ARCHIVÉE – Chapitre 4 : La justice militaire : L'année en rétrospective 2011-12

L’honorable juge Thomas Cromwell de la Cour Suprême du Canada, avec le JAG suite à la conférence qu’il a donné durant l’atelier annuel de formation juridique permanente du JAG, en octobre 2011.

La période visée par le rapport de 2011-2012 a été active pour la justice militaire canadienne, et des progrès considérables ont été réalisés pour améliorer l’efficacité et l’équité du système de justice militaire. Ce chapitre est consacré aux événements et aux initiatives ayant eu un impact considérable sur l’évolution du système de justice militaire au cours de la période du rapport, y compris les causes portées devant une cour martiale et les dossiers en appel, des initiatives législatives et réglementaires et des initiatives portant sur des politiques entreprises par le Cabinet du JAG.

Causes judiciaires importantes

R c. St-Onge

La cause de l’ex soldat (ex sdt) St-Onge est importante parce qu’il s’agit d’une décision de la cour martiale qui a été portée en appel devant la CSC, laquelle a rétabli la décision de première instance.

En mars 2008, l’ex sdt St-Onge a plaidé coupable devant une cour martiale à des accusations de possession de marijuana, possession de biens obtenus après avoir commis une infraction d’ordre militaire, d’insubordination et de deux chefs de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. Il a été condamné à 30 jours d’emprisonnement. L’ex sdt St-Onge a fait appel à la CACM du verdict de culpabilité de possession de marijuana et de la peine imposée. La CACM a accueilli l’appel portant sur la peine et y a substitué une amende de 3 000 $. La majorité des juges a été d’avis que, étant donné que l’ex sdt St-Onge ne faisait plus partie des FAC lorsque la décision a été rendue par la cour martiale, l’emprisonnement n’était plus la peine la plus appropriée et celle portant le moins atteinte à la liberté qui pouvait être infligée par le juge militaire. Toutefois, un juge de la cour d’appel était dissident. Influencé par le jugement récent de la CSC dans la cause de R. c. Nasogaluak, le juge dissident n’était pas convaincu que le juge militaire avait abusé de son pouvoir discrétionnaire ou qu’il avait commis une erreur de droit. Le ministre a fait appel de droit de la décision de la CACM devant la CSC. En avril 2011, la CSC a accepté les motifs du juge dissident de la CACM, a annulé la décision de la CACM et rétabli la peine d’emprisonnement de 30 jours infligée en première instance.

R. c. LeBlanc

À la suite de la décision de la CACM dans la cause de R c. LeBlanc, des modifications législatives ont été apportées à la LDN et aux ORFC en ce qui a trait à l’inamovibilité des juges militaires.

Le 5 février 2010, une cour martiale permanente a déclaré le caporal (cpl) LeBlanc coupable de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire et l’a condamné à payer une amende de 500 $. Le cpl LeBlanc a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité. Le 2 juin 2011, la CACM, bien que rejettant l’appel du cpl LeBlanc portant sur le verdict de culpabilité, et sur la demande d’arrêt des procédures a décidé unanimement que les dispositions de la LDN et des ORFC qui s’appliquent à la nomination et au départ à la retraite des juges militaires ne respectaient pas suffisamment l’indépendance judiciaire comme l’exige l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. En vertu de l’article 165.21 de la LDN, les juges militaires sont nommés pour des mandats renouvelables de cinq ans, en vertu des ORFC, le ministre de la Défense nationale détenait un pouvoir discrétionnaire de repousser l’âge de la retraite des officiers, y compris les juges militaires. La CACM a déterminé que le mécanisme actuel de mandats renouvelables de cinq ans pour les juges militaires est susceptible de compromettre la liberté qu’a un juge de rendre une décision sans subir d’influence extérieure et presque assurément, de fonder chez une personne sensée et raisonnable une crainte raisonnable que cette indépendance soit compromise par une interférence externe, en l’occurrence celle du ministre. La CACM a déclaré certaines dispositions de la LDN et des ORFC inconstitutionnelles et inopérantes et a suspendu la déclaration d’invalidité et son entrée en vigueur pendant six mois pour permettre d’adopter une loi corrective. En réponse à la décision de la CACM, le gouvernement a présenté le projet de loi C-16, la Loi sur l’inamovibilité des juges militaires, qui a été l’objet d’un débat au Parlement et a reçu la sanction royale le 29 novembre 2011.

R. c. Wilcox

Le procès de l’ex-cpl Wilcox en cour martiale est un exemple remarquable de la compétence du système de justice militaire, à l’égard des membres des FAC accusés d’homicides commis à l’extérieur du Canada.

En juillet 2009, une cour martiale générale a d’abord déclaré l’ex cpl Wilcox coupable d’avoir causé la mort par négligence criminelle, et de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire pour des événements survenus le 6 mars 2007 à l’aérodrome de Kandahar, en Afghanistan, lorsqu’il a tué un camarade d’un projectile à la poitrine. De ce fait, l’ex cpl Wilcox a été condamné à quatre ans d’emprisonnement et a été destitué du service de Sa Majesté. En octobre 2010, sur consentement, la CACM a annulé les condamnations et ordonné la tenue d’un nouveau procès basé sur les faits, auquel les parties s’entendent, que le procès débuté et tenu devant un comité composé de quatre membres seulement avait pour le moins un effet substantiel potentiel sur l’équité du procès et qu’un nouveau procès était justifié. Une nouvelle cour martiale a siégé et en novembre 2011, l’ex cpl Wilcox a été reconnu coupable de négligence criminelle ayant causé la mort et de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire. Il a été condamné à quatre ans d’emprisonnement. Il s’agit de la peine minimale prescrite par la loi pour une infraction de négligence criminelle ayant causé la mort, lorsqu’une arme à feu est utilisée.

Initiatives législatives

Le Cabinet du JAG a joué un rôle important pour faire avancer les initiatives législatives et les initiatives portant sur les politiques et les pratiques au cours de la période visée par le rapport.

Projet de loi C-15 : Loi visant à renforcer la justice militaire pour la défense du Canada

Le projet de loi C-15 fait suite au projet de loi C-41, mort au feuilleton lors de la dissolution du Parlement en mars 2011. À l’instar de son prédécesseur, le projet de loi C-15 représente les modifications les plus complètes du système de justice militaire du Canada depuis que le projet de loi C-25 a été adopté en 1998. Fondé sur le rapport de l’ancien juge en chef de la CSC, feu le très honorable Antonio Lamer, et sur le rapport du Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles intitulé « Une justice égale : Réformer le système canadien des cours martiales », les modifications proposées dans le projet de loi visent à rendre le système de justice militaire plus équitable en rendant les juges militaires plus indépendants et en leur permettant un plus large éventail de choix dans la détermination des peines, incluant l’absolution inconditionnelle, les peines discontinues et le dédommagement. Le projet de loi répond aux besoins concrets du système de justice militaire en permettant la constitution d’un tableau de juges militaires de la Force de réserve et en réduisant les distinctions fondées sur le grade lors de la composition d’un comité de la cour martiale. De plus, le projet de loi énonce les attributions et délimite les responsabilités du Grand prévôt des Forces canadiennes (GPFC), et prévoit des processus de règlement plus efficaces des griefs et des plaintes concernant la police militaire. Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 7 octobre 2011 et la première lecture était terminée à l’issue de la période visée par le présent rapport.

Projet de loi C-16 : Loi sur l’inamovibilité des juges militaires

Le projet de loi C-16 (maintenant L.C. 2011, chap. 22), intitulé la Loi sur l’inamovibilité des juges militaires, a été déposé le 7 octobre 2011, en réponse au jugement de la CACM dans la cause de R. c. LeBlanc. Dans sa décision, la CACM a établi que les dispositions existantes de la LDN et des ORFC sur la nomination et la retraite des juges militaires n’étaient pas suffisamment conformes à l’indépendance judiciaire comme l’exige l’alinéa 11d) de la Charte. En conséquence, le ministre de la Défense nationale (MDN) a déposé le projet de loi C-16 pour renforcer l’inamovibilité des juges militaires. Aux termes du projet de loi C-16, un juge militaire exerce ses fonctions à titre inamovible jusqu’à l’âge de 60 ans, à moins qu’il ne démissionne ou ne soit libéré des FAC. En établissant des paramètres clairs quant à la durée des fonctions des juges militaires, le projet de loi a accru leur indépendance d’une manière conforme aux exigences de la Charte. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 29 novembre 2011. Par ailleurs, plusieurs modifications importantes ont rapidement été apportées aux ORFC pour satisfaire entièrement aux exigences de la décision de la CACM dans la cause de R. c. Leblanc et à celles du projet de loi C-16.

Initiatives portant sur les politiques et les pratiques

Autorité chargée du second examen indépendant

Le projet de loi C-25 (L.C. 1998, chap. 35), Loi modifiant la Loi sur la défense nationale et d’autres lois en conséquence, adopté en 1998, requiert que le MDN effectue chaque cinq ans un examen indépendant des dispositions et de l’application du projet de loi, et dépose un rapport au Parlement. Le 25 mars 2011, le ministre a chargé l’honorable Patrick J. LeSage, juge en chef à la retraite de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, d’effectuer le second examen indépendant du projet de loi C-25 et d’examiner le projet de loi C-60 (L.C. 2008, chap. 29). En 2008, le projet de loi C-60 a été adopté par le Parlement pour faire suite à la décision de la CACM dans l’affaire Trépanier. Le projet de loi C-60 visait à modifier la LDN dans le but de créer un cadre juridique régissant le choix d’un type de cour martiale par application de la loi plutôt que selon le choix du Directeur des poursuites militaires (DPM).

Entre les mois de mai et août 2011, l’autorité chargée du second examen indépendant a visité une dizaine de bases et escadres des FAC à travers le Canada, pour rencontrer des personnes qui avaient des observations sur les questions étudiées, et pour recevoir des commentaires sur le fonctionnement des modifications apportées par les projets de loi C-25 et C-60. De plus, le juge LeSage a rencontré, entre autres, des cadres supérieurs du Cabinet du JAG, le DSAD, le DPM, des juges militaires et le Chef d’état major de la défense. Le Cabinet du JAG a veillé à ce que le juge LeSage ait un accès illimité à l’information et aux personnes dont il avait besoin pour effectuer l’examen.

Le 8 juin 2012, le min DN a présenté le rapport indépendant du juge LeSage au Parlement. Nous nous pencherons sur les résultats de l’examen du juge LeSage dans des rapports annuels ultérieurs.

Commandement et contrôle de la police militaire

En avril 2011, le Grand prévôt des forces canadiennes (GPFC) a intégralement pris en charge le commandement et le contrôle de la police militaire qui participe directement au maintien de l’ordre. Ce changement important dans la structure du commandement de la police militaire au Canada, a été introduit pour protéger l’indépendance des enquêtes policières et favoriser la responsabilisation, la transparence et la crédibilité. Le Cabinet du JAG persiste dans son engagement continu à appuyer les efforts du GPFC et s’assurer que la police militaire demeure un élément efficace du système de justice militaire.

Engagement juridique stratégique

Le Canada est largement reconnu pour son système de justice militaire comme l’un des plus équitables et efficaces au monde. Beaucoup de pays ont pris exemple sur le Canada pour améliorer leur système de justice militaire. De même, le Cabinet du JAG s’informe des initiatives nouvelles et des innovations en matière de justice militaire, qui se produisent à l’étranger, afin de guider l’évolution de notre propre système. Dans le cadre du processus continu de l’engagement juridique stratégique, des membres du Cabinet du JAG ont participé à des conférences internationales sur la justice militaire, ils ont rendu visite à leurs homologues américains et australiens, et ont accueilli une délégation de parlementaires vietnamiens venus étudier le système de justice militaire du Canada. Par ailleurs, deux avocats militaires du JAG ont animé un séminaire de trois jours sur des questions de justice militaire à l’intention d’officiers kényans et tanzaniens. Deux autres avocats militaires ont participé à un séminaire avec des fonctionnaires de la justice militaire en Albanie.

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