Plan de gestion de la réserve nationale de faune de l’Île Portage : annexe 1


Annexe I : Histoire de la réserve nationale de faune de l’île portage

Le peuple Mi’kmaq vit dans la région de l’île Portage depuis des générations. À proximité, la collectivité de la Première Nation d’Eskinuopitijk (Burnt Church) a également une riche histoire de colonisation. Établi sur la rive de la rivière Miramichi, Metepenagiag (anciennement la Première Nation de Red Bank) est le plus vieux village du Nouveau-Brunswick puisque la présence humaine en ces lieux remonte à plus de 3 000 ans ( Allen, 1994 ).

Lorsque des pêcheurs français sont arrivés pour la première fois à l’embouchure de la rivière Miramichi, les Mi’kmaqs appelaient « Molaweeswayadik » (« l’endroit où se trouvent les Bernaches cravants ») l’île la plus vaste de la baie Miramichi ( Mitcham, 1986 ). On présume que l’île Portage a reçu son nom actuel parce que les Autochtones et les premiers colons français s’arrêtaient souvent sur l’île lors de leurs traversées de la baie ( Smethurst, 1774 ). Selon Perley (1852), les premiers poste de traite et établissement de pêche occupés toute l’année dans la baie Miramichi ont vu le jour sur cette île. De 1643 à 1647, Jean Jacques Enaud, natif des provinces basques de la France, possédait un établissement sur cette île pour chasser le morse (Odobenus rosmarus), faire le commerce des fourrures et pêcher. Le morse a été anéanti sur l’île Portage en partie à cause des activités d’Enaud.

Au cours du 19e siècle, la pêche au homard s’est rapidement développée, et les revenus se sont ajoutés à l’économie locale. Une petite installation de transformation du homard avait été établie sur l’île Portage, mais l’emplacement réel de l’installation est inconnu, et le site s’est peut-être érodé. Perley, décrivant la situation des pêches au Nouveau-Brunswick en 1852, a fourni les renseignements suivants :

Du côté nord de la baie Miramichi, à l’entrée de la rivière Miramichi, se trouve l’île Portage, qui porte le nom d’île Waltham sur quelques anciennes cartes. L’île fait environ quatre miles et demi de longueur et près de un mile de largeur à son extrémité sud-ouest. Elle rétrécit graduellement jusqu’à son extrémité nord-est, où elle se termine par une barre de sable longue et étroite.

Cette île n’a pas encore été concédée. Elle est peu élevée et sablonneuse, et elle est souvent entrecoupée de marais, de marécages et de petits lacs. Seule une portion de l’île est boisée; on y trouve des bouleaux mineurs, des pins arbustifs et des épinettes.

Près de l’extrémité nord-est de l’île Portage, quelques bâtiments ont été érigés il y a environ cinq ans. Les commodités nécessaires pour mettre le saumon et le homard dans des conserves fermées hermétiquement s’y trouvent. Cette station était occupée au cours de la

saison de 1849 par M. William J. Fraser, de Chatham, qui a pour la première fois installé des vigneaux et entrepris de sécher et de fumer de la morue et d’autres poissons pêchés à proximité.

Lorsque cet établissement a été visité en août dernier, le responsable était M. George Letson, qui a fourni les renseignements suivants à ce sujet.

La saison de la pêche au saumon et au homard était terminée. Un total de 2 200 livres de saumon et de 4 000 livres de homard ont été mis dans des conserves de 1 et 2 livres chacune. La quantité de homard pêchée était beaucoup moins élevée que d’habitude à cause de la prévalence du choléra aux États-Unis et de la baisse du marché américain.

Le saumon a été pêché autour de l’île et acheté frais auprès des pêcheurs par cet établissement à 3 pences la livre, avec une réduction de 10 % pour le nettoyage, pour un total de 3 livres et 5 shillings le baril. Les homards étaient principalement capturés par les habitants français du village voisin de Neguac, de qui ils ont été achetés à 2 shillings et 6 pences la centaine. Les homards étaient très abondants lors de la saison précédente, en particulier à Black Lands et à Tabusintac Gully. Ils étaient pêchés tellement facilement qu’un Français, Victor Savoy, a capturé à lui seul 1 200 homards en une demi-journée. De 20 à 25 hommes étaient employés à la mise en conserve durant la saison de pêche.

Jusqu’au 18 août, 700 quintaux de morue, de lotte et d’aiglefin ont été pêchés et fumés dans cet établissement, total auquel une quantité considérable devait s’ajouter avant la fin de la saison. Avant cette date, 33 embarcations servaient à la pêche à cette station, avec une moyenne de 3 hommes par embarcation. Il s’agissait principalement de colons venant des rivages voisins, qui utilisaient la période entre les semences et la récolte pour pêcher ( Perley, 1852, pages 28-29 [Traduction] )

Perley a également noté :

En quelques années, un établissement de pêche a été installé sur l’île Portage, à l’embouchure de la rivière Miramichi, et un autre, à l’embouchure de la rivière Kouchibouguac, pour y pêcher le homard et l’exporter dans des boîtes de conserve fermées hermétiquement. En 1845, pas moins de 13 000 boîtes de homard et de saumon ont été produites à l’île Portage. En 1847, près de 10 000 boîtes de conserve de homard, chacune contenant les meilleures parties de 2 ou 3 homards, et une tonne et demie de saumon frais dans des boîtes de 2 et de 4 lb ont été produites à Kouchibouguac. De cette façon, la conservation des homards peut seulement être limitée par la demande puisque la source est presque inépuisable. Le prix payé pour les homards à l’établissement de l’île Portage, au moment où l’auteur y est allé, était de 2 shillings et 6 pences (2 shillings sterling) par centaine. ( Perley, 1852, pages 20-21 [Traduction] )

En 1867, on a divisé l’île en 31 lots (prés) réservés principalement à la récolte de graminées indigènes pour permettre aux fermiers et aux pêcheurs de la terre ferme de nourrir le bétail (voir la figure 12). Cette année-là, les propriétaires ont récolté un total de 8,8 tonnes de foin et devaient verser des redevances à la Couronne de 5 livres et 10 shillings. Sur le plan botanique, l’île a été décrite comme étant principalement composée de graminées grossières très clairsemées, avec une bande étroite de bois le long de la bordure sud de l’anse Gammon Cove et une bande de petits bouleaux gris du côté est de cette même anse. Deux petites zones sont définies sous les noms de « Sand Hill » et de « Wet Bog ». On note aussi la présence de 3 étangs étroits, en forme de ruban, dont le plus méridional se nomme « Horn’s Brook ».

En raison de toute cette activité dans la baie Miramichi, il n’est pas étonnant que des groupes d’intérêts du secteur maritime voulaient prendre des mesures pour assurer le déplacement sécuritaire des marchandises. En 1869, un phare a donc été construit sur l’île Portage pour indiquer la partie nord de l’entrée principale de la baie Miramichi (voir la figure 13). Au moins huit gardiens de phare, souvent avec leur famille, sont restés sur l’île de 1869 à 1960 (voir le tableau 9). Le phare a plus tard été mis hors service et déplacé à l’Aquarium et Centre marin du Nouveau-Brunswick, à Shippegan, à des fins de préservation (voir la figure 14). Les feux d’alignement sont encore opérés par la Garde côtière canadienne (voir la figure 15).

Tableau 9 : Gardiens du phare sur l’île Portage ( rapport annuel du ministère de la Marine et des Pêches )
Année Gardien du phare
1869-1875 George Davidson
1875-1881 Hugh Murray
1881 Duncan Robertson
1881-1892 James Stymest
1892-1924 Peter Morrison, Jr.
1925-au moins 1930 J.W. Gratton
1930 Thomas LeBreton
1960 Venance Savoy

L’île Portage offrait un accès facile aux lieux de pêche, mais elle était également éloignée des collectivités côtières et isolées durant l’hiver. Les dunes de l’île n’ont jamais été adaptées à l’agriculture, et aucune colonie permanente ne s’y est établie. On ignore quand les activités de pêche décrites par Perley ont pris fin. Cependant, des entreprises semblables le long de la côte ont cessé à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle.

La Garde côtière canadienne a automatisé le phare en 1970, et les gardiens n’étaient alors plus nécessaires. L’île a ensuite été déclarée propriété excédentaire par le ministère des Transports, et le SCF a demandé un transfert des terres. L’île Portage a été officiellement transférée au SCF le 3 novembre 1970 par décret ( C.P. 1970-1932 ).

Aucun relevé archéologique officiel de l’île Portage n’a été effectué, mais on a déterminé les zones qui nécessitent un examen approfondi. Des sites importants mais non identifiés peuvent se trouver sur l’île en raison de l’histoire de la région; toutefois, les sables mobiles et l’érosion constante de l’île rendent difficile la survie de ressources archéologiques anciennes. L’emplacement de sites qui méritent un examen plus poussé est indiqué à la figure 11 ( MacKinnon, 1991 ).

  1. Excavations ou sous-sols : une série de fosses d’usage inconnue, d’une taille moyenne de 3 m par 3 m. Elles pourraient être liées aux activités de pêche décrites par Perley (1852).
  2. Excavation : une fosse de 4 m par 4 m située à environ 50 m de la plage. Un pin gris se trouvant dans cette fosse était âgé de 53 ans. L’érosion a maintenant détruit ce site.
  3. Digue : une crête basse de 40-50 m de long avec une rupture au milieu lie deux des dunes végétalisées le long de la côte nord-est de l’île, dans la baie Gammon Bay. La rupture pourrait avoir été l’emplacement d’un aboiteau. La digue est reliée au vieux sentier pédestre qui traverse l’île. Cet élément est lié au lot 14, attribué à M. Samuel Breau, comme l’indique une carte des lots datant du 19 septembre 1867 (voir la figure 12).
  4. Dépression peu profonde (1 m par 2 m) : D’un usage inconnu, elle se trouve sur une crête à l’est de la digue.
  5. Ancien sentier pédestre : depuis l’anse Gammon jusqu’au côté est de l’île Portage (voir la figure 16)
  6. Phare et résidence : le sous-sol et la fondation demeurent (figures 13 et 14).

D’autres sites d’importance seront étudiés lors de prochaines visites sur l’île, et les découvertes seront signalées à l’archéologue provincial des Services d’archéologie à Fredericton, au Nouveau-Brunswick.

Figure 11 : Éléments historiques de la réserve nationale de faune de l’Île Portage, dans la baie Miramichi, au Nouveau-Brunswick. L’érosion a fait disparaître certains sites. Les sites numérotés sont décrits ci-dessus.
Éléments historiques de la réserve nationale de faune de l’Île Portage
Carte : © Environnement Canada, 2014
Description longue pour la figure 11

Figure 11. Une carte historique de la réserve nationale faunique de l'Île Portage de l'emplacement des caractéristiques numérotées de 1 à 5, comme décrit dans le texte ci-dessus. L'échelle de la carte est en centaines de mètres. De plus amples détails se trouvent aux paragraphes précédents ou suivants.

Figure 12 : Lots (prés) de l’île Portage en date du 19 septembre 1867. La carte montre le lot 14 (appartenant à M. Samuel Breau) et la digue entre les dunes. Des vestiges de cet élément peuvent encore être observés (archives de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, à Halifax).
Lots (prés) de l’île Portage en date du 19 septembre 1867
Photo: © Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1867
Description longue pour la figure 12

Figure 12. Une carte historique dessinée à la main, d'une partie de l'île Portage avec des digues et des numéros de lots ont également été écrits à la main. De plus amples détails se trouvent aux paragraphes précédents ou suivants.

Figure 13 : Position du phare de l’île Portage, le 3 mars 1870 (archives de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, à Halifax, en Nouvelle-Écosse).
Position du phare de l’île Portage
Photo: © Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1870
Description longue pour la figure 13

Figure 13. Une carte historique de l'île Portage, de la Baie-de-Neguac et de Fox Island dans la Baie- de-Miramichi, désignée par une étoile, à l'extrémité sud de l'île Portage indique la position du phare. L’échelle de la carte est de 1 mille nautique à 1 pouce. La carte encadrée indique la position de l'île Portage par rapport à la côte du Nouveau-Brunswick. De plus amples détails se trouvent aux paragraphes précédents ou suivants.

Figure 14 : Station de phare sur l’île Portage en 1971; seules les fondations demeurent. La tour du phare a été mise hors service et déplacée à l’Aquarium et Centre marin du Nouveau-Brunswick, à Shippagan.
Station de phare sur l’île Portage en 1971
Photo : A. D. Smith © Environnement Canada
Figure 15 : Carte nautique de la réserve nationale de faune de l’Île Portage, dans la baie Miramichi, au Nouveau-Brunswick, illustrant la profondeur de l’eau en mètre. À cause de l’érosion côtière, le feu de signalisation IsoY4s se trouve maintenant sous la ligne des hautes eaux. Source : Service hydrographique du Canada, Pêches et Océans Canada, 1993.
Carte nautique de la réserve nationale de faune de l’Île Portage
Photo: Canadian Hydrographic Service © Minister of Fisheries and Oceans Canada, 1993
Description longue pour la figure 15

Figure 15. Une carte marine (carte) de l'île Portage entourée par les profondeurs des eaux en mètres et le positionnement des 3 feux d'alignement situé à l'extrémité sud de l'île. De plus amples détails se trouvent aux paragraphes précédents ou suivants.

Figure 16 : Ancien sentier pédestre au centre de la réserve nationale de faune de l’Île Portage.
Ancien sentier pédestre
Photo : C. MacKinnon © Environnement Canada

 

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