Entretien des objets en ivoire, en os, en corne et en bois de cervidé – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 6/1

(Format PDF, 904 ko)

Introduction

De nombreux musées possèdent des objets en ivoire, en os, en corne ou en bois de cervidé. Pour maintenir ces objets en bon état au moyen de méthodes d'entretien appropriées, il importe de connaître les matériaux dont ils sont faits.

Identification

Ivoire et os

Sur le plan de la composition chimique, l'ivoire et l'os présentent une grande ressemblance, mais du point de vue de la structure physique, ils sont très différents. Les deux matières se composent surtout de substances inorganiques (qui leur confèrent leur rigidité et leur résistance) et contiennent également un élément organique mou qui leur permet de croître et de se régénérer. Ce qui distingue principalement l'ivoire de l'os, c'est que le premier, contrairement au second, ne contient ni moelle ni vaisseaux sanguins. L'ivoire constitue la partie dure des dents et est habituellement plus blanc, plus dur, plus dense et plus lourd que l'os. D'autre part, l'os comporte dans sa partie centrale une substance spongieuse, la moelle, où prennent naissance une série de vaisseaux sanguins ténus qui se prolongent jusque dans les couches plus compactes de l'os. Ces vaisseaux forment de minuscules taches ou trous, ou des lignes de couleur foncée sur la surface des objets en os. Les os des mammifères marins (dont les populations côtières font grand usage) contiennent généralement une plus grande proportion de tissu spongieux que ceux des mammifères terrestres.

Ivoire de morse et ivoire d'éléphant

Les défenses et les dents utilisées autrefois en sculpture au Canada provenaient de nombreux animaux (par exemple, d'hippopotames, de phacochères, de narvals et de cachalots), mais l'ivoire de morse et l'ivoire d'éléphant sont les deux types d'ivoire qu'on trouve le plus fréquemment dans les collections canadiennes. La coupe d'une défense de morse (figure 1a) révèle que l'ivoire de morse comprend une partie centrale d'aspect plutôt marbré, entourée d'une couche lisse de dentine (de couleur crème). Presque tous les objets inuits en ivoire ont été sculptés dans des défenses de morse. Par ailleurs, la coupe d'une défense d'éléphant montre que l'ivoire se caractérise par un réseau de stries entrecroisées (figure 1b) plus blanches et plus opaques que la matière qui les entoure. Ces stries sont souvent visibles sur la face inférieure des sculptures en ivoire d'éléphant, là où la défense a été sectionnée.

Coupe d'une défense de morse.
Figure 1a. Coupe d'une défense de morse, montrant (A) – Dentine primaire, et (B) – Dentine secondaire.
Coupe d'une défense d'éléphant d'Afrique.
Figure 1b. Coupe d'une défense d'éléphant d'Afrique, montrant (C) – Entrecroisement caractéristique de stries, particulièrement près du bord extérieur de la défense.

Bois de cervidé

Les bois de cervidé sont en quelque sorte des os modifiés, des excroissances des os du crâne de certaines espèces d'animaux. Ils présentent une épaisse couche extérieure de tissu osseux compact et une partie interne de tissu spongieux. Pourvus de vaisseaux sanguins internes moins nombreux et plus irréguliers que ceux de l'os, les bois de cervidé sont plus denses et plus lourds. La surface externe des bois est souvent foncée et rugueuse.

Corne

Les cornes sont composées de la même matière que les cheveux, les sabots et les ongles. L'examen détaillé de cette matière révèle qu'elle se présente comme une masse de filaments très durs qui ressemblent à des cheveux collés en faisceau. La corne se développe autour d'un centre spongieux. En l'évidant, on peut en faire un objet creux, par exemple une corne à poudre. On peut faire bouillir les cornes pour les ramollir, puis les couper et les mouler pour leur donner d'autres formes, ou les utiliser en feuilles.

Ivoire artificiel

L'ivoire artificiel est généralement fait de caséine ou de nitrate de cellulose pigmenté, ou d'une combinaison de ces deux substances (voir, à ce sujet, les Notes de l'ICC 15/3, Exposition et mise en réserve des objets de musée contenant du nitrate de cellulose). Couramment fabriqué à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, l'ivoire artificiel ressemble beaucoup à l'ivoire d'éléphant. Il peut même présenter le réseau caractéristique de stries entrecroisées du véritable ivoire, bien que cet effet soit attribuable au mode de fabrication et que le motif soit plus régulier que celui de l'ivoire naturel. Il est parfois indiqué sur l'objet qu'il s'agit d'ivoire artificiel; les expressions « French Ivory » et « India Ivory » figurent parmi les dénominations les plus courantes. L'ivoire artificiel n'est pas aussi lourd que l'ivoire véritable et il présente une teinte plus uniforme. Les objets en nitrate de cellulose peuvent être identifiés au moyen d'un test ponctuel à la diphénylamine (voir, à ce sujet, les Notes de l'ICC 17/2, Test ponctuel à la diphénylamine pour déceler la présence de nitrate de cellulose dans les objets de musée). Pour plus d'information, veuillez contacter l'Institut canadien de conservation.

Le nitrate de cellulose peut se dégrader et libérer des gaz, soit des oxydes d'azote acides et oxydants. L'inflammation spontanée du nitrate de cellulose dégradé a déjà été observée dans le cas de pellicules minces. C'est pourquoi tout objet de nitrate de cellulose montrant des signes de détérioration doit être tenu à l'écart du reste de la collection (pour plus d'information à ce sujet, consulter les Notes de l'ICC 15/3, Exposition et mise en réserve des objets de musée contenant du nitrate de cellulose.

Entretien

Manipulation

Lorsqu'il faut transporter en dehors du musée des objets en ivoire, en os, en corne ou en bois de cervidé, il faut s'assurer qu'ils sont bien protégés contre les variations brusques de température et d'humidité relative (HR). Pour ce faire, il suffit de les emballer dans du papier de soie sans acide et sans réserve alcaline (pH neutre) et de les placer dans un sac de polyéthylène hermétiquement fermé.

On doit agir avec précaution lorsqu'on manipule ou nettoie ces objets, en particulier ceux qui sont faits d'os spongieux, comme les sculptures inuites en os de baleine, qui sont très fragiles.

Mise en réserve

Conserver les objets dans une vitrine d'exposition ou un tiroir de réserve hermétiquement fermé afin de les protéger contre les variations brusques de température et d'HR et contre la poussière et la saleté. Leur conservation dans l'obscurité permet aussi de protéger les surfaces peintes ou teintées qui sont sensibles à la lumière.

Il est rare que les insectes attaquent les objets en os, en ivoire et en bois de cervidé, mais les larves d'anthrènes et de mites causent souvent de graves dommages à la corne. Les objets doivent être examinés au moins deux fois par année pour le dépistage des insectes et des moisissures (voir, à ce sujet, les Notes de l'ICC, 3/1, Stratégies de lutte préventive contre les infestations et méthodes de détection, et les Notes de l'ICC 3/2, Détection des infestations : inspection des installations et liste de contrôle). Il faut immédiatement prendre des mesures adéquates lorsqu'une infestation est observée. Pour des conseils connexes, veuillez contacter l'Institut canadien de conservation.

Afin de protéger les objets contre les chocs et prévenir leur écaillage, les tiroirs et les étagères des réserves doivent être garnis d'un matériau chimiquement stable qui amortit les chocs et vibrations, comme de la mousse de polyéthylène ou de polypropylène (par exemple, de l'Ethafoam ou du Microfoam).

On doit éviter d'utiliser des matières à base de caoutchouc pour la mise en réserve ou l'emballage des objets, car ces produits peuvent faire jaunir l'ivoire.

Nettoyage

L'ivoire, l'os, la corne et le bois de cervidé sont des matières poreuses qui risquent de se tacher au contact de métaux corrodés (tels que le cuivre ou le fer) ou de matières colorées. Les taches de cette nature doivent être traitées par un restaurateur expérimenté. Cependant, si les objets sont en bon état, les traces de saleté normales à la surface de l'objet peuvent être nettoyées sans problème. Il suffit souvent d'un léger époussetage avec une brosse à soies douces. Utiliser la brosse pour déloger la poussière et les débris et les diriger vers l'embout du tuyau d'un aspirateur recouvert d'un grillage fin ou d'un gaze.

Si un simple époussetage est insuffisant, les objets en ivoire et en os lisse non poreux peuvent être lavés avec de l'eau qui contient un savon doux comme Ivory Neige ou avec le détergent anionique WA Paste (voir, à ce sujet, les Notes de l'ICC 13/9, Les détergents anioniques). À l'aide d'un coton-tige (Q-tip), appliquer la solution savonneuse en très petite quantité, simplement pour humecter la surface. Ne pas nettoyer plus de quelques centimètres carrés à la fois. La surface ne doit pas rester humide plus de 15 à 20 secondes; elle doit être essuyée immédiatement à l'aide d'un coton-tige ou d'un chiffon doux. Rincer la surface à l'eau claire, en procédant de la même façon que pour le nettoyage, afin d'enlever les résidus de savon. Éviter de mouiller les surfaces fissurées ou poreuses et, surtout, ne jamais tremper dans l'eau un objet en os ou en ivoire.

Au fil des ans, l'ivoire et l'os peuvent se couvrir d'une belle « patine » d'un jaune brunâtre. Cette transformation est le résultat d'un processus naturel de vieillissement, et comme il est rare qu'une raison esthétique quelconque puisse justifier le blanchiment de l'objet, on ne doit jamais chercher à enlever cette patine.

De nombreux types d'ivoires orientaux artificiellement recouverts d'une patine par des procédés spéciaux de coloration superficielle peuvent être facilement endommagés si on les manipule ou qu'on les nettoie sans précautions. Ce genre d'objets subiraient, presque à coup sûr, de sérieux dommages s'ils étaient soumis, par exemple, à un traitement comme le ponçage ou le blanchiment.

La corne est un peu plus résistante que l'os et l'ivoire, et les procédés de nettoyage décrits précédemment peuvent être utilisés à condition que la surface soit intacte et qu'elle n'ait pas commencé à s'exfolier. Toutefois, lorsque la corne se présente sous la forme des minces feuilles (comme dans certaines lanternes), elle peut s'amollir très rapidement et se déformer au contact de l'eau. Il faut donc éviter de mouiller ce type d'objets.

Éclairement

L'ivoire, l'os, la corne et le bois de cervidé ne doivent pas être exposées à une lumière vive, par exemple en plein soleil ou près de projecteurs. L'intensité lumineuse doit être maintenue à moins de 150 lux et le rayonnement ultraviolet (UV) ne doit pas dépasser 75 μW/lm. Les objets teintés sont extrêmement sensibles à la lumière et ne doivent pas être exposés à un éclairement supérieur à 50 lux; on peut limiter les dommages causés par la lumière, qui sont cumulatifs et irrémédiables, en réduisant le temps d'exposition. Des renseignements détaillés sur la lumière peuvent être consultés dans l'article intitulé La lumière, l'ultraviolet et l'infrarouge. Pour de l'information sur les méthodes et les instruments permettant de mesurer l'éclairement, consulter les Notes de l'ICC 2/4, Trousse d'instruments de mesure des conditions ambiantes (retirée); pour plus de renseignements sur les moyens de réduire le rayonnement UV, consulter les Notes de l'ICC 2/1, Filtres ultraviolets.

Il faut prendre des précautions particulières lors de l'utilisation de vitrines hermétiquement fermées. La chaleur rayonnante dégagée par les sources lumineuses peut causer une forte élévation de la température interne d'une vitrine et entraîner de brusques variations d'HR, lesquelles sont néfastes aux matières sensibles. De plus, un faisceau de lumière intense dirigé sur un objet d'exposition peut élever la température de surface de cet objet. Il est possible de réduire les risques de dommages en maintenant l'éclairement à un niveau peu élevé et en utilisant des sources de lumière qui émettent moins de chaleur rayonnante.

Humidité relative et température

Parmi les quatre substances faisant l'objet du présent document, soit l'ivoire, l'os, la corne et le bois de cervidé, c'est l'ivoire qui est le plus sensible aux variations d'HR, tandis que la corne est la moins sensible. L'ivoire est une matière hygroscopique comme le bois, c'est-à-dire qu'il absorbe ou dégage de l'humidité suivant le taux hygrométrique de l'air; il se gonfle alors ou se contracte, en fonction de sa teneur en humidité. Les variations cycliques de l'HR peuvent causer des fendillements et des déformations graves. Ce problème est particulièrement aigu dans le cas d'objets en ivoire mince, comme les miniatures.

Idéalement, les objets en ivoire, en os, en corne ou en bois de cervidé devraient être exposés et mis en réserve dans un local où la température ne dépasse pas 25 °C et où le taux d'HR se situe entre 45 et 55 %. En pratique, ces conditions sont souvent difficiles à obtenir dans de 4 Notes de l'ICC 6/1 nombreux musées canadiens, particulièrement en hiver. Il convient cependant d'essayer de maintenir constantes la température et l'HR dans toute la mesure du possible et, surtout, d'éviter d'exposer les objets à des conditions extrêmes ou à des fluctuations rapides. Il faut toujours mettre les objets à l'abri de la lumière directe du soleil, des sources lumineuses dégageant une forte chaleur, des conduits de ventilation ou de chauffage et des foyers. Il faut aussi éviter de les placer sur des appareils électriques comme des postes de radio ou de télévision, ou près de murs extérieurs ou de fenêtres froides. L'article intitulé Directives en matière d'environnement pour les musées — Température et humidité relative offre un aperçu de l'approche actuelle de l'ICC en matière de régulation de l'HR et de la température ambiantes dans les musées. Pour plus d'information sur les conditions ambiantes relatives à l'HR et à la température, consulter les articles intitulés L'humidité relative inadéquate et Les températures inadéquates.

Les objets en ivoire artificiel exigent des précautions particulières. En effet, comme ils sont habituellement composés de nitrate de cellulose, une substance inflammable, il faut absolument les garder éloignés de la chaleur et des autres sources d'inflammation.

Réparation

Les objets brisés, friables ou extrêmement sales qui demandent à être réparés, consolidés ou nettoyés à fond doivent être confiés à un restaurateur expérimenté. Pour obtenir des conseils à ce sujet, contacter l’Institut canadien de conservation.

Fournisseurs

Remarque : Les renseignements qui suivent sont uniquement fournis au lecteur pour l'aider dans ses recherches. Le fait qu'une société ou une entreprise apparaisse dans la présente liste ne constitue pas une approbation de l'Institut canadien de conservation.

Coton-tige (Q-tips) et détersif doux (Ivory Neige) :

  • Pharmacies ou épiceries

Papier de soie sans acide et sans réserve alcaline (pH neutre) :

Microfoam :

WA Paste :

  • S'adresser à l'un des bureaux de vente de Canada Packers, à Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto ou Montréal. Le Québec et les provinces de l'Atlantique relèvent du bureau de Montréal.

Bibliographie

  1. LAFONTAINE, R.H. et P.A. WOOD. « The Stabilization of Ivory Against Relative Humidity Fluctuations », dans Studies in Conservation, vol. 27, 3, , p. 109-117.

  2. PEDERSEN, M.C. Gem and Ornamental Materials of Organic Origin, Amsterdam, Elsevier, .

  3. PENNINMAN, T.K. Pictures of Ivory and Other Animal Teeth, Bone and Antler (contient un bref commentaire sur l'utilisation et l'identification de ces substances), University of Oxford Pitt Rivers Museum Occasional Paper on Technology, 5, Oxford (R.-U.), Oxford University Press, .

  4. VICTORIA AND ALBERT MUSEUM. The Care of Ivory, Technical Notes on the Care of Art Objects, 6, Londres (R.-U.), Victoria and Albert Museum, .


Par Tom Stone

Première date de publication :
Révision : ,

Texte également publié en version anglaise.
Copies are also available in English.

© Ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada,
Nº de cat. : NM95-57/6-1-2010F
ISSN : 1191-7237


Détails de la page

Date de modification :