Comment déceler la présence de soufre dans les matériaux à l’aide d’un papier réactif à l’acétate de plomb – Notes de l’Institut canadien de conservation 17/5

Introduction

Les matériaux qui renferment du soufre peuvent émettre des gaz, tels le sulfure d’hydrogène ou le sulfure de carbonyle, qui provoquent le ternissement de l’argent et du cuivre. Dans la mesure du possible, il faut éviter de placer ces matériaux à proximité d’objets renfermant de l’argent ou du cuivre, particulièrement dans des lieux fermés, comme une vitrine. Mais quels sont les matériaux à éviter? Certains objets faits de protéines animales contiennent du soufre – laine, poils, cheveux et plumes, par exemple –, mais d’autres, comme la soie, n’en contiennent presque pas (Mills et White, 1994). Le caoutchouc contient du soufre, mais nombre de plastiques n’en contiennent pas, même si des plastiques contenant du soufre sont mis au point et qu’ils sont de plus en plus utilisés, surtout depuis les années 1990 (Kultys, 2007). En outre, le soufre élémentaire (capable aussi de ternir l’argent) se retrouve également dans des matériaux dans lesquels on ne s’attendrait pas à en découvrir (Benson, 2012) : adhésifs, incrustations dans des pièces de mobilier, matériau de renforcement d’un bijou creux ou ciment.

La présente Note décrit un test permettant de déceler la présence de soufre dans les matériaux. Le test suppose de faire chauffer un petit échantillon de matériau et un papier réactif imprégné d’acétate de plomb dans une pipette en verre. Il s’agit d’un test destructif mais qui ne requiert qu’un minuscule échantillon d’environ 10 mg. Il est particulièrement utile au moment de choisir les matériaux pour une exposition ou une vitrine. Il est préférable d’éviter d’employer des matériaux renfermant du soufre dans des vitrines où sont exposés des objets en argent ou en cuivre, mais si l’exposition exige de les faire se côtoyer, des mesures préventives peuvent être prises (Tétreault, 2003).

Dans le test, la pipette est chauffée au moyen d’une flamme jusqu’à ce que le matériau testé dégage de la fumée. Tout sulfure d’hydrogène dans la fumée produira du sulfure de plomb sur le papier réactif et le fera noircir. Comme il s’agit d’un test sensible au sulfure d’hydrogène, un minuscule échantillon suffit à produire un taux décelable de sulfure d’hydrogène, et le papier réactif ne contient qu’une faible quantité de plomb. (Il est néanmoins recommandé d’effectuer le test dans une pièce bien aérée.) Pour s’exercer, appliquer d’abord la procédure à un échantillon dont on est certain qu’il contient du soufre et à un autre dont on est certain qu’il n’en contient pas. Passer ensuite aux vrais échantillons à tester.

Procédure : comment se servir de papier réactif imprégné d’acétate de plomb pour déceler la présence de soufre

Équipement et matériel requis pour déceler la présence de soufre

  • Pipettes Pasteur jetables en verre (une pipette par échantillon à tester)
  • Pellicule plastique Parafilm M (utilisée en laboratoire) ou autre type de pellicule plastique
  • Bâtonnets applicateurs en bois
  • Source de chaleur (par exemple, brûleur à l’alcool, bec Bunsen ou chalumeau au butane)
  • Allumettes
  • Papier réactif imprégné d’acétate de plomb
  • Pinces (en acier inoxydable ou en plastique)
  • Scalpel (pour prélever des matériaux durs)
  • Ciseaux (pour prélever des matériaux souples)
  • Eau distillée (dans la mesure du possible, sinon eau du robinet)
  • Compte-gouttes ou pipette Pasteur supplémentaire
  • Peroxyde d’hydrogène (solution diluée à 3 % v/v, préférablement dans un vaporisateur)
  • Gants jetables (par exemple, en nitrile)
  • Gants résistants à la chaleur (par exemple, en cuir)
  • Protection pour les yeux
  • Échantillons (environ 10 mg) :
    • contenant assurément du soufre (par exemple, laine, poils, cheveux)
    • ne contenant assurément pas de soufre (par exemple, coton blanc, papier filtre)
    • de composition inconnue

Marche à suivre pour déceler la présence de soufre

Porter des gants jetables pour manipuler le papier imprégné d’acétate de plomb ou pour utiliser du peroxyde d’hydrogène; mettre des gants résistants à la chaleur pour chauffer les pipettes ou les échantillons. Des lunettes de protection s’imposent dans les deux cas. Se montrer prudent au moment d’effectuer tout travail à flamme nue et suivre les consignes pertinentes pour toute source de feu. Dans la mesure du possible, effectuer ce test dans une pièce bien aérée ou sous une hotte. Traiter tout papier imprégné d’acétate de plomb comme un déchet dangereux et l’éliminer en conséquence.

  1. Sceller l’extrémité effilée de la pipette Pasteur en la faisant fondre à la flamme. (Pour ce faire, un chalumeau au butane fonctionne bien, mais un brûleur à l’alcool donne aussi de bons résultats.)
  2. À l’aide d’un scalpel ou de ciseaux, prélever un échantillon du matériau à tester d’environ 10 mg (c.-à-d. 0,01 g).
  3. À l’aide du bâtonnet applicateur en bois, pousser l’échantillon dans l’extrémité effilée de la pipette. Ne pas trop le tasser.
  4. Si le papier réactif imprégné d’acétate de plomb provient d’un rouleau, en tailler une bandelette d’environ 5 cm de long. Si la bandelette est plus large que la pipette, la plier en deux dans le sens de la longueur pour qu’elle puisse y être introduite.
  5. Avec une autre pipette ou un compte-gouttes, déposer une ou deux gouttes d’eau sur la bandelette pliée. L’eau doit être absorbée sur toute la longueur de la bandelette. Ne pas en déposer trop.
  6. À l’aide des pinces, introduire la bandelette dans la pipette, près de l’ouverture. La bandelette ne doit pas toucher l’échantillon.
  7. Couvrir l’ouverture de la pipette d’un morceau de Parafilm M.
  8. Faire chauffer l’échantillon au-dessus d’une flamme douce (et non directement dans la flamme) jusqu’à ce que la fumée dégagée atteigne la bandelette de papier réactif. Puisque la fumée est plus lourde que l’air, tenir la pipette à l’horizontale ou légèrement inclinée pour que la bandelette soit plus basse que l’échantillon. (Éviter toutefois d’incliner la pipette au point de faire bouger l’échantillon.)
  9. Laisser reposer la pipette à l’horizontale plusieurs minutes pour que la réaction ait le temps de se produire.
  10. Retirer la bandelette de la pipette avec les pinces.
  11. Noter si la bandelette a ou non changé de couleur.
  12. Vaporiser du peroxyde d’hydrogène (3 % v/v) sur la bandelette ou en déposer une goutte.
  13. Noter tout changement de couleur.
  14. En présence de soufre, la bandelette exposée à la fumée de l’échantillon devient brun foncé ou noire, puis redevient blanche sous l’action du peroxyde d’hydrogène.
  15. Appliquer d’abord la procédure à un échantillon dont on sait qu’il contient du soufre et à un autre dont on sait qu’il n’en contient pas avant de passer à l’échantillon de composition inconnue.

Résultats du test

Le chalumeau au butane est une source de chaleur pratique pour sceller le bout effilé d’une pipette en verre (figure 1).

Une main gantée tient une pipette dont le bout est exposé à la flamme d’un chalumeau au butane.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0206
Figure 1. Le bout effilé d’une pipette en verre est scellé à l’aide d’un chalumeau au butane.

La figure 2 montre un échantillon enfoncé dans l’extrémité effilée de la pipette.

Figure 2

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0209
Figure 2. Un échantillon de gant jetable en nitrile mauve a été enfoncé à l’aide d’un bâtonnet applicateur en bois dans l’extrémité effilée d’une pipette en verre.

La figure 3 montre un échantillon de laine enfoncé jusqu’à l’extrémité effilée d’une pipette et une bandelette de papier réactif imprégné d’acétate de plomb à l’autre bout de la pipette. La pipette a été scellée avec du Parafilm M. La figure 4 montre le détail du bout de la pipette en verre couvert de Parafilm M.

Figure 3

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0210
Figure 3. Voici un exemple de pipette préparée avec un échantillon de laine bleue et une bandelette de papier imprégné d’acétate de plomb humidifié; le bout de la pipette est couvert de Parafilm M.

Figure 4

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0211
Figure 4. Détail d’un morceau de Parafilm M scellant le bout d’une pipette en verre où l’on voit la bandelette de papier réactif imprégné d’acétate de plomb.

La figure 5 montre une pipette qui vient juste d’être placée au-dessus de la flamme d’un brûleur à l’alcool. Pendant qu’il est chauffé, l’échantillon peut rétrécir, changer graduellement de couleur et, parfois, sembler bouillir. À l’étape du test illustrée à la figure 6, l’échantillon de laine bleue a changé de couleur et a produit une fumée ayant fait noircir le papier réactif imprégné d’acétate de plomb. Après le test, l’intérieur de la pipette près de l’échantillon est couvert d’un résidu brun foncé provenant de l’échantillon dégradé.

L’apparence de l’échantillon de laine bleue chauffé pendant cinq minutes est montrée en vue accélérée dans une vidéo.

Figure 5

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 127994-0001
Figure 5. Une pipette contenant un échantillon de laine bleue juste après avoir été placée au-dessus de la flamme d’un brûleur à l’alcool.

Figure 6

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 127994-0002
Figure 6. Une pipette contenant un échantillon de laine bleue après avoir été assez chauffée au brûleur à l’alcool pour qu’une réaction se produise. La chaleur a fait foncer la laine bleue qui a dégagé de la fumée, laquelle a fait noircir le papier réactif imprégné d’acétate de plomb.

À la figure 7, le papier réactif imprégné d’acétate de plomb devenu brun foncé et noir illustre sa forte réaction à la fumée d’ébonite.

Figure 7

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0216
Figure 7. Changement de couleur du papier réactif imprégné d’acétate de plomb devenu brun foncé et noir quand il a été exposé à la fumée d’environ 10 mg d’ébonite.

La dernière étape consiste à retirer le papier réactif de la pipette et à y verser du peroxyde d’hydrogène (3 % v/v). Le peroxyde d’hydrogène sert à distinguer le sulfure de plomb de la suie (carbone). Il oxyde le sulfure de plomb noir, qui se transforme alors en sulfate de plomb blanc, de sorte que le papier de teinte foncée devient blanc (comme le montre la figure 8), mais ne change pas la couleur de la suie.

Figure 8

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0215
Figure 8. Trois bandelettes de papier imprégné d’acétate de plomb : à gauche, une bandelette neuve (sèche, non testée); au centre, une bandelette ayant bruni par réaction avec les composés sulfurés réduits; à droite, la bandelette centrale après l’application de peroxyde d’hydrogène 3 % v/v ayant fait passé le brun au blanc.

Renseignements supplémentaires

Taille de l’échantillon

Tétreault (2003) suggère un échantillon de 10 mg. Il s’agit là d’une faible quantité de matériau : un fragment de caoutchouc de quelques millimètres, un morceau de gant en nitrile ou en latex d’environ un centimètre ou un fil de laine d’environ 2 cm. Il recommande aussi de préparer des échantillons de liquides qui durcissent (colle blanche, par exemple) sur un morceau de papier d’aluminium un jour avant les tests.

Brûleur à l’alcool

La source de chaleur montrée à la figure 5 est un brûleur à l’alcool. Le combustible recommandé pour cet appareil est une forme d’éthanol (alcool éthylique), comme de l’éthanol dénaturé ou de l’éthanol à 95 %. L’éthanol dénaturé est de l’éthanol rendu toxique et impropre à la consommation par l’ajout d’additifs (comme du méthanol ou un amérisant). Le brûleur à l’alcool est une source de flamme douce pratique pour faire chauffer l’échantillon. Il peut également servir à sceller la pipette, même si le chalumeau au butane (figure 1) est plus rapide.

Parafilm M

Le Parafilm M (figure 9) est une pellicule étirable utilisée en laboratoire pour sceller les contenants, comme la pipette en verre.

Boîte carrée contenant un rouleau double de pellicule de 4 pouces sur 250 pieds. La pellicule se déroule par une ouverture aménagée au haut de la boîte.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, ICC 120260-0212
Figure 9. Une boîte de pellicule plastique de laboratoire de marque Parafilm M.

Entreposage

Le papier réactif doit être rangé dans un endroit sec, à une température inférieure à 30 °C et à l’abri du soleil. Convenablement entreposé, il conservera ses propriétés pendant des années. Il n’en demeure pas moins qu’il importe de vérifier s’il est encore réactif en testant un échantillon dont on est certain qu’il renferme du soufre.

Matériaux renfermant du soufre

Les gaz soufrés proviennent d’un vaste éventail de matériaux. Certains matériaux naturels renferment du soufre. En voici des exemples :

  • Laine et feutre de laine
  • Poils, cheveux
  • Plumes

Le soufre élémentaire est entré dans la composition de divers produits, particulièrement dans le passé, dont ceux-ci (Benson, 2012) :

  • Adhésifs
  • Ciment
  • Coulis
  • Incrustations dans des pièces de mobilier
  • Munitions

Certains objets qui s’apparentent au caoutchouc sont faits de polymères auxquels on a ajouté du soufre pour en modifier les propriétés de manière à former des liaisons, ou ponts, entre les chaînes individuelles. En voici quelques exemples :

  • Ébonite (autrefois appelée « vulcanite »)
  • Bandes élastiques
  • Joints d’étanchéité
  • Gants (par exemple, en latex)
  • Matériau de moulage (caoutchouc polysulfuré)
  • Joints toriques
  • Gommes à effacer
  • Bouchons

Le soufre se trouve aussi dans un nombre étonnant d’autres matériaux (Benson, 2012), comme ceux-ci :

  • Argiles (par exemple, certaines argiles à modeler)
  • Cloisons sèches (de mauvaise qualité)
  • Colles (celles qui sont protéiniques)
  • Peintures (certaines)
  • Moulages en plâtre (faits de gypse)
  • Bois (récupéré de milieux anaérobiques)

S’il est question d’utiliser un produit commercial, vérifier d’abord sa fiche signalétique. Consulter la section sur les produits de combustion dangereux et vérifier si certains contiennent du soufre (comme du sulfure d’hydrogène, du dioxyde de soufre ou de l’acide sulfurique). Si tel est le cas, nul besoin d’effectuer le test à l’acétate de plomb, car la mention de ces produits de combustion indique que le produit renferme du soufre (Tétreault, 2003).

Autres tests pour déceler la présence de soufre

Le plomb est utilisé pour faire les papiers réactifs, car il a deux propriétés importantes : il contient un sel soluble (l’acétate de plomb) et son sulfure de plomb est insoluble et foncé. D’autres métaux que le plomb peuvent aussi être utilisés. Ainsi, le papier réactif servant à détecter la présence de sulfure d’hydrogène fabriqué par Hach (en anglais seulement) contient du sulfate de cuivre. Il semblerait qu’un autre papier réactif visant le même but, fabriqué celui-là par Macherey-Nagel (en anglais seulement), ne recèle ni plomb ni autres matériaux dangereux. (La composition exacte de ce papier réactif demeure inconnue, mais, dans des tests préliminaires faits à l’aide d’une pipette en verre, il a donné d’aussi bons résultats que le papier réactif imprégné d’acétate de plomb.)

Un autre type de test, basé sur une solution d’azoture de sodium, sert aussi à déceler la présence de soufre dans les matériaux (Daniels et Ward, 1982). Il suffit de déposer une goutte de solution d’azoture de sodium et d’iode sur le matériau à tester. L’évolution rapide de l’azote gazeux découlant de la décomposition de l’azoture indique la présence de soufre.

Aspects scientifiques du test à l’acétate de plomb

Ce test permet de déterminer les matériaux qui renferment du soufre, car ils peuvent émettre des gaz qui ternissent l’argent, le cuivre et leurs alliages (comme l’argent sterling, le laiton et le bronze). Le ternissement survient quand des produits corrosifs forment une mince couche qui change la couleur de la surface du métal. C’est principalement parce que le métal réagit avec les composés soufrés, comme le sulfure d’hydrogène (H2S) et le sulfure de carbonyle (COS) (Selwyn, 2004). La ternissure de l’argent est principalement composée de sulfure d’argent (Ag2S), tandis que celle du cuivre est constituée de sulfures de cuivre (par exemple, CuS, Cu2S) et d’oxyde de cuivre (soit de la cuprite, de formule Cu2O).

Pour plus de renseignements sur le test à l’acétate de plomb, consulter Odegaard et al. (2005), Rémillard (2007) et Tétreault (2003).

Papier réactif imprégné d’acétate de plomb

Ce papier est imprégné d’acétate de plomb(II) [de formule Pb(CH3COO)2], un composé de plomb blanc cristallin soluble dans l’eau. Il est possible de le préparer en trempant du papier dans une solution d’acétate de plomb, mais il est plus pratique d’acheter du papier déjà prêt à l’usage chez un fournisseur (voir la figure 10). Pendant le test, une ou deux gouttes d’eau sont déposées sur le papier réactif pour dissoudre l’acétate de plomb et produire des ions de plomb (Pb2+) en solution.

Bandelettes de papier test imprégné d’acétate de plomb dans leur contentant en plastique transparent.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0205
Figure 10. Bandelettes de papier réactif imprégné d’acétate de plomb dans leur contenant.

Le papier réactif imprégné d’acétate de plomb est généralement considéré comme un détecteur sélectif de sulfure d’hydrogène (ASTM, 2006). Le sulfure d’hydrogène réagit avec les ions de plomb contenus dans l’acétate de plomb pour former un solide noir, le sulfure de plomb solide, de formule PbS.

H2S + Pb2+ → PbS + 2H+

Le sulfure d’hydrogène se dégage dans les premières secondes de combustion de la laine (Spurgeon et al., 1977).

La sélectivité pour le sulfure d’hydrogène n’est pas parfaite. Le méthylmercaptan fait d’abord jaunir le papier réactif, qui pâlit au bout de quelques minutes (ASTM, 2006). Le sulfure de carbonyle (COS) réagit avec l’eau absorbée par le papier réactif pour former du sulfure d’hydrogène qui, à son tour, réagit avec le papier réactif (Feigl et al., 1972).

Comme d’autres composés du plomb, l’acétate et le sulfure de plomb sont toxiques (Selwyn, 2005), mais il y a tellement peu d’acétate de plomb dans ces papiers qu’il n’est même pas inscrit au titre de produit dangereux sur certaines fiches signalétiques. L’acétate de plomb, aussi appelé « sucre de plomb », a été utilisé au cours de l’histoire pour adoucir (et, par inadvertance, empoisonner) le vin (Nriagu, 1992). Le sulfure de plomb est un minéral, la galène.

Soufre réduit

Les matériaux soufrés qui font ternir l’argent et le cuivre contiennent du « soufre réduit » (Selwyn, 2004). Ce terme désigne des composés soufrés dans lesquels le soufre est à un état d’oxydation réduit, comme l’état d’oxydation zéro [qui s’écrit S(0) ou S0], moins un [qui s’écrit S(-I) ou S-] ou moins deux [qui s’écrit S(-II) ou S2-]. Le soufre élémentaire (S) est un exemple d’état d’oxydation zéro. L’état d’oxydation moins un se trouve dans les matériaux renfermant de la kératine (par exemple, poils, cheveux, laine), lesquels contiennent des composés à liaison disulfure (S-S) de forme R-S-S-R, où R est une chaîne renfermant du carbone. Des exemples d’états d’oxydation moins deux sont le sulfure d’hydrogène (H2S), le sulfure de carbonyle (COS), les thiols organiques (RSH) et les sulfures organiques (R-S-R).

Caoutchouc

Le caoutchouc naturel provient du latex (la sève) de l’hévéa. Le latex est durci par vulcanisation, procédé par lequel le latex est mélangé à du soufre, puis chauffé (Nebergall et al., 1972) pour créer des liaisons entre les molécules du latex. Les gants en latex, les rondelles de hockey, les Minibrix et l’ébonite ne sont que quelques exemples d’objets en caoutchouc. Le néoprène est un exemple de caoutchouc synthétique parfois vulcanisé au soufre.

Le jeu de construction pour enfants Minibrix (voir la figure 11) se compose de briques en caoutchouc fabriquées de 1935 à 1976 (Hanson, 2012). L’ébonite est un type de caoutchouc dur. Ses propriétés en font un bon isolant électrique et il est souvent associé à des alliages de cuivre dans les collections d’instruments scientifiques, de télégraphie et de radio. La figure 12 montre un exemple de récepteur téléphonique en ébonite.

Les deux petites pièces font 25 mm de long.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0218
Figure 11. Trois pièces d’un ensemble Minibrix. La pièce du haut fait 75 mm de long.

Figure 12

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation. ICC 120260-0217
Figure 12. Le grand pavillon à l’extrémité gauche de ce récepteur téléphonique est fait d’ébonite. À côté du récepteur se trouve un contenant transparent où ont été déposés de petits échantillons d’ébonite convenables pour le test à l’acétate de plomb.

L’ébonite se détériore sous l’effet de l’air, de l’humidité et de la lumière. Le soufre qu’elle renferme s’oxyde en acide sulfurique, susceptible de corroder les métaux ou d’endommager d’autres matériaux environnants (Selwyn, 2004).

Matériaux protéiniques

La laine, les plumes, les poils, les cheveux, la peau et la soie se composent principalement de protéines, mais, tandis que la laine, les plumes, les poils et les cheveux renferment une bonne quantité de soufre contenu dans la protéine appelée « kératine », la peau en contient moins, et la soie, presque pas.

À température ambiante, la kératine ne dégage guère de soufre (Tétreault, 2003); à 50°C ou à la lumière, il en va autrement. Dans une pièce ouverte, le soufre de la laine est sans doute insignifiant comparativement au soufre provenant d’autres sources; ainsi, les tapis de laine ne posent généralement pas de problème. Par contre, dans une vitrine scellée, il vaut mieux éviter la laine autant que possible (Brimblecombe et al., 1992).

Les protéines sont faites d’acides aminés. Parmi les 20 acides aminés qui s’y trouvent couramment, deux renferment du soufre – la cystéine et la méthionine (Mills et White, 1994). Dans la cystéine, le soufre est présent sous forme de groupe sulfhydryle (SH) lié à un atome de carbone (parfois écrit -C-SH). Deux molécules de cystéine peuvent s’unir par une liaison soufre-soufre (liaison disulfure) pour former la cystine. Ce sont ces liaisons disulfures qui maintiennent ensemble les filaments moléculaires de la kératine, principales protéines de la laine, des plumes, des poils et des cheveux. (Les liaisons disulfures sont rompues puis reformées quand des cheveux sont permanentés.) Il y a beaucoup moins de soufre dans la fibroïne, qui est la principale protéine de la soie, et le collagène, qui est la principale protéine de la peau et des tissus musculaires; ces protéines sont maintenues par des liaisons hydrogènes. (Le collagène renferme quand même un peu de soufre sous forme de méthionine.)

Contrairement aux matériaux protéiniques, les matériaux végétaux que sont le coton et le lin sont faits de cellulose, qui ne referme pas de soufre.

Peroxyde d’hydrogène

Il est possible que le changement de couleur du papier réactif du blanc au brun foncé soit attribuable au carbone (c.-à-d. à la suie) dégagé par le matériau chauffé. De plus, si la pipette est trop chauffée, le papier même risque de se carboniser. Le peroxyde d’hydrogène permet de distinguer le noir dû au sulfure de plomb et le noir de la suie ou du papier carbonisé.

Le peroxyde d’hydrogène (H2O2) est un oxydant. Si le brun foncé est du sulfure de plomb, le peroxyde d’hydrogène (3 % v/v) l’oxydera en sulfate de plomb blanc (PbSO4, dont le nom de la forme minérale est « anglésite ») (Vogel, 1945).

PbS + 4H2O2 → PbSO4 + 4H2O

En pareil cas, la tache brune disparaîtra et le papier redeviendra blanc, car le sulfate de plomb blanc ne se distingue pas de la blancheur du papier. Par contre, si le brun foncé est de la suie, la couleur ne changera pas sous l’effet du peroxyde d’hydrogène.

Sulfure d’hydrogène

Le sulfure d’hydrogène est un gaz incolore, à odeur nauséabonde, plus lourd que l’air et extrêmement toxique. Heureusement, son odeur est décelable bien en deçà d’une concentration toxique; nombre de personnes la reconnaissent à une concentration aussi faible que 0,0047 partie par million (ppm) (Powers, 2004). Sa présence à un taux de 1 ppm suffit souvent à irriter les yeux; au-delà de 100 ppm, le gaz entraîne la perte de l’odorat; à une concentration d’environ 200 ppm, le sulfure d’hydrogène provoque la mort (Weil et al., 2007).

Remerciements

Merci tout spécialement à Avital Lang, stagiaire à l’ICC, d’avoir contribué à l’élaboration de cette Note.

Fournisseurs

Remarque: Les renseignements qui suivent visent uniquement à informer le lecteur. Le fait qu’une entreprise figure dans la présente liste ne signifie pas pour autant qu’elle est approuvée par l’Institut canadien de conservation.

Papier réactif imprégné d’acétate de plomb

Le papier réactif imprégné d’acétate de plomb est offert chez les fournisseurs de produits chimiques, notamment Fisher Scientific, Macherey-Nagel – dont la distribution est assurée au Canada par Aldert Chemicals, Sigma-Aldrich et VWR International. Le papier réactif de Fisher se vend par boîte de 24 tubes, chacun contenant 100 bandelettes de 4,8 cm de long par 0,65 cm de large. Les autres marques se présentent habituellement en rouleaux.

Produits chimiques et matériel de laboratoire

Les brûleurs à l’alcool, les gants jetables en nitrile, l’éthanol, les bâtonnets applicateurs en bois, la pellicule Parafilm M et les pipettes Pasteur sont vendus par les fournisseurs de produits chimiques, notamment Fisher Scientific et Canadawide Scientific. Un modèle de brûleur à l’alcool est également offert par Lee Valley. L’éthanol se vend aussi dans les quincailleries comme Home Hardware.

Chalumeau au butane

Il est possible de se procurer des chalumeaux au butane dans les quincailleries. Le modèle portatif utilisé dans cette Note est offert chez Lee Valley.

Références

ASTM D2420-91 — « Standard Test Method for Hydrogen Sulfide in Liquefied Petroleum (LP) Gases (Lead Acetate Method) », dans Annual Book of ASTM Standards, Volume 05.01, West Conshohocken (Pennsylvanie), American Society for Testing and Materials, 2006, p. 881-882.

Benson, P. L. « Some Unusual, Hidden, Surprising, or Forgotten Sources of (Possible) Sulfur Contamination in Museums and Historic Structures », AIC Objects Specialty Group Postprints, vol. 19 (2012), p. 85‑107.

Brimblecombe, P., D. Shooter et A. Kaur. « Wool and Reduced Sulphur Gases in Museum Air », Studies in Conservation, vol. 37, no 1 (1992), p. 53-60.

Daniels, V., et S. Ward. « A Rapid Test for the Detection of Substances Which Will Tarnish Silver », Studies in Conservation, vol. 27, no 2 (1982), p. 58-60.

Feigl, F., et V. Anger. Spot Tests in Inorganic Analysis, 6 e éd., Amsterdam (Pays-Bas), Elsevier, 1972, p. 465.

Hanson, M. The History of Minibrix (en anglais seulement).

Kultys, A. « Sulfur-containing Polymers », dans Kirk-Othmer Encyclopedia of Chemical Technology, 5e éd., vol. 23, Hoboken (New Jersey), John Wiley & Sons, 2007, p. 702-753.

Mills, J. S., et R. White. The Organic Chemistry of Museum Objects, 2e éd., Oxford (Royaume-Uni), Butterworth-Heinemann, 1994.

Nebergall, W. H., F. C. Schmidt et H. F. Holtzclaw. General Chemistry, 4e éd., Lexington (Massachusetts), D.C. Heath, 1974 p. 581-582.

Nriagu, J. O. « Saturnine Drugs and Medicinal Exposure to Lead: An Historical Outline », dans Human Lead Exposure (sous la direction de H. L. Needleman), Boca Raton (Floride), CRC Press, 1992, p. 3-21.

Odegaard, N., S. Carroll et W. S. Zimmt. « Test for Sulfur Using Lead Acetate Paper and Pyrolysis », dans Material Characterization Tests for Objects of Art and Archaeology, 2e éd., Londres (Royaume-Uni), Archetype Publications, 2005, p. 146‑147.

Powers, W. The Science of Smell Part 1: Odor perception and physiological Response (en anglais seulement), Ames (États-Unis), Iowa State University, 2004.

Rémillard, F. « Test à l’acétate de plomb », dans Identification des plastiques et des élastomères : tests miniaturisés (version PDF). Québec, Centre de conservation du Québec, 2007, p. 12‑13.

Selwyn, L. Métaux et corrosion : Un manuel pour le professionnel de la conservation, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2004.

Selwyn, L. «  Health and Safety Concerns Relating to Lead and Lead Compounds in Conservation », Journal of the Canadian Association for Conservation, vol. 30 (2005), p. 18‑37.

Spurgeon, J. C., L. C. Speitel et R. E. Feher. « Thermal Decomposition Products of Aircraft Interior Materials » (en anglais seulement), Report No. FAA-RD-77-20, Washington (D.C.), U.S. Department of Transportation, Federal Aviation Administration, 1977.

Tétreault, J. Polluants dans les musées et les archives : évaluation des risques, stratégies de contrôle et gestion de la préservation, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2003.

Vogel, A. I. A Text-book of Qualitative Chemical Analysis Including Semimicro Qualitative Analysis, 3e éd., Londres (Royaume-Uni), Longmans, Green and Co. Ltd., 1945, p. 323.

Weil, E. D., S. R. Sandler et M. Gernon. « Sulfur Compounds », dans Kirk-Othmer Encyclopedia of Chemical Technology, 5e éd., vol. 23, Hoboken (New Jersey), John Wiley & Sons, 2007, p. 621-701.

Rédigé par Lyndsie Selwyn

Also available in English.

© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2017

ISSN 1928-5272

Détails de la page

Date de modification :