Chapitre deux : Exercice de l’autorité et examens périodiques de l’administration de la justice militaire

1 En vertu de la LDN, Le JAG agit à titre de conseiller juridique du gouverneur général, du ministre, du MDN et des FAC pour les questions de droit militaire. Le JAG a aussi plusieurs responsabilités prévues par la loi, y compris des responsabilités distinctes relatives à l’exercice de l’autorité et à l’évaluation périodique de l’administration de la justice militaire. Dans toutes ces attributions d’origine législative, le JAG n’est pas responsable devant le CEMD ou un membre dans la chaîne de commandement militaire, mais il doit rendre des comptes au ministre et, par son entremise, au Parlement.
Exercice de l’autorité sur le système de justice militaire
Le JAG exerce son autorité sur l’administration de la justice militaire dans les FAC aux termes de la LDN sensiblement dans les mêmes conditions que le ministre de la Justice au sein du régime civil lorsqu’il exerce « son autorité pour tout ce qui touche à l’administration de la justice au Canada et ne relève pas de la compétence des gouvernements provinciaux » en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice.
L’expression « exercice de l’autorité » n’est pas définie dans la loi. Dans la common law développée anciennement en Angleterre, et maintenant dans la Prosecution of Offences Act britannique, « exercice de l’autorité » fait référence au pouvoir de l’Attorney General (procureur général) de superviser le directeur des poursuites pénales. Toutefois, le droit canadien a adopté une autre approche.
Dans la Loi sur le ministère de la Justice du gouvernement fédéral, l’exercice de l’autorité sur l’administration de la justice au Canada incombe au ministre de la Justice et non au procureur général. En effet, c’est une autre disposition de cette Loi qui définit les responsabilités du procureur général pour la supervision et la conduite des litiges au nom de la Couronne et c’est une autre Loi (la Loi sur le directeur des poursuites pénales) qui explique les responsabilités et les pouvoirs du procureur général en ce qui a trait aux poursuites. La LDN reflète cette tendance de créer d’une part la responsabilité de l’exercice de l’autorité au paragraphe 9.2 (1) de la LDN et d’autre part la responsabilité de superviser le directeur - Poursuites militaires et de lui donner des directives ailleurs dans la LDN. En d’autres mots, l’« exercice de l’autorité » au Canada signifie autre chose que le pouvoir de superviser de façon générale le directeur - Poursuites militaires.
Plus particulièrement, la responsabilité de l’exercice de l’autorité du JAG engendre l’obligation de faire en sorte que le système de justice militaire ait les ressources appropriées pour fonctionner de manière efficiente et efficace en conformité avec la primauté du droit.
Pour s’acquitter de la responsabilité de l’exercice de l’autorité, le JAG noue le dialogue avec diverses personnes, dont le DPM, le DSAD, l’administrateur de la cour martiale, les officiers supérieurs des FAC, le grand prévôt des Forces canadiennes et les avocats militaires sous son commandement. Le JAG puise aussi de l’information dans diverses sources, notamment les procès-verbaux de procédure disciplinaire des unités et les rapports qui font suite aux différents examens portant sur l’administration de la justice militaire.
Examens périodiques de l’administration de la justice militaire
Le paragraphe 9.2(2) de la LDN stipule que le JAG procède ou fait procéder périodiquement à un examen de l’administration de la justice militaire. Cette responsabilité est étroitement liée à celle de l’exercice de l’autorité du JAG, au niveau conceptuel et de la LDN (au paragraphe 9.2(2)). Ces responsabilités relatives à l’exercice de l’autorité et aux examens périodiques vont de pair : les initiatives visant l’amélioration du système de justice militaire qui résultent de la responsabilité de l’exercice de l’autorité du JAG devraient faire l’objet d’un examen périodique pour en vérifier l’efficacité, et le résultat des examens périodiques servira souvent de point de départ pour recommander des changements visant à améliorer le système de justice militaire conformément aux responsabilités de l’exercice de l’autorité du JAG. En définitive, le but stratégique du JAG lorsqu’il s’acquitte de ses responsabilités liées à l’exercice de l’autorité et aux examens périodiques est d’assurer une surveillance proactive de la justice militaire, un développement réfléchi et des changements positifs.
Pendant la dernière décennie, les examens de l’administration de la justice militaire effectués à la demande du JAG ont été constitués d’entrevues avec des intervenants dans le domaine de la justice militaire, d’équipes thématiques stratégiques ad hoc ayant pour mission de considérer et de recommander des changements législatifs ciblés en réponse aux examens indépendants des lois et aux décisions des tribunaux et d’efforts constants pour recueillir et analyser des statistiques relatives aux procès sommaires et aux cours martiales et pour rédiger des rapports.
Au cours de la prochaine période de référence, avec l’appui de deux équipes dévouées d’avocats militaires, le JAG donnera le coup d’envoi à deux projets distincts qui dureront une année et qui auront pour objectif de contribuer au succès de ses buts stratégiques pour l’administration de la justice militaire : un examen complet du système des cours martiales et la conception d’un programme de vérification de la justice militaire. L’examen complet a pour but de guider un développement réfléchi et des changements positifs dans le système de justice militaire, tandis que le programme de vérification est axé sur une surveillance proactive de la justice militaire.
Examen complet des cours martiales
L’équipe chargée de l’examen exhaustif des cours martiales effectuera ses travaux conformément au mandat donné par le JAG. Elle sera dirigée par le JAG adjoint - Justice militaire qui sera appuyé par trois autres avocats militaires. L’objectif de l’examen approfondi est d’effectuer une analyse juridique et stratégique de tous les aspects du système de cours martiales des FAC et, s’il y a lieu, de concevoir et d’analyser des options pour améliorer l’efficacité, l’efficience et la légitimité de ce système.
Au début, l’équipe chargée de l’examen exhaustif des cours martiales évaluera l’efficacité, l’efficience et la légitimité du système actuel des cours martiales et évaluera ensuite s’il est nécessaire ou recommandé d’apporter des changements à certaines particularités du système pour rendre celui-ci plus efficace, efficient ou légitime. L’équipe chargée de l’examen exhaustif des cours martiales se penchera sur les domaines spécialisés suivants :
- Le statut et la structure institutionnelle des tribunaux et des cours ayant compétence sur les infractions militaires, notamment s’il serait préférable que ces tribunaux et cours aient un caractère militaire ou civil, soit des entités permanentes ou ad hoc et s’ils sont aptes à participer à des déploiements dans des environnements austères ou hostiles au Canada ou à l’étranger;
- Le statut et la structure institutionnelle d’un service des poursuites responsable d’intenter des poursuites relative à des infractions militaires, notamment analyser si le service doit être de nature militaire ou civile et s’il est apte à participer à des déploiements dans des environnements austères ou hostiles au Canada ou à l’étranger;
- Le mécanisme par lequel les services d’avocats de la défense sont fournis aux personnes accusées d’avoir commis des infractions militaires, notamment si de tels services doivent être fournis par des avocats militaires ou civils; s’ils doivent être offerts, en totalité ou en partie, aux frais du public; et s’ils peuvent être fournis dans des environnements austères ou hostiles au Canada ou à l’étranger;
- L’ensemble substantiel des infractions militaires, dont l’examen complet des infractions actuelles afin de déterminer si elles doivent être mises à jour ou annulées et si d’autres infractions doivent être ajoutées;
- Les peines, les sanctions et les lois imposant des peines qui s’appliquent à l’égard des infractions militaires, dont l’examen complet en vue de déterminer s’il est nécessaire de mettre à jour ou annuler les dispositions portant sur la détermination de la peine et/ou d’ajouter d’autres mesures pénales;
- Le droit de la preuve devant s’appliquer aux procès relatifs à des infractions militaires;
- Les droits, les motifs et les mécanismes d’appel qui devant exister pour la Couronne et les personnes assujetties au Code de discipline militaire;
- Les besoins spéciaux des groupes particuliers pouvant interagir avec le système de justice militaire, dont les victimes, les jeunes et les contrevenants autochtones.
L’examen global commencera au plus tard en juillet 2016 et un rapport complet sera remis au JAG en juillet 2017.
Vérifications de la justice militaire
L’équipe chargée de la vérification de la justice militaire est composée de deux avocats militaires qui prépareront et dirigeront des visites dans des unités pour recueillir des données objectives et mesurables de diverses sources et par divers mécanismes dans le but d’évaluer l’administration du Code de discipline militaire au niveau des unités. Ces données permettront aux conseillers juridiques du Cabinet du JAG de formuler des recommandations précises et directes aux commandants pour améliorer et renforcer l’administration de la justice militaire, notamment dans le contexte du système des procès sommaires. L’information permettra aussi au JAG de dégager les tendances plus marquées dans l’administration de la justice militaire, notamment dans les secteurs pouvant nécessiter une enquête plus poussée, ce qui lui permettra de faire des recommandations mieux éclairées et appuyées sur une preuve tangible en vue de favoriser un développement réfléchi et des changements positifs dans le système.
Les vérifications de la justice militaire cibleront tous les aspects du système de justice militaire, des enquêtes sur les infractions d’ordre militaire jusqu’aux tâches postérieures au procès au niveau de l’unité, et porteront sur les principaux intervenants au sein du système de justice militaire, tels que les commandants, les officiers délégués, les responsables des mises en accusation, les enquêteurs des unités, les officiers désignés, les officiers réviseurs de la détention et les militaires accusés.
Ces deux examens officialisés devraient permettre au JAG d’offrir des conseils juridiques et stratégiques optimaux au ministre, au CEMD et aux FAC sur le système de justice militaire d’aujourd’hui et de demain.
Conclusion
Les responsabilités du JAG prévues par la loi à l’égard de l’exercice de l’autorité et des examens périodiques de l’administration de la justice militaire comptent parmi les moyens par lesquels le Parlement veille à ce que la justice militaire canadienne demeure juste et efficace. Le JAG et les avocats militaires sous son commandement restent vigilants en vue d’assurer une surveillance proactive et un développement réfléchi du système de justice militaire, afin que le système puisse continuer à répondre aux attentes du public canadien et aux besoins du gouvernement du Canada, des FAC et des militaires.
Note en bas de page
1 Une grande partie du texte dans ce chapitre sur l’exercice de l’autorité dans le système de justice militaire est inspirée des remarques prononcées par le JAG à l’Université d’Ottawa le 13 novembre 2015.