Rapport de surveillance externe - Premier rapport d’étape

Jocelyne Therrien – le 2 mai 2023


Lettre à la ministre de la Défense nationale

Le 2 mai 2023

L’honorable Anita Anand, C.P., députée
Ministre de la Défense nationale
Ottawa, ON K1A 0K2

Madame la Ministre,

Conformément au mandat de mon engagement en tant que surveillante externe, j’ai le plaisir de vous remettre mon premier rapport semestriel, dans les deux langues officielles.

Cordialement,

Jocelyne Therrien

Pièce jointe : Rapport de surveillance externe—Premier rapport d’étape


Introduction

Contexte

En mai 2022, l’honorable Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, a déposé son rapport appelé : L’examen externe indépendant et complet du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes (EEIC). La recommandation finale du rapport de l’EEIC (recommandation no 48) demandait qu’un surveillant externe supervise la mise en œuvre des recommandations de rapports externes. À l’automne 2022, la ministre de la Défense nationale m’a nommée surveillante externe. Mon mandat, qui découle de cette recommandation, consiste à fournir à la ministre, deux fois par année, un rapport qui peut être publié. Après six mois dans mon rôle, voici mon rapport initial.

Méthodologie

Pendant les premiers mois de mon mandat, j’ai eu des discussions de haut-niveau avec tous les hauts dirigeants qui, en bout du compte, sont responsables des changements qui doivent être apportés si le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes (MDN/FAC) veulent devenir un environnement sécuritaire et inclusif pour tout le monde. J’ai ensuite révisé l’ensemble des directives émises par l’organisation en ce qui a trait au changement de culture et les réponses officielles du gouvernement aux rapports des comités parlementaires sur le sujet. Je me suis également familiarisée avec tous les rapports externes produits depuis 2015 et qui contenaient des recommandations sur l’inconduite sexuelle, le harcèlement et la discrimination dans l’armée :

Tout au long de cette période d’examen, des réunions mensuelles de mise à jour ont eu lieu avec les dirigeants du Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC), l’organisation créée au printemps 2021 dans le but « de travailler à l’unification et à l’intégration de toutes les activités de changement culturel réalisées » dans l’ensemble du MDN et des FAC. Au cours des derniers mois, j’ai rencontré les unités responsables de la mise en œuvre des recommandations qui se trouvent dans le rapport de l’EEIC et je me suis informée sur les initiatives en cours. Certaines ne sont pas directement liées à l’EEIC, mais servent néanmoins à promouvoir un changement de culture positif. J’ai également eu des entrevues avec plusieurs intervenants externes et j’ai visité les deux collèges militaires et l’École de leadership et de recrues des Forces canadiennes (ELRFC).

Le Secrétariat du Comité de mise en œuvre de l’examen complet externe (CEEIC) m’a fourni des mises à jour régulières au cours de la période de six mois, notamment tous les documents connexes demandés.

Ce qui est compris dans le présent rapport

Dans ce premier rapport d’étape, j’ai regroupé les renseignements sous trois thèmes :

  1. Prévention
  2. Soutien aux personnes affectées
  3. Contribution et surveillance

L’objectif du rapport est de fournir un aperçu des initiatives liées à ces trois thèmes qui visent à avancer dans la bonne direction, c’est-à-dire vers une réforme culturelle. Je soulignerai les domaines qui nécessitent un examen plus approfondi de ma part et que je devrais effectuer au cours des six prochains mois.

Au sein de ces thèmes, je suis en mesure de reprendre bon nombre des recommandations de l’EEIC. Dans mon deuxième rapport d’étape prévu en octobre, je fournirai une mise à jour sur ces renseignements, et je traiterai des recommandations restantes, comme celles qui touchent le recrutement et le maintien en poste, les promotions, les détachements, l’application de l’ACS+ à l’universalité du service, la révision du processus de règlement des plaintes et des griefs et le cadre de politique visant à appuyer l’évolution anticipée de la culture. Je rendrai également compte de la façon dont les FAC surveilleront leur efficacité en matière d’intervention à l’égard de l’inconduite sexuelle.

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Constatations du premier rapport

I – Prévention

Sélection des recrues et période d’essai

Il va sans dire que la sélection de recrues qui incarnent un éthos inclusif est l’une des façons d’obtenir, en fin de compte, un milieu de travail exempt de harcèlement, tout comme la libération rapide des personnes qui ont un comportement inacceptable. Dans le rapport de l’EEIC (recommandations nos 20, 22 et 25), on aborde cette question et on suggère aux FAC de créer une période d’essai « au cours de laquelle une évaluation plus complète des candidats pourrait être réalisée – et une libération anticipée effectuée, au besoin. » La création d’une période d’essai nécessitera des modifications législatives/réglementaires. Compte tenu du temps nécessaire pour modifier les cadres législatifs et réglementaires, il serait important que les FAC enclenchent ce processus immédiatement.

Entre-temps, les FAC prévoient d’utiliser les mécanismes existants au sein des contrats d’enrôlement actuels pour libérer les personnes qui présentent un comportement et des attitudes problématiques. Par exemple, une libération pour « enrôlement irrégulier » est décrite comme un outil pratique pour une libération anticipée, bien qu’on y ait rarement eu recours par le passé. L’utilisation de cette disposition sera nécessaire jusqu’à ce qu’une période d’essai soit mise sur pied.

La recommandation appelle également une meilleure évaluation des recrues. Les FAC examinent actuellement une gamme d’outils d’évaluation qui appuieront cette recommandation, y compris des méthodes soutenues par la recherche.

L’éducation comme outil de prévention

Dans le rapport de l’EEIC (recommandation no 15), on recommande que la formation et l’éducation liées aux infractions et au harcèlement sexuel deviennent la responsabilité de l’organisation récemment mise sur pied, le Chef – Conduite professionnelle et culture (CCPC). Cette recommandation a été mise en œuvre. Auparavant, cette tâche relevait du mandat du Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle (CSRIS), créé en 2015.

Au-delà de la recommandation de ce transfert, la juge Arbour précise que les recommandations en matière de formation contenues dans le rapport de la juge Deschamps devraient également être mises en œuvre (recommandation no 27). Ces recommandations soulignent l’importance de la méthode de prestation et des qualifications des instructeurs, et indiquent qu’il doit y avoir des séances de formation régulières et interactives sur l’inconduite sexuelle. Il s’agit d’un thème récurrent des consultations qu’a tenu le CCPC avec les membres des FAC de partout au pays.

En 2022, le CCPC a préparé un cadre d’éducation et de formation qui propose un continuum d’activités d’éducation et d’apprentissage qui devraient être tenues pour différents grades, à différents moments de leur carrière. Le spectre est axé sur l’inconduite sexuelle, la gestion du conflit, la prévention de la violence en milieu de travail, la diversité, l’équité et l’inclusion, et la conduite haineuse. Dans ce cadre, le CCPC cherche des moyens de rendre l’éducation et la formation plus immersive. Sa formation en matière de développement du leadership comprend le programme de soutien au leadership et le programme d’encadrement, qui sont des exemples de la mise en œuvre de l’apprentissage par l’expérience.

Le rapport de l’EEIC recommande également que les FAC fournissent les meilleurs instructeurs et membres du personnel possibles à toutes les écoles d’instruction. Plus précisément, les FAC devraient donner la priorité aux affectations qui offrent de l’instruction aux élèves-officiers et aux nouvelles recrues, et il devrait y avoir une meilleure évaluation des candidatures pour les postes d’instructeurs, autant au niveau des compétences que du caractère (recommandation no 23). Le rapport de l’EEIC souligne que les affectations aux unités d’instruction étaient vues comme des obstacles à l’avancement professionnel et qu’il faut « inverser » cette approche.

En 2022, le CEMD et le SM ont demandé à ce que le Groupe du recrutement et que l’École des recrues aient une dotation complète. Cette directive a eu l’effet souhaité et la dotation approche un taux de 100 p. 100. De plus, les FAC ont adopté une approche plus flexible qui permet aux « candidats qualifiés » (notamment une plus grande diversité) d’être affectés même s’il n’y a pas de corrélation directe avec le grade/groupe professionnel du poste disponible.

L’ELFRC est responsable de l’instruction de la qualification militaire de base d’environ 5000 recrues chaque année. Cela représente à peu près 90 p. 100 de tous les enrôlements au sein des FAC pour une année donnée, ce qui signifie qu’il joue un rôle essentiel dans le renforcement des normes de comportement et de conduite militaire professionnelle.

Le programme d’instruction et l’approche d’enseignement à l’ELRFC ont récemment subi des changements exhaustifs. Le programme d’éducation est fondé sur quatre piliers : conduite professionnelle et culture, résilience, forme physique et compétences militaires. L’approche pédagogique a été remodelée afin d’appuyer un apprentissage plus robuste des valeurs et de l’éthique des FAC. Par exemple, en vertu du pilier Conduite professionnelle et culture, l’école utilise donc des leçons selon l’approche « classe inversée » sur des sujets comme le harcèlement et la diversité, leçons fondées sur une lecture préalable de la politique suivie par des discussions dirigées et une utilisation plus fréquente des études de cas.

Un récent appel aux instructeurs de l’ELRFC mentionne ceci : « Dans le cadre des efforts de reconstitution des FAC, celles-ci auront besoin des meilleurs dirigeants et de modèles à suivre dans leurs établissements d’instruction. » Dans le but d’encourager les affectations à l’ELRFC, les comités de sélection responsables de la promotion attribuent le même nombre de points à une affectation d’instructeur à l’ELRFC qu’à un déploiement opérationnel. D’autres mesures incitatives sont étudiées. Je remarque également que l’école a tissé des liens avec des groupes communautaires et d’autres paliers de gouvernement pour attirer les familles militaires dans la région.

Et finalement, le processus de vérification des instructeurs et le cours d’instructeur ont été revitalisés pour mieux saisir les aspects du caractère qui sont maintenant promulgués au sein des FAC, notamment un outil de vérification validé sur le plan scientifique et des références morales. Les efforts des FAC en vue de la professionnalisation du Cadre des instructeurs se poursuivront tout en tenant compte du rapport de l’EEIC (recommandation no 24), lequel suggère aux FAC d’évaluer les avantages et les inconvénients de la formation d’un nouveau groupe professionnel d’instructeurs/éducateurs/formateurs au sein des FAC.

J’ai remarqué un engagement fort à l’ELRFC en ce qui a trait à l’opérationnalisation des valeurs et de l’éthique des FAC dans la création d’un milieu de travail sécuritaire et inclusif et l’enseignement de ces valeurs à la prochaine génération de personnel militaire. Je crois que le MDN et les FAC ont récemment accordé une attention particulière au type de personnes choisies pour diriger les institutions de formation des FAC, ce qui contribuera grandement à la transition vers un milieu de travail plus sécuritaire. À tout le moins, le message entourant les qualités recherchées et l’accent sur le caractère est devenu clair.

Examen des collèges militaires

Le rapport de l’EEIC (recommandations nos 28 et 29) demande un examen externe des deux collèges militaires et l’élimination de la chaîne de responsabilité des élèves-officiers. Bientôt, une agence de recrutement de cadres lancera le processus visant à trouver des membres qualifiés pour faire partie du comité d’examen. Il est prévu que le comité entrera en fonction en juin.

Le rapport de l’EEIC recommande également d’utiliser des mesures provisoires pour lutter contre « les problèmes de culture de longue date » des collèges, notamment d’adapter le sondage de fin d’études actuel afin de « recueillir de l’information sur les expériences des élèves en lien avec l’inconduite sexuelle et la discrimination. » Cette suggestion a été pleinement prise en compte. Le sondage a été modifié de différentes façons. Il sera réalisé chaque année, en avril ou en mai, pour tout le séjour d’un élève-officier au collège. Le contenu a été élargi pour inclure plusieurs éléments comme les facteurs psychosociaux (stress/charge de travail), le climat/l’environnement au collège, le harcèlement, la discrimination, l’intimidation et l’inconduite sexuelle.

On prévoit d’utiliser les constatations du sondage annuel comme référence à partir de laquelle le MDN et les FAC peuvent mesurer les progrès réalisés en ce qui a trait aux éléments de la culture des collèges.

Examen externe des dossiers administratifs qui recommandent la libération

Des préoccupations sont exprimées dans le rapport de l’EEIC sur des cas où le QGDN a décidé de garder un militaire en poste sans tenir compte de la recommandation d’un commandant d’unité de le libérer en raison d’allégations d’inconduite sexuelle. Les données indiquent qu’entre 2015 et 2021, il y a eu 52 cas où la décision finale de l’autorité centrale était de maintenir le militaire en poste sans restriction au plan de la carrière.

Le rapport de l’EEIC (recommandation no 6) suggère d’effectuer une évaluation externe de la qualité de ces dossiers. En ce moment, les FAC révisent leurs options de passation de marchés, qui seront suivies par un énoncé des travaux et des critères d’évaluation. Je m’attends à pouvoir communiquer des progrès plus importants dans mon rapport d’octobre.

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II – Soutien aux personnes affectées

Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle

Le CSRIS a été mis sur pied en 2015 peu après la publication du rapport par l’ancienne juge Deschamps. Depuis, le Centre a connu une croissance exponentielle. Par exemple, il a étendu ses services au-delà des membres actuels des FAC, les offrant également à d’autres groupes affectés par l’inconduite sexuelle, comme les employés du MDN et les anciens membres des FAC. Bientôt, ses services s’adresseront également aux membres des familles des militaires. En 2022-2023, il a élargi son réseau partout au Canada pour que les personnes puissent contacter un conseiller du CSRIS dans ces endroits. D’ici la fin de l’année, il aura une présence dans plusieurs régions de partout au pays. Et récemment, un total de 32 projets communautaires ont été financés en vue d’offrir une variété de services de counseling et de thérapie dans des régions autrefois mal desservies. Le CSRIS parraine également un programme de soutien par les pairs du MDN/d’ACC en ligne, modéré par des spécialistes cliniques, qui prendra de l’expansion à l’automne pour comprendre des séances animées par des pairs.

Plusieurs recommandations faites dans le rapport de l’EEIC sont axées sur le CSRIS, notamment un changement de nom du Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle (CIIS) pour le CSRIS afin de mieux refléter le but principal du CSRIS en tant que centre de ressources pour les victimes d’inconduite sexuelle. Son nom d’origine mentionnait un centre d’intervention et la préoccupation était que certaines personnes pouvaient croire à tort qu’il s’agissait d’une entité des FAC. Dans le même ordre d’idée, on a recommandé que le CSRIS ne soit plus responsable de la surveillance de l’efficacité des FAC en matière d’intervention à l’égard de l’inconduite sexuelle. Ces changements ont été apportés (recommandations nos 12, 13, 16).

Le rapport recommande également que le CSRIS facilite l’accès à l’aide juridique pour les victimes d’inconduite sexuelle (recommandation no 14). Ce besoin est également souligné dans plusieurs autres rapports indépendants. Le CSRIS lancera bientôt un programme visant à assurer la couverture des frais juridiques engagés par les personnes affectées par l’inconduite dans les FAC, rétroactif à 2019. Le programme consiste à offrir un remboursement des frais juridiques admissibles. Un plan de communication a été développé pour veiller à ce que les personnes affectées soient informées de l’existence du programme.

Le CSRIS a également lancé plusieurs initiatives proactives. Son unité de recherche mène actuellement une recherche empirique en lien avec les auteurs d’actes d’inconduite sexuelle. Les résultats préliminaires sont attendus à l’automne et pourraient servir à guider les mesures préventives. De plus, un programme de formation en prévention a été développé pour le collège militaire de Kingston. En collaboration avec le CCPC, le programme a été livré en mars 2023.

Après avoir examiné les avantages et les désavantages du retrait du CSRIS du MDN, le rapport de l’EEIC confirme que le CSRIS serait plus efficace s’il demeure au sein du MDN et s’il continue de relever du sous-ministre. Cela dit, les recommandations ont également mis en évidence la nécessité d’examiner la structure administrative du CSRIS pour s’assurer qu’elle ne compromette pas la perception d’indépendance par rapport à la chaîne de commandement. Un examen de la gouvernance est en cours et un plan d’activités sera présenté à l’automne. Le Chef des opérations du CSRIS m’a informé que cet examen fournira les bases de sa viabilité financière à l’avenir et qu’il se déroule simultanément à l’examen recommandé du rôle et de la composition du comité consultatif externe du CSRIS (recommandations nos 17, 18, 19).

Justice réparatrice

En novembre 2021, le CSRIS a développé son programme de Démarches réparatrices (DR), un engagement légal qui découle du règlement du recours collectif Heyder-Beattie. Essentiellement, les membres du recours collectif qui souhaitent y participer ont différentes options de démarches, y compris une rencontre avec des dirigeants du MDN et des FAC. Les « représentants de la Défense sont là pour écouter et reconnaître les expériences des membres du recours collectif, et à apprendre de celles-ci. Ils s’assurent également que ce que les membres du recours collectif choisissent de partager contribue à changer la situation au sein de l’institution… » Ces travaux sont en cours et devraient se terminer en 2026.

Le CCPC, dans le cadre de son processus révisé de traitement des plaintes, a récemment lancé un Service de démarches réparatrices, qui est accessible pour tous les membres du MDN et des FAC qui le désirent comme moyen de rétablissement des relations en milieu de travail. Il peut également comprendre la personne affectée, la personne mise en cause ou la chaîne de commandement. Jusqu’à maintenant, les tendances qui commencent à émerger des données sont utilisées pour guider les initiatives du CCPC, comme ses programmes de soutien au leadership et d’encadrement.

Obligation de signaler et obstacles au signalement

Dans son examen des comportements sexuels inappropriés au sein des FAC de 2018, le Bureau du vérificateur général a cerné des politiques liées à l’obligation de signaler comme étant problématiques pour bon nombre de personnes affectées par l’inconduite sexuelle, dans la mesure où elles découragent des victimes à signaler un incident. Depuis, la question a été soulevée dans plusieurs autres rapports.

On traite de ce problème dans le rapport de l’EEIC (recommandation no 11), qui mentionne que les politiques et règlements propres à l’obligation de signaler devraient être modifiés de manière à soustraire l’inconduite sexuelle à leur application. On y mentionne également qu’il faut songer à l’abolition de l’obligation de signaler pour toutes les infractions en vertu du Code de discipline militaire.

Les FAC ont réuni à nouveau le groupe de travail sur l’obligation de signaler afin d’examiner la question et on me dit qu’une décision sera rendue sous peu. L’abrogation de l’obligation de signaler nécessiterait un changement réglementaire qui engendrait la modification de plusieurs politiques et directives internes. Le MDN et les FAC devront accorder la priorité à cette question si l’on veut qu’elle soit enfin traitée.

Déclaration des droits de la victime

Les dispositions de la Déclaration des droits des victimes (DDV) sont entrées en vigueur en juin 2022, environ au même moment que l’EEIC se terminait. Outre les changements apportés aux procédures du système de justice militaire, l’objectif de la DDV est d’offrir aux victimes des FAC les mêmes droits que ceux offerts dans le système civil. Dans son examen du système de justice militaire de 2021, le juge Fish a insisté sur la nécessité d’appliquer pleinement ces droits aux membres des FAC.

Il y a eu un effort consolidé visant l’opérationnalisation des dispositions de la DDV depuis 2022. Au cours des prochains mois, j’effectuerai davantage de travaux en ce qui a trait aux mesures qui ont été mises en place, notamment dans quelle mesure les agents de liaison avec les victimes ont été bien choisis, formés et appuyés, et à quel point les victimes connaissent leurs droits.

Enquêtes administratives indépendantes

Le sous-ministre adjoint – Service d’examen SMA(Svcs Ex) au sein du MDN a le mandat de fournir au sous-ministre et au chef d’état-major de la Défense « des services d’assurance objectifs, indépendants et en temps opportun » dans un certain nombre de domaines. L’EEIC (recommandation no 43) propose que le CSRIS puisse « ordonner de manière indépendante au SMA(Svcs Ex) de mener une enquête administrative » sur des questions liées au mandat du CSRIS. Cette mesure est considérée comme un élément important du soutien à l’indépendance du CSRIS par rapport à la chaîne de commandement. Le CSRIS et le SMA(Svcs Ex) travaillent conjointement sur le développement d’un processus à cette fin.

Transfert des cas d’infraction sexuelle visés par le Code criminel vers une compétence non militaire

Le rapport de l’EEIC (recommandation no 5) mentionne que les infractions sexuelles visées par le Code criminel devraient être retirées de la compétence des FAC. Elles devraient faire l’objet d’une enquête par les forces de police civiles et de poursuites exclusivement devant les tribunaux criminels civils. Cette mesure a officialisé une recommandation provisoire émise en novembre 2021 par la juge Arbour.

Pour donner suite à cette recommandation, la ministre de la Défense nationale a demandé au MDN et aux FAC d’examiner la meilleure façon de réaliser ces changements de compétence, en consultation avec les partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux. Ces discussions sont en cours et elles obtiennent des résultats. Par exemple, le Bureau du grand prévôt et la Police provinciale de l’Ontario ont officialisé le processus pour transférer les cas entre les deux organisations.

À ce jour, plus de 90 dossiers ont été transférés à différentes compétences.

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III – Contribution et surveillance

Lors de l’établissement du mandat de l’Examen externe indépendant et complet, le gouvernement a demandé une évaluation et des recommandations en ce qui a trait aux mécanismes externes de surveillance et/ou d’examens liés à l’inconduite. Comme le révèle son rapport, la juge Arbour est d’avis qu’au lieu d’adopter une autre entité qui présenterait des rapports sur des problèmes d’inconduite « après coup » (comme un inspecteur général), l’accent devrait être mis sur « contributions extérieures pour transformer véritablement la culture insulaire enracinée dans les FAC. » Par conséquent, plusieurs recommandations du rapport de l’EEIC préconisent un rôle pour les acteurs externes.

Milieu universitaire et recherche

Les chercheurs externes et du milieu universitaire sont considérés comme une source importante de commentaires extérieurs. Ainsi, plusieurs recommandations encouragent une ouverture de la recherche interne aux chercheurs externes et du milieu universitaire. Le travail effectué par le Directeur général – Recherche et analyse (Personnel militaire) (DGRAPM) est une riche source de renseignements fondés sur des données probantes et destinés aux dirigeants, qui peuvent servir au développement de politiques et de programmes. Le rapport de l’EEIC préconise (recommandations nos 45 et 46) que le CCPC mette sur pied une base de données en ligne pour y saisir ces renseignements et que le MDN et les FAC examinent leurs politiques internes afin de faciliter la recherche externe portant sur les sujets des FAC, notamment la renonciation possible à l’évaluation éthique formelle du MDN et des FAC par l’entremise du Comité d’examen de la recherche en sciences sociales (CERSS) lorsque la proposition externe a déjà été approuvée par le Comité d’éthique de la recherche (CER) d’un établissement universitaire.

La base de données est en cours de préparation et sera bientôt accessible. Elle contiendra une bibliographie des politiques et des documents de recherche organisés par thème qui seront directement accessibles, ou disponibles sur demande d’ici là. La politique relative à l’approbation de l’évaluation de l’éthique par le MDN et les FAC est en cours de révision. Un sondage sur la satisfaction des utilisateurs sera bientôt lancé pour trouver des façons d’améliorer les renseignements fournis aux intervenants externes sur le processus. Des améliorations progressives ont été apportées, comme de permettre que les demandes au CERSS et au comité d’éthique de la recherche se déroulent parallèlement, plutôt qu’insister pour que le CER termine son examen avant que le projet soit pris en considération par le CERSS.

Le MDN et les FAC ont eu des ententes de collaboration avec des universitaires pendant plusieurs années, selon lesquelles ils financent des projets de recherche portant sur des sujets comme l’inconduite sexuelle. Comme on le mentionne dans le rapport de l’EEIC, le fait de rendre public leurs produits de recherche internes permettrait de garantir que les chercheurs externes ne reproduisent pas des recherches déjà effectuées par des chercheurs internes du MDN et des FAC.

Quelques universitaires ont indiqué que, même si l’on peut croire que le MDN et les FAC sollicitent véritablement leurs commentaires, les universitaires ne reçoivent pas nécessairement de rétroaction à savoir si leurs propositions ont retenu l’attention. Le MDN et les FAC sont au courant de cette préoccupation et travaillent à améliorer le suivi des commentaires qu’ils reçoivent des nombreux intervenants. Ils prévoient également de bientôt rendre public leur cadre de consultation externe, lequel abordera la question de rétroaction aux intervenants en temps opportun.

Renseignements à l’intention de la ministre

Le rapport de l’EEIC (recommandations nos 41 et 42) fait référence à des renseignements qui devraient être fournis régulièrement à la ministre aux fins de son rôle de surveillance du MDN et des FAC. Le SMA(Svcs Ex) est responsable d’informer directement la ministre de toutes les enquêtes liées au harcèlement sexuel, à l’inconduite sexuelle et à la culture de leadership au sein de l’Équipe de la Défense; et de présenter un rapport annuel à la ministre sur les statistiques et les activités liées aux enquêtes menées sous le régime de la DOAD 7026-1. Ces renseignements seront présentés d’ici la fin de juin 2023. De plus, des séances d’information seront offertes à la ministre sur toutes les nouvelles enquêtes, au besoin.

Contribution interne

Le rapport d’avril 2022 du Groupe consultatif du ministre sur le racisme systémique et la discrimination propose différentes mesures qui aideraient les dirigeants du MDN et des FAC à en apprendre davantage de ses groupes consultatifs de la Défense (GCD).Note de bas de page 1  Le message général était de les « prendre en compte » et de les « renforcer ». Un point exprimé dans l’EEIC : « Les GCD devraient disposer du temps et des ressources nécessaires pour accomplir leur travail. » En juillet 2022, le CEMD et le SM ont publié une directive dans laquelle ils mentionnent qu’ils rencontreront la direction du GCD national trois fois par année et encourageront les commandants et cadres supérieurs locaux à rencontrer les représentants des GCD locaux. À l’avenir, les commentaires du GCD seront pris en charge au moyen d’un financement plus stable et d’un secrétariat. Je prévois analyser si les nouvelles mesures ont les effets désirés ou non.

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Conclusion

Au cours des derniers mois, j’ai été témoin d’un nombre important d’activités concrètes au sein du MDN et des FAC dans leur réponse aux centaines de recommandations provenant des examens externes sur l’inconduite sexuelle dans les rangs des FAC. Comme on l’indique dans l’EEIC, « il est maintenant possible de constater un changement palpable autour de nous. »

À mon avis, le défi est de gérer les projets et les initiatives de façon à prioriser les changements qui amènent une réforme fondamentale en temps opportun. Bien que j’aie constaté certains recoupements parmi les recommandations, il n’existe pas de cadre général qui définit la manière dont l’organisation, dans son ensemble, passera d’une étape à l’autre.

Est-ce que cela signifie qu’aucun progrès n’est réalisé? Pas du tout. Plusieurs personnes s’acharnent à réaliser les étapes individuelles nécessaires afin de répondre à l’intention des recommandations. Cependant, un plan stratégique global permettrait de garantir que les ressources sont harmonisées aux priorités. Il existe actuellement une certaine priorisation, mais elle se trouve principalement au sein d’organisations précises et non à une échelle stratégique.

Par exemple, bon nombre des recommandations découlant des rapports externes nécessitent des changements législatifs ou réglementaires. Il peut s’agir d’un long processus qui demande la participation d’organismes centraux et du Parlement. Même si le calendrier ne peut pas être contrôlé en soi, il incombe au MDN et aux FAC d’avoir au moins un plan qui montre ce qu’ils proposent de présenter au Parlement, d’une année à l’autre, selon les priorités ministérielles. En ce moment, il semble que le programme soit plutôt motivé par la disponibilité des ressources et les problèmes de capacité.

En soi, cette situation n’empêchera pas de réaliser une réforme, mais on a tout à gagner de diriger la réforme en fonction des changements considérés comme les plus essentiels à l’évolution de la culture. Entre-temps, il y a plusieurs points positifs. Par exemple, on a de plus en plus recours à des approches fondées sur des données probantes. Je crois aussi que la création du CCPC joue un rôle décisif. Les commandants d’unité disposent d’un endroit où ils peuvent obtenir des conseils sur la façon de composer avec les situations qui se présentent.

Au bout du compte, la preuve résidera dans la fréquence des incidents et le fait que les employés du MDN et les membres des FAC constatent ou non des améliorations. Il est trop tôt pour savoir si c’est le cas. Les données qui seront utilisées pour surveiller la situation sont en train d’être mises au point. Par conséquent, avec le temps, les renseignements qui permettent de suivre les progrès seront au moins meilleurs. Mais les données ne sont qu’un aspect du tableau. Dans les mois à venir, je tenterai d’acquérir une compréhension qualitative sur les efforts d’Ottawa, à savoir s’ils mènent ou non à des changements sur le terrain.

Le présent rapport reflète mon examen des efforts de mise en œuvre de certaines recommandations de l’EEIC, lesquelles, à mon avis, peuvent être classées selon trois thèmes : Prévention (recommandations nos 5, 15, 20, 22, 23, 24, 25, 27, 28, 29); Soutien aux personnes affectées (recommandations nos 5, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 43); et Contribution et surveillance (recommandations nos 41, 42, 45, 46).

Dans mon prochain rapport semestriel, je fournirai une mise à jour de toutes les recommandations susmentionnées, en plus des recommandations restantes du rapport de l’EEIC qui n’ont pas été traitées dans ce rapport :

La collaboration du MDN et des FAC a été très bonne et je crois qu’elle se poursuivra à la prochaine étape de mon examen.

Cinq groupes consultatifs de la Défense (GCD) furent créés spécifiquement afin de fournir des conseils objectifs et des aperçus au leadership du MDN et des FAC sur les questions pertinentes à leur groupe consultatif respectif concernant la mise en application de l’équité à l’emploi et la diversité.

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