Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur
1.0 Introduction
L’une des responsabilités fondamentales du gouvernement fédéral consiste à protéger et à préserver les institutions et les pratiques démocratiques du Canada.
Les évaluations des menaces relatives à la sécurité nationale et du risque, ainsi que les expériences vécues par nos principaux alliés internationaux, indiquent que les élections générales au Canada pourraient être vulnérables à l’ingérence dans un certain nombre de domaines. Pour cette raison, d’importants travaux ont été entrepris au sein du gouvernement fédéral en vue de protéger et de défendre les systèmes et les processus électoraux. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a établi le Protocole public en cas d’incident électoral majeur afin d’informer la population canadienne de façon cohérente et uniforme, durant la période d’application de la convention de transition, des incidents pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays.
2.0 Objectif
La Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur énonce les attentes des ministres en ce qui touche les directives générales et les principes à suivre pour informer le public de tout incident pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays durant la période d’application de la convention de transition.
Le Protocole est conforme à la convention de transition, qui suit le principe selon lequel le gouvernement doit faire preuve de retenue et restreindre la prise de décisions en matière de politiques, de dépenses et de nominations pendant la période électorale, sauf si cela est impératif sur le plan de l’intérêt national ou en cas de situation d’urgence. La convention de transition commence généralement à la dissolution du Parlement. Elle prend fin lorsqu’un nouveau gouvernement est assermenté ou qu’un résultat ramenant un gouvernement en place est clair.
Pendant la période d’application de la convention de transition, toute annonce jugée nécessaire doit être faite au nom d’un ministère, afin de faire la distinction entre les activités officielles du gouvernement et les activités partisanes.
3.0 Champ d’application
Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur aura un champ d’application limité. Il sera uniquement appliqué pour faire face aux incidents qui surviendront durant la période d’application de la convention de transition et qui ne relèvent pas des domaines de responsabilité d’Élections Canada (en ce qui concerne l’administration de l’élection, tels qu’énoncé dans la Loi électorale du Canada). Tout incident se produisant hors de la période d’application de la convention de transition sera géré dans le cadre des activités courantes du gouvernement du Canada.
4.0 Groupe d’experts
Le Protocole sera administré par un groupe de hauts fonctionnaires qui, en collaboration avec les agences de sécurité nationale relevant du mandat actuel de leurs organisations respectives, seront chargés de déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis, que ce soit dans le cas d’un incident isolé ou de l’accumulation d’incidents distincts.
Ce groupe d’experts réunira :
- le greffier du Conseil privé;
- le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du Premier ministre ;
- le sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada;
- le sous-ministre de la Sécurité publique;
- le sous-ministre des Affaires étrangères.
5.0 Processus
Le Protocole établit la procédure à suivre pour informer les Canadiens de tout incident pouvant menacer la tenue d’élections libres et justes au pays, si cela était nécessaire.
Durant la période d’application de la convention de transition, le protocole à suivre pour toute annonce publique est le suivant :
- Les agences de sécurité nationale donneront des séances d’information régulières au groupe d’experts sur les développements touchant la sécurité nationale et les menaces possibles pesant sur l’intégrité de l’élection. Le groupe d’experts pourrait également recevoir des informations et des conseils de sources autres que les agences de sécurité et de renseignement.
- Les partis politiques recevront des instructions sur la manière de signaler toute interférence qu’ils pourraient subir pendant l’élection.
- Les dirigeants des agences de sécurité nationale (Centre de la sécurité des télécommunications, Service canadien du renseignement de sécurité, Gendarmerie royale du Canada ou Affaires mondiales Canada, travaillant dans le cadre de leurs mandats respectifs), s’ils sont informés d’une ingérence dans lors d’une élection générale, examineront en consultation concertée, tous les moyens possibles pour remédier efficacement à la situation. Dans le cadre de ce processus, ils informeront le groupe d’experts. À moins de motifs impérieux liés à la sécurité nationale et à l’intérêt public, les agences informeront directement la partie touchée de l’incident (p. ex. un candidat, un parti politique ou Élections Canada).
- Le groupe d’experts évaluera les incidents en vue de déterminer si les critères rendant nécessaire que les Canadiens soient informés sont remplis (tels qu’ils sont énoncés à l’article 6 ci-dessous). Le groupe d’experts prendra ses décisions par consensus, en tirant parti de l’expertise de l’ensemble du gouvernement, y compris des agences de sécurité nationale dans l’exercice de leur mandat. Le groupe d’experts pourrait consulter le directeur général des élections (DGE) pour s’assurer que les mandats sont respectés si des questions d’interférence se posent qui peuvent concerner à la fois le groupe d’experts et le DGE.
- Si une annonce publique est jugée nécessaire, le groupe d’experts en informera le premier ministre, les chefs des autres grands partis (ou les représentants principaux désignés des partis ayant reçu leur autorisation de sécurité, parrainés par le BCP), ainsi qu’Élections Canada. Tous ces dirigeants recevront la même séance d’information à ce sujet.
- Immédiatement après avoir informé le premier ministre, les autres partis politiques et Élections Canada, le greffier du Conseil privé, au nom du groupe d’experts, pourrait soit publier une déclaration, ou demander aux dirigeants responsables de tenir une conférence de presse pour informer les Canadiens de l’incident.
6.0 Critères à remplir pour informer le public
Une annonce publique durant la période d’application de la convention de transition ne sera faite que si le groupe d’experts détermine qu’il s’est produit un incident ou une accumulation d’incidents qui menace la tenue d’élections libres et justes au pays.
Une grande rigueur sera requise pour établir si les critères sont remplis. Différents facteurs pourraient être examinés en vue de prendre une décision à ce sujet, par exemple :
- la mesure dans laquelle l’incident ou l’accumulation d’incidents compromet la capacité des Canadiens de participer à des élections libres et justes;
- la possibilité que l’incident ou l’accumulation d’incidents mine la crédibilité de l’élection;
- le degré de confiance des responsables à l’égard du renseignement ou de l’information.
Le groupe d’experts, de par sa composition particulière, disposera d’une vue d’ensemble englobant la sécurité nationale, les affaires étrangères, la gouvernance démocratique et les considérations juridiques, y compris une conception claire des droits démocratiques consacrés par la Charte canadienne des droits et libertés.
Un événement perturbateur ou un incident d’interférence peut émaner d’acteur nationaux et/ou étrangers. Il pourrait être difficile, voire impossible, d’attribuer la responsabilité de tentatives d’interférence dans les délais permis par les événements, étant donné les malversations et la désinformation susceptibles d’être impliquées dans les tentatives d’exercer une influence néfaste sur les élections. De plus, il est possible que des acteurs étrangers travaillent en collaboration avec des acteurs nationaux ou par l’entremise de ces derniers. En fin de compte, c’est l’incidence sur la tenue d’élections libres et justes au Canada qui permettra de déterminer si les critères sont remplis et qu’une annonce publique est requise. Il est entendu que les intérêts de la population canadienne – et la démocratie – sont le mieux servis par les campagnes électorales qui offrent un large éventail de débats et de positions différentes. Le Protocole n’a pas pour but de limiter le débat démocratique et ne sera pas utilisé à cette fin.
7.0 Annonce
L’annonce serait centrée sur les éléments suivants :
- la notification de l’incident;
- les renseignements connus à propos de l’incident (selon ce qui est jugé approprié);
- les mesures que les Canadiens devraient prendre pour se protéger (s’assurer qu’ils sont bien informés, avoir de bonnes pratiques informatiques, etc.), le cas échéant.
8.0 Pouvoirs actuels
Aucun élément de la présente Directive ne modifie ou n’élargit de quelque façon que ce soit le mandat de chacune des agences de sécurité nationale ou de tout autre ministère ou organisme. Plus précisément, aucune disposition du Protocole n’a préséance sur l’indépendance de la GRC.
9.0 Évaluation
Après l’élection de 2019, un rapport indépendant sera préparé pour évaluer la mise en œuvre du Protocole public en cas d’incident électoral majeur et la mesure dans laquelle il a permis de gérer efficacement les menaces pesant sur l’élection de 2019. Ce rapport sera présenté au premier ministre et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Une version publique sera aussi préparée. Ces rapports ont pour but d’aider à déterminer si des ajustements doivent être apportés au protocole pour le renforcer.
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