Plan de gestion de la réserve nationale de faune de la Pointe-du-Prince-Édouard : chapitre 2


2 Ressources écologiques

2.1 Habitats terrestres et aquatiques

Le comté de Prince Edward est situé dans l’écozone des plaines à forêts mixtes et se trouve à la limite de répartition d’un grand nombre d’espèces nordiques et méridionales. Avec son éventail de conditions locales et la présence d’une succession végétale continue, cet endroit abrite une riche diversité de types d’habitats dont dépendent une grande variété d’espèces sauvages, y compris des espèces en péril.

La réserve nationale de faune (RNF) de la Pointe-du-Prince-Édouard est constituée principalement de prés et de prairies avec des fourrés clairsemés ou denses d’arbustes (75 %), des terres élevées boisées (18 %), des milieux humides riverains et intérieurs (6 %), des échancrures littorales, ainsi que des plages de galets et des falaises (1 %) (figure 6). Entourée par la vaste étendue du lac Ontario, la topographie plane de la masse terrestre et la mince couche de sol qui recouvre le substrat rocheux permettent à tout un éventail de microhabitats d’exister à l’intérieur de la RNF (Gauthier, 1982).

L’inventaire préliminaire de la végétation terrestre (White, 2008) a révélé quatre communautés végétales distinctes : une falaise carbonatée non perturbée abritant des thuyas occidentaux, d’importance provinciale, le long de la rive nord-est de la RNF (cotée S3, ou rare en Ontario, par Bakowsky (1996)); un bois de caryer ovale et de clavalier d’Amérique sur sol calcaire sec à frais de type 1 dans le secteur nord-est de la RNF, dont l’état varie de moyen à bon, qui est peu perturbé et d’importance provinciale (coté S1, ou extrêmement rare en Ontario, par Bakowsky (2008)); une mosaïque de forêt de feuillus sur sol sec à frais et de forêt de feuillus de basse terre sur sol frais à humide, qui se présente en parcelles dans une grande partie de l’aire centrale de la RNF; et des prés marqués par l’activité humaine présents dans plusieurs secteurs de la RNF.

L’habitat terrestre à l’intérieur de la RNF est présentement constitué d’un mélange de végétation à divers stades de succession. La majeure partie de la RNF est constituée de vastes zones continues dominées par des graminées de prairie ou de pâturage (figure 6). Depuis les 30 dernières années, des arbustes, petits arbres et fourrés issus de la succession végétale reprennent possession des anciens pâturages. Les espèces communes dans ces fourrés comprennent le genévrier de Virginie (Juniperus virginiana), le cornouiller stolonifère (Cornus stolonifera) et le clavalier d’Amérique (Zanthoxylum americanum) (White, 2008).

Dans un stade de succession plus avancé, la forêt de terre haute domine la partie sud de la RNF, ainsi que leTraverse Point. Dans les secteurs de forêt de terre haute, les espèces dominantes sont le chêne à gros fruits (Quercus macrocarpa), le chêne rouge (Quercus rubra) et l’ostryer de Virginie (Ostrya virginiana). On trouve des plages de galets sur la rive sud qui est basse et rocheuse. Dans certains secteurs, la plage restreint l’écoulement de l’eau, ce qui crée des marais épars vers l’intérieur le long du littoral. De petits marécages boisés contenant du frêne noir (Fraxinus nigra) ou des cornouillers entourent généralement les marais le long de la rive sud.

La rive nord de la RNF est constituée de falaises calcaires. La partie nord-est de la RNF contient aussi un petit étang et des marais.

Plusieurs espèces végétales d’alvar se sont établies sur les sols minces et dans les dépressions peu profondes qui recouvrent le substrat rocheux plat, mais la RNF ne contient actuellement aucune communauté d’alvar bien développée.

Avec le temps, si une gestion active et continue n’est pas implantée (ou s’il n’y a pas de feu de forêt), il est probable que, du fait de la succession végétale, la croissance des arbustes et des arbres dans les prairies et les pâturages en régénération finisse par reboiser la majeure partie de la RNF. Environnement et Changement climatique Canada évalue présentement les avantages et la faisabilité de maintenir une superficie importante (jusqu’à 50 ha) de la RNF à l’état de prairie pour les oiseaux migrateurs et d’autres espèces de prairie.

Figure 6 : Habitat et couverture terrestre de la RNF de la Pointe du Prince Édouard
Carte : Environnement et Changement climatique Canada, Service canadien de la faune − Ontario, 2016
Map de habitat et couverture terrestre (voir longue description ci-dessous)
Description longue pour la figure 6

Carte montrant les différents types d'habitats et de couverts dans la réserve nationale de faune de la Pointe-du-Prince-Édouard. La petite section de la réserve est principalement composée de prairies ouvertes avec des petites parcelles de fourrés, de zones sèches forestières, de pâturages abandonnés, de marais et de marécages. La portion principale est principalement composée de pâturages abandonnés entourés de fourrés et de zones sèches forestières avec des parcelles de prairies ouvertes, de marais et de marécages. À l'intérieur des limites des deux sections de la réserve faunique se trouvent quelques petites propriétés privées. L'échelle de la carte est en kilomètres et la projection utilisée est Mercator transverse universel (zone 18N).

2.2 Espèces sauvages

À cause de l’emplacement de la Long Point Peninsula, un nombre spectaculaire de passereaux migrateurs convergent et se réunissent sur sa pointe nord-est. Durant le printemps et l’automne, la Prince Edward Point constitue une halte vitale pour beaucoup d’espèces d’oiseaux migrateurs, qui se servent de la zone pour se reposer et se nourrir afin d’accumuler les réserves de graisse nécessaires pour poursuivre leur migration, et trouver refuge pendant la mue post-reproduction qui les rend vulnérables (Mohr et Maltby 1982). La nourriture abondante et la diversité des habitats sont telles que la réserve peut soutenir et protéger de forts effectifs de nombreuses espèces différentes. Des oiseaux chanteurs, de la sauvagine, des oiseaux aquatiques et des rapaces nocturnes et diurnes sont au nombre des 334 espèces recensées depuis 1985. Au cours d’une année moyenne, on recense quelque 220 espèces migratrices. Sur les 114 espèces connues pour nicher dans la RNF ou à proximité, 68 espèces y nichent régulièrement, y compris l’engoulevent bois-pourri (Antrostomus vociferus), considéré menacé aux échelles nationale et provinciale (Okines, 2009).

De nombreuses espèces d’oiseaux chanteurs migrent périodiquement le printemps et l’automne, comme le roitelet à couronne rubis (Regulus calendula) (de 300 à 350 par année), le geai bleu (Cyanocita cristata) (400 par année), la paruline à tête cendrée (Dendroica magnolia) (300 par année) et la paruline à croupion jaune (Dendroica coronata) (plus de 500 par année) (Okines, communication personnelle, 2011). Il est possible de voir plus de 1 000 oiseaux dans une seule journée au cours de la période migratoire de pointe.

L’automne, des milliers de rapaces migrateurs nocturnes et diurnes profitent des prés et des zones arbustives pour chasser les rongeurs (Okines, 2009). La RNF est considérée comme un des meilleurs endroits de la province où observer la petite nyctale (Aegolius acadicus) au cours de sa migration automnale, durant laquelle elle quitte la forêt boréale vers le sud pour hiverner en Virginie-Occidentale. Le Point Edward Point Bird Observatory (PEPtBO) procède au baguage de la petite nyctale dans la RNF depuis 2000. En moyenne, de 700 à 750 petites nyctales passent par la RNF entre la fin de septembre et la fin d’octobre. Les plus grands nombres de petites nyctales baguées au cours d’une saison ont atteint 1 518 en 2007 et 1 022 en 2010 (Okines, communication personnelle, 2011).

Les oiseaux migrateurs d’automne communément bagués dans la RNF au cours de la dernière décennie comprennent le roitelet à couronne dorée (Regulus satrapa) (moyenne de plus de 850 par année), le roitelet à couronne rubis (moyenne de plus de 650 par année), le chardonneret jaune (Carduelis tristis) (moyenne de plus de 600 par année) et la paruline à croupion jaune (moyenne de plus de 250 par année) (Okines, communication personnelle, 2011).

En ce qui concerne les espèces de sauvagine migratrices qui utilisent les eaux profondes et les hauts fonds, la RNF contient plus de 1 % des populations mondiales de macreuses brunes, de fuligules milouinans et de hareldes kakawis. Les eaux littorales et les milieux humides offrent aussi un habitat à un éventail d’espèces de poissons d’eau chaude et d’eau froide comme l’achigan à petite bouche (Micropterus dolomieu), l’achigan à grande bouche (Micropterus salmoides), la perchaude (Perca flarescens) et le doré jaune (Stizotedion vitreum).

La RNF de la Pointe-du-Prince-Édouard constitue une halte importante sur la route migratoire du monarque. D’énormes regroupements s’y retrouvent, agrippés aux thuyas de la pointe sud-est de la péninsule à chaque automne, où ils attendent des vents favorables pour traverser le lac Ontario. On y constate aussi la présence en grands nombres d’odonates (demoiselles et libellules) en train de se nourrir l’automne dans les champs et à la lisière des bois, à la pointe de la péninsule (Kingston Field Naturalists, 1976).

Des petites chauves-souris brunes (Myotis lucifugus), des chauves-souris argentées (Lasionycteris noctivagans) et des chauves-souris rousses (Lasiurus borealis) ont été attrapées dans des filets japonais et entendues au moyen de détecteurs de chauves-souris à ondes décimétriques (Shorrock, 1977; Okines, 2009).

La RNF contient une diversité considérable de petits mammifères, mais les efforts de piégeage ont recensé des populations relativement faibles, attribuable en partie à la prédation importante par les rapaces migrateurs et par la couleuvre rayée de l’Est (Thamnophis sirtalis sirtalis), une espèce résidente (Shorrock, 1977; Sinden et Hodges, 1981).

Un inventaire récent des reptiles et des amphibiens a permis de recenser 16 espèces de serpents, de tortues et de grenouilles et une espèce de salamandre dans la RNF (Hamill, 2008). Il est estimé que la RNF héberge une des concentrations de couleuvres rayées de l’Est les plus importantes du sud-est de l’Ontario, alors qu’un seul site de 0,5 ha contient une population approximative de 77 individus (Burrows, 1981).

Peu de choses sont actuellement connues au sujet de la convenace des étangs et des marais pour les poissons et les autres espèces aquatiques, y compris les espèces en péril.

2.3 Espèces en péril

Trente-et-une espèces en péril inscrites à la Loi sur les espèces en péril (LEP) du gouvernement fédéral, ont été recensées dans la RNF de la Pointe-du-Prince-Édouard, dont 24 oiseaux, 4 reptiles, 1 amphibien, 1 plante et 1 insecte (tableau 3).

Outre les espèces protégées par la loi fédérale, un certain nombre d’espèces évaluées et désignées par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) ont été observées dans la RNF (tableau 3; COSEPAC, 2013) : l’hirondelle rustique (Hirundo rustica), le goglu des prés (Dolichonyx oryzivorus), la sturnelle des prés (Sturnella magna) et la grive des bois (Hylocichla mustelina), espèces désignées comme menacées; le bécasseau roussâtre (Tryngites subruficollis), le pioui de l’Est (Contopus virens) et le grèbe esclavon (Podiceps auritus), espèces désignées comme préoccupantes. Également recensé dans la RNF, le pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) et la guifette noire (Chlidonias niger), espèces classées comme préoccupantes au niveau provincial aux termes de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition de l’Ontario (tableau 3; Gouvernement de l’Ontario, 2012). L’annexe I fournit des liens pour obtenir des renseignements supplémentaires sur les lois fédérale et provinciale concernant les espèces en péril.

Il est à prévoir que de l’habitat essentiel, aux termes de la LEP, pourrait être désigné dans la RNF pour d’autres espèces en péril.

La plupart des espèces en péril observées dans la RNF le sont au cours de la période migratoire. À ce moment, la majorité des espèces sont susceptibles d’utiliser un plus vaste éventail d’habitats que durant la période de reproduction et sont donc plus tolérants à des conditions d’habitat variables. Sept espèces en péril sont connues pour se reproduire dans la RNF et nécessitent des conditions d’habitat beaucoup plus précises.

Tableau 3 : Espèces en péril dans la réserve nationale de faune de la Pointe du Prince Édouard
Espèce Noms commun et scientifique de l’espèce Loi sur les espèces en péril (LEP) a (Statut canadien) Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) b (Statut canadien) Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition (LEVD) c (État de l'Ontario)
Invertébrés Monarque
Danaus plexippus
Préoccupante Préoccupante Préoccupante
Amphibiens Rainette faux-grillon de l’Ouest
(population des Grands Lacs)
Pseudacris triseriata
Menacée Menacée Non classée
Reptiles <espèces sensibles> Menacée Menacée Menacée
Reptiles Tortue géographique
Graptempys geographica
Préoccupante Préoccupante Préoccupante
Reptiles Couleuvre tachetée
Lampropeltis triangulum
Préoccupante Préoccupante Préoccupante
Reptiles Tortue serpentine
Chelydra serpentina
Préoccupante Préoccupante Préoccupante
Oiseaux Moucherolle vert
Empidonax virescens
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Pygargue à tête blanche
Haliaeetus leucocephalus
Aucun statut Non en péril Préoccupante
Oiseaux Effraie des clochers (population de l’Est)
Tyto alba
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Hirondelle rustique
Hirundo rustica
Aucun statut Menacée Menacée
Oiseaux Guifette noire
Chlidonias niger
Aucun statut Non en péril Préoccupante
Oiseaux Goglu des prés
Dolichonyx oryzivorus
Aucun statut Menacée Menacée
Oiseaux Bécasseau roussâtre
Tryngites subruficollis
Aucun statut Préoccupante Non classée
Oiseaux Paruline du Canada
Cardellina canadensis
Menacée Menacée Préoccupante
Oiseaux Paruline azurée
Setophaga cerulea
Préoccupante En voie de disparition Menacée
Oiseaux Martinet ramoneur
Chaetura pelagica
Menacée Menacée Menacée
Oiseaux Engoulevent d’Amérique
Chordeiles minor
Menacée Menacée Préoccupante
Oiseaux Sturnelle des prés
Sturnella magna
Aucun statut Menacée Menacée
Oiseaux Engoulevent bois-pourri
Antrostomus vociferus
Menacée Menacée Menacée
Oiseaux Pioui de l’Est
Contopus virens
Aucun statut Préoccupante Préoccupante
Oiseaux Paruline à ailes dorées
Vermivora chrysoptera
Menacée Menacée Préoccupante
Oiseaux Bruant de Henslow
Ammodramus henslowii
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Paruline à capuchon
Setophaga citrina
Menacée Non en péril Non classée
Oiseaux Grèbe esclavon (population de l’Ouest)
Podiceps auritus
Aucun statut Préoccupante Préoccupante
Oiseaux Râle élégant
Rallus elegans
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Petit blongios
Ixobrychus exilis
Menacée Menacée Menacée
Oiseaux Pie-grièche migratrice de la sous-espèce migrans
Lanius ludovicianus migrans
En voie de disparition Dernière désignation : non active En voie de disparition
Oiseaux Paruline hochequeue
Parkesia motacilla
Préoccupante Menacée Préoccupante
Oiseaux Moucherolle à côtés olive
Contopus cooperi
Menacée Menacée Préoccupante
Oiseaux Faucon pèlerin de la sous-espèce anatum
Falco peregrinus anatum
Aucun statut Dernière désignation : non active Préoccupante
Oiseaux Pluvier siffleur de la sous-espèce circumcinctus
Charadrius melodus circumcinctus
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Paruline orangée
Protonotaria citrea
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Pic à tête rouge
Melanerpes erythrocephalus
Menacée Menacée Préoccupante
Oiseaux Bécasseau maubèche de la sous-espèce rufa
Calidris canutus rufa
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition
Oiseaux Buse à épaulettes
Buteo lineatus
Préoccupante Non en péril Non classée
Oiseaux Quiscale rouilleux
Euphagus carolinus
Préoccupante Préoccupante Non classée
Oiseaux Hibou des marais
Asio flammeus
Préoccupante Préoccupante Préoccupante
Oiseaux Grive des bois
Hylocichla mustellina
Aucun statut Menacée Préoccupante
Oiseaux Râle jaune
Coturnicops noveboracensis
Préoccupante Préoccupante Préoccupante
Oiseaux Paruline polyglotte de la sous-espèce virens
Icteria virens virens
Préoccupante En voie de disparition En voie de disparition
Mammifères Petite chauve-souris brune
Myotis lucifugus
En voie de disparition En voie de disparition En voie de disparition

a LEP (Loi sur les espèces en péril) : disparue, disparue du pays, en voie de disparition, menacée, préoccupante, non en péril (évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître) ou aucun statut (non évaluée).

b COSEPAC (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada) : disparue, disparue du pays, en voie de disparition, menacée, préoccupante, non en péril (jugée comme ne risquant pas de disparaître) ou données insuffisantes (l’information disponible est insuffisante pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou pout permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce).

c LEVD (Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition) : Classement provincial utilisant les codes provinciaux.

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