ARCHIVÉE - Chapitre 3 : Le système de justice militaire canadien

Le système de justice militaire du Canada est un système de justice distinct et parallèle qui existe au sein des lois canadiennes, et en forme une partie intégrante. Il partage de nombreux principes sous-jacents avec le système de justice pénale civile et est assujetti au même cadre constitutionnel, notamment à la Charte canadienne des droits et libertés. D’ailleurs, le système de justice militaire est expressément reconnu dans la Charte. Il s’engage à faire preuve d’équité, d’égalité devant la loi, et défend les valeurs fondamentales de justice ainsi que l’application régulière de la loi. La nécessité ainsi que la légitimité du système ont été confirmées par la Cour suprême du Canada (CSC) à plusieurs occasions.

Il est important de noter que les objectifs de la justice militaire diffèrent de ceux de sa contrepartie civile. En plus de veiller à ce que la justice soit administrée équitablement et que la primauté du droit soit respectée, le système de justice militaire contribue au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral pour favoriser l’efficacité opérationnelle des FAC. Ce double objectif lié à la discipline et la justice est à l’origine de multiples différences substantives et procédurales qui distinguent bien le système militaire du système civil.

La capacité des militaires du Canada à mener efficacement des opérations dépend de la capacité du commandement à inculquer et à maintenir la discipline. Certes l’entraînement et l’autorité constituent un élément central du maintien de la discipline, mais la chaîne de commandement doit aussi disposer d’un mécanisme juridique pour enquêter sur les manquements à la discipline et pour sanctionner ceux qui nécessitent une intervention formelle, juste et rapide. Comme la CSC l’a remarqué en 1992, dans la cause de R. c Généreux, « Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. […] En outre, des tribunaux militaires spéciaux, plutôt que les tribunaux ordinaires, se sont vu conférer le pouvoir de sanctionner les manquements au Code de disciplinaire militaire. » Le système de justice militaire vise à répondre à ces besoins uniques qui ont été énoncés par la Cour suprême du Canada.

La structure du système de justice militaire

Le Code de discipline militaire et les infractions d’ordre militaire

Le Code de discipline militaire (CDM), qui forme la partie III de la Loi sur la défense nationale (LDN), est la pierre angulaire du système de justice militaire au Canada. Le CDM établit la compétence en matière disciplinaire et décrit les infractions d’ordre militaire qui sont fondamentales au maintien de la discipline et de l’efficacité. Le CDM énonce aussi les peines, les pouvoirs d’arrestation, ainsi que l’organisation et la procédure des tribunaux militaires, des appels et des révisions faisant suite aux procès.

L’expression « infraction d’ordre militaire » signifie une « infraction à la Loi sur la défense nationale, au Code criminel ou à une autre loi fédérale - passible de la discipline militaire. » Ainsi, les infractions d’ordre militaire comprennent les infractions qui sont uniques à la profession des armes, telles que la désobéissance à un ordre légitime, l’absence sans permission et la conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en plus d’autres infractions criminelles faisant partie du Code criminel et d’autres lois fédérales. La large portée des infractions d’ordre militaire qui tombent sous le CDM permet au système de justice militaire de favoriser les idéaux de discipline et de justice des FAC, et d’en faire la promotion.

Les membres de la Force régulière des Forces armées canadiennes doivent respecter le CDM en tout temps au Canada et à l’étranger. De plus, les membres de la Force de réserve sont également assujettis au CDM dans des circonstances précisées dans la LDN. Il peut aussi arriver que des civils soient assujettis au CDM dans certaines circonstances.

Un avocat militaire discute avec un client dans son bureau.

Les conseillers juridiques des unités sont souvent tenus d’examiner les enquêtes disciplinaires et de fournir des conseils juridiques à ceux qui portent les accusations avant que celles-ci soient portées.

L’enquête et le dépôt d’une accusation

S’il y a des raisons de croire qu’une infraction d’ordre militaire a été commise, une enquête est menée pour établir si les motifs sont suffisants pour porter une accusation. Si la plainte est de nature grave ou délicate, le Service national d’enquête des Forces canadiennes (SNEFC) examinera la plainte et fera enquête au besoin. Si l’infraction alléguée est mineure, la police militaire ou du personnel de l’unité mèneront l’enquête.

Un officier ou un militaire du rang ayant le pouvoir de porter des accusations doit obtenir l’avis d’un avocat militaire du Cabinet du JAG avant de porter une accusation à l’égard d’une infraction d’ordre militaire qui ne peut pas être instruite sommairement en vertu des règlements, qui a été prétendument commise par un officier ou un militaire du rang d’un grade supérieur à celui de sergent ou, si une accusation est portée, donnerait le droit à l’accusé de choisir d’être jugé par une cour martiale. L’avis juridique porte sur la suffisance de la preuve, s’il y a lieu de porter ou non des accusations, eu égard à l’ensemble des circonstances, et, le cas échéant, le chef d’accusation pertinent.

Les procès sommaires

Le système de justice militaire a une structure à deux niveaux qui inclut le procès sommaire et la cour martiale. Le but de ces deux types de tribunaux militaires est de rendre justice de façon prompte, équitable et à l’aide d’un système transportable à l’égard d’infractions d’ordre militaire. Le procès peut avoir lieu partout où se trouvent les FAC, que ce soit en garnison/sur une base/dans une escadre, en mer, dans un secteur d’exercice ou à l’étranger. Autrement dit, le CDM s’applique à toute personne qui y est assujettie, partout et en tout temps.

Le procès sommaire est le volet le plus fréquemment utilisé du tribunal militaire. Au cours de la période visée par le présent rapport, il y a eu 1 770 procès sommaires, ce qui a représenté 96 p. 100 de tous les procès des tribunaux militaires. Le procès sommaire permet habituellement de traiter des infractions d’ordre militaire mineures et d’instruire le procès au niveau de l’unité.

Les procès sommaires sont présidés par un commandant, un officier délégué ou un commandant supérieur. Habituellement, le commandant qui a compétence est celui qui commande la personne accusée. Un officier délégué est un officier à qui le commandant a délégué le pouvoir de juger et de punir avec ou sans restrictions. Un commandant supérieur peut juger sommairement un officier d’un grade inférieur à celui de lieutenant colonel ou un militaire du rang d’un grade supérieur à celui de sergent. Avant de présider des procès sommaires, ces officiers doivent recevoir la formation relative à l’application du CDM selon un programme établi par le JAG et avoir reçu de ce dernier une attestation de leur qualification à appliquer le CDM.

La compétence des officiers présidant un procès sommaire est limitée par le type d’infractions qui peuvent être jugées par ces officiers. Une accusation portée aux termes du CDM est traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent. Par ailleurs, l’officier qui préside ne peut pas juger une personne accusée par procès sommaire, à moins que le procès ne commence dans l’année qui suit le jour où l’infraction d’ordre militaire est alléguée avoir été commise.

La procédure d’un procès sommaire est simple et les pouvoirs de peines sont limités. Cette restriction sur la sévérité des punitions reflète la nature souvent mineure des infractions commises, et l’intention d’infliger des peines qui sont principalement de nature corrective. Le plus tôt possible après qu’une accusation ait été portée, la personne accusée reçoit l’aide d’un officier, désigné sous l’autorité d’un commandant, afin d’aider l’accusé à préparer sa cause et pendant le procès.

Tous les accusés déclarés coupables au procès sommaire ont le droit de demander la révision du verdict ou de la peine. Les verdicts rendus et les peines infligées peuvent également faire l’objet d’une révision sur l’initiative indépendante d’une autorité de révision. Selon le règlement, l’autorité de révision est l’officier immédiatement supérieur en matière de discipline à l’officier présidant le procès. Avant de décider du bien-fondé d’une demande de révision, l’autorité de révision doit obtenir une opinion juridique.

Même si le procès sommaire est le type de tribunal auquel l’on a recours le plus souvent, il arrive que les officiers présidant un procès sommaire n’aient pas la compétence de traiter certaines accusations, qui seront donc renvoyées devant la cour martiale. Certains dossiers peuvent également être trop sérieux ou complexes pour être traités par procès sommaire. Le cas échéant, le dossier est renvoyé au Directeur des poursuites militaires, qui décidera de l’opportunité d’instruire la cause en cour martiale.

Sauf pour les causes concernant certaines infractions prévues dans les règlements et dont les circonstances sont suffisamment mineures (par exemple, les cas d’insubordination; absence sans permission; ivresse), ou pour les cas où les infractions sont de la compétence exclusive de la cour martiale, une personne accusée se verra offrir de plein droit de choisir ou non la cour martiale. Avant d’exercer ce droit, l’accusé doit avoir la possibilité de consulter gratuitement un avocat du Service d’avocats de la défense des FAC, ou un avocat civil à ses propres frais. Pendant la période visée par le rapport, les accusés ont choisi d’être jugés par une cour martiale à 49 reprises sur 663, lorsqu’ils en ont eu la possibilité. Le nombre relativement peu élevé de personnes ayant choisi d’être jugées par une cour martiale concorde avec celui des années antérieures et va dans le sens du sentiment d’équité qui se dégage du procès sommaire.

Des avocats de la défense arrivent à la salle d’audience permanente au Centre Asticou à Gatineau, Québec; les services d’avocats de la défense sont offerts à un accusé devant une cour martiale aux frais de l’État.

Les cours martiales

La cour martiale est une cour militaire formelle présidée par un juge militaire qui est conçue pour prendre en charge les infractions plus graves. Pendant la période visée par le rapport, 69 cours martiales ont été tenues. Les cours martiales suivent des règles et une procédure semblables à celles des cours criminelles civiles et ont des droits, des pouvoirs et des privilèges identiques à ceux d’une cour supérieure de juridiction criminelle visant « toutes autres questions relevant de sa compétence ».

Lors d’une cour martiale, la poursuite est menée par un avocat militaire du Service canadien des poursuites militaires (SCPM). La personne accusée a le droit de se faire représenter, sans frais, par un avocat nommé par le Directeur du service d’avocats de la défense (DSAD) ou par un avocat civil, à ses frais ou encore, elle peut aussi choisir de ne pas être représentée par un avocat.

La LDN prévoit deux types de cour martiale : la cour martiale générale et la cour martiale permanente. La cour martiale générale est composée d’un juge militaire et d’un comité de cinq membres des FAC. Le comité des membres des FAC est choisi aléatoirement et est régi par des règles qui rehaussent le caractère particulier des comités. Dans une cour martiale générale, le comité décide du verdict et statue sur les questions de fait, tandis que le juge militaire statue sur les questions de droit et les questions mixtes de faits et de droit, en plus de déterminer la peine. Par ailleurs, le comité doit décider à l’unanimité du verdict, notamment de culpabilité ou de non-culpabilité. Dans une cour martiale permanente, le juge militaire siège seul; il rend le verdict et inflige la peine dans le cas d’un verdict de culpabilité.

Appel d’une décision rendue par une cour martiale

Les décisions rendues en cour martiale peuvent être portées en appel devant la Cour d’appel de la cour martiale du Canada (CACM). La CACM est composée de juges de la Cour fédérale ou de la Cour d’appel fédérale désignés par le gouverneur en conseil et de juges d’une cour supérieure de juridiction criminelle nommés par le gouverneur en conseil. Tant le contrevenant que le ministre de la Défense nationale peuvent interjeter appel devant la CACM.

Les décisions de la CACM peuvent être portées en appel devant la CSC sur toute question de droit pour laquelle un juge de la CACM est dissident ou sur toute question de droit lorsque l’autorisation d’appel a été accordée par la CSC.

Une vue d’ensemble complète des statistiques sur la justice militaire pour la période de référence 2010-2011 est fournie à l’annexe du rapport.

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