Chapitre 3 : Justice militaire : Juris-prudence et initiatives stratégiques
Ce chapitre met en relief les principaux cas de jurisprudence et les initiatives stratégiques pour la période visée par ce rapport.
Jurisprudence - Cour suprême du Canada
Le droit d’appel du ministre est jugé constitutionnel – R. c. Cawthorne, R. c. Gagnon et R. c. Thibault, 2016 CSC 32
Le comité d’une cour martiale générale a déclaré le matelot de 3e classe (Mat 3) Cawthorne coupable de deux infractions de pornographie juvénile en vertu de l’article 130 de la LDN. Le Mat 3 Cawthorne a interjeté appel de la décision devant la CACM, qui a déclaré que le procès était fondamentalement vicié en raison de problèmes liés aux réponses d’un témoin lors du procès. Par conséquent, la CACM a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Le ministre a interjeté appel de cette décision devant la CSC et le Mat 3 Cawthorne a demandé d’annuler l’appel sur le fondement que le droit d’appel du ministre devant la Cour suprême en application du paragraphe 245(2) de la LDN enfreint l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte.
L’adjudant (Adj) Gagnon et le caporal (Cpl) Thibault ont, quant à eux, été accusés d’agressions sexuelles. L’Adj Gagnon a été reconnu non-coupable par une cour martiale générale. Le Cpl Thibault a invoqué une exception de non-recevabilité (insuffisance de nexus militaire), qui a été autorisée par le juge militaire. Le ministre a interjeté appel de ces deux causes devant la CACM.30
L’Adj Gagnon et le Cpl Thibault ont présenté des requêtes pour faire annuler les appels sur la base que le droit d’appel du ministre devant la CACM, en conformité avec l’article 230.1 de la LDN, contrevient à l’article 7 de la Charte. Dans sa décision, la CACM a déterminé que l’article 230.1 de la LDN contrevient au droit à un poursuivant indépendant, un principe de justice fondamentale reconnu par l’article 7 de la Charte, et a déclaré que la disposition était invalide. Cependant, la CACM a jugé qu’il ne serait pas approprié d’accueillir les requêtes en annulation et de rejeter les appels au motif qu’il s’agirait d’une conséquence disproportionnée à l'intérêt de la société. En effet, l’intérêt public est d'avoir une décision sur le bien-fondé de ces appels. Le tribunal a donc préféré suspendre, pour une période de six mois, la déclaration d’invalidité de l’article 230.1 de la LDN et ajourner l’audition des appels jusqu’à la fin de cette suspension. Le ministre a interjeté appel de cette décision devant la CSC.
La CSC a reconnu que le pouvoir accordé au ministre conformément à l’article 230.1 et au paragraphe 245(2) de la LDN peut résulter en une privation de liberté en vertu de l’article 7 de la Charte. La cour a reconnu le principe constitutionnel voulant que les procureurs ne doivent pas agir à des fins illégitimes, par exemple pour des motifs purement partisans. Un procureur, qu'il s'agisse du Procureur général, d’un procureur de la Couronne ou du ministre exerçant une fonction de procureur, a l’obligation constitutionnelle d’agir indépendamment des préoccupations partisanes et d’autres motifs inappropriés.
La cour a conclu que le ministre, comme n’importe quel procureur général, a droit au bénéfice d’une forte présomption qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire en matière de poursuites indépendamment de toute considération partisane. Le fait que le ministre soit membre du Cabinet n’écarte pas cette présomption. Le tribunal n’a pas trouvé de raison impérieuse pour traiter le ministre différemment d’un autre procureur général, lui aussi membre du Cabinet, pour lequel la loi présume qu'il peut et qu’il fait abstraction des obligations partisanes dans l’exercice de ses responsabilités de poursuivant. En conséquence, le tribunal a conclu que le droit d’appel accordé au ministre à l’article 230.1 et au paragraphe 245(2) de la LDN ne contrevient pas à l’article 7 ou à l’alinéa 11d) de la Charte.
La combinaison de la décision constitutionnelle de la Cour suprême et de sa conclusion que la majorité de la CACM avait commis une erreur en suspendant les requêtes a donc mené au rétablissement des condamnations et de la sentence prononcée contre le Mat3 Cawthorne par la cour martiale. Les affaires contre l’Adj Gagnon et le Cpl Thibault ont été renvoyées à la CACM pour une audition des appels sur le fond à la lumière de la conclusion que l’article 230.1 de la LDN est constitutionnel.
Jurisprudence - Cour d'appel de la cour martiale
L’alinéa 130(1)a) de la LDN ne contrevient pas à l’alinéa 11f) de la Charte – R. c. Royes, 2016 CACM 1
Le caporal-chef (Cplc) Royes a été condamné, en 2013, pour agression sexuelle, suite à un incident survenu en 2012 à Wainwright en Alberta. Le Cplc Royes a interjeté appel devant la CACM quant à la légalité du verdict de culpabilité et la constitutionnalité de l’alinéa 130(1)a) de la LDN. La Cour a divisé l’appel et a instruit chacun des motifs d’appel séparément. En 2014, la CACM a rejeté l’appel sur la légalité du verdict de culpabilité. En juin 2016, la CACM a rejeté tous les motifs d’appel sur la constitutionnalité de la LDN et a maintenu que l’alinéa 130(1)a), en l'absence de nexus militaire, ne contrevient pas à l’alinéa 11f) de la Charte. Par conséquent, la peine de 36 mois, qui avait été imposée par la cour martiale en 2013, a été confirmée.
Dans le but de restreindre l’application de la décision de la CSC, R. c. Moriarity31, le Cplc Royes a soutenu qu’en l’absence de l’exigence d’un nexus militaire, l’alinéa 130(1)a) avait une portée excessive et violait l’alinéa 11f) de la Charte. La CACM a conclu que la décision de la CSC dans R. c. Moriarity confirmait que la portée de l’alinéa 130(1)a) de la LDN n’était pas excessive et ne violait pas l’alinéa 11f) de la Charte. La décision de la CSC a ainsi rectifié l’approche antérieure de la CACM et a renforcé que l’alinéa 130(1)a) n’exige pas l’existence d’un nexus militaire.
Le Cplc Royes a demandé l’autorisation d'interjeter appel devant la CSC. La demande a été refusée le 2 février 2017.
Le 26 avril 2016, tandis que l’affaire du Cplc Royes était en réserve, un autre comité de la CACM a entendu 11 autres causes en appel dans lesquelles tous les accusés ont soutenu de la même façon que leurs droits en vertu de l’alinéa 11f) de la Charte avaient été violés. La décision du tribunal a été remise à plus tard. Au moment de la publication de ce rapport, aucune décision n’avait été rendue.
Jurisprudence - Cour martiale
Le droit à un procès dans un délai raisonnable – R. c. Thiele, 2016 CM 4015
En juin 2014, le matelot de 1re classe (Mat 1) Thiele a aidé un autre membre des FAC à acheter de l’oxycodone et de la cocaïne en mettant cette personne en contact avec un revendeur connu. Cet autre membre des FAC a alors signalé à la police militaire que le Mat 1 Thiele faisait du trafic de drogue. Ce militaire des FAC est alors devenu un agent au service de la police militaire dans l’enquête sur le Mat 1 Thiele.
Ce membre des FAC a donc informé l’accusé qu’un de ses amis voulait se procurer de la drogue. L’ami en question était un agent double de la police militaire. Après qu’ils aient été mis en contact, le Mat 1 Thiele a permis à l’agent double d’acheter facilement trois grammes de cocaïne. Plus tard, une autre transaction a été planifiée entre l’accusé et l’agent double dans le but d’acheter de l’héroïne. C’est dans un stationnement public que l’agent double a remis à l’accusé 1 800 $. L’accusé est ensuite sorti du véhicule et il est revenu avec deux sacs contenant 7,5 g d’une substance qui a été confirmée plus tard comme étant de l’héroïne. L’accusé a été arrêté à l’issus de la transaction et a été accusé de trois infractions relatives aux drogues en contravention de l’article 130 de la LDN.
Ce n’est qu’après un délai de 23 mois et sept jours attribuable aux deux parties, qu’un tribunal a été saisi de l’affaire. L’accusé a présenté une demande préliminaire alléguant que son droit d’être jugé dans un délai raisonnable en vertu de la Charte avait été violé. Dans sa décision, le juge militaire a exprimé que même si le système de justice militaire n’est pas l’objet de la décision de la CSC dans l’affaire R. c. Jordan32, les personnes assujetties au Code de discipline militaire ne sont pas des citoyens de deuxième classe et qu’elles devraient bénéficier de l’évolution du droit à cet égard. Leurs droits garantis par la Charte sont identiques à ceux de tous les autres accusés devant un tribunal au Canada.
Le tribunal a conclu que le plafond présumé de 18 mois tel qu’il a été établi dans l’affaire Jordan constitue la limite supérieure pour les causes jugées dans le système de justice militaire. En appliquant les lignes directrices établies dans l’affaire Jordan à l'affaire Royes, le juge militaire a statué qu’en dépit du fait qu’il a fallu plus de 23 mois avant l’instruction de l’affaire, près de six mois de retard étaient attribuables à la défense. Une fois cette période soustraite du retard global, le juge militaire a conclu que le temps qui s’est écoulé entre le dépôt des accusations et le procès était inférieur à 17 mois et qu’il se situait donc en deçà du plafond présumé. La demande a été rejetée et l’accusé a plaidé coupable à toutes les accusations.
À la suite d’une audience pour la détermination de la peine au cours de laquelle le poursuivant et la défense ont présenté une recommandation conjointe, l’accusé a été condamné à une peine d’emprisonnement de 15 mois moins deux jours pour le temps passé en détention avant le procès. Il a aussi été interdit à l’accusé de posséder des armes à feu ou d’autres armes pendant dix ans et celui-ci a été contraint de fournir des substances corporelles pour une analyse génétique médico légale conformément à l’article 196.14 de la LDN.
Infractions sexuelles – R. c. Beaudry, 2016 CM 4010
Le Cpl Beaudry a subi un procès pour agression sexuelle ayant causé des lésions corporelles et pour être venu à bout de la résistance par étranglement. Malgré des refus répétés, le Cpl Beaudry a eu une relation sexuelle sans le consentement de la victime après avoir empoigné celle-ci à la gorge.
Le Cpl Beaudry a été reconnu coupable d’une accusation d’agression sexuelle et non coupable de l’accusation d’avoir vaincu la résistance. Lors de la détermination de la peine, le juge militaire a soutenu que le comportement de l’accusé était inacceptable dans la société et dans les FAC. L’accusé a été condamné à une peine d’emprisonnement de 42 mois et a été destitué du service de Sa Majesté. Une ordonnance de prélèvements de substances corporelles pour se conformer à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels a été rendue et une interdiction de possession d’armes pour une période de 10 ans lui a été imposée.
Le Cpl Beaudry a déposé, auprès de la CACM, un avis d’appel et une requête pour remise en liberté. Le tribunal a rejeté la requête de remise en liberté et a entendu l’appel sur le fond le 23 février 2017. Une décision doit éventuellement être rendue.
Commentaires dénigrants – R. c. Crabtree-Megahy, 2017 CM 1002
Le Cpl Crabtree-Megahy a été accusé de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en vertu de l’article 129 de la LDN pour avoir fait une série de commentaires dénigrants de nature sexuelle. Il se trouvait dans la salle à manger de la Base des Forces canadiennes Borden lorsqu’il a fait ces commentaires sur des femmes qui passaient près de sa table. Ses propos ont été entendus par plusieurs membres des FAC, y compris un membre des FAC plus haut gradé que lui.
L’accusé a plaidé coupable et la poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe suggérant une amende de 500 $. Dans son analyse, le juge militaire a noté que l’accusé avait reçu une première mise en garde pour son écart de conduite, exigeant qu’il se familiarise avec les politiques des FAC en ce qui a trait aux comportements sexuels inappropriés en milieu de travail. Il a conclu que la recommandation conjointement servait l’intérêt public et, conséquemment, a condamné le Cpl Crabtree-Megahy à verser une amende de 500 $.
Négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles – R. c. Cadieux, 2016 CM 4008
Au début de septembre 2014, le Cpl Cadieux participait à un exercice d’entraînement préalable à un déploiement avec le Régiment d’opérations spéciales du Canada. L’exercice se tenait dans un secteur d'entraînement où les mouvements réglementaires étaient effectués avec des munitions réelles et se poursuivait en soirée. L’accusé, qui faisait partie d’une équipe de quatre personnes, devait se déplacer, dans des conditions nocturnes, vers une cible tandis que ses camarades fournissaient un tir de protection. Chacun des participants dans le secteur d’entraînement portait des lunettes de vision nocturne et disposait d’un laser monté sur son fusil pour l’aider à repérer ses cibles. Les participants à l’exercice portaient deux bâtons luminescents à infrarouge, sur le haut des bras, pour être identifiables dans le noir.
Après avoir attaqué deux groupes de cibles intermittentes, les quatre militaires ont battu en retraite. C’est à ce moment que l’accusé et un autre membre de l’équipe ont été séparés des deux autres coéquipiers. L’accusé a alors repéré deux points blancs dans le noir. Il a, à tort, cru qu’il s’agissait des lasers de ses coéquipiers pointés sur une cible. Cependant, les points provenaient du secteur où se trouvaient les participants qui fournissaient le tir d’appui. Lorsque l’accusé s’est tourné et a tiré deux coups en direction des points, une balle a atteint un autre membre des FAC qui était responsable d’une mitrailleuse. Le Cpl Cadieux a été accusé de négligence en vertu de l’article 127 de la LDN et a été jugé devant la cour martiale générale.
Au procès, la preuve a démontré que la victime avait été gravement blessée et qu’il est fort probable qu’elle devra être libérée des FAC pour des raisons médicales. À la suite du verdict de culpabilité rendu par le comité, la poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe sur la peine demandant une période de détention de 21 jours. Après avoir examiné la nature et les circonstances de l’infraction, le juge militaire a encouragé l'accusé à garder en mémoire les événements tragiques et les conséquences de sa négligence, mais de continuer d’être à la hauteur de ses capacités en tant que membre des FAC. Le juge militaire a accepté la recommandation du poursuivant et de la défense et il a condamné l’accusé à 21 jours de détention.
Recommandations conjointes – R. c. Ledoux, 2016 CM 1019
Tandis qu’il participait à un déploiement en théâtre opérationnel comme membre d’une équipe chargée
de l'entraînement de soldats ukrainiens, le sergent (Sgt) Ledoux a pris part à une excursion culturelle à Lviv, en Ukraine. Avant de partir, tous les participants à l’excursion ont été informés qu’ils devaient rester en groupes d’au moins trois personnes et qu’il était interdit de consommer de l’alcool.
Pendant l’excursion, le Sgt Ledoux est parti seul pour aller manger à un autre endroit que celui choisi son groupe. Au cours de cette soirée, il a consommé une quantité inconnue d’alcool, mais suffisamment pour être visiblement intoxiqué lorsqu’il est rentré à la base. L’accusé s’est fait remarquer par les autres membres du groupe par sa difficulté à garder son équilibre, à articuler lorsqu’il parlait et en vomissant à plusieurs reprises dans l’autobus qui le ramenait à la base. En raison de cet incident, le Sgt Ledoux a été rapatrié avant la fin de son affectation. Il a été accusé de deux chefs de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en vertu de l’article 129 de la LDN et d’une accusation d’ivresse en vertu de l’article 97 de la LDN.
Au procès, l’accusé a plaidé coupable à l’accusation d’ivresse. Les deux autres accusations ont été retirées par la poursuite. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe pour une réprimande et une amende de 1 500 $.
Le juge militaire a basé son analyse de la recommandation conjointe sur la récente décision de la CSC portant sur les recommandations conjointes R. c. Anthony-Cook33. Dans cette décision, la CSC mentionne que les recommandations conjointes jouent un rôle essentiel parce qu’elles contribuent à l’administration de la justice. Elles apportent un haut degré de certitude et permettent au système judiciaire de gagner beaucoup de temps, d'éviter des dépenses et d’économiser des ressources qui peuvent être consacrées ailleurs. En retour, le système de justice peut fonctionner de façon plus efficace. Cela dit, le tribunal fait également observer que les avocats doivent non seulement proposer une peine au tribunal, il se doivent aussi de fournir un compte rendu complet de la situation du contrevenant et des circonstances de l’infraction pour que le juge ait une base suffisante pour décider si la recommandation conjointe doit être acceptée.
Le juge militaire a noté que la CSC confirme que le critère de l’intérêt public est celui que les juges du procès devraient appliquer, ce qui signifie qu’un juge de première instance ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée ne soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit contraire à l’intérêt public.
Dans l'affaire qui nous intéresse, le juge militaire a appliqué le critère de l’intérêt public et a accepté les recommandations des avocats. L’accusé a été condamné à une réprimande et une amende de 1 500 $.
Décharge non autorisée – R. c. Rouleau, 2016 CM 3015
Le major-général (Mgén) Rouleau, commandant du Commandement des Forces d’opérations spéciales du Canada, a été accusé de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en application de l’article 129 de la LDN pour avoir déchargé sa carabine C8 sans autorisation dans la zone d’opérations canadiennes en Iraq, le 19 décembre 2015.
À son arrivée en Iraq pour une visite officielle, le Mgén Rouleau a reçu un pistolet et une carabine C8. Il a été informé par un autre membre des FAC qui voyageait avec lui que sa carabine C8 était chargée, mais qu’il n’y avait pas de cartouches dans la chambre. Au premier arrêt de la visite, le Mgén Rouleau a sorti l’arme du véhicule, il a armé sa carabine et a fait feu par accident dans le sol à environ deux pieds d’un autre membre des FAC. Le Mgén Rouleau a admis qu’il était entièrement responsable de l’incident et il a plaidé coupable dès qu’il en a eu la possibilité. Une recommandation conjointe sur la peine a été présentée par les deux parties à l’effet qu’une amende de 2 000 $ serait appropriée dans les circonstances.
Le juge militaire a rappelé que toutes les décharges non autorisées sont prises au sérieux, peu importe le grade du militaire et que les facteurs aggravants ou atténuants sont pris en compte dans l’évaluation de la justesse de la peine proposée. Les facteurs aggravants incluaient le grade et le poste de l’accusé, son niveau d’expérience sur l’arme et le fait que l’incident s’est produit en théâtre opérationnel. Les facteurs atténuants incluaient les aveux complets de culpabilité, l’absence d’un dossier criminel, l’incident n’avait rien à voir avec le comportement habituel du Mgén Rouleau et la carrière exceptionnelle de celui-ci dans les FAC.
Le tribunal a accepté la recommandation conjointe des avocats et il a condamné le Mgén Rouleau à payer une amende de 2 000 $.
Possession de substances interdites – R. c. Curran, 2016 CM 4013
Le 16 août 2014, à l’aube, un membre de la police militaire (PM) a intercepté le soldat (Sdt) Curran pour un phare avant brûlé. Le Sdt Curran a été arrêté non loin de la Base des Forces canadiennes Gagetown et a été informé du motif de l’interception. Pendant la conversation entre le PM et l’accusé, le PM a remarqué que le portefeuille de l’accusé contenait un nombre important de billets et qu’une odeur de marijuana émanait du véhicule. Le PM a éclairé l’intérieur du véhicule avec sa lampe de poche et a remarqué un grand sac Ziploc sur le sol à l’arrière du siège du conducteur. Le sac semblait contenir de la marijuana.
Le Sdt Curran a été arrêté pour possession de marijuana et le véhicule a été photographié et fouillé. La fouille a permis de saisir le sac Ziploc et huit petits sacs en plastique qui contenaient des cristaux beiges et de la poudre. Une analyse a confirmé que le grand sac contenait 82 grammes de marijuana et que les petits sacs contenaient 10 grammes de méthamphétamine en cristaux combinés. Deux accusations de possession dans le but de faire le trafic d’une substance incluse à l’annexe I, en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et deux accusations pour possession d’une substance incluse à l’annexe I, en vertu du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ont été déposées contre le Sdt Curran34.
Lors du procès, la poursuite n’a présenté aucun élément de preuve relativement aux accusations de trafic de drogue. L’accusé a plaidé coupable à deux chefs d’accusation de possession. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe suggérant une peine d’emprisonnement de 20 jours et une amende de 1 000 $. Lors de sa décision sur sentence, le juge militaire a tenu compte de certains facteurs aggravants comme le fait que l’accusé avait en sa possession une quantité considérable de substances contrôlées tandis qu’il était sur la base, ce qui préoccupe directement la communauté militaire. Il a aussi considéré l’infraction comme étant plus grave en raison de condamnations antérieurs de l’accusé lors d’un procès sommaire pour avoir fait usage de drogues, ce qui lui avait valu une rétrogradation du grade de caporal à celui de soldat. Le comportement de l’accusé a non seulement menacé la discipline, mais il aurait pu menacer la santé, la sécurité et l’efficacité opérationnelle des FAC et de son personnel. Le juge militaire a accepté la recommandation conjointe et a condamné le Sdt Curran à une peine d’emprisonnement de 20 jours et une amende de 1 000 $.
Emploi civil non autorisé – R. c. Soares, 2016 CM 3019
Après avoir été en congé de maladie de façon intermittente, le lieutenant (Lt) Soares, une infirmière au sein des FAC, a participé à un programme de retour au travail dans le cadre duquel elle devait travailler trois jours par semaine. Plusieurs contraintes à l'emploi pour raisons médicales limitaient aussi l’étendue de ses tâches.
En octobre 2013, un membre des FAC du Centre des services de santé des Forces canadiennes à Ottawa est tombé par hasard sur le Lt Soares à l'Hôpital d'Ottawa, Campus Général, alors que cette dernière. L’accusée a expliqué qu’elle faisait des heures supplémentaires à l’Hôpital d’Ottawa. Cette information a été communiquée à la chaîne de commandement du Lt Soares qui a confirmé que le Lt Soares n’était pas autorisé à occuper un emploi dans un établissement civil. L’enquête de la police militaire a mené au dépôt des accusations suivantes : commission d’un acte à caractère frauduleux; retardement de la guérison d’une infirmité pour avoir désobéi délibérément aux ordres; simulation d’une infirmité; fausse déclaration volontaire dans un document exigé à des fins officielles et conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
L’accusée a plaidé coupable pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline et la poursuite a retiré les quatre autres chefs accusations. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe recommandant l’imposition d’un blâme et une amende de 3 000 $. Dans sa décision, le juge militaire a tenu compte du fait que l’accusée ait plaidé coupable, de ses problèmes de santé physique et mentale et de sa libération des FAC pour raisons médicales, prévue pour mars 2017. Il a accepté la recommandation conjointe et a condamné l’accusée à un blâme et une amende de 3 000 $.
Visionnement de matériel pornographique avec un ordinateur sur les lieux de travail – R. c. Hamelin, 2017 CM 4005
En juin 2015, un technicien civil en informatique a avisé le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) qu’il avait observé une activité suspecte dans le registre des utilisateurs du major Hamelin. Une analyse ultérieure du disque dur de l’accusé a révélé que 90 dossiers contenaient des images pornographiques téléchargées ou regardées en juin 2015, puis supprimées. Lors d’un entretien avec les enquêteurs du SNEFC, l’accusé a admis qu’il avait visionné les images retrouvées sur son ordinateur du bureau. Il a aussi ajouté qu’il savait qu’il est interdit dans les politiques des FAC d’accéder à de la pornographie à partir des ordinateurs et des réseaux sur le lieu de travail mais que même s’il savait ses actions condamnables, il a continué le téléchargement d’images pornographiques pendant près de deux semaines. Le major Hamelin a été accusé de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en contravention de l’article 129 de la LDN.
Sur plaidoyer de culpabilité, la poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe pour une réprimande et une amende de 1 800 $. Dans sa décision, le juge militaire a considéré que les actions du major Hamelin démontraient un profond manque de respect pour ses fonctions d’officier supérieur et son obligation de se conformer aux ordres relatifs à la protection et la sécurité des ordinateurs et des systèmes informatiques au ministère de la Défense nationale. Le juge militaire a aussi considéré que l’infraction portait sur 90 images pornographiques auxquelles l’accusé a eu accès ou qu’il a téléchargées pendant plusieurs jours et qu’il n’était pas question d’une faiblesse passagère. Après avoir pris en considération ces facteurs aggravants et divers facteurs atténuants comme le fait que l’accusé ait plaidé coupable, le juge militaire a accepté la recommandation conjointe et a condamné le major Hamelin à une réprimande et une amende de 1 800 $.
Port de médailles non autorisé – R. c. Fancy, 2016 CM 1010
Le 11 novembre 2014, pendant le défilé du Jour du souvenir, l’adjudant-maître (Adjum) Fancy a porté trois médailles des Forces canadiennes et un insigne de spécialité qu’il n’était pas autorisé à porter sur son uniforme. Il s’agissait d’une Médaille de la Somalie, d’une Étoile de campagne générale et d’une Médaille du service en Asie du Sud-Ouest.
L’Adjum Fancy avait déjà porté les médailles et la décoration en question à une cérémonie de l’unité en janvier 2014, ce qui avait soulevé des questions de la part de plusieurs collègues. Lorsque la question avait été abordée avec l’accusé, celui-ci avait indiqué que les médailles et la décoration lui avaient été décernées et avait précisé qu’il mettrait son dossier à jour en y ajoutant la documentation nécessaire. Lorsque l’accusé a de nouveau porté les médailles et la décoration le 11 novembre 2014, sans avoir fourni les documents, une enquête a été lancée. Elle a permis d’établir que l’accusé n’était pas autorisé à porter les médailles. L’Adjum Fancy a été accusé de deux chefs d’emploi illégitime d’uniformes militaires conformément à l’article 419 du Code criminel et de trois chefs d’accusation de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline en vertu de l’article 129 de la LDN35.
En cour martiale, les accusations d’emploi illégitime d’uniformes militaires ont été retirées. L’accusé a plaidé coupable aux accusations de contravention à l’article 129 LDN. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe sur la peine et ils ont demandé une amende de 300 $ et une rétrogradation au grade d’adjudant. Le juge militaire a pris en considération la nature et les circonstances de l’infraction, y compris le manque d’intégrité et de respect à l’égard des médailles et des décorations qui sont décernées aux membres des FAC. Le juge militaire a accepté la recommandation et a condamné l’accusé à une amende de 300 $ et à une rétrogradation au grade d’adjudant.
Initiatives stratégiques
Révision globale de la cour martiale
En tant que responsable de la justice militaire et dans le but de répondre à son obligation de procéder à l’examen périodique de l’administration de la justice militaire (paragraphes 9.2(1) et (2) LDN), le 13 mai 2016 le JAG a ordonné au juge-avocat général adjoint de la justice militaire de faire une révision globale du système de la cour martiale. L’objectif de cette révision est d’effectuer une analyse stratégique et juridique de tous les aspects du système des cours martiales des FAC et, s’il y a lieu, de développer et analyser des options pour en améliorer l’efficacité, l’efficience et la légitimité.
La révision globale a débuté le 15 juillet 2016 et devrait se conclure par le dépôt d’une ébauche de rapport présenté au JAG d’ici le 21 juillet 2017.36
Conformément aux directives données par le JAG, l’équipe chargée de la révision globale des cours martiales (ERGCM) composée d’avocats militaires de la direction Justice militaire, procède à l’examen des sujets suivants :
- Le statut et la structure institutionnelle des tribunaux et des cours ayant compétence sur les infractions d’ordre militaire, y compris s’ils doivent : avoir ou non un caractère militaire ou civil; être des entités permanentes ou ad hoc; et être aptes à participer à des déploiements dans des environnements austères ou hostiles, au Canada ou à l’étranger;
- Le statut et la structure institutionnelle d’un service de poursuites qui est tenu d’intenter des poursuites pour des infractions d’ordre militaire, y compris si ce service doit : être de nature militaire ou civile; être offert, en totalité ou en partie, aux frais du public; être apte à participer à des déploiements dans des environnements austères ou hostiles, au Canada ou à l’étranger;
- Le mécanisme par lequel les services d’avocats de la défense sont fournis aux personnes accusées d’avoir commis des infractions d’ordre militaire, notamment si de tels services doivent : être fournis par des avocats militaires ou civils; être offerts, en totalité ou en partie, aux frais du public; être aptes à être fournis dans des environnements austères ou hostiles, au Canada ou à l’étranger ;
- Les infractions d’ordre militaire, y compris si les infractions actuelles doivent être mises à jour ou abrogées, et si d’autres infractions doivent être ajoutées;
- Les peines, les sanctions et les lois imposant des peines qui s’appliquent aux infractions d’ordre militaire, y compris la prise en considération complète pour déterminer s’il faut mettre à jour ou abroger les dispositions portant sur la détermination de la peine, et s’il faut ajouter d’autres options de peines;
- Le droit de la preuve qui doit s’appliquer aux procès relatifs à des infractions d’ordre militaire;
- Les droits, les motifs et les mécanismes d’appel qui doivent exister pour la Couronne et les personnes assujetties au Code de discipline militaire (CDM);
- Les besoins spéciaux de tous les groupes particuliers pouvant interagir avec le système de justice militaire, y compris les victimes, les jeunes et les contrevenants autochtones.
Au cours de la période de référence, l’ERGCM a mené une vaste consultation publique et interne dans l’ensemble des FAC afin de recueillir des commentaires sur les questions à l’étude. Toujours dans le cadre de son examen, l’ERGCM a aussi complété des visites techniques dans dix pays (États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Irlande, France, Pays-Bas, Danemark, Norvège et Finlande), où elle a consulté des experts étranger en justice militaire. L’ERGCM a également profité de l’opportunité de visites par des officiers du bureau du JAG à Singapour et en Israël pour échanger des connaissances sommaires avec des experts de la justice militaire de ces pays. Cette étude comparative des systèmes de justice militaire tels qu’exploités par ces autres États a exposé l’ERGMC à une gamme complète de considérations, de structures, de pratiques et d’aboutissements.
Exercice de l’autorité du JAG
Au cours de l’année 2015-2016, le JAG a annoncé qu’une équipe serait chargée de concevoir et de mettre en œuvre un procédé visant à recueillir des données objectives et mesurables pour mieux évaluer l’administration du Code de discipline militaire au niveau des unités. Dès le départ, il est apparu évident que pour mieux évaluer les unités de manière individuelle quant à leurs obligations relatives à l’administration de la justice militaire, il fallait faire appel à une base de données et à un outil de gestion de cas plus complet. L’une des principales fonctions de cet outil serait de faciliter la collecte de données mesurables au niveau des unités et profiterait à tous les commandants des FAC en fournissant un meilleur aperçu de l’ensemble des cas disciplinaires dans leurs zones de commandement ce qui rendrait potentiellement le processus de justice militaire plus efficace.
Par conséquent, le projet s’est concentré sur la création de la base de données et de l’outil de gestion de cas. Depuis, le personnel de la Division de la justice militaire a examiné plusieurs options telles que l’achat d’une base de données et d’un outil de gestion de cas utilisé par certaines juridictions provinciale, la création d’un nouvel outil en consultation avec une organisation externe ou la conception à l’interne. Ces options font encore l’objet de discussions, la marche à suivre la plus efficace et la plus économique restant à être identifiée.
Il est prévu que la base de données et l’outil de gestion de cas liés à la justice militaire permettront de suivre les dossiers de justice militaire, de la déclaration d’une infraction présumée, en passant par l’enquête et la mise en accusation, jusqu’à la conclusion et la révision suite au procès sommaire ou la cour martiale.
Ce système fournirait aux commandants de tous les niveaux un outil de gestion de cas convivial qui améliorerait l’administration de la justice militaire à l’échelon des unités en permettant aux autorités d’avoir un aperçu en temps réel des questions de discipline et de suivre l’avancement d’un dossier du début à la fin de la procédure. Ce système permettrait aussi aux autorités des unités et aux avocats militaires de suivre l’avancement d’un dossier en temps réel et veiller à ce que l’affaire progresse avec célérité.
Par ailleurs, la base de données et l’outil de gestion de cas de la justice militaire compileraient toutes les statistiques pertinentes sur l’administration de la justice militaire, ce qui permettrait de surveiller le système de justice militaire dans son ensemble. Les commandants à tous les niveaux auraient accès à ces renseignements et ils auraient une vue d’ensemble de la situation de toutes questions disciplinaires, tant à l’échelon tactique que stratégique.
La création de la base de données et de l’outil de gestion de cas pour la justice militaire améliorerait aussi la capacité du JAG à surveiller l’administration de la justice militaire de la manière suivante :
- en permettant au JAG d’avoir une appréciation globale de l’efficience et de l’efficacité du fonctionnement du système de justice militaire et d’y être sensibilisé à la minute près;
- en identifiant et mettant en œuvre des façons de procéder pour aider les commandants à administrer au quotidien le système de justice militaire, à tous les niveaux de leurs responsabilités, au moyen de recommandations précises pour améliorer les procédures liés à la justice militaire;
- en cernant les grandes tendances en matière d’administration de la justice militaire, y compris les secteurs qui devront peut-être être examinés plus en profondeur;
- en fournissant des renseignements complets permettant de faire des recommandations fondées sur des éléments de preuve pour garantir des changements positifs et une évolution responsable du système de justice militaire.
Groupes de travail sur les procès sommaires
En s'appuyant sur les travaux antérieurs entrepris par le Conseil consultatif sur la discipline dans les Forces armées canadiennes, le JAG a demandé à la chaîne de commandement de développer et d’envisager, au cours de l’année, des options pour renouveler le système des procès sommaires et créer des conditions propices à une administration rapide et équitable de la justice militaire en ce qui a trait aux manquements à la discipline de nature non pénale. Le JAG a formé deux groupes de travail avec l’approbation du chef d’état-major de la Défense. Les groupes incluaient des commandants d’unités provenant des différents éléments des FAC et leurs militaires du rang ayant le grade le plus élevé. Les groupes de travail se sont penchés sur une vaste gamme de sujets, mais ils ont porté une attention plus particulière au système des procès sommaires, y compris la structure des enquêtes, les autorités responsables du dépôt des accusations, les infractions et les sanctions disciplinaires possibles. Ils ont également participé à des scénarios hypothétiques.
L’information obtenue de ces groupes de travail a fourni au JAG une perspective de commandement additionnelle sur l’administration de la justice militaire au niveau des unités. Ce point de vue aidera le JAG à veiller à ce que le système de justice militaire, notamment au niveau des procès sommaires, continue de répondre aux besoins des FAC.
L’une des premières observations des groupes de travail portait sur les délais dans la procédure de procès sommaires. Selon eux, l’obligation d’offrir un choix et la nécessité d’obtenir un avis juridique à de multiples étapes de la procédure ajoute aux délais dans la procédure et va à l’encontre d’un des principaux objectifs du système des procès sommaires, nommément rendre justice de manière prompte et efficace. Les participants ont aussi fait des observations sur la procédure de renvoi et ont voulu savoir si l’obligation d’envoyer un dossier à une autorité de renvoi avant de le faire suivre au DPM apportait quelque chose de plus à la procédure. Les participants ont estimé que cette étape retarde la procédure et qu’il existe d’autres façons pour permettre à une autorité de renvoi de faire des commentaires sur l’intérêt du public tout en veillant à ce qu’un dossier soit renvoyé au DPM d’une manière plus opportune.
Outre les problèmes de délais, les groupes de travail ont soulignés que les punitions par l’intermédiaire d’un procès sommaire ne sont pas très efficaces pour maintenir la discipline dans le contexte de la réserve. Les participants ont mentionné qu’en raison de la nature à temps partiel du travail des réservistes, en règle générale, les interventions par l’entremise du système de justice militaire sont inadéquates pour régler les cas d’inconduite parce que le système est mieux adapté à la réalité des militaires de la Force régulière. C’est pourquoi, les unités de réserve choisissent plutôt les mesures administratives et d’autres formes de discipline non officielles pour faire observer et maintenir la discipline dans leurs unités.
Modifications apportées aux politiques du directeur des poursuites militaires
Au cours de la période du rapport, le DPM a modifié plusieurs directives sur la conduite des poursuites à l’égard des infractions de nature sexuelle. Les deux principaux objectifs de l’examen des directives étaient de veiller à ce que les infractions de nature sexuelle fassent l’objet de poursuites dans le système de justice approprié et que les points de vue des victimes soient sollicités, examinés et abordés à toutes les étapes de la procédure devant la cour martiale. De ce fait, l’opinion de la victime est désormais ajoutée de manière officielle à la liste des facteurs dont la poursuite doit tenir compte lorsqu’elle décide devant quel système de justice les accusations devraient être portées, militaire ou civil. Désormais, la victime est aussi mise au courant de toutes les décisions portant sur le choix de la juridiction, la décision de porter ou non des accusations et les raisons à l’appui de ces décisions.
Il est inévitable que dans toute procédure du système de justice, militaire ou civil, la victime revive les circonstances de l’infraction présumée. Toutefois, les intervenants peuvent s’efforcer de réduire au minimum les répercussions sur celle-ci. Par conséquent, pour faire en sorte que l’impact de la procédure soit minimisé, le DPM a ordonné d’accorder la priorité de mise au rôle aux infractions de nature sexuelle pour que ces affaires puissent être traitées par le système de justice militaire le plus rapidement possible. De plus, le DPM fera tout ce qui est possible pour qu’un seul et même procureur ne s’occuper de l’affaire du début à la fin, afin d’éviter à la victime de devoir répéter sa version des événements à de multiples occasions et à des personnes différentes.
Le DPM a aussi fait paraître de nouveau sa politique sur l’interrogatoire des témoins. Il a rappelé aux procureurs qu’il est primordial que le témoin soit à l’aise pendant un entretien. Lorsque les circonstances le permettent, les entretiens doivent avoir lieu en privé et les procureurs sont tenus d’adopter une approche professionnelle et respectueuse. Par ailleurs, le DPM a rappelé aux procureurs de traiter tous les témoins, en particulier les victimes avec courtoisie, tact et respect, sans oublier que, pour la victime, les procédures judiciaires sont une période de grandes émotions. Notamment, les procureurs doivent :
- faire tous les efforts raisonnables pour répondre aux questions de la victime en lien avec la procédure;
- prendre toutes les mesures raisonnables pour faire en sorte que la victime comprenne la nature de la procédure;
- le cas échéant, informer la victime des ressources de soutien et de consultation disponibles;
- faire tous les efforts raisonnables pour tenir la victime informée de l’évolution des procédures, y compris les discussions relatives au plaidoyer et à la sentence qui sont en cours, le verdict, la peine ou de toute autre décision finale dans l’affaire la concernant;
- considérer en tout temps la convenance d’accommodements spéciaux et discuter avec la victime de la possibilité d’accorder de tels accommodements le cas échéant.
Afin de réduire le risque de traumatiser davantage une victime qui témoigne devant une cour martiale, le DPM a donné des instructions aux procureurs de contempler la prise de mesures supplémentaires pour garantir la sécurité et du confort d'une victime lorsque celle-ci témoigne devant la cour martiale :
- l’exclusion du public lorsque la victime témoigne;
- des mesures qui permettent à la victime de témoigner hors de la vue du public;
- la présence d’une personne de confiance pendant le témoignage;
- l’utilisation d’un témoignage sous forme d'affidavit;
- l’adoption de mesures pour empêcher un accusé de contre-interroger personnellement la victime dans les situations où l’accusé se représente lui-même;
- demander une ordonnance du tribunal pour interdire la publication de toute information susceptible d’identifier la victime.
Note en bas de page
30 Au moment du procès du Cpl Thibault, la Cour suprême du Canada n’avait pas encore rendu sa décision dans l’affaire R. c. Moriarity. Par conséquent, la décision de la CACM dans cette affaire était applicable. Dans sa décision portant sur l’affaire Moriarity, la CACM a conclu qu’un lien militaire – ou qu’un lien entre l’infraction et la discipline, l’efficience et le moral dans les FAC – était nécessaire pour juger une personne en application du paragraphe 130(1) de la LDN. Toutefois, la Cour suprême a annulé cette décision parce qu’elle a conclu que le service militaire constituait un rapport suffisant pour établir un lien militaire.
31 2015 CSC 15.
32 2016 CSC 27.
33 2016 CSC 43
34 Les infractions en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sont incluses à l’article 130 de la LDN, qui intègre tous les actes ou toutes les omissions punissables en vertu du Code criminel du Canada ou d’une autre loi du Parlement et elles sont jugées comme des infractions en service par le système de justice militaire.
35 Les infractions en vertu du Code criminel du Canada sont incluses à l’article 130 de la LDN qui intègre tous les actes ou toutes les omissions punissables en vertu du Code criminel du Canada ou d’une autre loi du Parlement, et elles sont jugées comme des infractions en service par le système de justice militaire.
36 Amendement aux termes de référence – Révision globale de la cour martiale, 11 juillet 2017.
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