Conservation des vestiges fauniques mouillés : os, boise de cervidé et ivoire – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 4/3

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La Note de l'ICC 4/3 fait partie de la quatrième série des Notes de l'ICC (Conservation achéologique et sur le terrain)

Mise en garde :
Dans cette Note, il est question de mesures qui auront des incidences sur l'aspect matériel de l'objet, ou de procédés qui exigent l'utilisation de produits chimiques. Il faut donc agir avec prudence et, en cas de doute, demander l'aide d'une personne compétente.

Introduction

Lorsqu'ils sont déterrés pour la première fois, les vestiges fauniques sont souvent humides ou mouillés. Avant de pouvoir en faire l'examen ou de les entreposer dans une collection de recherche, il faut donc les sécher. Les spécimens intacts d'os, de bois de cervidé et d'ivoire peuvent être traités par un non-spécialiste. Dans le cas des spécimens détériorés, par contre, les conseils d'un restaurateur peuvent s'avérer nécessaires. Dans cette Note, on traite des façons d'évaluer l'état des objets en osNote en fin de texte 1 et on en expose les méthodes de préservation.

Évaluation des spécimens

Déterminer d'abord s'il s'agit d'un objet en os, en bois de cervidé ou en ivoire (consultez le 6/1 des Notes de l'ICC : Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé). L'ivoire, qui est fait de couches multiples, est plus dense que l'os ou le bois de cervidé et, au séchage, il court davantage de risques de se fissurer ou de se délaminer.

Déterminer ensuite l'état de la matière. La dureté de sa surface en est une bonne indication. Pour vérifier, presser doucement la surface de l'os à plusieurs endroits. Si elle se comprime ou semble spongieuse, la matière s'est détériorée. De façon générale, on peut diviser la détérioration en trois catégories : une surface dure indique une détérioration minime ou inexistante, une surface molle couvrant de l'os dur indique une détérioration faible ou modérée et une surface extrêmement molle indique une détérioration prononcée (auquel cas il sera probablement nécessaire de consolider les vestiges avant de les sécher).

Il est probable que le séchage à l'air de l'os dur, ou de l'os qui ne montre qu'un léger ramollissement, est sans risque. Toutefois, l'os mou séché à l'air risquera probablement des dommages en raison de la perte d'humidité. La dureté n'est cependant qu'une indication de l'état de la matière. Certaines conditions d'enfouissement endommagent de façon sélective un ou plusieurs éléments de l'os, produisant un objet qui est dur et pourtant susceptible d'être endommagé s'il est séché à l'air. L'objet peut, par exemple, rétrécir, se tordre, se fissurer, ou se délaminer. Ainsi, même si un os est solide et, en apparence, durable, il faut faire un essai de séchage avec quelques échantillons. Si l'on constate des problèmes, on peut prendre une décision au sujet de la consolidation des autres pièces avant de les sécher.

Avant de commencer le séchage, prendre en note les endroits endommagés et mesurer toute fissure d'importance. Répéter ces mesures périodiquement tout au long du séchage, car les changements de couleur au cours du séchage peuvent faire paraître les fissures plus importantes qu'elles ne le sont.

Nettoyage

Nota : Ces traitements à base d'eau conviennent à de l'os humide ou mouillé. On ne doit jamais remouiller de l'os sec, comme l'os trouvé en surface ou provenant de fouilles exécutées dans des endroits au climat chaud, sans avoir obtenu au préalable les conseils d'un restaurateur.

Les vestiges archéologiques sont généralement couverts de terre, et bien souvent pénétrés par les racines de petites plantes. Pour enlever la terre, rincer rapidement l'objet à l'eau. De l'os en bon état peut être immergé pendant quelques minutes, mais on ne doit jamais le laisser tremper. Ne pas utiliser de détergents, parce que ceux-ci peuvent contenir des colorants, des parfums, ou d'autres additifs qui risquent de contaminer l'os, le rendant inutilisable pour l'analyse chimique ou la datation. Au besoin, utiliser un pinceau ou un instrument en bois pour détacher délicatement des dépôts résistants, mais procéder avec prudence : l'os mouillé peut être tendre et facilement endommagé. Il est parfois possible d'utiliser des pincettes pour enlever les radicelles qui poussent dans l'os. Comme les radicelles se répandent souvent sous la surface, il faut toutefois être attentif et éviter d'arracher des fragments d'os en même temps. Pour parer à cette situation, couper les radicelles à la surface avec des ciseaux fins. Soulignons que si on les laisse en place, ni la terre, ni les radicelles ne présentent un danger pour l'objet. Consulter donc toujours un archéologue au sujet du degré de nettoyage nécessaire.

À l'occasion, les os retrouvés dans les tumulus de débris peuvent être couverts de quantités excessives de graisse animale. Le pergélisol des sites arctiques fournit d'excellentes conditions pour la préservation des graisses et des huiles provenant de mammifères marins. Toutefois, si elle n'est pas enlevée après le déterrement de l'artéfact, cette graisse peut devenir rance et constituer un danger pour la santé. Pour déterminer le traitement indiqué, consulter un restaurateur.

Tout os déterré est souvent taché par des tanins et par des produits de corrosion de métaux. Comme ces taches ne causeront généralement pas d'autres dommages à la structure de l'os, et comme la plupart des matières fauniques sont utilisées dans des collections de recherche plutôt que pour l'exposition, ces taches ne constituent pas un sujet de préoccupation majeure. Cependant, s'il est nécessaire d'enlever les taches, consulter un restaurateur avant de commencer tout traitement. Un grand nombre d'acides, d'agents de blanchiment, ou d'agents chélateurs qui servent à enlever les taches peuvent endommager l'os.

Les matières osseuses retirées d'environnements d'eau salée auront absorbé les chlorures, les nitrates et les sulfates qui sont dissous dans l'eau. Avant de faire sécher les matières osseuses, il faut éliminer ces sels solubles, car sinon, ils formeront des cristaux de sel qui peuvent détruire physiquement la structure de l'os. Même si les dommages ne sont pas immédiatement visibles après le séchage, les changements dans les taux d'humidité au fil des ans causeront la solubilisation et la recristallisation continuelles des sels, jusqu'à la formation de fissures dans l'os. Une efflorescence blanche est un signe de la contamination par des sels solubles. Pour enlever les sels, tremper l'os dans des bains successifs d'eau fraîche et, à l'aide d'un compteur de conductivité, vérifier les traces de sels solubles dans chaque bain pour confirmer leur élimination. Poursuivre la vérification jusqu'à ce que le compteur indique un taux inférieur au taux d'erreur de l'instrument. Il existe également d'autres méthodes de vérification pour déterminer le contenu en chlorure, comme les électrodes mesurant la concentration des ions chlorure, les papiers réactifs, et les titrages de nitrate d'argent ou les titrages spécifiques d'ions.

Les sels non solubles se caractérisent par de dures concrétions blanches à la surface de l'os. À la différence des sels solubles, ces substances sont inertes et peuvent d'ordinaire être laissées en place. Si, par contre, les concrétions cachent des détails, un restaurateur peut les enlever. Toutefois, comme le séchage fait durcir les concrétions et rend l'élimination encore plus difficile, celle-ci doit être faite pendant que l'os est encore mouillé.

Consolidation

La décision de consolider doit être examinée soigneusement, car l'utilisation d'agents de consolidation peut compliquer l'analyse chimique ou la datation de l'os. Il peut être préférable de permettre une fissuration mineure, plutôt que d'imposer des limites à l'analyse future. Si l'on choisit de consolider la matière, il est conseillé de laisser quelques échantillons sans traitement, afin de conserver des matières non contaminées pour les essais.

La consolidation ne doit être entreprise que par un restaurateur, ou sur les conseils d'un restaurateur. Il faut d'abord procéder au nettoyage ou à l'élimination des sels ou des taches. Les consolidants peuvent être à base d'eau ou à base de solvant. Il est important de choisir celui qu'on utilisera avant le séchage, car les agents de consolidation à base d'eau doivent être appliqués pendant que l'os est encore mouillé.

Séchage

En temps normal, le séchage de matières intactes ou légèrement détériorées n'entraîne aucun risque. La méthode la plus simple est le séchage à l'air, même si l'évaporation de l'eau peut créer d'énormes tensions internes dans la structure. Comme l'os répond à des changements dans l'humidité relative en gonflant et en rétrécissant à différents degrés et selon trois dimensions différentes – longitudinale, radiale et tangentielle – même des os intacts peuvent se fissurer en séchant.

Au cours du séchage, ce sont les surfaces extérieures qui ont tendance à sécher d'abord et, par la suite, à se contracter autour de l'intérieur encore gonflé et humide. Si la détérioration a entraîné un affaiblissement de la structure de l'os, d'importantes zones peuvent alors rétrécir, se fissurer ou gauchir. En outre, les zones exposées d'os spongieux ou moins dense sécheront plus rapidement que les zones d'os épais et compact, créant encore une fois des zones de tension interne. En raison de sa dense structure laminée, l'ivoire a davantage tendance à fendre que l'os ou le bois de cervidé. Il faut donc le surveiller plus étroitement pendant le séchage.

Le séchage à l'air doit être lent et surveillé. La méthode la plus simple est de poser l'os mouillé propre sur une table ou sur une grille à mailles ouvertes, et de le laisser sécher lentement. Retourner les os fréquemment afin d'assurer un séchage égal, et surveiller toutes les pièces pour vérifier l'apparition de fissures, de délaminage ou d'autres changements physiques. La formation de nouvelles fissures ou l'élargissement de fissures existantes est une indication que l'os est en train de sécher trop rapidement. Dans ce cas, recouvrir l'os d'une feuille de polyéthylène afin de réduire le taux d'évaporation.

L'os doit être séché dans des conditions d'humidité modérée et de température fraîche, à l'abri de la lumière du soleil et loin de toute source de chaleur. On peut ralentir son séchage en augmentant l'humidité relative. Pour y parvenir, réduire la température (placer l'objet dans un réfrigérateur ou dans une pièce fraîche du sous-sol), ou augmenter l'humidité alentour de l'objet (accrocher des linges mouillés autour des grilles de séchage, ou ajouter des humidificateurs).

L'os détérioré peut mal réagir au séchage à l'air. Lorsque des fissures apparaissent dans les échantillons que l'on fait sécher, il peut être nécessaire de consolider l'os ou d'en extraire l'eau avant de passer au séchage. On peut extraire l'eau en immergeant l'os dans des bains successifs d'un solvant polaire comme l'alcool éthylique, dont on augmente progressivement la concentration. La tension superficielle du solvant, inférieure à celle de l'eau, réduit les contraintes de séchage créées par l'évaporation. Le non-spécialiste ne doit pas effectuer l'immersion dans des solvants, car la plupart des solvants sont toxiques et inflammables. S'ils sont manipulés sans ventilation adéquate, sans équipement de sécurité et sans élimination correcte des déchets dangereux, les solvants comportent des dangers considérables.

On peut surveiller le séchage en pesant la matière à intervalles réguliers, normalement tous les jours ou deux fois par semaine. On devrait constater une réduction lente et régulière du poids, qui ralentit progressivement, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de changement mesurable. Il est alors possible de considérer l'os comme étant sec.

L'os mouillé est très sensible à la formation de moisissure, surtout dans un milieu d'humidité relative élevée (plus de 65 %), de températures chaudes et d'air stagnant. Il est donc important d'effectuer des vérifications périodiques tout au long du séchage. La moisissure sur l'os se caractérise généralement par des filaments blancs pelucheux sur la surface, ou par de fins cheveux recouvrant les cavités de l'os. S'il y a de la moisissure, essuyer délicatement l'os avec un pinceau humide, en essayant de soulever les filaments de la surface et hors des cavités. Pour éviter de contaminer la surface à nouveau, rincer fréquemment le pinceau. Après le nettoyage, vaporiser légèrement la surface avec de l'isopropanol (alcool à friction, au moins 30 % en volume dans de l'eau) pour tuer les spores qui restent. Comme les spores de moisissure sont difficiles à éliminer, surveiller attentivement les objets moisis pour empêcher la récurrence. S'assurer de désinfecter toute matière qui serait entrée en contact avec l'objet. Nettoyer le pinceau avec du savon et de l'eau et le tremper dans de l'alcool à friction avant de le réutiliser.

Documentation

La documentation sur le traitement des vestiges fauniques est souvent rare, voire même inexistante. Cependant, en raison des progrès récents et de l'importance accrue de l'analyse pour la recherche sur ces matières, il est essentiel de documenter tous les traitements particuliers que l'on effectue. Inscrire donc tout détergent, solvant, agent de consolidation ou autre produit chimique appliqué à des vestiges fauniques, et ajouter cette information au dossier archéologique. Ainsi, les chercheurs seront conscients d'une interférence possible de ces produits au cours d'études ultérieures.

Conclusion

Dans cette Note, on présente les lignes directrices générales touchant le nettoyage et le séchage des objets en os, en bois de cervidé et en ivoire. La plupart de ces objets peuvent être traités sans danger au moyen d'une intervention minimale, à condition de bien évaluer la matière, de la choisir avec soin et d'en surveiller soigneusement le nettoyage et le séchage. S'il faut avoir recours à des traitements plus complexes nécessitant l'utilisation de détergents, d'agents de consolidation, de produits chimiques ou de solvants, consulter un restaurateur.

Bibliographie

  1. CRONYN, J.M. The Elements of Archaeological Conservation, Londres (R.-U.), Routledge, .

  2. PEARSON, C. (dir.) Conservation of Marine Archaeological Objects, Londres (R.-U.), Butterworths & Co., .

  3. SEASE, C. A Conservation Manual for the Field Archaeologist, Archaeological Research Tools, vol. 4, Los Angeles (CA), Institute of Archaeology, University of California, .

  4. STARLING, K. et D. WATKINSON (dir.). Archaeological Bone, Antler and Ivory, Occasional Papers, 5, Londres (R.-U.), The United Kingdom Institute for Conservation, .


Par Tara Grant

Première date de publication :
Révision :

Texte également publié en version anglaise.
Copies are also available in English.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, .
Nº de cat. : NM 95-57/4-3-2007F
ISSN : 1191-7237


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