Section 1 : Pérennité de la profession militaire

Introduction

La profession militaire au Canada reflète l’évolution historique du pays et de son rôle sur la scène internationale qui, au cours du dernier siècle, ont été profondément influencés par les guerres mondiales et les conflits régionaux.

Après la Deuxième Guerre mondiale et pour la première fois dans l’histoire canadienne, des forces permanentes considérables ont été maintenues en service à un haut niveau de préparation, et cela durant toute la guerre froide. Pendant cette période, les Forces canadiennes ont entrepris un grand nombre de missions qui ont joué un rôle majeur dans le maintien de la paix dans le monde, chacune contribuant à la spécificité du professionnalisme militaire canadien. À la fin de la guerre froide, le maintien de la paix a évolué pour tenir compte des nouvelles idées sur la sécurité et la stabilité internationales et de l’importance qu’on accordait désormais aux droits de la personne et aux questions humanitaires. Le nouvel environnement a engendré de nouvelles missions dangereuses, moralement complexes et d’une difficulté sans précédent, qui ont mis à l’épreuve la profession dans son essence même. De nos jours, une force plus restreinte, polyvalente, déterminée à assurer l’interopérabilité avec les alliés, continue à exécuter une multitude impressionnante de tâches, y compris le combat rapproché sur terre, sur mer et dans les airs.

Comme toujours, les Forces canadiennes continuent de fonctionner selon les principes de la sécurité collective par l’entremise d’une multitude d’organisations internationales et de coalitions alliées. Afin de demeurer efficaces, les membres de la profession militaire au Canada doivent continuer de s’adapter pour maintenir les normes les plus élevées de professionnalisme dans l’accomplissement de leur devoir envers les Canadiens.

Stratégie cohérente pour l’avenir

Le succès des Forces canadiennes à relever les défis de demain sera déterminé en partie par l’évolution des caractéristiques de la profession, laquelle sera fonction des changements environnementaux et de l’orientation stratégique fournie par les hauts dirigeants. La gestion de ces changements est particulièrement importante. Une réaction trop lente ferait perdre sa pertinence à la profession, tandis qu’une réaction précipitée, qui court-circuiterait la réflexion et le jugement, la mettrait sur une voie de garage.

Les Forces canadiennes sont désormais aptes à agir efficacement dans divers types de conflit, de concert avec leurs alliés, en particulier les États-Unis. La stratégie visant à assurer cette capacité dans l’avenir est énoncée dans la politique de défense du Canada et plusieurs documents stratégiques des Forces canadiennes et du Ministère comme le concept-cadre intégré (CCI). Un programme de perfectionnement professionnel à long terme, fondé sur le CCI et conçu pour améliorer le professionnalisme des officiers et des MR, est en cours et progresse rapidement.

Afin de s’adapter efficacement à l’environnement extérieur, la profession devra sans cesse améliorer sa compréhension et sa connaissance des nouveaux types de conflit, ce qui se répercutera directement sur la responsabilité et l’expertise. La nature de l’environnement exigera que les militaires detous grades fassent preuve d’un rare professionnalisme.

Déjà en vigueur, cette exigence se comprend et s’explique par le concept de « caporal stratégique ». En effet, les décisions et les mesures prises par les matelots de 1re classe/caporaux et militaires de grade supérieur et leurs subordonnés ont souvent des conséquences jusqu’aux niveaux politique et stratégique, le caractère changeant des opérations ayant tendance à accroître les rôles et les responsabilités des MR. Ces réalités soulèveront des questions sur les notions de responsabilité, d’expertise, d’identité et d’éthos.

Les analyses de la défense stratégique à long terme permettent de prévoir des changements pouvant poser des défis considérables à la profession militaire dans le futur. Ces changements se regroupent en quatre catégories : technologie, géopolitique, politique gouvernementale, et dynamique socioculturelle et démographie au Canada. Les défis que constituent ces changements imposeront un lourd fardeau aux chefs de tous les niveaux, plus particulièrement aux hauts dirigeants responsables de l’intendance de la profession.

Même si les prévisions sur l’environnement opérationnel du futur sont pour le moins incertaines, les chefs doivent reconnaître les implications professionnelles des défis qui nous attendent et y répondre de façon proactive en temps opportun. Comme le montre la méthode de planification axée sur des scénarios que le Ministère utilise dans sa planification stratégique, la clé des succès futurs consiste moins à prédire avec exactitude les besoins probables qu’à se préparer à répondre à une foule de besoins dans divers domaines : concepts professionnels dynamiques, méthodes de perfectionnement professionnel, structures souples pour les forces armée.

Principes pour guider l’évolution de la profession des armes

Seule la gestion attentive de l’évolution de la profession militaire, selon les principes mentionnés ci-dessous, peut produire le résultat souhaité — des Forces canadiennes professionnelles, efficaces sur le plan opérationnel, et qui jouissent de la confiance des Canadiens.

Pertinence

La raison d’être d’une profession est la prestation d’un service essentiel à la société. Pour la profession militaire, il s’agit de défendre le pays et de promouvoir ses intérêts en matière de sécurité. Le principe de pertinence consiste à s’assurer que la profession continue de répondre aux attentes de la société canadienne.

Ainsi, elle doit prouver qu’elle est capable d’accomplir avec succès l’éventail complet des missions que le Gouvernement peut lui assigner. En outre, cette capacité opérationnelle doit être maintenue dans le respect d’un éthos militaire qui garantit la conduite honorable des membres de la profession. La profession militaire tire sa pertinence de la légitimité que lui reconnaissent les Canadiens aux motifs qu’elle est efficace sur le plan opérationnel, qu’elle est apte au combat, qu’elle incarne les valeurs canadiennes et qu’elle adhère aux valeurs militaires fondamentales que sont le devoir, la loyauté, l’intégrité et le courage. Cette légitimation se traduit par l’appuiet la confiance que la population accorde à la profession militaire au Canada.

Ouverture

Un aspect fondamental des professions est qu’elles exercent des fonctions uniques qui sont fondées sur un ensemble systématique de connaissances théoriques et pratiques. Le principe d’ouverture exige que les connaissances et les pratiques professionnelles soient à jour et pertinentes. La profession doit donc s’ouvrir aux nouvelles idées et prévoir les changements afin de pouvoir relever les défis de l’avenir. Il lui faut accueillir favorablement les nouvelles responsabilités et les nouvelles façons de faire qui sont susceptibles de renforcer le professionnalisme. C’est un rôle clé de l’intendance.

En effet, la profession doit adopter les caractéristiques fondamentales d’une organisation apprenante qui n’hésite pas à faire circuler les connaissances horizontalement et verticalement, qui valorise la recherche d’informations et de connaissances à l’extérieur et qui consacre des efforts à l’élaboration, à l’étude et à la diffusion de nouveaux concepts à l’interne. L’adhésion au principe d’ouverture permettra à la profession d’atteindre des niveaux d’efficacité plus élevés.

Constance

La profession militaire s’exerce à l’intérieur d’une structure officielle complexe où les responsabilités, expertises et identités doivent être différenciées et réparties dans l’ensemble de la profession, de même que coordonnées et synchronisées à des fins d’efficacité. En vertu du principe de constance, la profession veille à ce que les responsabilités, expertises et identités assignées, ainsi que la pratique de l’ethos, soient intégrées, coordonnées et harmonisées de manière que les Forces canadiennes demeurent aptes à mener leurs missions rapidement à bon terme.

De nouvelles responsabilités peuvent leur échoir, mais leurs responsabilités fondamentales à l’égard du pays, du Gouvernement et de la profession demeureront. L’expertise continuera d’être différenciée selon les grades et les fonctions, mais elle sera intégrée selon les exigences de la mission. Des responsabilités et des expertises distinctes découleront des identités distinctes qui seront néanmoins intégrées grâce à la puissance de l’éthos commun à l’ensemble des Forces canadiennes et au maintien des traditions essentielles.

Afin que cette combinaison complexe d’adaptation et d’intégration garantisse le succès opérationnel futur des Forces canadiennes, le leadership et l’intendance de la profession militaire doivent être une préoccupation primordiale des officiers supérieurs et des premiers maîtres de 1re classe/adjudants-chefs.

Réciprocité

La profession militaire sert la société en exerçant un contrôle sur les fonctions uniques qui lui sont confiées et sur les membres de la société qui s’enrôlent volontairement. Le principe de réciprocité consiste à trouver un juste équilibre entre les attentes et les obligations de la profession et de la société canadienne, d’une part, et de la profession et de ses membres, d’autre part.

À l’extérieur, les privilèges accordés à la profession par la société (respect, légitimité et autoréglementation) indiquent que les Canadiens s’attendent à ce que les Forces canadiennes réalisent leurs missions avec professionnalisme.

À l’interne, le principe de réciprocité fait appel à la responsabilité de prendre soin des membres de la profession; en effet, l’enrôlement entraînant des restrictions aux droits et libertés dont jouissent pleinement les autres citoyens, il crée l’obligation morale de satisfaire aux besoins des militaires. Cette obligation de bienveillance et de sollicitude, qui s’applique également aux familles des militaires, doit être constante avant, pendant et après les opérations. Cela signifie que les dirigeants supérieurs ont la responsabilité implicite de plaider, dans les limites du professionnalisme, pour l’obtention des ressources qui leur permettront de fournir les soins nécessaires en conformité avec la conception mutuelle que la société, le gouvernementet la profession ont de l’engagement moral qui lie les forces armées au pays.

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