Plan de gestion de la réserve nationale de faune Tintamarre : chapitre 3
3 Menaces et défis relatifs à la gestion
La gestion des défis et des menaces qui pèsent sur la réserve nationale de faune (RNF) Tintamarre s'effectue dans le contexte plus vaste des écosystèmes de la partie supérieure de la baie de Fundy et de l'isthme de Chignectou. Les activités qui se déroulent à l'extérieur des limites de la RNF dépassent le champ d'application du présent plan de gestion. Toutefois, nombre de ces facteurs ont une incidence directe sur la saine gestion dela RNF Tintamarre. Un sommaire des questions les plus saillantes se trouve ci-dessous.
3.1 Énergie éolienne
L'isthme de Chignectou représente une zone importante pour les oiseaux et la RNF Tintamarre, avec sa diversité de milieux humides servant d'habitats, est une aire de concentration pour la reproduction et la migration des oiseaux. La construction de parcs éoliens pour la production d'électricité risque de nuire directement aux oiseaux. En fait, les changements potentiels de la trajectoire de vol des oiseaux autour de ces exploitations représentent la plus grande inconnue ; ce qui pourrait remettre en cause la valeur de l'habitat protégé. Une proposition de parc éolien est actuellement examinée (2012) pour les marais de Tantramar et d'Aulac, et un autre parc est déjà aménagé sur les terres endiguées adjacentes à la RNF de John Lusby près d'Amherst, en Nouvelle-Écosse. Des études sont en cours, mais l'inquiétude se justifie, puisque certains oiseaux migrateurs connus pour survoler la RNF Tintamarre, comme l'eider à duvet (Erskine et Smith, 1986), s'écrasent parfois dans les structures artificielles érigées sur les terres endiguées du Tantramar (MacKinnon et Kennedy, 2011).
3.2 Tourisme
Bien qu'il offre souvent au public de précieuses occasions d'éducation, l'écotourisme en croissance constante intensifie les pressions sur les aires protégées qui sont spécifiquement réservées à la protection de l'habitat au bénéfice de la faune. La frontière souvent floue entre l'écotourisme et le tourisme d'aventure ajoute au problème des effets environnementaux cumulatifs. Lorsque les collectivités et les entreprises locales tentent d'attirer des revenus touristiques, des intérêts externes font parfois la publicité des terres publiques et des zones protégées comme la RNF Tintamarre en tant que destinations, souvent sans avoir une connaissance complète de la réglementation qui encadre la protection d'une aire. Les visiteurs de sites comme la RNF Tintamarre ne saisissent pas toujours la distinction réglementaire entre un parc et une RNF. Invariablement, l'amélioration de l'accès et de l'usage public s'effectue au détriment de la faune, et il est difficile de revenir sur ces concessions, après coup. Pour soutenir une augmentation des visites touristiques dans cette aire protégée, il faudrait obtenir des ressources supplémentaires en financement pour le personnel et l'infrastructure.
3.3 Véhicules hors route
L'utilisation illégale des véhicules hors route (VHR), comme les véhicules tout-terrain (VTT), en particulier dans les régions où les terres humides abondent, entraîne la perte d'habitat ainsi que la dégradation ou la destruction du couvert végétal. Elle laisse des traces durables dans le paysage (Hosier et Eaton, 1980; Ross, 1992). De plus, le passage de ces véhicules peut aussi entraîner le compactage du terrain et l'enlèvement de la couche supérieure du sol, et modifier le drainage, ce qui peut mener à la dégradation ou à la destruction du couvert végétal et de l'habitat pour la plupart des espèces animales de la région.
Le passage de VHR dans les ruisseaux et les terres humides mène à la destruction de l'habitat et à sa perte. Certaines portions de la tourbière à sphaigne et des landes humides àéricacées de la RNF Tintamarre, particulièrement dans la zone des lacs Grassy Hole, portent de telles cicatrices (figure 13). Souvent, les plus gros dommages sont causés lorsque des conducteurs successifs, pour éviter une zone humide, font une série de nouvelles ornières parallèles à celles qui existaient déjà. Les VHR sont, par conséquent, interdits dans la RNF Tintamarre.
3.4 Camping et feux À ciel ouvert
Le camping sauvage, généralement accompagné par des feux à ciel ouvert et de dommages à la végétation, représente un problème. Les déchets produits par le camping et laissés sur le terrain peuvent aussi présenter un danger pour les espèces sauvages (figure 14). Les feux en plein air dans l'habitat boisé, surtout pendant les mois secs de l'été, sont plus préoccupants. Les forêts de la RNF Tintamarre jouxtent un certain nombre de propriétés privées et de résidences, et un feu illégal représente un danger tant pour l'habitat protégé que pour les propriétés privées. L'éloignement des lacs et des cours d'eau dans la RNF et leur accessibilité limitée compliqueraient l'extinction d'un incendie, s'il venait à se produire.
3.5 Contexte des changements climatiques prévus
Au cours du prochain siècle, l'élévation prévue de un mètre du niveau de la mer est susceptible d'entraîner une augmentation des inondations des zones basses (Shaw et al., 1998). Les digues qui protègent la plupart des terres agricoles autour du bassin de Cumberland sont conçues pour les conditions existantes et exigeraient d'importantes modifications pour résister à une élévation du niveau des marées et des ondes de tempête. Des brèches dans les digues littorales, comme cela est arrivé dans le passé, provoqueraient l'inondation des marais en contrebas de la RNF Tintamarre. L'intrusion de volumes importants d'eau salée dans les milieux humides d'eau douce entraîne la destruction rapide de la flore et de la faune non tolérantes au sel.
Les digues littorales existantes protègent non seulement les terres agricoles, mais d'importantes infrastructures du Tantramar, y compris la route Transcanadienne, la voie ferrée du Canadien National et les lignes de transport d'électricité à haute tension entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
3.6 Espèces envahissantes
Les plantes, comme le nerprun bourdaine (Rhamnus frangula), le roseau commun (Phragmites communis [et P. australis]), la salicaire pourpre (Lythrum salicaria) et l'alpiste roseau peuvent être envahissantes, et la propagation de ces espèces peut dicter certaines mesures de contrôle ou l'éradication (White et al., 1993).
3.7 Passe à poissons
De nombreuses espèces de poissons au Canada atlantique sont diadromes, et passent une partie de leur cycle de vie en eau douce et une autre en mer. La capacité à surmonter les obstacles à la migration diffère selon les espèces de poissons. Il a été récemment démontré que la conception des structures permettant le passage de poissons, précédemment approuvées par Pêches et Océans Canada (MPO), ne permettait pas le passage de nombreuses espèces de poissons (Roscoe et Hinch, 2010). La passe à poissons du lac Front a été construite vers 1965 et sa conception comprend des bassins et des barrages incluant des élévations de 30 cm entre les bassins. Cette passe à poissons fait partie d'une structure de régulation des eaux qui gère le niveau d'eau dans le lac Front et régule le flux à partir d'un bassin versant de 26 km². Cette passe s'est avérée être un obstacle à la migration du gaspareau, même si des espèces comme l'anguille d'Amérique et l'omble de fontaine peuvent la franchir (Andrews, 2014).