ARCHIVÉE - Chapitre 4 : La justice militaire : L'année en rétrospective 2013-13

En plus des progrès stratégiques de la justice militaire dont il est question au chapitre 2, la période visée a été marquée par des décisions de justice militaire de grande incidence aux cours martiales, à la Cour d’appel de la cour martiale (CACM), ainsi que par des progrès législatifs ayant amélioré le système de justice militaire.

Décisions dignes de mention durant la période visée

Décisions des cours martiales

R. c. Wehmeier

R. c. Wehmeier est une cause digne de mention dans laquelle un civil était assujetti au Code de discipline militaire (CDM). M. Wehmeier, un civil accompagnant une unité des Forces armées canadiennes (FAC) en Allemagne, a été accusé d’agression sexuelle, de profération de menaces et de voies de fait en vertu du CDM. L’accusé a fait valoir que la cour martiale n’avait pas la compétence de le juger et que les dispositions de la Loi sur la défense nationale (LDN) l’assujettissant au CDM étaient trop générales, violant ainsi ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

La cour martiale a déterminé que M. Wehmeier était assujetti au CDM au moment des présumées infractions et que la cour martiale avait compétence. Toutefois, à la suite d’autres requêtes de l’accusé, la cour martiale a conclu que la décision du directeur des poursuites militaires de porter des accusations contre M. Wehmeier plutôt que de transmettre le dossier aux autorités civiles était arbitraire ne respectant pas ainsi l’objectif du régime législatif et par conséquent constituait un abus de procédure. La cour a donc arrêté les procédures contre M. Wehmeier. L’affaire a été portée en appel devant la CACM.

R. c. Nauss

Cette affaire concerne la décharge par négligence d’une arme de service. Alors qu’il effectuait l’exercice de déchargement de son fusil C7, l’accusé a provoqué le déchargement d’une cartouche réelle après avoir placé le canon de son arme dans le tube de métal d’un puits de déchargement. Il a été déclaré non coupable de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour avoir omis de manipuler un fusil C7 de façon sécuritaire. La cour a déterminé qu’une omission (dans le maniement approprié de l’arme) constituant une négligence blâmable n’avait pas été prouvée hors de tout doute raisonnable. Au contraire, il a été déterminé que, malgré le fait que l’accusé n’a pas déchargé son arme de façon appropriée, il a manipulé son arme de la façon la plus sécuritaire possible puisqu’il l’a déchargée dans un puits de déchargement sans risque ni danger. La cour a ajouté que le maniement inapproprié d’une arme provocant un coup de feu imprévu ou non autorisé ne constitue pas systématiquement une infraction de négligence pénale au sens de l’article 129 de la LDN.

R. c. Larouche

Le militaire a été accusé d’infractions d’ordre militaire, notamment de voyeurisme, de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, de conduite déshonorante et de possession de pornographie juvénile. La police militaire, après avoir obtenu un mandat de perquisition, a fouillé pendant dix heures le domicile de l’accusé et a trouvé une quantité importante de fichiers contenant de la pornographie juvénile dans son ordinateur. Ce dernier a prétendu que la fouille et la saisie allaient à l’encontre de ses droits en vertu de la Charte et a demandé l’exclusion de la preuve. À la suite d’un voir-dire, la cour martiale a déterminé que la preuve était admissible. Bien que la cour martiale ait déterminé que le mandat de perquisition n’était pas valide et que la preuve avait été obtenue dans des conditions allant à l’encontre du droit de l’accusé d’être protégé contre une fouille abusive, la preuve était composée de plus de 1 000 fichiers, elle mettait en cause l’intégrité physique et psychologique de nombreuses présumées victimes, et le mandat n’avait pas été obtenu à la suite d’un comportement policier inacceptable, mais selon des motifs mal considérés. Ainsi, la cour martiale a déterminé que la réputation du système de justice militaire, et de la cour martiale plus particulièrement, aurait pu être sérieusement entachée si la preuve en question avait été exclue. La cour martiale a conclu que l’admission de la preuve, dans les circonstances, ne serait pas susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice. La cour martiale a reconnu l’accusé coupable de voyeurisme et de possession de pornographie juvénile. L’ex-soldat Larouche a été condamné à 12 mois d’emprisonnement. L’affaire a été portée en appel devant la CACM.

R. c. Ravensdale

Un comité de la cour martiale générale a reconnu coupable l’adjudant (à la retraite) Ravensdale de trois chefs d’accusation en vertu de l’article 130 de la LDN, soit deux accusations de manquement à une obligation en lien avec une substance explosive et une accusation d’avoir causé illégalement des lésions corporelles. L’accusé a aussi été reconnu coupable d’un chef d’accusation en vertu de l’article 124 de la LDN, soit de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire. Les accusations ont été portées à la suite d’un incident tragique survenu le 12 février 2010 à Kan Kala, en Afghanistan, dans lequel un membre des FAC a été tué et quatre autres gravement blessés par la détonation d’une arme défensive à détonation télécommandée C19. Entre autres, l’adjudant (à la retraite) Ravensdale a été reconnu coupable de négligence dans l’exécution d’une tâche militaire en donnant l’ordre de faire feu avec la C19 sans d’abord s’assurer, comme il était dans l’obligation de le faire, que toutes les personnes présentes étaient à l’abri ou hors de la zone de danger. L’adjudant (à la retraite) Ravensdale a été condamné par le juge militaire en chef à six mois d’emprisonnement, a été rétrogradé au grade de sergent et à payer deux mille dollars d’amende. L’exécution de la peine d’emprisonnement a été suspendue. La cour martiale a aussi ordonné le prélèvement d’échantillons corporels aux fins d’analyse d’ADN.

Décisions de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada

Tomczyk c. R.

Cette décision de la CACM fait une distinction entre un traitement médical et des évaluations médicales dans les FAC. Le bombardier Tomczyk a été reconnu coupable par la cour martiale générale d’une accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en vertu de l’article 129 de la LDN, pour avoir omis de se présenter à un traitement prescrit par son médecin. La CACM a confirmé que, selon les directives militaires existantes, les membres du personnel militaire sont généralement libres de consentir à des traitements médicaux ou de les refuser. Par conséquent, le refus de se présenter en vue de recevoir un traitement médical ne peut constituer un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline au sens du paragraphe 129(1) de la LDN. Toutefois, les militaires doivent se soumettre à des évaluations médicales pour évaluer leurs aptitudes à remplir leurs fonctions. Le refus d’une évaluation peut constituer un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline. En accueillant l’appel et en déclarant l’accusé non coupable, la CACM a déterminé qu’étant donné que la bonne accusation n’a pas été portée à l’endroit de l’appelant, le procureur militaire aurait dû modifier l’accusation. Comme cela n’a pas été fait, le juge militaire a eu tort d’autoriser la poursuite du procès.

O’Toole c. R.

Il s’agit du premier cas de révision par la CACM d’un ordre donné par un juge militaire de maintenir une personne en détention préventive aux termes de l’article 159.9 de la LDN. Suite à son arrestation par la police militaire pour voies de fait, le matelot de 3e classe (mat 3) O’Toole a été mis en détention. Il faisait face à plusieurs chef d’accusations, entre autre le défaut de se conformer à des conditions préalables imposées pour obtenir sa libération. Un juge militaire a ordonné que le militaire soit détenu en attente de son procès. Le mat 3 O’Toole a demandé à la CACM de réviser cet ordre et d’être libéré sous conditions en attente de son procès. La CACM a déterminé que l’article applicable de la LDN prévoit un pouvoir discrétionnaire important, permettant entre autre d’effectuer un examen de novo et de rendre une décision appropriée lorsqu’une erreur a été commise dans l’ordre initial. L’article énonce également les éléments à prendre en compte pour une révision en vertu de l’article 159.9 de la LDN. À la suite de l’examen de la décision du juge militaire, la CACM a rejeté la requête.

Autres mesures législatives

Le projet de loi C-54 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la Défense nationale (troubles mentaux)

Le 8 février 2013, le projet de loi C-54, Loi sur la réforme de la non-responsabilité criminelle, a été déposé au Parlement. Cette loi répond aux préoccupations soulevées par les victimes d’actes criminels en ce qui a trait aux personnes accusées et déclarées non criminellement responsables en raison de troubles mentaux. La nouvelle loi vise à modifier le régime lié aux troubles mentaux du Code criminel et de la LDN, et comporte les principaux volets suivants :

Les réformes proposées n’auront aucune incidence sur l’accès à des traitements pour les personnes accusées et non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux. À la fin de la période visée le projet de loi était à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.

Le projet de loi C-10 : Loi sur la sécurité des rues et des communautés

Le 13 mars 2012, le projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés (L.C. 2012, ch. 1) a reçu la sanction royale. De nombreuses dispositions de la loi sont ensuite entrées en vigueur durant la période visée soit en mai, juin, octobre et novembre 2012, ainsi qu’en février 2013. La loi a modifié les lois portant sur de nombreux aspects du système de justice pénal, mais son incidence sur le système de justice militaire porte sur les deux aspects suivants :

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