Plan de gestion de la réserve nationale de faune Tintamarre : chapitre 2
2 Ressources écologiques
2.1 Habitats terrestres et aquatiques
La réserve nationale de faune (RNF) Tintamarre contient une diversité unique de milieux humides dans une zone relativement petite (figure 10) [Harries, 1969; Malone, 1977; Spicer et al., 1995]. Délimitée entre un intérieur boisé et l'extrémité supérieure des terres endiguées du Tantramar, cette zone protège certains des derniers lacs, tourbières ombrotrophes et tourbières minérotrophes qui demeurent dans la région frontalière de Chignectou sans avoir été modifiés par des fossés ou des barrages. Les hautes terres, composées de forêts et de terres agricoles en culture et abandonnées, soutiennent également la diversité de la flore et de la faune.
La RNF Tintamarre et, à proximité, les 4 000 ha du marais Missaguash gérés par la province de la Nouvelle-Écosse et les terres de conservation de Conservation de la nature Canada, fournissent collectivement un corridor faunique presque continu tout au long de l'isthme étroit de Chignectou reliant la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Ce corridor est une route particulièrement importante qui peut être utilisée par les populations dispersées comme celle du lynx du Canada (Lynx canadensis) [MacKinnon et Kennedy, 2009] et l'orignal (Alces alces).
2.2 Espèces sauvages
2.2.1 Oiseaux
Plusieurs espèces de sauvagine, y compris la bernache du Canada (Branta canadensis), la sarcelle à ailes vertes (Anas carolinensis), le canard noir (Anas rubripes), le canard pilet (Anas acuta), la sarcelle à ailes bleues (Anas discors), le canard d'Amérique (Anas americana), le fuligule à collier (Aythya collaris), le canard branchu (Aix sponsa), le canard colvert (Anas platyrhynchos), et le canard souchet (Anas clypeata) se reproduisent régulièrement dans la RNF Tintamarre. L'évolution des zones humides et les travaux d'amélioration entrepris dans la RNF depuis 1967 ont permis d'enregistrer des augmentations importantes des populations de la sauvagine (Whitman, 1969; Whitman, 1971; Erskine, 1987).
Les zones humides d'eau douce de la RNF Tintamarre fournissent également un habitat important pour la migration printanière et automnale, et la phase de repos post-nuptial des espèces de sauvagine. Le nombre d'oiseaux présents atteint un maximum à la fin de l'été et au début de l'automne, soit environ un millier d'individus, y compris plusieurs espèces que l'on observe régulièrement. Les principaux oiseaux migrateurs et les principales espèces de sauvagines qui s'y reposent sont la sarcelle à ailes vertes, le canard noir, le canard pilet, la sarcelle à ailes bleues, le canard d'Amérique et le fuligule à collier.
Diverses espèces d'oiseaux des marais se reproduisent régulièrement dans la RNF Tintamarre, y compris le grèbe à bec bigarré (Podilymbus podiceps), le butor d'Amérique (Botaurus lentiginosus), le râle de Virginie (Rallus limicola), la marouette de Caroline (Porzana Caroline) et le troglodyte des marais (Cistothorus sp.) [Healy, 1976; Milton, 1977; Cash et al., 1981]. Le grèbe à bec bigarré et la marouette de Caroline, les espèces les plus abondantes (Healey, 1976), ont augmenté de particulièrement façon marquante à la suite de l'aménagement des bassins de retenue dont le niveau de l'eau est régulé (Erskine, 1992). On sait ou on présume que d'autres espèces, y compris le petit blongios (Ixobrychus exilis), la gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus), la foulque d'Amérique (Fulica americana) et la guifette noire (Chlidonias Niger) se reproduisent occasionnellement. Au moins deux ou trois couples de plongeons huards (Gavia immer) se reproduisent annuellement sur les lacs Jolicure.
Outre la sauvagine et les oiseaux des marais, une impressionnante diversité d'autres espèces se retrouve dans l'aire (Blacquierre, 1975; Hudson, 1978; Tingley, 1980a et 1980 b; Eskine et Smith, 1986). Les oiseaux forestiers, qui comprennent une variété de parulines, font de la RNF Tintamarre une destination fréquente pour les ornithologues amateurs. On peut également observer fréquemment de grands oiseaux de proie dans les parages, comme le pygargue à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus), le balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus), le busard Saint-Martin (Circus cyaneus), l'autour des palombes (Accipiter gentilis), l'épervier brun (Accipiter striatus) et la crécerelle d'Amérique (Falco sparverius). Les espèces plus discrètes comme le grand-duc d'Amérique (Bubo virginianus) et la chouette rayée (Strix varia) vivent également dans la zone.
2.2.2 Mammifères
Vingt-neuf espèces de mammifères sont présentes ou l'on s'attend à ce qu'elles le soient dans la RNF Tintamarre (Morton, 1980). Il s'agit notamment de toutes les espèces communes au Nouveau-Brunswick (Banfield, 1974). Les grands mammifères comme le cerf de Virginie (Odocoileus virginianus), l'orignal (Alces alces) et l'ours noir (Ursus americanus) s'y retrouvent communément. On observe fréquemment les mammifères des zones humides comme le castor (Castor canadensis) et le rat musqué (Ondatra zibethicus). Les petits mammifères communs, mais plus discrets, comprennent le grand polatouche (Glaucomys sabrinus), le campagnol des prés (Microtus pennsylvanicus), la musaraigne cendrée (Sorex cinereus), la grande musaraigne (Blarina brevicauda), la musaraigne palustre (Sorex palustris) et la taupe à nez étoilé (Condylura cristata) (Morton, 1980; Dawe, 2002).
La musaraigne des Maritimes (Sorex maritimenis) constitue un élément intéressant de la faune de la RNF. La distribution de cette espèce est passablement limitée dans les provinces maritimes. Toutefois, elle semble être relativement plus abondante dans la zone autour de l'entrée du bassin de Cumberland, y compris dans les RNF Tintamarre et de Chignecto (Morton, 1980; Dawe, 2002).
Le rat musqué est le mammifère le plus important de la RNF Tintamarre du point de vue de la gestion du site. La population de rats musqués dans la RNF a considérablement bénéficié de l'aménagement des zones humides et des améliorations réalisées. Un inventaire mené en décembre 1983 concernant les neuf ouvrages de retenue a dénombré 457 huttes de rats musqués, indiquant que la population de cette espèce dépassait vraisemblablement les 2 000 animaux. La population de rats musqués dans l'ensemble de la RNF pourrait doubler ou tripler un tel chiffre (Caron, 1976; Parker, 1984; Parker et Maxwell, 1984).
Le piégeage est autorisé dans la RNF, sous réserve de la réglementation provinciale, et il constitue un axe important de l'économie locale et de la gestion des populations de rats musqués, et de ses retombées sur les milieux humides de la RNF.
2.2.3 Reptiles et amphibiens
On estime que la faune des amphibiens et des reptiles de la RNF Tintamarre comprend la plupart des 16 espèces courantes dans la province, même si l'on n'a pas procédé à des inventaires détaillés (Brannen, 2004). Les espèces de serpents confirmées comprennent la couleuvre rayée (Thamnophis sirtalis), la couleuvre verte (Liochlorophis vernalis) et la couleuvre à ventre rouge (Storeria Occipitomaculata), tandis que les amphibiens fréquemment rencontrés comprennent la grenouille verte (Rana clamitans), la grenouille des bois (Rana sylvatica), le ouaouaron (Rana catesbeiana), la grenouille du Nord (Rana septentrionalis) et la grenouille léopard (Rana pipiens). Les salamandres sont un élément discret, mais abondant de la faune. Les espèces communes comprennent la salamandre maculée (Ambystoma maculatum), la salamandre cendrée (Plethodon cinereus) et la salamandre à points bleus (Ambystoma laterale).
2.2.4 Poissons
Les lacs et les cours d'eau à l'intérieur de la RNF Tintamarre accueillent un certain nombre d'espèces de poissons (Arbing et McIntyre, 1996). Les nombreux pêcheurs qui visitent la région apprécient l'omble de fontaine (Salvelinus fontinalis) et l'achigan à petite bouche (Micropterus dolomieui) ; ce dernier ne se retrouve que dans le lac Long. Il est également possible de capturer d'autres espèces comme la perchaude (Perca flavescens) et le baret (Morone americana).
Trois espèces de poissons diadromes se retrouvent dans RNF Tintamarre : l'omble de fontaine mentionné précédemment, ainsi que l'anguille d'Amérique (Anguilla rostrata) et legaspareau (Alosa pseudoharengus).
Les autres poissons couramment rencontrés dans la RNF sont le mené jaune (Notemigonus crysoleucas), la barbotte (Ameiurus nebulosus), l'épinoche à neuf épines (Pungitius pungitius) et le meunier noir (Catostomus commersoni) [Hanson, 1993].
2.3 Espèces en péril
Le tableau 4 présente la liste des espèces en péril qui ont été observées dans la RNF Tintamarre. Parmi celles-ci, le petit blongios (Ixobrychus exilis) et le hibou des marais (Asio flammeus), indiqués comme comme espèces menacées ou préoccupantes, se reproduisent vraisemblablement dans la RNF.
| [Espèce] | Noms commun et scientifique de l'espèce | Statut Canada LEP Note du tableaua |
Statut Canada COSEPAC Note du tableaub |
Statut Nouveau-Brunswick Cote provinciale Note du tableauc |
Présence ou potentiel de présence Note du tableaud |
|---|---|---|---|---|---|
| Oiseaux | Hirondelle rustique Hirundo rustica |
Aucun statut | Menacée | Aucun statut | Confirmée |
| Oiseaux | Goglu des prés Dolichonyx oryzivorus |
Aucun statut | Menacée | Aucun statut | Confirmée |
| Oiseaux | Martinet ramoneur Chaetura pelagica |
Menacée | Menacée | Aucun statut | Probable |
| Oiseaux | Engoulevent d'Amérique Chordeiles minor | Menacée | Menacée | Aucun statut | Confirmée |
| Oiseaux | Petit Blongios Ixobrychus exilis |
Menacée | Menacée | Aucun statut | Probable |
| Oiseaux | Sturnelle des prés Sturnella magna |
Aucun statut | Menacée | Aucun statut | Potentielle |
| Oiseaux | Hibou des marais Asio flammeus |
Préoccupante | Préoccupante | Aucun statut | Confirmée |
| Poissons | Anguille d'Amérique Anguilla rostrata |
- | Préoccupante | - | Confirmée |
| Arthropodes | Monarque Danaus plexippus |
Préoccupante | Préoccupante | Aucun statut | Confirmée |
2.4 Espèces envahissantes
À la suite d'une aussi longue histoire d'occupation humaine, on retrouve un certain nombre de plantes non indigènes dans la RNF Tintamarre (Spicer et al., 1995). Un grand nombre de ces plantes ont été introduites et sont associées aux terrains d'habitations anciennes et maintenant abandonnées. Même si certaines d'entre elles peuvent survivre très longtemps en un seul endroit, elles ne se propagent pas toujours à d'autres endroits et ne sont pas considérées comme envahissantes. Quelques-unes d'entre elles, comme le nerprun bourdaine (Rhamnus frangula), le roseau commun (Phragmites communis [et P. australis]), la salicaire pourpre (Lythrum salicaria), et l'alpiste roseau peuvent être envahissantes, et leur dissémination peut exiger certaines mesures de contrôle ou éradications (White et al., 1993).