Plan de gestion de la réserve nationale de faune du Ruisseau-Portobello: chapitre 3


3 Menaces et défis relatifs à la gestion

Les défis à relever et les menaces auxquelles la réserve nationale de faune (RNF) du Ruisseau-Portobello est confrontée sont gérés dans le contexte de l’écosystème du cours inférieur du fleuve Saint-Jean et en harmonie avec la gestion de la zone naturelle protégée des Prés du Grand Lac, administrée par la province. Bien que les activités ayant lieu à l’extérieur des limites de la RNF dépassent la portée du présent plan de gestion, bon nombre d’entre elles ont des incidences directes sur la réussite de la gestion de la RNF.

3.1 Tourisme

L’écotourisme, en augmentation constante, tout en offrant de précieuses occasions de renseigner le public, ajoute des pressions supplémentaires sur les aires protégées expressément réservées d’abord aux espèces sauvages. Les différences qui s’estompent entre l’écotourisme et le tourisme d’aventure aggravent le problème des effets cumulatifs sur l’environnement. Lorsque les entreprises et les collectivités locales essaient d’attirer le secteur du touristime, des intérêts externes font la publicité des terres publiques et des aires protégées, comme la RNF du Ruisseau-Portobello, souvent sans tout à fait bien comprendre la réglementation qui régit leur protection. Les visiteurs d’endroits tels que la RNF du Ruisseau-Portobello peuvent ne pas toujours saisir les différences entre un parc (national, provincial, municipal) et une RNF. L’utilisation accrue par le public doit s’accompagner d’activités d’éducation du public afin que les objectifs de la RNF en matière de conservation soient atteints.

3.2 Pêche commerciale

La pêche de l’anguille d’Amérique est importante depuis longtemps dans les Maritimes (Eales, 1966; Cairns et al., 2008). La pêche commerciale de l’anguille d’Amérique dans le ruisseau Portobello peut avoir une incidence sur les populations locales de poissons, puisque des poissons d’espèces non ciblées (et probablement certains amphibiens) sont pris accessoirement et tués.

Le gaspareau (faux-hareng) du réseau du lac French, à l’embouchure du ruisseau Portobello, fournit un appât important pour la prise des homards. La pêche du gaspareau fait partie des pêches dans les « tributaires inférieurs du fleuve Saint-Jean » gérées par le ministère des Pêches et des Océans. Au total, la pêche du gaspareau du fleuve Saint-Jean dépasse les 1 000 tonnes par année et c’est la plus importante de la baie de Fundy. Les prises dans les « tributaires inférieurs du fleuve Saint-Jean » sont inférieures à la moyenne des années 1950 à 1999 depuis plus de 20 ans (ministère des Pêches et des Océans, 2002). Les conséquences biologiques globales d’un si gros prélèvement annuel de biomasse pour l’écosystème du ruisseau Portobello sont en bonne partie inconnues.

Figure 13 : Les majestueux chênes rouges, comme celui-ci en bordure du ruisseau Portobello, attirent les passionnés du plein air et sont pour eux une source d’inspiration.
Photo de les majestueux chênes rouges
Photo : C. MacKinnon © Environnement et Changement climatique Canada

3.3 Navigation de plaisance

Le ruisseau Portobello et les bras morts qui y sont reliés sont fréquentés par des chasseurs, des pêcheurs et des plaisanciers. La fragmentation actuelle de la RNF nuit à l’application de la réglementation sur les aires protégées dans les eaux libres. Une bonne partie du problème peut être atténuée par l’éducation, les personnes qui utilisent de puissants bateaux à moteur ne se rendant souvent pas compte des dommages que leur sillage peut causer aux plantes et aux animaux (figure 14). Les nids de certaines espèces, comme le plongeon huard et le fuligule à colliers sont particulièrement vulnérables et peuvent être inondés et perdus en raison de cette activité.

Figure 14 : Le sillon des bateaux à moteur puissants peut provoquer l’érosion des rives et inonder le nid des oiseaux qui nichent sur l’eau.
Photo de le sillon des bateaux à moteur puissants
Photo : © Environnement et Changement climatique Canada

3.4 Agriculture et foresterie

Les riches plaines d’inondation du fleuve Saint-Jean, associées à une longue saison de croissance, font de cette région une zone agricole importante de la province. De nombreuses fermes longent le fleuve et les parties les plus élevées et les mieux drainées de la plaine d’inondation sont cultivées. Là où l’altitude est peu élevée, poussent surtout des forêts de feuillus qui sont utilisées pour l’extraction du bois.

La production commerciale de la canneberge (Vaccinium macrocarpon), une espèce indigène, a considérablement augmenté au cours des dernières années au Nouveau-Brunswick et l’industrie s’est étendue dans la région de Sheffield à Maugerville (Keith, 2000). Ces aménagements sont formés de grands lits de croissance encerclés par une haute digue. Ces lits sont en général créés dans les basses terres et certaines des digues sont orientées perpendiculairement à l’écoulement habituel de l’eau (figure 15). Les effets cumulatifs globaux sur l’écosystème de la plaine d’inondation et la capacité de la RNF du Ruisseau-Portobello de recevoir le trop-plein pendant les crues extrêmes sont en grande partie inconnus.

Figure 15 : Grande exploitation de canneberges adjacente à la RNF du Ruisseau-Portobello sur le cours inférieur du fleuve Saint-Jean. La RNF se trouve à droite de la photo.
Photo de grande exploitation de canneberges
Photo : A. Kennedy © Environnement et Changement climatique Canada

3.5 Incidences des changements climatiques prévus

Le climat continuant de se réchauffer, les communautés végétales et animales locales pourraient ne pas avoir assez de temps pour réagir. Les aires comme la RNF du Ruisseau-Portobello, où les températures moyennes sont supérieures à celles de la province, pourraient être parmi les premières à voir la présence d’espèces plus méridionales. Par ailleurs, ces conditions climatiques peuvent accroître la présence d’insectes ravageurs dont le nombre est maîtrisé par des températures froides. Des températures plus chaudes ne sont pas toujours synonymes de moins de neige. Les changements climatiques pourraient provoquer des crues plus fréquentes et plus dommageables, d’où l’importance accrue de la plaine d’inondation du ruisseau Portobello pour la protection des collectivités avoisinantes.

3.6 Véhicules hors route

L’utilisation illégale de véhicules hors route (VHR), comme les véhicules tout-terrain, en particulier dans les régions où les terres humides abondent, constitue généralement un problème pour les gestionnaires et les propriétaires d’aires protégées. L’utilisation de VHR mène à la dégradation ou à la destruction du couvert végétal (Hosier et Eaton, 1980; Ross, 1992). Elle peut aussi entraîner le compactage du terrain et l’enlèvement de la couche supérieure du sol, et modifier le drainage, ce qui peut mener à la dégradation ou à la destruction du couvert végétal et de l’habitat pour la plupart des espèces animales de la région.

Le passage de VHR dans les ruisseaux et les terres humides mène à la destruction de l’habitat et à sa perte. Souvent, les plus gros dommages sont causés lorsque des conducteurs successifs, pour éviter une zone humide, font une série de nouvelles ornières parallèles à celle qui existait déjà. Les VHR sont, par conséquent, interdits dans la RNF du Ruisseau-Portobello.

3.7 Fragmentation de l’habitat

Les terres forestières acquérant de la valeur, des zones auparavant inaccessibles en viennent à être exploitées. Dans les terres privées du réseau du ruisseau Portobello, les arbres des forêts anciennes de la plaine d’inondation sont abattus à un rythme accéléré. Cela se fait grâce à la construction de routes qui traversent des terres auparavant intactes et de routes d’hiver sur des lacs et des terres humides gelés. Cependant, non seulement les processus biologiques sont résilients, mais ils sont aussi souvent mesurés à des échelles temporelles qui dépassent celles d’une vie humaine. Il faut espérer qu’il sera possible de remédier à la fragmentation de l’habitat dans la plaine d’inondation du ruisseau Portobello en poursuivant les acquisitions pour protéger cette réserve.

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2017-09-10