculus californicus renoncule de Californie S1  
Romanzoffia tracyi romanzoffie de Tracy S3  
Rupertia physodes rupertie de Californie S3  
Sagina decumbens ssp. occidentalis sagine de l'Ouest S3  
Seriocarpus rigidus aster rigide S2 M
Sidalcea hendersonii sidalcée de Henderson S3  
Spergularia macrotheca var. macrotheca spergulaire à grosses capsules S2S3  
Trifolium depauperatum var. depauperatum trèfle appauvri S3  
Triteleia howellii tritéléia de Howell S1 VD
Viola howellii violette de Howell S2S3  
Viola praemorsa ssp. praemorsa violette jaune des monts S2 M

Statuts du COSEPAC : VD = en voie de disparition, M = menacée, P = préoccupante, PD = proposée pour désignation. Les cotes S sont celles du Centre de données sur la conservation de la Colombie-Britannique.

 


2.4.5 Exemples de mesures de rétablissement terminées ou en cours

Les mesures de rétablissement suivantes s'appliquent à une ou plusieurs des espèces en péril et sont liées aux stratégies générales pour les activités de rétablissement (voir IV.2). Une liste plus détaillée des mesures de rétablissement a été dressée dans un document d'information (Fairbarns et Maslovat, 2005).

Programmes de rétablissement connexes
Protection des habitats
Intendance des habitats
Recherche démographique et génétique
Cartographie et inventaire
Restauration des habitats
Sensibilisation et éducation du public
Populations expérimentales


2.4.6 Énoncé précisant la date d'achèvement du plan d'action

Une première version du plan d'action devrait être terminée d'ici mars 2010.


2.4.7 Incidence socioéconomique du rétablissement

Le rétablissement des espèces en péril et la restauration des milieux menacés associés aux chênaies de Garry favoriseront la biodiversité, la santé et la productivité de l'environnement et une meilleure appréciation de ces espèces et milieux particuliers, ce qui aura globalement une utilité sociale dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique. En effet, la beauté naturelle des chênaies de Garry et écosystèmes connexes de la vallée du Bas-Fraser, des îles Gulf et de l'île de Vancouver constitue une ressource importante pour la population de la province, en permettant une industrie récréotouristique vigoureuse. La protection de ces espaces naturels, de leur biodiversité et des occasions qu'elles offrent en matière d'appréciation de la nature, de renouveau spirituel et de loisirs est d'une immense valeur pour l'économie locale.

Certaines activités menées à l'intérieur ou aux alentours des prés maritimes risquent de nuire à des espèces en péril sensibles. Les activités qui peuvent ainsi affecter les espèces en péril ou l'intégrité des milieux dont ils dépendent sont celles qui :

Les mesures de rétablissement pourraient affecter certaines activités socioéconomiques : activités récréatives; lotissement de terres privées; autres activités d'exploitation ou d'entretien. Cependant, cet impact devrait demeurer faible dans presque tous les cas.

Les prés maritimes sont des éléments rares du paysage, et la superficie globalement requise pour leur protection physique est relativement restreinte. Une réduction efficace des activités pouvant leur nuire peut être obtenue par une planification minutieuse et une évaluation environnementale des travaux de développement et autres activités prévues ainsi que par une bonne disposition des corridors destinés au transport et aux activités récréatives, ce qui devrait avoir peu d'effets nuisibles à l'économie dans la plupart des cas.

Le rétablissement des prés maritimes et des espèces en péril qui leur sont associées exigera que chaque projet d'aménagement soit planifié avec soin et que les usages convenant à chaque milieu sensible soient précisés. Les gestionnaires de parcs et d'autres terres publiques peuvent assurer un accès adéquat aux terrains et y gérer les infrastructures de manière à favoriser le maintien ou l'amélioration des prés maritimes dont ils ont la responsabilité.


2.4.8 Évaluation et mesures de rendement

Parmi les mesures de rendement pouvant être utilisées pour évaluer le succès du rétablissement, on compte les suivantes :

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