Mâts totémiques exposés à l'extérieur – Notes de l'Institut canadien de conservation (ICC) 6/8
Introduction
Avec la renaissance, ces dernières années, de la sculpture de mâts totémiques, beaucoup de musées ont décidé d'acquérir ce type d'œuvres et doivent donc apprendre à les préserver. La présente Note porte sur des méthodes de manutention et les précautions à prendre pour apporter tous les soins nécessaires aux mâts exposés à l'extérieur. Bien que l'information vise principalement les mâts de facture récente, elle s'applique aussi aux mâts plus anciens. Des consignes concernant les mâts présentés à l'intérieur figurent dans la Note de l'ICC nº 6/7 intitulée Mâts totémiques exposés à l'intérieur.
Tous les mâts véritables sont sculptés dans du thuya géant (Thuja plicata), un bois tendre, aromatique, à fil droit et à faible densité exceptionnellement durable. Les mâts totémiques contemporains destinés à une exposition à l'extérieur peuvent être des mâts traditionnels dont le « pied » n'est pas sculpté (habituellement environ 10 % de la longueur totale du mât) et est fiché dans le sol. Plus souvent, toutefois, les mâts n'auront pas ce pied non sculpté et devront être soutenus par des supports externes.
Choisir l'emplacement
Les mâts devraient être placés à l'endroit où ils ont le plus bel effet et non où ils pourraient paraître écrasés par la masse des bâtiments environnants. L'idéal serait de les placer à des endroits bien dégagés qui permettent suffisamment de recul pour les photographier plus aisément et apprécier leur effet majestueux. Ces endroits ont généralement aussi l'avantage d'offrir suffisamment de lumière et de circulation d'air, ce qui empêchera la formation de mousse et de champignons qui contribuent au pourrissement du bois.
Ne pas placer les mâts près des arbres ou des arbustes qui pourraient faire barrière à la circulation d'air et créer un milieu humide. Si les mâts doivent être placés près de bâtiments ou y être fixés, s'assurer qu'ils ne sont pas placés sous la ligne d'égouttement.
Protection
Les mâts totémiques gercent toujours (c.-à-d. se fissurent ou fendent) dans une certaine mesure pendant la sculpture ou immédiatement après; des gerces de 2 cm environ de largeur sont normales sur des mâts pleine grandeur. Ce phénomène est rarement grave et ne risque pas d'affaiblir les mâts. Cependant, lorsque ceux-ci sont exposés aux intempéries (c.-à-d. à l'extérieur), ces gerces sont une porte d'entrée à l'air, à l'eau et aux micro-organismes. Malgré la résistance exceptionnelle du thuya géant, les mâts peuvent pourrir s'ils ne sont pas protégés avec un fongicide. Les mâts sculptés sur commande peuvent avoir été traités avec un fongicide incolore après la sculpture et avant l'application de peinture, mais le fait est rare. La plupart des mâts n'ont pas été traités et, par conséquent, doivent l'être avant l'installation.
Pendant l'application du fongicide, prendre soin de bien enduire les découpes (particulièrement aux extrémités du mât), les mortaises et les fissures visibles. Si le mât comporte un pied qui doit être enfoncé dans le sol, le traiter avec une grande quantité de fongicide jusqu'à 25 cm environ au-dessus de la surface du sol.
On conseille fortement d'appliquer une protection fongicide à long terme à base de borates. Cette méthode est présentée dans l'ouvrage de Sheetz et Fisher (la bibliographie). On suggère également d'utiliser les tiges Impel en vente dans le commerce [des cylindres solides de borates fondus contenant du DOT (octaborate disodique tétrahydraté). Ces tiges peuvent durer de trois à dix ans, en fonction des différentes conditions climatiques; elles doivent être remplacées régulièrement.
Sceller le dessus du mât avec un matériau imperméable, souple et durable qui peut être moulé pour assurer une protection de la totalité de la surface du dessus et dépasser sur environ 1 cm au-delà du bord sur tout le périmètre. Des feuilles de cuivre, de plomb et de zinc peuvent être utilisées, mais les bardeaux d'asphalte à toiture sont probablement les plus efficaces. On peut choisir des bardeaux en fonction de la couleur et de la texture du mât et ensuite les couper de la forme désirée et les fixer avec des clous à toiture galvanisés. Ne jamais étanchéiser le dessous du mât.
Mât totémique sans pied
Si le mât ne comporte pas de pied, il faudra lui fixer un support externe. Il s'agit là d'un problème technique qui va au-delà de la portée de la présente Note et exigera les conseils d'un ingénieur civil ou d'un architecte en consultation avec un restaurateur. Cependant, les remarques générales suivantes peuvent être utilisées pour concevoir un support.
La solution la plus simple est de fixer le mât au mur extérieur d'un bâtiment, en prenant les précautions mentionnées dans la Note de l'ICC nº 6/7, Mâts totémiques exposés à l'intérieur. Les mâts exposés à l'extérieur peuvent aussi être placés de 10 à 15 cm au-dessus du sol pour éviter qu'ils absorbent de l'eau et pour assurer une bonne circulation d'air. Plusieurs méthodes sont possibles : fabriquer une base ou une tablette en mailles d'acier, fixer au mur et boulonner au mât des supports en acier ou placer quatre ou cinq briques de côté sur une dalle de béton. Ne pas utiliser de bois comme support, car il pourrait absorber l'humidité et la transmettre au mât et ainsi constituer une source potentielle de contamination par les champignons. De plus, éloigner du mât toute végétation, ne pas le placer sous la ligne d'égouttement du toit et veiller à ce que le sol sur lequel il repose soit bien drainé.
Un mât placé loin de bâtiments peut être boulonné ou sanglé à un support résistant à des contraintes latérales comme des tremblements de terre et des vents violents (ce type de support doit être conçu par un ingénieur). La plupart des supports verticaux consistent en une poutre ou plus de type caisson, en I ou en U, dont la base est coulée dans une bonne quantité de béton. Ces supports peuvent parfois être camouflés en les logeant dans des rainures découpées à l'arrière du mât et les têtes des boulons sur le devant peuvent être enfoncées dans le bois et recouvertes d'un bouchon de bois qu'il s'agit ensuite de sculpter et de peindre pour s'agencer au mât. Ne pas utiliser de supports en bois, car leur durée de vie est courte, surtout s'ils sont coulés dans le ciment.
Les mâts autoportants soutenus par une structure externe doivent également être placés au-dessus de leur base de béton pour permettre une circulation d'air. On peut y parvenir à l'aide de la même méthode décrite ci-dessus pour les mâts attachés à un bâtiment. S'assurer aussi que la base de béton est assez grande pour éloigner la végétation du mât et que cette surface est légèrement bombée pour que l'eau ne stagne pas sous le pied du mât.
Il faut toujours penser que le bois est fragile et fibreux lorsque l'on fixe un mât à une structure de support. Si deux trous de boulons (ou plus) sont percés dans un alignement vertical, ils peuvent créer une ligne de faiblesse qui, sous une contrainte, peut faire fendre le mât.
Mât totémique avec pied
La méthode traditionnelle d'érection d'un mât totémique (c.-à-d. planter le pied fermement dans un terrain bien drainé) est de loin la méthode la plus adéquate, car elle permet d'éliminer l'utilisation de courroies et de boulons. Cependant, pour assurer une longue vie au mât, celui-ci et l'emplacement où il doit être planté doivent être bien préparés et entretenus.
Tremper le pied du mât dans une bonne quantité de fongicide (les borates sont recommandés) avant de l'enfoncer dans le sol.
Le trou dans lequel on placera le pied du mât doit être bien drainé. Creuser un trou plus profond et plus large que le pied et placer au fond du trou au moins deux couches de pierres douces. Ensuite, disposer avec soin des pierres de différentes grosseurs autour du pied, en couches successives jusqu'à environ 15 cm du haut du trou. Chaque couche doit être compactée et remplie avec du gros gravier. Remplir le dernier 15 cm avec du gravier, en laissant la surface légèrement bombée à quelques centimètres au-dessus du sol environnant.
Au besoin (par exemple au centre d'une cour), recouvrir la surface autour du mât d'une couche de ciment bombé pour permettre un bon écoulement de l'eau. Ne jamais enfoncer le mât directement dans une base de béton, puisque cela favoriserait la rétention d'eau et le pourrissement du mât. Même si l'on étanchéise soigneusement le point de rencontre entre le mât et le ciment avec du bitume ou un autre matériau plastique, cela n'empêchera pas le bois de pourrir. La base dans laquelle est posé le pied doit favoriser un bon drainage et une exposition à l'air.
Entretien
Examiner l’ensemble de la surface de tous les mâts totémiques au printemps et à l’automne de chaque année, et consigner les résultats. Conserver le dossier d’inspection afin de faciliter les solutions aux problèmes qui surviendront dans les années ultérieures. Les veines d’extrémité sont les zones les plus vulnérables à la détérioration qu’entraîne le vieillissement climatique ou encore l’eau qui érode les biocides naturels ou appliqués. La présence de lichen laisse présager une attaque fongique, et signale une diminution du niveau de biocides. Nettoyer les mâts en les brossant à l’aide d’un pinceau souple de peintre. S’il faut les laver à l’eau, consulter un restaurateur.
Les fourmis charpentières présentes dans la terre peuvent s’attaquer à un mât sans être vues. Pour prévenir une telle attaque, garder un espace entre le mât et la terre. Empêcher l’accumulation de terre ou de détritus dans cette zone.
Enlever du pied des mâts toute végétation, tout débris ou toute obstruction qui pourraient nuire à la circulation d’air. Enlever les feuilles, les débris organiques et les plantes radiculaires ou les semis dans un rayon d’un mètre du mât.
Ébrancher tout arbre ou buisson dans un rayon de 2 mètres d’un mât, afin d’empêcher les branches de le frapper pendant une tempête de vent. Enlever également tout arbre qui pourrait heurter le mât s’il devait être renversé au cours d’une tempête.
Si le mât est planté dans le sol, épandre chaque printemps un herbicide granulaire sur le gravier entourant son pied. Enlever à la main les mauvaises herbes qui persistent malgré l’application de l’herbicide. Tous les trois ou quatre ans, verser un produit fongicide contre le mât juste au-dessus du gravier et le laisser pénétrer dans le sol.
Tous les cinq à huit ans, appliquer un fongicide à base de borate, qu’il y ait des signes de moisissure ou non. La fréquence de cette application dépendra du climat et de l’endroit où le mât est exposé.
Le fait d’appliquer une peinture aux mâts totémiques ne contribue pas à leur préservation. Si, pour des raisons esthétiques, il est question de repeindre, communiquer avec les artistes qui ont créé l’œuvre (dans la mesure du possible) et les engager pour réaliser le travail.
Après 40 ans d’exposition extérieure, examiner la base de tout mât dont l’extrémité inférieure est enfouie sous terre ou dans du béton, afin de déceler de la pourriture. Pour ce faire, utiliser un outil tel qu’un résistographe de marque IMLNote en fin de texte 1 , puisque le thuya géant pourrit de l’intérieur vers l’extérieur, et même très affaibli, un mât ne présentera pas nécessairement des signes de pourriture.
Fournisseurs
Nota : L’information qui suit vise uniquement à informer le lecteur. La présence d’une entreprise dans cette liste n’engage aucunement l’Institut canadien de conservation.
Tiges Impel et fongicides à base de borate
The Sansin Corporation (en anglais seulement)
111, avenue MacNab
Strathroy (Ontario) N7G 4J6
Canada
Téléphone : 1-519-245-2001 ou 1-877-726-7461
Broda Coatings Ltd. (en anglais seulement)
102- 876 Cordova DVSN
Vancouver (Colombie-Britannique) V6A 3R3
Téléphone : 604-254-3325 ou 1-800-311-5339
Résistographe
IML, Inc. (en anglais seulement)
15 Glidden Road
Moultonborough (New Hampshire) 03254
États-Unis
Téléphone : 1-603-253-4600
Bibliographie
Institut canadien de conservation. Mâts totémiques exposés à l'intérieur, Notes de l’ICC 6/7, Ottawa (Ontario), Institut canadien de conservation, 2002.
Sheetz, R. Protecting Wood With Preservatives and Water Repellants, Conserve O Gram 7/3 (en anglais seulement), Washington (D.C.), United States National Park Service, juillet 1993.
Sheetz, R., et C. Fischer. Exterior Woodwork Nº 4: Protecting Woodwork Against Decay Using Borate Preservatives, Preservation Tech Notes (en anglais seulement), Washington (D.C.), United States National Park Service, octobre 1993.
Première édition rédigée par Philip Ward en 2002
Deuxième édition rédigée par David Grattan, Robert L. Barclay et James Hay en 2009
Révisé en 2024
© Gouvernement du Canada, Institut canadien de conservation, 2024
No de cat. : NM95-57/6-8-2010F
ISSN : 1191-7237
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