Putois d’Amérique (Mustela nigripes) : rapport sur la mise en œuvre du programme de rétablissement 2018 à 2023
Titre officiel : Rapport sur les progrès de la mise en œuvre du programme de rétablissement pour le putois d’Amérique (Mustela nigripes) au Canada (2018-2022)

Description longue pour image de couverture
C’est une photographie d’un putois d’Amérique avec la moitié supérieure de son corps sortant d’un terrier de chien de prairie et la moitié inférieure reste à l’intérieur.
Mars 2023
Citation recommandée
Agence Parcs Canada. 2023. Rapport sur les progrès de la mise en œuvre du programme de rétablissement pour le putois d’Amérique (Mustela nigripes) au Canada (2018-2022).
Introduction
La version définitive du Programme de rétablissement pour le putois d’Amérique (Mustela nigripes) au Canada a été publiée dans le Registre public des espèces en péril le 19 juin 2009. Le programme de rétablissement comprenait un objectif principal et des objectifs secondaires pour l’espèce, ainsi qu’une description des activités requises pour atteindre ces objectifs. En vertu de l’article 46 de la Loi sur les espèces en péril (LEP), il incombe au ministre compétent d’établir un rapport sur la mise en œuvre du programme de rétablissement, et sur les progrès réalisés pour en atteindre les objectifs, dans les cinq ans suivant sa publication dans le registre et à intervalles de cinq ans par la suite, et ce, jusqu’à ce que ces objectifs soient atteints ou que le rétablissement de l’espèce ne soit plus réalisable. Un premier rapport de mise en œuvre (2009-2017) a été publié en 2018Note de bas de page 1 . Ce document rend compte de la mise en œuvre du programme de rétablissement du putois d’Amérique au Canada de 2018 à 2022, et des progrès vers l’atteinte des objectifs énoncés dans le programme. Certaines mesures ont été réorientées pour favoriser l’atteinte des objectifs décrits dans le plan de gestion du chien de prairie (espèce dite « à queue noire ») au Canada, afin de favoriser d’éventuels lâchers de putois d’Amérique dans le futur.
Mise en œuvre du programme de rétablissement et progrès vers l’atteinte de ses objectifs
Le Programme de rétablissement pour le putois d’Amérique (Mustela nigripes) au Canada a déterminé l’objectif principal suivant : « rétablir au Canada une population sauvage de putois d’Amérique présentant une probabilité de survie d’au moins 80 % sur 20 ans (c’est-à-dire, une probabilité de disparition inférieure à 20 % sur 20 ans) »; il a également fixé les objectifs du rétablissement associés à la réintroduction de l’espèce qui sont nécessaires pour atteindre l’objectif principal.
Le putois d’Amérique a été réintroduit dans le parc national des Prairies en 2009, et des lâchers subséquents ont eu lieu en 2010, en 2011 et en 2012. L’espèce n’a pas été observée dans ce parc depuis 2013. Son absence peut être attribuable à une combinaison des facteurs suivants. La population de chiens de prairie, principale source de nourriture du putois d’Amérique, a connu un déclin entre 2009 et 2013. La peste sylvatique a été découverte dans l’écosystème (détectée pour la première fois en 2010), ce qui peut avoir décimé les colonies de chiens de prairie, et donc rendu les putois d’Amérique plus vulnérables. Enfin, le fait de cesser les apports de recrues à la population de putois peut aussi avoir contribué à son déclin. L’apport de recrues est une pratique probablement nécessaire pour empêcher la disparition de la population réintroduite (Tuckwell et Everest, 2009).
Bien que la situation du putois d’Amérique quant à sa conservation au Canada demeure « espèce disparue du pays », l’engagement de Parcs Canada s’est poursuivi dans le cadre de programmes de recherche et de gestion active pour faire en sorte que le chien de prairie persiste dans l’écosystèmeNote de bas de page 2 à des niveaux qui pourraient soutenir le putois d’Amérique et faciliter son rétablissement au Canada et ailleurs.
Deux objectifs en matière de population et de répartition ont été définis pour le putois d’Amérique dans le Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national du Canada des Prairies (Agence Parcs Canada, 2016). Le premier consistait à augmenter à 900 ha, d’ici 2019, la superficie de répartition du putois d’Amérique et du chien de prairie, et à 1 200 ha d’ici 2025; cet objectif a été atteint grâce à une moyenne mobile (calculée sur cinq ans) de 972,2 ha, et à une mesure de 1 265,9 ha prise en 2021. Le deuxième objectif était d’envisager de réintroduire le putois lorsqu’il y a au moins 10 chiens de prairie par hectare de colonie (en plus de répondre à l’objectif d’occupation de l’habitat). Cet objectif n’a pas été jugé réalisable ou applicable à l’heure actuelle, en fonction des connaissances nouvellement acquises (Agence Parcs Canada, 2021; voir la section suivante).
Mise en œuvre des stratégies, mesures et objectifs généraux décrits dans le programme de rétablissement
Le rétablissement du putois d’Amérique en Amérique du Nord est gravement menacé par la peste sylvatique, qui empêche les sites de réintroduction de maintenir des populations viables sans apports continus. Depuis 2010, le parc national des Prairies exerce une surveillance et applique une stratégie d’atténuation de la peste sylvatique (Agence Parcs Canada, 2011). En 2020, un plan de gestion révisé a été élaboré afin de tenir compte des données récentes obtenues sur l’écologie de la transmission de la peste et la dynamique de la population de chiens de prairie dans le parc national des Prairies (Liccioli et coll., 2020). Les mesures de gestion de la peste supposent une combinaison stratégique d’éléments, à savoir un panneau rotatif pour la pulvérisation préventive des terriers avec de l’insecticide dans les sections de certaines colonies de chiens de prairie, la pulvérisation d’urgence en réponse à la détection de peste sylvatique et la distribution d’appâts contenant un vaccin contre la peste. Les activités de surveillance de la peste se sont poursuivies par une surveillance rapide de la peste couplée à la collecte de puces par des prélèvements effectués dans les terriers (avril à septembre) et au peignage des animaux manipulés aux fins de la recherche dans le cadre d’activités de capture, marquage et recapture. En coordination et en collaboration avec le U.S. Fish and Wildlife Service, l’utilisation expérimentale d’insecticides administrés oralement (« Fip-bits ») a été approuvée par l’Agence de santé publique du Canada et devrait commencer à l’été 2023.
La population de chiens de prairie a fait l’objet d’une surveillance régulière tant pour l’abondance relative de l’espèce (dénombrements visuels dans un sous-échantillon des colonies) que la zone d’occupation (cartographie du périmètre de toutes les colonies tous les deux ans).
Des recherches ont été menées par l’Institut Wilder/Zoo de Calgary sur le niveau de population de chiens de prairie dans le parc national des Prairies, en partenariat et en collaboration avec Parcs Canada, afin de mieux comprendre la relation entre le climat, la survie et la reproduction des chiens de prairie au Canada, et pour illustrer de quelle façon les indices vitaux clés pour la dynamique des populations (c.‑à‑d. la survie et la reproduction des femelles) sont négativement touchés par les conditions de sécheresse durant l’été qui précède (Stephens et coll., 2018). En outre, des activités de recherche à l’échelle des individus ont été réalisées par l’Université de Saskatchewan (Jeff Lane, Ph. D.) de 2014 à 2018 pour recueillir des données sur les taux démographiques et les caractéristiques du cycle vital de l’espèce, et pour décrire la phénologie de la léthargie hivernale (c.‑à‑d. les dates d’entrée en léthargie et d’émergence) ainsi que l’expression de cette léthargie (c.‑à‑d. les températures corporelles) au sein d’une colonie (Walker). Ces recherches ont permis de mieux comprendre l’écologie du chien de prairie au Canada et les facteurs limitants de la population (Kush et coll., 2020; Kush et coll., 2021a; Kush et coll., 2021b).
Les données recueillies ont servi à élaborer une analyse structurée appelée « analyse de viabilité de la population » (AVP) à l’appui du Programme de rétablissement et plan d’action visant le chien de prairie (Cynomys ludovicianus) au Canada (Agence Parcs Canada, 2021). En particulier, l’AVP a permis d’estimer le risque relatif de disparition tout en tenant compte de possibles scénarios futurs faisant intervenir deux grandes menaces à la population de chiens de prairie au Canada : le changement climatique et la peste sylvatique. L’AVP donne à penser que la conjoncture est peut-être favorable pour concevoir des stratégies de gestion afin d’atténuer les impacts éventuels de la sécheresse et de la peste sur la persistance du chien de prairie au Canada (Fondation du Zoo de Calgary et parc national des Prairies, 2021, rapport inédit). Ces résultats ont été utilisés pour orienter les mesures de rétablissement des deux espèces, à savoir le chien de prairie et le putois d’Amérique.
Des stratégies de gestion de l’habitat ont été mises en œuvre entre 2016 et 2022 pour éliminer les plantes non indigènes et les plantes exotiques envahissantes, abaisser la hauteur de la végétation et augmenter la densité des espèces végétales indigènes sur 85 ha à l’intérieur d’un ancien champ cultivé. Les travaux d’évaluation de l’habitat se sont poursuivis tout au long de la recherche menée en continu par l’Institut Wilder/Zoo de Calgary, laquelle a abouti à l’établissement d’un indice de qualité de l’habitat, qui intègre des facteurs abiotiques et des facteurs biotiques. Cet outil aidera à cibler les sites prioritaires pour l’expansion projetée des colonies de chiens de prairie actuellement occupés dans le bloc Ouest du parc national des Prairies, expansion qui devrait permettre d’atteindre les objectifs liés à l’habitat du chien de prairie (colonies suffisamment grandes, terriers en nombre suffisant) requis pour envisager la réintroduction du putois d’Amérique.
En tant que site de réintroduction, le parc national des Prairies, bien qu’il soit actuellement inoccupé, continue de collaborer avec ses partenaires et les organismes gouvernementaux des États-Unis. Le parc est un membre actif du Black-footed Ferret Conservation Subcommittee (sous-comité de conservation du putois d’Amérique) et un représentant du rétablissement du putois d’Amérique au Trilateral Committee for Wildlife and Ecosystem Conservation and Management (comité trilatéral pour la conservation et la gestion de la faune et des écosystèmes) [https://www.trilat.org/ – en anglais seulement].
À ce jour, seuls les vastes sites de réintroduction (c.-à-d. les complexes de terriers de chiens de prairie de plus de 4 000 ha) où l’on a été en mesure de gérer la peste sylvatique sur une vaste proportion du territoire ont réussi à maintenir une population de putois d’Amérique et à respecter les exigences du rétablissement de l’espèce précisées par le U.S. Fish and Wildlife Service (à savoir plus de 30 putois adultes aptes à se reproduire). En raison de ces difficultés, les critères pour le rétablissement de l’espèce évoluent, et il faudra obtenir de nouvelles connaissances pour orienter la gestion de la conservation des putois d’Amérique et des chiens de prairie. Bien que les sites de réintroduction de petite superficie nécessiteraient un apport fréquent de recrues pour maintenir la présence de putois sur place, ces sites demeurent utiles pour le processus de rétablissement de l’espèce. Même sans augmentation substantielle du nombre d’individus dans l’habitat occupé par le chien de prairie et une population autosuffisante de putois d’Amérique, le parc national des Prairies peut vérifier des hypothèses et réunir des connaissances et des données qui guideront les mesures de rétablissement du putois d’Amérique à l’échelle du continent.
Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national des Prairies
Le Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national du Canada des Prairies (Agence Parcs Canada, 2016) et le Plan d’action visant plusieurs espèces en péril dans le sud-ouest de la Saskatchewan: South of the Divide (Environnement et Changement climatique Canada, 2016) décrivent les mesures de rétablissement nécessaires pour soutenir le rétablissement du chien de prairie et du putois d’Amérique. Ces plans d’action complémentaires intègrent toutes les espèces en péril observées dans les aires de répartition géographiques respectives du chien de prairie et du putois et nécessitant un plan d’action prescrit par l’article 47 de la LEP, auxquelles s’ajoutent des espèces dont la conservation est préoccupante, et visent à adopter une approche globale pour le rétablissement des espèces en péril. Lorsqu’il était possible de le faire, les mesures qui profitent à de multiples espèces ont été recensées et priorisées de façon à maximiser les bienfaits pour le rétablissement des espèces en péril. Les détails des mesures de rétablissement mises en œuvre sur les terres de Parcs Canada sont énoncés dans le rapport sur la mise en œuvre du plan d’action visant des espèces multiples de 2016 à 2021 dans le parc national des Prairies (Agence Parcs Canada, 2021).
Publications associées à la mise en œuvre du programme de rétablissement du putois d’Amérique au Canada
Environnement et Changement climatique Canada. 2016. Plan d’action visant plusieurs espèces en péril dans le sud-ouest de la Saskatchewan: South of the Divide [proposition]. Série de plans d’action de la Loi sur les espèces en péril. Environnement et Changement climatique Canada, Ottawa. xi + 143 p.
Kusch J.M., C.C. Matzke et J.E. Lane. 2020. Reproductive failure predicts intra-colony dispersal of female black-tailed prairie dogs (Cynomys ludovicianus) in a northern population. Western North America Naturalist 80:157–164.
Kusch, J.M. et J.E. Lane. 2021. Determinants of social structure in a northern population of black-tailed prairie dogs, Cynomys ludovicianus. Animal Behaviour 178:1-10.
Kusch J.M., S.E. Conway, A. Kapchinske et J.E. Lane. 2021. Reproductive phenology and seasonal mass dynamics of black-tailed prairie dogs (Cynomys ludovicianus) at their northern range limit. Canadian Journal of Zoology 99(4):257-268.
Liccioli, S., T. Stephens, S. C. Wilson, J. M. McPherson, L. M. Keating, K. S. Antonation, T. K. Bollinger, C. R. Corbett, D. L. Gummer, L. R. Lindsay, T. D. Galloway, T. K. Shury et A. Moehrenschlager. 2020. Enzootic maintenance of sylvatic plague in Canada’s threatened Black-tailed prairie dog ecosystem. Ecosphere 11(5): e03138. 10.1002/ecs2.3138
Agence Parcs Canada. 2011. Plague Mitigation Action Plan for the Black-tailed Prairie Dog Ecosystem. Parc national du Canada des Prairies.
Agence Parcs Canada. 2016. Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national du Canada des Prairies. Agence Parcs Canada, Ottawa. v + 63 p.
Agence Parcs Canada. 2021. Programme de rétablissement et plan d’action visant le chien de prairie (Cynomys ludovicianus) au Canada. Série de programmes de rétablissement en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Agence Parcs Canada, Ottawa. viii + 57 p.
Agence Parcs Canada. 2021. Rapport de mise en œuvre : Plan d’action visant des espèces multiples dans le parc national du Canada des Prairies (2016-2021). Série de rapports sur les plans d’action de la Loi sur les espèces en péril. Agence Parcs Canada, Ottawa. v + 42 p.
Stephens, T. et Lloyd, N. 2014. Preliminary Literature Review of Potential Tools to Enhance Prairie Dog Habitat and Populations, Part 1. Rapport préparé par le centre de recherche sur la conservation du Zoo de Calgary pour le parc national du Canada des Priaries.
Stephens, T., S. C. Wilson, F. Cassidy, D. Bender, D. Gummer, D. H. V. Smith, N. Lloyd, J. M. McPherson et A. Moehrenschlager. 2018. Climate change impacts on the conservation outlook of populations on the poleward periphery of species ranges: A case study of Canadian Black-tailed prairie dogs (Cynomys ludovicianus). Global Change Biology 24:836-847.
Thorpe, J. et T. Stephens. 2017. Development of Habitat Mapping and Decision Support Tool for Greater Sage-grouse and Black-tailed Prairie Dog. Saskatchewan Research Council Pub. No 13826-1E17.
Tuckwell, J. et T. Everest. 2009. Programme de rétablissement pour le putois d’Amérique (Mustela nigripes) au Canada. Série des programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Agence Parcs Canada, Ottawa. viii + 41 p.