Le soin des objets en céramique ou en verre
Judith A. Logan et Tara Grant
Le soin des objets en céramique ou en verre fait partie de la ressource Web Lignes directrices relatives à la conservation préventive des collections. Cette section présente les principaux aspects dont il faut tenir compte pour prendre soin des objets en céramique et en verre dans les collections patrimoniales, en fonction des principes de la conservation préventive et de la gestion des risques.
Table des matières
- Comprendre la nature des objets en céramique ou en verre
- Causes des dommages aux objets en céramique ou en verre et stratégies de conservation préventive
- Exemples de pratiques de conservation préventive
- Bibliographie et lectures recommandées
Liste des abréviations
- HR
- humidité relative
- ICC
- Institut canadien de conservation
- format de document portable
- UV
- ultraviolet
Comprendre la nature des objets en céramique ou en verre
La céramique et le verre sont souvent considérés comme étant inertes. Tous deux sont composés de matériaux qui ont été altérés par la chaleur, mais leur composition variable influe sur leur solidité et leur stabilité. De plus, les objets en céramique ou en verre peuvent avoir été modifiés, au cours de l'histoire, par certains usages ou en raison de leur milieu d'enfouissement.
La céramique
Composition de la céramique
Les types de céramiques sont aussi variés que les cultures et les personnes qui les ont créés. En général, la céramique est composée d’argile cuite contenant des inclusions d’autres matériaux non plastiques, appelés « dégraissants », qui réduisent la rétraction de la céramique et permettent aux gaz de s’échapper pendant la cuisson de cette dernière. Ces inclusions sont habituellement constituées de céramique déjà cuite et concassée (chamotte), de silex, de cendres volcaniques ou de sable quartzeux. La température de cuisson de la céramique dépend du type d’argile utilisé et influe sur ses propriétés physiques, telles sa porosité et sa dureté. Le terme « pâte » est utilisé pour décrire le corps argileux de la céramique, lequel contient les inclusions. Parfois, des glaçures ou des barbotines sont présentes; elles servent à imperméabiliser ou à décorer la pâte. Il est également possible de combiner différents types de finitions de surface.
Plus la céramique est cuite (c'est-à-dire plus la température de cuisson est élevée), plus elle sera résistante à son environnement. Elle sera toujours cassante, mais plus résistante à l'eau. La porosité de la pâte, le type de finition de surface obtenu et, dans une certaine mesure, la couleur de la céramique indiquent la température de cuisson. Les céramiques faites à base de pâtes colorées (en général, de couleur chamois, rouge ou rouge-gris) sont cuites à une température inférieure à la température de cuisson des céramiques composées de pâte blanche.
Finitions en céramique
Glaçures
Les céramiques ne comportent pas toutes une glaçure. Ces dernières sont ajoutées à titre d’éléments décoratifs et pour imperméabiliser la surface d’une céramique. Une glaçure (aussi appelée « émail ») est une couche de verre qui se forme à la surface d’une pâte de céramique. Le type de glaçure appliqué sur une pâte céramique doit partager les mêmes taux de dilatation et de contraction thermiques que cette pâte. Les glaçures sont composées de silice et de fondants, lesquels abaissent le point de fusion de la silice et permettent ainsi à ce mélange de fusionner avec la pâte d’argile pendant la cuisson. Les fondants sont le plus souvent des oxydes de plomb, de sodium ou de potassium. La température à laquelle les glaçures se forment doit être égale ou inférieure à la température optimale de cuisson de l’argile.
Les glaçures constituent le type de finition le plus couramment utilisé sur les céramiques européennes et asiatiques. Les céramiques dont la température de cuisson est la plus élevée sont les porcelaines authentiques, composées d’une pâte blanche et non poreuse et d’une glaçure dont la composition est très semblable à celle de cette même pâte (figures 1a et 1b). La glaçure des porcelaines de Chine, qualifiée de « feldspathique », semble être complètement intégrée à la pâte. La glaçure et la pâte fusionnent si bien avec la porcelaine pendant la cuisson qu’il devient très difficile de les distinguer.
Les grès (ou grès cérames) sont un type de céramique ayant une température de cuisson presque aussi élevée que celle de la porcelaine authentique. Leur pâte est non poreuse et d’une couleur tendant souvent vers le gris. Les glaçures qui les recouvrent sont habituellement faites à partir de l’argile même de la pâte. C’est le cas des « glaçures au sel » ou des « glaçures à la cendre ». Le sel et les cendres de bois contiennent des fondants qui font fusionner la silice avec les minéraux de l’argile sur les surfaces d’argile nues, ce qui crée une couche superficielle très fine mais résistante. Les glaçures au sel sont caractérisées par leur surface en « peau d’orange » ou formée de creux. Les pots en grès ont été utilisés comme contenants d’entreposage en raison de leur résistance aux dommages causés par l’eau et les produits chimiques.
Les types de céramiques européennes les plus présents dans les collections des musées canadiens comportent une glaçure formée à partir d’un mélange de silice et d’oxydes de plomb. On trouve ce type de glaçure clair ou coloré sur les poteries d’argile brute ainsi que sur des céramiques plus précieuses, comme les faïences fines, les faïences à pâte siliceuse et les terres cuites fines à décor imprimé (figures 2a et 2b). Les glaçures plombifères (c’est-à-dire à base de plomb) sont cuites à une température basse à modérée, et leur stabilité dépend de leur teneur en plomb et en silice. Les glaçures en plomb peuvent être endommagées par les aliments et boissons acides. De plus, étant donné que ces glaçures sont moins dures que celles de la porcelaine et des grès cérames, elles présentent souvent des égratignures si l’objet a été beaucoup utilisé ou manipulé. Les glaçures plombifères peuvent aussi laisser apparaître un léger faïençage (un réseau de petites craquelures) à leur surface (figure 3).
À l'opposé de la porcelaine, en termes de température de cuisson, se situent les terres cuites comportant une glaçure stannifère (c'est-à-dire à base d'étain). Ces terres cuites sont composées d'une pâte peu dure et poreuse et sont recouvertes d'une glaçure peu rigide, opaque et blanche qui, parfois, fusionne peu avec la céramique qu'elle recouvre. L'opacité de la glaçure est due à l'ajout d'oxyde d'étain à une glaçure plombifère de couleur claire. Les objets comportant ce type de glaçure sont appelés « faïence », « faïence de Delft », « majolique » ou « faïence stannifère ». Des motifs décoratifs aux couleurs lumineuses sont souvent peints et cuits sur la glaçure blanche (figure 4).
On peut décorer davantage une céramique glaçurée en ajoutant des ornements en dessous ou en dessus de la glaçure. Les éléments décoratifs recouvrant une glaçure sont plus susceptibles de s’endommager que ceux disposés sous cette même glaçure. Un bon exemple est la dorure sur vaisselle, qui peut être endommagée par abrasion en raison d’un usage répété.
Barbotine
La barbotine est un revêtement composé d’argile liquide (c’est-à-dire de l’argile délayée dans de l’eau) appliqué sur une céramique non cuite. Bien qu’elle forme d’habitude une couche distincte de la pâte qu’elle recouvre, la barbotine doit avoir des propriétés compatibles avec les paramètres de cuisson de l’argile de cette pâte. On peut appliquer une barbotine en trempant une pièce non cuite dans de l’argile liquide ou en faisant couler des traits ou des gouttes d’argile liquide sur la pâte. La plupart du temps, on créé les motifs décoratifs en appliquant diverses combinaisons de barbotines liquides de couleur différente (aussi appelées « engobes ») ou en grattant des motifs dans l’engobe. Les barbotines peuvent être naturellement lustrées ou recouvertes d’une glaçure.
Polissage
Le polissage ou le lissage d'une surface d'argile humide a pour effet d'aligner les particules d'argile les unes aux autres et produit une mince couche de finition légèrement brillante pendant la cuisson de l'objet. Les surfaces polies sont habituellement rouges ou noires en raison de la présence d'oxydes de fer dans l'argile (figure 5).
Peinture
Des motifs décoratifs ont parfois été peints sur la céramique après la cuisson. La peinture utilisée dans ce cas consiste en des pigments ou en de l’argile colorés mélangés à un matériau liant. Ces types de finitions s’endommagent facilement. Le terme « peinture » décrit également les motifs peints à la main, puis cuits sur la céramique, recouverts ou non d’une glaçure.
Façonnage d'un objet en céramique
Il existe de nombreuses méthodes pour façonner un pot ou un objet avec de l’argile : le coulage d’argile liquide dans un moule poreux, le tournage, le colombinage et le battage, le pinçage, le modelage de petits ou de gros morceaux d’argile, le pressage de blocs d’argile dans des moules et le sculptage. Au moment de manipuler des objets en céramique, il faut garder à l’esprit que ce ne sont pas tous les objets de ce type qui ont été fabriqués d’un seul tenant. Les anses, les becs et les motifs décoratifs moulés sont habituellement ajoutés à un récipient préalablement fabriqué. Ces éléments sont fixés au récipient au moyen d’argile liquide avant d’être cuits (figure 6).
Cuisson de la céramique
Pendant la cuisson de l’argile, la structure cristalline des minéraux qui la constituent subit des transformations. Chaque type d’argile a une température optimale de cuisson, c’est-à-dire une température à la laquelle l’argile durcit ou se fritte sans toutefois s’affaisser. Dans le cas de la porcelaine ou des grès cérames, les minéraux d’argile se transforment et fusionnent les uns aux autres pour former une matrice transparente qui donne à ces céramiques l’aspect vitrifié qui les caractérise. Toutes les argiles se contractent pendant la cuisson.
Les tons de rouge, de gris et de chamois des terres cuites sont dus aux oxydes de fer qu'elles contiennent, lesquels changent de couleur en fonction de la concentration en oxygène dans l'air ambiant. La teneur en oxygène influe également sur la couleur des glaçures, étant donné que les oxydes métalliques donnent à ces dernières leurs couleurs.
La plupart des céramiques glaçurées sont cuites à haute température dans des fours à céramique dans lesquels la température et la teneur en oxygène peuvent être régulées. Les céramiques cuites à basse température pourraient l’avoir été dans des fours ou foyers mal contrôlés, dans lesquels la température de cuisson et la teneur en oxygène ont été peu surveillées. Il est donc possible de trouver des objets comportant des portions mal cuites et des parties trop cuites. Les poteries à basse température peuvent être endommagées par l’eau.
Le verre
Le verre est un solide amorphe (non cristallin) composé d'un réseau de silice lié à d'autres éléments, comme des fondants et des stabilisants (figures 7a et 7b). Il est extrêmement difficile de faire fondre la silice en raison de son point de fusion très élevé. On y ajoute donc des fondants afin d'abaisser le point de fusion. Les fondants les plus utilisés sont la soude (oxyde de sodium) et la potasse (oxyde de potassium) ou un mélange des deux. On utilisait auparavant un stabilisant, la chaux (oxyde de calcium), pour rendre le verre plus dur et insoluble dans l'eau.
Parmi les types de verre les plus courants figurent ceux-ci :
- Le verre sodo-calcique : fabriqué à partir de silice fondue avec du sodium et de la chaux (oxyde de calcium) en proportions variables. Le verre sodo-calcique est léger et est la forme de verre la plus fabriquée depuis l'Antiquité.
- Le verre de potasse : fabriqué à partir de silice fondue avec du potassium et de la chaux en proportions variables. Ce type de verre est légèrement plus dense mais moins résistant à l’usure que le verre sodo-calcique. Le verre de potasse était courant en Europe entre le Moyen Âge et le XIXe siècle en raison de la rareté des sources locales de soude.
- Le verre à mélange d’alcalis : combinaison de sodium, de potassium et de chaux en proportions variables. Ce type de verre est également moins résistant à l’usure que le verre sodo-calcique.
- Le cristal au plomb : contient des oxydes de plomb (oxyde de plomb[II]) qui remplacent la chaux. Leur teneur atteint souvent 20 % à 30 %. Bien que sa structure ne soit pas cristalline, ce type de verre est nommé ainsi en référence au cristal de roche, et ce, en raison de son indice de réfraction élevé, qui explique l’éclat et la clarté du cristal au plomb. En outre, ce dernier est beaucoup plus lourd que le verre sodo-calcique. Le plomb a pour effet d’abaisser le point de fusion et, ainsi, de faciliter la fusion, le modelage, la coupe et l’ornementation de ce type de verre. Cependant, il est peu résistant à l’usure et se raye facilement (figure 8).
Les adjuvants ou impuretés à base de fer, de cuivre, de manganèse ou de cobalt donnent au verre sa couleur. Certains objets en verre sont ornés de dorures, de gravures à l'eau-forte ou de motifs sculptés.
Pendant la fabrication des objets en verre, le verre est travaillé alors qu'il est semi-fondu et élastique. L'amorphisme de l'objet obtenu dépend de la vitesse de refroidissement du verre, laquelle doit être surveillée attentivement par le verrier. Les objets en verre doivent être recuits ou réchauffés immédiatement après avoir été modelés de façon que le produit final présente les propriétés physiques recherchées.
Causes des dommages aux objets en céramique ou en verre et stratégies de conservation préventive
Les principaux dangers auxquels sont exposés les objets en céramique ou en verre sont les forces physiques. La céramique et le verre peuvent être facilement cassés, ébréchés ou égratignés. Si les objets en céramique ou en verre sont stables, ils seront alors très peu sensibles aux effets d’autres agents de détérioration, comme l’humidité relative (HR) ou la lumière.
Il existe un petit nombre d’objets en céramique ou en verre plus sensibles que les autres aux agents de détérioration. Alors que l’HR n’a, en principe, aucun effet néfaste sur la céramique, la pénétration de produits chimiques, comme des sels, dans un objet peut le rendre instable lorsque l’HR varie. Des objets en céramique ou en verre peuvent présenter des défauts de fabrication, pouvant devenir apparents longtemps après la production de ces objets. Les objets archéologiques peuvent s’avérer plus fragiles que les autres en raison de la dissolution de certains composants lorsqu’ils sont enfouis. Étant plus fragiles et plus exposés à certaines formes de détérioration, les objets de ce type peuvent requérir des soins particuliers qui visent à éviter la dégradation.
Ci-dessous figurent les agents de détérioration à prendre en considération dans le cas des objets en céramique ou en verre.
La céramique
Les principaux agents de détérioration de la céramique sont :
- les forces physiques;
- l'eau;
- les polluants;
- une humidité relative inadéquate;
- les défauts de fabrication.
Forces physiques
Les forces physiques sont le principal facteur de détérioration de la céramique. Les objets en céramique sont, en effet, réputés fragiles (figure 9). Les anses, les becs et les motifs décoratifs moulés sont particulièrement susceptibles de s'endommager. Ces éléments sont fixés à l'objet en céramique à l'aide d'argile liquide avant la cuisson. Souvent, les joints ne sont pas solides et, parfois, les anses sont mal fixées et attachées à l'objet au moyen d'une simple couche de glaçure.
Les objets en céramique peuvent porter des traces d'usure, comme des égratignures ou des craquelures dans la glaçure (figure 10), des motifs décoratifs abîmés en dessus de la glaçure et, parfois, un écaillement de la glaçure. Les objets d'art en céramique ne présentent généralement aucune marque d'usure de ce genre. Certaines œuvres décoratives en céramique peuvent contenir des matériaux non céramiques, comme du papier, de la peinture ou des laques. Ces matériaux sont susceptibles de s'endommager si l'objet n'est pas manipulé ou nettoyé correctement.
Les éléments décoratifs appliqués à la surface des glaçures risquent davantage de se détériorer que ceux situés sous ces dernières. Les dorures sur la vaisselle, par exemple, peuvent facilement s’abraser sous l’effet d’usages répétés ou si l’on manipule ou nettoie la vaisselle sans prendre de précautions. De plus, les motifs ornementaux peints sur les céramiques cuites s’endommagent facilement.
Les zones réparées des objets en céramique cassés sont plus fragiles. Les signes de réparations incluent les résidus d'adhésifs, les traits de colle, les agrafes ou les rivets métalliques (figure 11) et les comblements ou les surpeints. Les réparations occupent une place importante dans l'histoire d'un objet et devraient être documentées.
Eau
Habituellement, lorsque survient une inondation dans un musée, l’eau qui y pénètre est souillée et contient des saletés dissoutes pouvant s’infiltrer dans les céramiques de type poreux; elle peut aussi entraîner l’apparition de taches dans les glaçures en s’introduisant dans des fissures. Cela se produit également avec la céramique archéologique enterrée dans un sol humide ou mouillé (figure 12). Les céramiques cuites à faible température, c’est-à-dire à moins de 600 °C, peuvent se déformer ou se désintégrer si elles sont trempées dans l’eau. Les dégraissants solubles dans l’eau, comme le gypse contenu dans la céramique poreuse, peuvent se dissoudre. L’eau peut également endommager les matériaux servant à réparer un objet en céramique, comme le plâtre ou les adhésifs. Les vieilles réparations peuvent céder ou subir des changements de couleur ou des gonflements.
Polluants
Dans un environnement poussiéreux ou pollué, la céramique se salit si elle n’est pas protégée contre les particules environnantes. Si la saleté n’est pas retirée de la surface des objets en céramique, en particulier ceux constitués de céramique poreuse, cuite à basse température ou non recouverte d’une glaçure, des taches peuvent apparaître. La saleté peut également se loger dans les fissures ou les zones réparées et entraîner des changements de couleur inesthétiques. Il est important d’empêcher le dépôt de poussière ou de saleté sur les objets en céramique, car leur manipulation, à des fins d’époussetage ou de nettoyage, les expose à un risque accru de dommages. Des taches peuvent se former tant dans la pâte que dans la glaçure en raison de la présence de matériaux ayant été absorbés par l’objet au cours de l’utilisation de l’objet ou, dans le cas d’un objet archéologique, pendant l’enfouissement. Le sel, le fer et l’huile sont des contaminants fréquents. Le fer forme des taches inesthétiques de couleur rouille ou noir bleuté difficiles à enlever, alors que l’huile forme des taches gris foncé. Les céramiques contenant du sel peuvent subir des dommages physiques sous l’effet d’une cristallisation récurrente du sel si l’HR ambiante varie (pour en savoir davantage, consulter Agent de détérioration : humidité relative inadéquate). Dans le cas des céramiques archéologiques ou ethnographiques, les restes de nourriture ou les marques de brûlure noires, qui peuvent donner des indications sur les usages historiques des objets, doivent être conservés.
Humidité relative inadéquate
Habituellement, l’HR n’a aucun effet néfaste sur les collections d’objets en céramique, car les matériaux dont ils sont constitués ne sont pas sensibles à l’HR ambiante. Cependant, lorsque celle-ci est élevée (supérieure à 65 %), des moisissures peuvent se former à la surface de la céramique en raison de la présence, même en quantités infimes, de résidus de saleté, d’huile ou de nourriture. Les objets en terre cuite sont davantage exposés au risque de développer des moisissures en raison de leur porosité. Consulter Agent de détérioration : humidité relative inadéquate, qui présente un tableau indiquant le taux de croissance des moisissures selon le taux d'humidité.
Une HR élevée peut ramollir les adhésifs sensibles à l’eau utilisés lors de réparations et peut, lorsqu’elle dépasse 75 %, les fragiliser suffisamment pour que les fragments collés risquent de se détacher.
L’HR est plus problématique, en revanche, dans le cas des céramiques contaminées par des sels. Lorsque le taux d’HR dépasse un certain seuil critique, les sels tombent en déliquescence (c’est-à-dire qu’ils absorbent suffisamment d’humidité pour former une solution) et, plus tard, ils se cristallisent lorsque le taux d’HR descend sous ce même seuil critique. Pendant la phase de séchage et de cristallisation, la solution de sel se déplace vers la zone d’évaporation, et les cristaux se développent au point de faire exploser la structure poreuse. La céramique s’écaille alors (figures 13a, 13b, 13c et 14).
Les sels solubles les plus souvent rencontrés sont les chlorures présents dans l’eau de mer, l’urine, le sang, les acides, les agents de blanchiment, les produits de tannerie et le sel alimentaire; les nitrates présents dans la matière organique en décomposition, l’urine et la poudre à canon; et les phosphates présents dans les cendres provenant de fours à céramique. Les sels purs de chlorure ou de nitrate tombent en déliquescence (c’est-à-dire qu’ils deviennent liquides parce qu’ils absorbent l’humidité ambiante) lorsque l’HR est comprise entre 70 % et 76 %. Cependant, les mélanges de sels solubles dans l’eau tombent en déliquescence à des valeurs d’HR bien inférieures à ces dernières (consulter Rörig-Dalgaard, 2014); l’HR devrait donc être maintenue bien en dessous de cet intervalle. Des expériences ont montré que des mélanges de sel tombent en déliquescence dès que l’HR atteint 53 %. Par précaution, il est donc préférable que le taux d’HR demeure en dessous de 50 %. Les variations de l’HR au-dessus et en dessous d’un seuil critique qui provoquent la déliquescence et la recristallisation des sels sont une cause importante de l’endommagement des céramiques et doivent être évitées.
L’écaillement touche souvent les céramiques archéologiques provenant d’environnements salins, mais il peut également se produire sur des objets non archéologiques qui contenaient des solutions salines, en particulier sur ceux dont la surface est craquelée, dépourvue de glaçure ou recouverte d’une glaçure de mauvaise qualité. Les pots de chambre, sur lesquels on peut souvent observer l’écaillement de la glaçure au fond du pot, en sont un bon exemple.
Défauts de fabrication
Pendant la fabrication d’objets en céramique, certains éléments peuvent être endommagés en raison de mauvaises manipulations effectuées au cours du modelage, du glaçurage ou de la cuisson. Si les défauts de fabrication sont majeurs, le fabricant peut se débarrasser de l’objet. Les céramiques sont classées selon leur qualité : celles de qualité supérieure sont les plus chères, celles de « seconde catégorie », qui présentent des imperfections mineures, sont meilleur marché. Le Canada, en tant que colonie britannique, achetait les objets en céramique produits par les manufactures situées en Grande-Bretagne, et une grande partie de la vaisselle en céramique exportée vers les colonies n’était pas de première qualité. Les erreurs ou négligences commises pendant la fabrication pouvaient se traduire par des anses et des becs mal fixés, des microfissures dans la pâte, des motifs décoratifs mal cuits sur la glaçure, des glaçures peu stables, des marques laissées dans la glaçure pendant la cuisson au four, des zones dépourvues de glaçure ou des pièces difformes. Il faut prendre en considération ces défauts lorsque de tels objets sont manipulés dans les collections muséales, étant donné que ces derniers peuvent être plus sensibles aux forces physiques, à l’eau ou aux polluants.
Le verre
Dans le contexte d’un musée, le verre de bonne qualité est plutôt inerte. L’eau présente dans l’atmosphère constitue la principale menace. Une humidité excessive peut entraîner la dissolution de la silice, notamment dans le cas de verres de piètre qualité. Un petit nombre de verres sont réputés chimiquement instables. Des expériences consistant à produire du verre parfaitement transparent et plus facile à travailler ont conduit à réduire la teneur en chaux (oxyde de calcium) dans le verre, alors que la présence de cette dernière est essentielle du fait qu’elle stabilise le verre. Ces verres instables sont qualifiés de « verres gercés » (présence de gerçures) ou de « verres suintants » (présence de suintement). Parmi les verres instables figurent également certains verres archéologiques, dont l’enfouissement provoque souvent un suintement plus ou moins important. Ces verres sont plus sensibles aux agents de détérioration.
Les principaux agents de détérioration du verre sont :
- les forces physiques;
- l'eau;
- les polluants;
- la lumière et le rayonnement ultraviolet;
- une humidité relative inadéquate.
Forces physiques
Tout comme la céramique, le verre est fragile, et la forme la plus fréquente de dommage est la rupture. Étant donné que le verre est amorphe, une fois qu'une fissure se forme dans le verre, elle tend à se propager en raison de l'absence de cristaux, dont les surfaces pourraient arrêter sa progression. Lorsqu'il est brisé, le verre est soumis à une certaine déformation élastique. Par conséquent, il est difficile de réassembler avec précision les morceaux de verre d'un objet cassé.
Les lignes de rupture du verre sont particulièrement visibles en raison de sa transparence. Même après une réparation de qualité professionnelle, ces lignes resteront visibles (figure 15). Le verre brisé doit être réparé à l'aide d'adhésifs stables dont la couleur change peu au fil du temps. En outre, il est possible d'utiliser des adhésifs dont l'indice de réfraction correspond à celui du verre à réparer, et ce, afin que le trait de colle soit peu visible dans des conditions normales d'éclairage. Consulter S. Koob (2006, p. 48) et J. Down (2015) pour en savoir davantage sur les adhésifs utilisés sur les objets en verre et les correspondances entre les indices de réfraction des adhésifs et des verres.
Les zones réparées d'objets en verre qui ont été brisés seront plus fragiles. Les traces de résidus d'adhésifs, les traits de colle et les comblements sont tous des signes qu'un objet a été réparé. Les réparations occupent une place importante dans l'histoire d'un objet et devraient être documentées.
Eau
Étant donné qu'ils sont non poreux, les verres historiques sont peu sensibles à l'eau à court terme. Cependant, dans le cas de verres archéologiques mis au jour sur des sites humides (où le pH est inférieur ou égal à 9), on observera le suintement des composés alcalins du verre et des reflets irisés à la surface de ce dernier. Cette irisation s'explique par l'interférence de la silice résiduelle avec la lumière lorsque celle-ci traverse le verre. Les verres archéologiques très dégradés présentent de nombreuses couches de verre iridescentes et fragiles, ou « pelures d'oignon », qui s'écaillent ou s'émiettent au toucher. Ce type de verre est trop fragile pour être nettoyé (figure 16). Les verres mis au jour sur des terrains dont le pH est très alcalin (c'est-à-dire supérieur à 9) perdent la silice qu'ils contiennent et leur surface semble ébréchée.
Les verres très endommagés, comme le verre archéologique, sont poreux et peuvent absorber non seulement l'eau (provenant de fuites, d'inondations, etc.), mais également les saletés, minéraux ou résidus organiques dissous dans l'eau, ce qui entraîne la formation de taches ou des dommages physiques (figure 15). Pour en savoir davantage sur les effets de l'eau sur le verre, consulter Humidité relative inadéquate.
La surface interne des récipients en cristal au plomb, comme les carafes, qui contiennent des liquides, a souvent tendance à s'opacifier. Ce type de détérioration est souvent dû à l'utilisation de l'objet. Le plomb suinte à la surface du verre et celle-ci s'opacifie. Les liquides laissés pendant de longues périodes dans des récipients en cristal au plomb peuvent être contaminés par le plomb et ainsi devenir toxiques.
Polluants
Tout comme la céramique, lorsqu’il se trouve dans un environnement poussiéreux et pollué, le verre se salit s’il n’est pas protégé contre les particules présentes dans cet environnement. La poussière, même en faible quantité, sera visible à la surface transparente du verre, ce qui le rendra inesthétique. Il est donc beaucoup plus prudent de prévenir le dépôt de poussière à la surface du verre que d’attendre et de devoir envisager ultérieurement le nettoyage et l’époussetage de cette même surface. En effet, de telles opérations ne sont pas toujours prudentes ou recommandées, et nécessitent toujours la manipulation des objets, ce qui accroît donc inutilement les risques de dommages physiques.
Étant donné que le verre dégradé a le potentiel d'attirer l'humidité, la poussière et la saleté peuvent adhérer plus facilement à sa surface fragilisée. Il est alors extrêmement difficile de les enlever sans causer de dommages. Par ailleurs, la poussière et la saleté sont hygroscopiques et favorisent l'accumulation d'humidité à la surface des objets, ce qui peut contribuer à leur détérioration (pour en savoir davantage, consulter Humidité relative inadéquate).
Lumière et ultraviolet
Certains types de verre ont été teints à l'oxyde de manganèse pour paraître incolores. S'ils sont exposés aux rayons ultraviolets (UV), ces verres peuvent devenir violets. S'ils contiennent une petite quantité d'arsenic et de sélénium, ils prennent une coloration brune. Ce changement de couleur est appelé « solarisation ». Cette coloration est parfois considérée comme esthétique, bien qu'elle ne soit pas d'origine. La solarisation se produit uniquement après de longues expositions à un rayonnement UV de forte intensité. Le risque de solarisation est faible dans les musées, où l'éclairage est faible ou modéré et où le rayonnement UV est filtré. Cela dit, les adhésifs servant à réparer le verre peuvent subir des changements de couleur lorsqu'ils sont exposés à la lumière et aux rayons UV.
Humidité relative inadéquate
La plupart des objets en verre dans les collections sont stables et peuvent être entreposés en toute sécurité à un taux d’HR compris entre 40 % et 50 % (Koob, 2006, p. 133). Les variations de l’HR doivent être évitées. Cependant, dans le cas des verres instables, il est nécessaire de surveiller de près l’atmosphère dans laquelle ils sont conservés afin de ralentir leur dégradation naturelle. La stabilité chimique du verre dépend de sa teneur en stabilisants. Les verres contenant moins de 4 % de chaux (oxyde de calcium) sont très sensibles à l’humidité. Le sodium présent en excès dans le verre sodo-calcique absorbe directement l’humidité de l’air pour former de l’hydroxyde de sodium, une base forte qui dissout ensuite la silice contenue dans le verre. Il s’agit d’une réaction cyclique, puisqu’en se dissolvant, la silice libère du sodium qui alimente la réaction. Il en résulte que le verre devient trouble, et sa texture savonneuse au toucher (figures 17a et 17b). Lorsque l’HR est élevée, il se produit un suintement. La surface du verre devient alors humide et se couvre de gouttelettes. Si le verre est nettoyé dès l’apparition des premiers signes de détérioration, on peut éliminer la couche trouble qui couvre la surface, et le verre peut redevenir transparent. Cependant, au fil du temps, à mesure que le verre se dégrade, les dommages deviennent permanents, et cette couche ne peut plus être retirée. Le suintement de la silice entraîne la formation de très petites fissures dans le verre. Il est donc essentiel de surveiller attentivement l’HR dans le cas des verres instables. Le sodium tombe en déliquescence lorsque l’humidité atteint 42 %. En conséquence, pour éviter la dégradation des verres gravement endommagés, il est indispensable de maintenir l’HR sous ce seuil. Néanmoins, lorsque l’HR est inférieure à 30 %, ces verres se dessèchent (se déshydratent) et s’opacifient au fur et à mesure que se forme un réseau de fines craquelures. Ce phénomène, parfois appelé « formation de gerçures », est irréversible.
Le verre à base de potasse est particulièrement sensible aux suintements. Si un verre instable est exposé à la lumière directe du soleil, l’HR dans le voisinage de l’objet chutera considérablement en raison d’une augmentation localisée de la température, ce qui aura pour effet de dessécher le verre et de provoquer des gerçures. De même, il faut éviter que les dispositifs d’éclairage produisent un excès de chaleur dans les vitrines d’exposition, car cela peut également entraîner le dessèchement et la gerçure du verre. S’il n’est pas conservé dans des conditions d’HR stable, le verre gercé peut finir par se désintégrer.
Le verre stable peut lui aussi subir ce type de dégradation s’il est entreposé dans des conditions d’HR très élevée. Les microclimats qui apparaissent dans les espaces clos, comme l’intérieur des carafes, des façades d’horloge, des daguerréotypes placés sous verre ou des œuvres d’art encadrées, forment souvent des environnements humides pouvant favoriser la gerçure du verre. La poussière et les autres types de polluants attirent l’humidité et peuvent donc également causer ce type de détérioration. Les dépôts alcalins, présents sur les perles de verre et dont le pH est supérieur ou égal à 10, peuvent endommager les textiles et éléments de cuir auxquels ces perles sont cousues ainsi que les fils qui les maintiennent fixées à l’objet qu’elles ornent. Ces perles peuvent alors se détacher et l’on risque ainsi d’en perdre. Pour voir un exemple de ce type de détérioration, consulter Détérioration des perles de verre ornementales.
Stratégies générales de conservation préventive des objets en céramique ou en verre
Les objets en céramique ou en verre sont appréciés pour leur valeur esthétique, qu'ils soient utilitaires ou d'abord conçus comme des œuvres d'art. Les détériorations qu'ils subissent, comme les brisures, les ébréchures, les fêlures et les égratignures, peuvent les rendre moins attrayants. Les risques de dommages peuvent être réduits grâce à des techniques appropriées de manipulation, de mise en réserve et de présentation.
Les objets en verre et en céramique soupçonnés de contenir des sels devraient être isolés et traités séparément afin de recevoir une protection environnementale et de mise en réserve renforcée contre les risques potentiels de détérioration physique ou chimique.
Manipulation et mise en réserve
Les objets en céramique ou en verre doivent être manipulés avec précaution. Ils peuvent être endommagés s'ils tombent par terre, s'ils heurtent une surface dure ou s'ils chutent d'une étagère. Lors des manipulations, des déplacements ou du nettoyage, les objets sont exposés à un risque de dommages très élevé.
Recommandations
Les objets en céramique et en verre doivent être manipulés avec soin et bon sens.
- Manipuler les objets uniquement lorsque c’est nécessaire.
- Manipuler les objets avec une extrême précaution et préparer à l'avance tous leurs déplacements pour éviter de les briser.
- Porter les objets en plaçant une main directement sous leur centre de gravité, tout en les stabilisant et en les immobilisant avec l'autre main.
- Se laver les mains avant de manipuler un objet afin d'éviter de déposer des substances grasses et des sels à sa surface. Ne pas utiliser de crème pour les mains au moment de manipuler un objet.
- Ne pas porter de gants lorsqu'on manipule un objet, car ceux-ci peuvent être glissants, en particulier les gants de coton. Dans le cas des verres instables, qui requièrent le port de gants, il faut utiliser des gants de nitrile pour éviter d'exposer ces verres à l'humidité ou aux sels présents sur les mains.
- Ne jamais saisir les objets par leurs anses ou leur bec, car ces éléments peuvent se briser (figure 18).
- Faire attention aux pièces non fixées, comme les couvercles, car elles peuvent tomber par terre et se briser pendant la manipulation.
Pour obtenir davantage de recommandations, consulter La manipulation des objets patrimoniaux.
Les contenants de mise en réserve munis d’un rembourrage intérieur et les espaces fermés, y compris les armoires de rangement et les vitrines d’exposition, protègent ces objets fragiles contre les dommages physiques, la saleté et la poussière. Pour mettre en réserve des objets en toute sécurité, il faut respecter les consignes suivantes :
- Protéger tous les objets de la poussière pour réduire la fréquence de leur nettoyage.
- Placer les objets sensibles à l'eau dans des contenants étanches.
- Ne pas empiler les objets, car ils pourraient s'abraser ou s'endommager en raison du poids excessif.
- Protéger les objets à l'aide de matériaux de rembourrage pour les immobiliser et éviter qu'ils touchent les objets avoisinants et qu'ils s'abrasent (figures 19, 20 et 21).
- Protéger les objets allongés ou instables à l'aide de supports ajustés afin d'éviter qu'ils basculent et se brisent.
- Avant de déplacer les objets fragiles en céramique ou en verre, les placer dans des boîtes dont l'intérieur est rembourré pour les immobiliser et éviter qu'ils se touchent.
Conditions ambiantes
Les objets en céramique ou en verre en bon état sont généralement solides et supportent habituellement bien les conditions ambiantes à l'intérieur des musées. Les objets en céramique ou en verre instables, comme les céramiques contaminées par le sel ou les verres qui se décomposent, doivent être, quant à eux, conservés dans des conditions précises.
Recommandations
- Ne pas exposer directement les objets à la lumière du soleil et réduire les niveaux d'exposition aux UV des objets sensibles à ce type de rayonnement (par exemple, en filtrant la lumière qui pénètre dans les musées ou en entreposant les objets dans des lieux sombres).
- Éviter d’exposer les objets à des sources de chaleur ou à des températures froides, car ces conditions peuvent entraîner d’importantes variations de l’HR potentiellement néfastes pour les objets. Pour la même raison, éviter les variations de températures.
- Le verre doit être conservé à un taux d’HR compris entre 40 % et 50 % (Koob, 2006, p. 133). Entreposer le verre instable, en particulier s’il est à risque de suinter ou de gercer, à un taux d’HR de 40 % et s’assurer que les variations sont minimes. Des valeurs d’humidité plus élevées accroissent le risque de suintement. Éviter d’exposer le verre à une HR inférieure à 30 %, car cela entraîne des gerçures irréversibles (Koob, 2006, p. 130).
- Mettre en réserve les objets en céramique susceptible d’être contaminée par le sel dans un environnement stable dont les paramètres varient peu. L’HR doit se situer entre 40 % et 50 % et ses variations doivent être minimes, particulièrement les variations causant des pics élevés d’HR.
- Dans le cas des objets instables se trouvant dans des lieux où l’HR n’est pas strictement surveillée, il est possible de contrôler rigoureusement cette dernière en créant un microclimat au moyen d’un contenant de protection clos et isolé (par exemple, dans le cas du verre instable, à l’aide de gel de silice conditionné pour que l’HR se maintienne entre 30 % et 40 %). Voici quelques façons de créer un microclimat : isoler l’objet dans une vitrine d’exposition à atmosphère contrôlée au sein d’une grande pièce; envelopper l’objet et le sceller dans une boîte; ou ensacher l’objet hermétiquement et le ranger dans un meuble de rangement bien clos.
Exemples de pratiques de conservation préventive
Cette section présente des exemples pratiques relatifs au soin des objets en céramique ou en verre.
Céramiques thuléennes cuites à basse température
Les céramiques thuléennes provenant de l'Arctique ont été cuites à très basse température. En raison de la rareté du bois de chauffage, la plupart des pots thuléens ont lentement séché et durci au contact d'un feu. Ces pots sont imparfaits et ont tendance à s'effriter. De grandes quantités de dégraissants organiques ont également été ajoutées à l'argile afin d'en faciliter le modelage, d'éviter qu'elle se fissure en cours de séchage et de faire en sorte qu'elle supporte les cycles de chauffage-refroidissement auxquels sont exposés les pots servant à la cuisson des aliments. En raison de leur mode de fabrication, les céramiques cuites à basse température étaient très perméables à l'eau et difficiles à chauffer à cause de l'eau qui s'infiltrait dans la céramique et qui en refroidissait la surface. Les Thules ont résolu le problème en enduisant la surface interne de leurs céramiques de sang et de graisse de phoque. Il ne faudrait jamais nettoyer les céramiques thuléennes, car cela pourrait provoquer la dissolution de l'argile et éliminer les restes de sang et de graisse de phoque. La consolidation de ces objets doit uniquement être effectuée par un restaurateur, et seulement après avoir consulté un archéologue, car un tel traitement peut interférer avec les analyses scientifiques ultérieures. En raison de la fragilité de ces objets, des supports de mise en réserve bien adaptés sont nécessaires. Ces supports doivent avoir une base solide pour pouvoir être soulevés et transportés. Ils doivent également soutenir les objets de chaque côté. En outre, ils doivent permettre de limiter les manipulations des objets en céramique (figures 22a à 22g).
Détérioration de perles de verre ornementales
L’exemple qui suit concerne un manteau ayant appartenu à un chef micmac et datant de 1841. Ce vêtement est fait de laine doublée de soie et orné de petites perles de verre de différentes couleurs. Les perles bleu clair présentent les symptômes typiques du suintement et de la gerçure que l’on observe sur les perles de verre de fabrication médiocre figures 23a et 23b). Ces perles en verre instable sont le résultat d’une préparation approximative du verre. En raison de sa trop faible teneur en fondant à la chaux (oxyde de calcium) par rapport à sa teneur en composants alcalis (sodium ou potassium), le verre est instable et donc sensible à l’humidité de l’air. Celle-ci est absorbée par les alcalins présents en excès dans le verre lorsque l’HR atteint ou franchit le seuil de 42 %. Quand l’HR prend des valeurs plus élevées, l’eau commence à suinter à la surface du verre sous forme de gouttelettes fortement alcalines (pH supérieur ou égal à 10) qui dissolvent la silice contenue dans le verre (Koob, 2006, p. 118). Cette solution alcaline attaque également les matériaux organiques avoisinants en dissolvant les fils qui traversent les perles et en décolorant le tissu auquel elles sont attachées (figure 23c). Étant donné que la nature hygroscopique du tissu en laine et du coton crée des conditions encore plus favorables à la détérioration du verre, la détérioration est encore plus accentuée autour des trous au centre des perles par lesquels passent les fils (figure 23d).
Le verre de mauvaise qualité présente des problèmes inhérents à sa facture qu’il est presque impossible de corriger. Le principal remède contre sa détérioration consiste à contrôler l’HR, de préférence en enfermant l’objet détérioré dans un contenant à l’intérieur duquel il est possible de créer un microclimat. L’HR doit être strictement contrôlée. Si elle atteint ou franchit le seuil de 42 %, le sodium et le potassium présents dans le verre pourront tomber en déliquescence (Davison, 2003, p. 315). À l’inverse, si l’HR passe sous la barre des 30 %, le verre se dessèche et des gerçures (un réseau de fines craquelures) se forment irrémédiablement (Koob, 2006, p. 127). Dans le cas des perles de verre gravement détériorées, un contrôle encore plus étroit de l’HR peut s’avérer nécessaire. Il s’est avéré que les perles ornant le manteau micmac de la figure 23d ont continué à se détériorer, quoique beaucoup plus lentement qu’auparavant, même à une HR de 37 %. Il est recommandé de retirer les substances alcalines qui recouvrent le verre aux premiers stades de la formation de gerçures. Cependant, si l’HR n’est pas strictement contrôlée, le verre continuera à se dégrader. Les produits alcalins utilisés pour le nettoyage, comme le savon ou les détergents, peuvent endommager davantage le verre s’ils ne sont pas complètement éliminés.
Bibliographie et lectures recommandées
Bibliographie
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Rörig-Dalgaard, I. « Determination of the Deliquesce Point in Double Salts and in In-situ Multicomponent Salts with DVS Equipment » (format PDF) (en anglais seulement),dans Proceedings of the 3rd International Conference on Salt Weathering of Buildings and Stone Sculptures, KIK-IRPA, 2014, p. 223-236.
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Williams, N. Porcelain Repair and Restoration: A Handbook, 2e éd. révisée par L. Hogan et M. Bruce-Mitford, Philadelphie (Pennsylvanie), University of Pennsylvania Press, 1993.
Lectures recommandées
Buys, S., et V. Oakley. Conservation and Restoration of Ceramics, Londres (Royaume-Uni), Butterworths, 1993.
Koob, S. Conservation and Care of Glass Objects, New York (New York), Archetype, 2006.
National Park Service. « Appendix P: Curatorial Care of Ceramic, Glass, and Stone Objects » (format PDF) (en anglais seulement), NPS Museum Handbook, Part 1, Washington (D.C.), National Park Service, 2000.
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2018
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