Le Mat 2 Liznick survit au naufrage de l’Athabaskan et à l’isolement dans un camp de prisonniers de guerre

Mat2 Harry Liznick

Harry Liznick montant la garde à Halifax en 1942.

Une explosion massive déchire le ventre du Navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Athabaskan.

Le matelot de 2e classe Harry Liznick, au poste de canon antiaérien avant de tribord, est forcé de sauter dans les eaux froides de la Manche.

Nous sommes le 29 avril 1944, et l’Athabaskan vient d’être atteint par une torpille lancée par le torpilleur allemand T-27 pendant que la bataille de l’Atlantique continue de faire rage.

« Je pouvais voir du feu à une centaine de pieds, il me semblait, au-dessus de moi. J’étais encore étendu sur le navire et je voyais des tuyaux, des barres de fer, d’énormes morceaux d’acier, là très haut dans les airs. Je me suis dit que tout cet acier allait me tomber dessus et me tuer », s’est rappelé Liznick. 
À cet instant, le visage brûlé, craignant pour sa vie, Liznick saute par-dessus bord.

L’Athabaskan s’inclinait à bâbord. Après avoir nagé aussi vite qu’il le pouvait, Liznik s’est retourné après s’être éloigné de 200 pieds et a « vu le moment où la poupe glissait sous les flots; la proue s’est dressée, et le bon vieux Athabaskan s’est enfoncé et a coulé. »

Les marins pris au piège sous le pont sont disparus avec le navire.

Après avoir forcé le T-27 à s’échouer sur les rochers et l’avoir incendié avec des tirs de canons, le navire frère NCSM Haida est revenu récupérer les survivants de l’Athabaskan. En lançant les embarcations et en déployant les flotteurs et les filets de remontée du Haida, l’équipage de ce dernier a réussi à rescaper des dizaines de marins hébétés, épuisés et couverts de mazout.

Se trouvant trop loin pour se rendre en lieu sûr, Liznick s’est joint au chœur des hommes encore dans l’eau qui appelaient au secours.

Mais en vain… Après s’être arrêté pendant 18 minutes, le Haida a dû abandonner l’opération de sauvetage. L’aube approchait, et le Haïda, se trouvant près de la côte ennemie, risquait fort de subir une attaque aérienne ou d’être la cible des batteries côtières situées tout près.

Le capitaine de l’Athabaskan, John Stubbs, et 128 hommes ont été perdus; 42 ont été rescapés par le Haida, six ont réussi à gagner la côte anglaise dans une petite embarcation, et 85 ont été faits prisonniers.

Couverts d’un mazout noir épais, les survivants nageaient tant bien que mal en essayant d’agripper n’importe quoi qui flottait.

« La couche de mazout semblait avoir deux pouces d’épaisseur. Elle couvrait tout, et nous avions du mal à nous accrocher à n’importe quoi. Nous avons avalé beaucoup d’eau et de mazout, et nous avions la bouche enduite de graisse », s’est rappelé Liznick.

« Ceux d’entre nous qui ont été laissés derrière étaient loin d’être au bout de leurs peines ... »

À l’aube, des navires allemands et plusieurs dragueurs de mines ont commencé à porter secours aux survivants. Liznick s’est rappelé avoir été bien traité par les marins allemands. Pendant qu’ils étaient encore en mer, les survivants ont pu prendre une douche, et on leur a servi un « gruau légèrement tiède qui était insipide et ressemblait à la pâte que nous utilisions à la petite école ».

Après avoir enlevé leurs vêtements huileux, les marins de l’Athabaskan ont reçu des uniformes de la marine française qui avaient été confisqués quand les Allemands s’étaient emparés de la France en 1939. Les prisonniers ont été entassés sous le pont dans la cale.

Après avoir été débarqués à Brest (France) devant une foule d’habitants de l’endroit et de fonctionnaires allemands, les hommes de l’Athabaskan ont été emmenés dans un hôpital de fortune qui avait jadis été un couvent. À peine quelques jours plus tard, ils ont été entassés à bord de trains et ont entrepris un trajet de quatre jours à destination du Marlag und Milag Nord, un camp de prisonniers de guerre (PG) réservé aux hommes de la marine de guerre et de la marine marchande et situé à l’extérieur de Brême, en Allemagne.

Les hommes ont été isolés pendant les six premières semaines. La nourriture était rare et comprenait deux tranches de pain noir, une pastille de margarine et une tasse de succédané de thé. Plus tard, la ration a été réduite à une tranche par jour, et l’on s’attendait à ce que les prisonniers en sauvegardent la moitié pour le souper.

Liznick, en particulier, s’accommodait mal de la nouvelle ration et a déclaré : « C’est drôle! Comment un homme qui meurt de faim peut-il sauvegarder quoi que ce soit de mangeable, ne serait-ce que pendant une minute? »

Une fois par mois, les marins recevaient un cube déshydraté de choucroute mesurant 2,5 pouces de côté. Voici ce qu’en disait Liznick : « C’était aussi dur que la pierre! Si nous le mettions dans un seau d’eau, il gonflait, et nous avions alors tout un seau de choucroute. »

Après 11 mois de captivité, l’humeur a changé dans le camp, car la radio annonçait que les Alliés s’approchaient.

Le 25 avril 1945, au réveil, les PG ont constaté que la Deuxième Armée britannique avait libéré le camp.

Les PG canadiens ont été transportés à Horsham (Angleterre) à bord d’un avion Lancaster pour récupérer, puis ils ont été rapatriés.

Liznick est arrivé à Iroquois Falls (Ontario), le 31 mai 1945, soit 13 mois après le torpillage de son navire et juste à temps pour aider son père à ensemencer ses champs.

En 2002, l’épave du NCSM Athabaskan a été repérée à 90 mètres de profondeur, près de l’île de Batz dans la Manche. Bon nombre de ceux qui avaient péri lors du naufrage ont été inhumés au cimetière communal de Plouescat, au sud-ouest de Batz, en Bretagne (France).

Harry Liznick est décédé en 2005.

Au moment où la Marine royale canadienne souligne le 75e anniversaire du naufrage du NCSM Athabaskan, le 29 avril 2019, ce sont le courage, la détermination et la force d’âme de marins tels que Liznick et ses camarades de bord qui inspirent les marins d’aujourd’hui.

Source :

Canadian Naval Review, 2009 : A POW’s account of the loss of Athabaskan in 1944, par Pat Jessup.

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