Des attentes irréalistes : la mission vouée à l’échec de la Luftwaffe durant la bataille d’Angleterre - Partie IV

Le 17 septembre 2020 - Nouvelles de la Défense

Autheur : Major James Pinhorn

À l’été 1940, les perspectives d’avenir de la démocratie en Europe sont très sombres. La machine militaire d’Adolf Hitler, qu’il semble impossible d’arrêter, s’est rendue maître de la plus grande partie de l’Europe de l’Ouest en moins de deux mois, et seule la Manche sépare l’Allemagne nazie des derniers remparts de la démocratie en Europe.

Pour commémorer le 80e anniversaire de la bataille d’Angleterre, nous publions cette série historique en six volets fondée sur l’article rédigé par le Major Jim Pinhorn et publié dans le cadre des Articles de nouvelles de l’ARC.

Légende

Le Hawker Hurricane Mk IIB BE485, indicatif AE-W, du 402e Escadron de chasse, équipé de bombes de 113 kilogrammes fixées sous ses ailes, traverse la Manche afin de mener une mission de harcèlement en France occupée en 1941. PHOTO : Archives MDN, PL-6898

PARTIE IV

L’intervention constante d’Hitler fait en sorte que la production de l’industrie allemande n’atteint jamais la quantité ni la qualité dont elle est capable. Par conséquent, elle construit un avion qui ne peut tout simplement pas couvrir la distance ni transporter les charges utiles nécessaires pour mener la bataille d’Angleterre. Le fait que la Luftwaffe dépend d’avions si mal adaptés à la campagne contre l’Angleterre est, dans une grande mesure, le résultat de l’ingérence d’Hitler dans un domaine qu’il ne comprend pas.

Les défaillances du renseignement allemand sont encore plus néfastes. Le service du renseignement de la Luftwaffe, que dirige le Colonel Josef Schmid, est sous-financé, manque de personnel et est beaucoup trop petit pour répondre aux besoins de la force aérienne la plus importante du monde.

Pendant la planification et le déroulement de la bataille, le renseignement allemand présente divers défauts : manque d’information sur les cibles de bombardement appropriées, peu de renseignements utiles sur les radars et le système de défense antiaérienne britanniques ainsi que tendance persistante à sous-estimer la force de la RAF. Les déficiences du renseignement allemand amènent les dirigeants à être exagérément optimistes avant et pendant la bataille, et elles constituent un obstacle sérieux à la prise de décisions efficaces. Pire encore, le climat politique qui caractérise le régime nazi amène les auteurs de comptes rendus de renseignement à adapter leurs rapports aux désirs des lecteurs, au lieu de décrire la situation telle qu’elle est. En l’absence d’information fiable, les décisions se fondent sur des évaluations exagérément optimistes qui ne tiennent pas compte des réalités militaires et qui engendrent des difficultés inutiles.

La grande contribution de l’unité du renseignement de la Luftwaffe au processus de planification de l’invasion de la Grande‑Bretagne se veut le rapport « Study Blue ». Les principales sources de ce rapport sont des cartes et des manuels publiés officiellement, des articles de journaux britanniques, et un livre sur l’industrie britannique qui a été commandé directement à une librairie londonienne, ce qui en dit long sur le caractère simpliste et amateur du service du renseignement de la Luftwaffe.

Le rapport « Study Blue » ne contient aucun renseignement sur les radars et ne reconnaît pas l’importance du système de défense aérienne qui a été mis en place par Dowding, même si l’Allemagne est l’initiatrice de la technologie. Le radar permet aux Britanniques de bien gérer leurs chasseurs; grâce à la détection rapide des avions allemands, les escadrons de chasse sont avertis et peuvent demeurer au sol jusqu’au dernier moment, ce qui permet aux pilotes d’attaquer l’ennemi avec la plus grande quantité de carburant possible et leur évite d’organiser des patrouilles épuisantes et onéreuses. Les Allemands choisissent d’attribuer à la chance le succès de la RAF dans la localisation des avions allemands. Comme Fred Strebeigh le rappelle : « Pendant les cinq premières semaines de la bataille d’Angleterre, la RAF, “favorisée par la chance”, a le dessus sur la Luftwaffe [sic] jour après jour; le 12 août, elle a perdu 128 avions, mais en a détruit 255. »

L’étude de Schmid comporte une autre faiblesse majeure : la sous-estimation des ressources de la RAF et de la capacité industrielle de la Grande‑Bretagne. Selon Schmid, la RAF n’a que 200 chasseurs de première ligne et le Bomber Command dispose d’environ 500 bombardiers. Bien que son estimation de la force de bombardement soit remarquablement précise, elle compte 536 bombardiers en réalité, il se trompe quant aux ressources du Fighter Command, qui comprend plus de 600 avions de première ligne.

Les défaillances du renseignement ne se limitent nullement à la sous-estimation des forces britanniques. Les bases de chasseurs sont régulièrement prises pour des bases de bombardiers, et les avions au sol sont souvent mal identifiés. Toutefois, les erreurs les plus graves sont les méprises grossières dans l’estimation des forces britanniques pendant le déroulement de la bataille. Au début de septembre, Göring affirme avec force que les Britanniques n’ont plus que 150 chasseurs, et Hitler décide que la campagne sera désormais axée sur le bombardement en plein jour contre Londres. Ce virage donne au Fighter Command le temps de réparer ses appareils et de se réapprovisionner. De plus, l’industrie aéronautique britannique rattrape non seulement son retard par rapport au développement de la Luftwaffe au cours des deux années suivantes, mais elle surpassera même la production allemande dès 1940, alors qu’elle construit 15 049 avions comparativement à seulement 10 247 pour les Allemands. 

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