Archivé - Dépenses fiscales et évaluations 2014 : partie 3

Table des matières

Au Canada, en plus du gouvernement fédéral, toutes les provinces et tous les territoires perçoivent des impôts sur le revenu des sociétés[1]. La définition de l'assiette fiscale est généralement uniforme dans toutes les provinces, mais les taux d'imposition du revenu des sociétés (IRS) provinciaux diffèrent d'une province à l'autre[2].

Des différences relatives aux taux d'imposition appliqués par les administrations, par exemple des différences interprovinciales concernant les taux d'IRS, peuvent être interprétées comme traduisant des préférences distinctes entre les administrations pour des niveaux différents de services et de biens publics. Dans cette mesure, la décentralisation fiscale, soit la capacité des administrations à fixer leurs propres niveaux de dépenses et d'imposition, peut améliorer le bien-être lorsque les administrations établissent leurs « menus » de politiques publiques en tenant compte des besoins et des préférences des citoyens, et lorsque la concurrence entre les administrations incite les gouvernements à faire preuve d'une plus grande efficience dans la conception et la mise en œuvre de ces politiques.

Par contre, les différences dans les politiques fiscales entre les administrations pourraient aussi entraîner des inefficacités lorsque les politiques fiscales mises en œuvre dans une administration ont des répercussions négatives sur d'autres administrations. De telles répercussions peuvent être observées au chapitre de variables réelles : par exemple, les différences dans les niveaux d'imposition peuvent entraîner des distorsions en ce qui concerne le lieu de l'investissement. Les écarts de taux d'imposition peuvent aussi mener à une planification fiscale ayant pour but de déplacer le revenu vers des administrations appliquant un taux d'imposition plus faible, sans transfert correspondant des activités génératrices de ces revenus. Ces deux catégories d'effets peuvent avoir des conséquences budgétaires négatives pour les administrations, surtout en encourageant une concurrence fiscale excessive afin d'attirer les assiettes fiscales mobiles.

La présente étude examine la mesure selon laquelle les différences entre les taux d'IRS provinciaux peuvent inciter les sociétés à rechercher des possibilités de planification fiscale afin de déplacer le revenu imposable des administrations appliquant des taux d'imposition plus élevés vers celles qui appliquent des taux d'imposition plus faibles, sans déplacer en même temps les activités d'entreprise réelles. Il est fait usage de données d'imposition au niveau des sociétés dans le but d'estimer l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux, c'est-à-dire la mesure selon laquelle le niveau du revenu imposable déclaré par une société dans une province donnée varie en fonction du taux d'IRS de cette province, compte tenu d'autres déterminants possibles du revenu imposable. Cette analyse empirique est effectuée dans le but de fournir un aperçu de l'importance des opérations de planification fiscale qui sont motivées par les écarts de taux d'IRS entre les provinces du Canada. L'analyse met l'accent sur les groupes de sociétés sous contrôle commun, et compare le comportement de planification fiscale des groupes de sociétés qui ont la capacité d'entreprendre une planification fiscale interprovinciale avec celui des groupes de sociétés qui n'ont pas cette capacité (par exemple, parce que ces sociétés exercent leurs activités dans une seule province).

Le présent document est organisé comme suit. La prochaine section passe en revue les taux d'IRS provinciaux au fil des années et donne des renseignements sur les façons dont les sociétés peuvent entreprendre leurs activités de planification fiscale afin de tirer parti des écarts de taux d'imposition. Il examine ensuite les éléments probants généraux du comportement de planification fiscale en examinant des changements à la répartition du revenu imposable entre les provinces au fil des années. Cet exposé est suivi de la présentation d'une analyse économétrique de la sensibilité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux pour des groupes de sociétés sous contrôle commun. La dernière section du document résume les résultats et présente les conclusions de l'analyse. Une annexe technique fournit d'autres renseignements sur le modèle économétrique et examine les résultats plus en profondeur.

Le graphique 1 montre les tendances des taux d'IRS provinciaux prévus par la loi de 2000 à 2014. Il indique séparément les quatre plus grandes provinces (le Québec, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique, qui représentent ensemble environ 90 % du revenu imposable au Canada), en plus de la moyenne non pondérée des taux d'IRS dans les autres provinces[3].

En 2000, les écarts de taux d'IRS entre les provinces étaient importants, avec les taux d'IRS allant de 9 % au Québec – l'administration appliquant le plus faible taux d'imposition du Canada cette année-là – à 17 % au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan.

Au cours de la dernière décennie, le gouvernement du Québec a augmenté son taux d'IRS, alors que la majorité des autres administrations ont réduit le leur. Cette situation a mené à une convergence des taux d'IRS, en particulier parmi les quatre plus grandes provinces. L'écart entre les taux d'IRS les plus faibles et les plus élevés pour ces provinces a diminué considérablement, passant de 7,5 points de pourcentage en 2000 à 1,9 point de pourcentage depuis 2011. En moyenne, les quatre plus grandes provinces ont appliqué des baisses plus importantes de leur taux d'IRS que les autres provinces au cours de la période de 2000 à 2014.

Graphique 1
Taux généraux provinciaux d'imposition du revenu des sociétés prévus par la loi, provinces choisies, 2000 à 2014

Graphique 1 - Taux généraux provinciaux d'imposition du revenu des sociétés prévus par la loi, provinces choisies, 2000 à 2014. Pour plus de détails, reportez-vous aux paragraphes précédents.
Nota – Les taux généraux d'IRS prévus par la loi sont ceux qui s'appliquent en date du 31 décembre de l'année de référence. La moyenne non pondérée des autres provinces renvoie à la moyenne de toutes les provinces à l'exception du Québec, de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.
Source : Ministère des Finances

Le graphique 2 compare les tendances du revenu imposable des sociétés dans chacune des quatre plus grandes provinces de 2000 à 2012, ainsi que dans les autres provinces. Le revenu imposable a augmenté dans toutes les provinces au cours de la dernière décennie, bien qu'à des rythmes différents. En général, la croissance du revenu imposable en Alberta était relativement forte, alors que la croissance au Québec et en Ontario était inférieure à la moyenne.

L'effet des cycles économiques sur le revenu imposable est atténué dans une certaine mesure par la capacité des sociétés à reporter les pertes inutilisées à des années d'imposition antérieures ou futures[4]. Par exemple, on pourrait s'attendre à une baisse marquée du revenu imposable en 2009 en raison de la récente récession. Cependant, les pertes subies en 2009 ont été utilisées en partie pour réduire le revenu imposable déclaré pour les années 2006 à 2008, et en partie pour réduire le revenu imposable déclaré après 2009, réduisant ainsi l'effet observable de la récession sur le revenu imposable.

Graphique 2
Croissance du revenu imposable provincial des sociétés, provinces choisies, 2000 à 2012

Graphique 2 - Croissance du revenu imposable provincial des sociétés, provinces choisies, 2000 à 2012. Pour plus de détails, reportez-vous aux paragraphes précédents.
Nota – Le revenu imposable est le revenu après rajustements pour les reports rétrospectifs des pertes, et exclut le revenu imposable des sociétés exonérées d'impôt et des sociétés d'État fédérales qui ne sont pas assujetties à l'impôt provincial sur le revenu des sociétés.
Source : Ministère des Finances

Une entreprise qui exerce des activités génératrices de revenus dans plus d'une province peut le faire sous deux structures d'entreprise générales : elle peut être exploitée comme une société unique ayant des établissements stables dans plus d'une province (« société multijuridictionnelle »), ou elle peut être exploitée par l'intermédiaire d'un groupe de sociétés sous contrôle commun, chacune ayant un établissement stable dans une ou plusieurs provinces (« groupe de sociétés »).

Les sociétés multijuridictionnelles au Canada doivent répartir leur revenu imposable entre les provinces où la société possède un établissement stable en utilisant une formule de répartition générale ou, dans le cas des sociétés évoluant dans certains secteurs particuliers, en utilisant une formule qui s'applique exclusivement à ces secteurs. La formule générale répartit les revenus en fonction des proportions de salaires et de traitements versés et du revenu brut gagné dans chaque province où la société possède un établissement stable[5]. En vertu de ce système, une société multijuridictionnelle répartirait une plus grande part de son revenu imposable à une province si la part des salaires et traitements versés aux employés qui relèvent d'établissements stables situés dans cette province augmente, si la part du revenu brut attribuable à cette province augmente, ou si une société qui n'avait auparavant aucun établissement stable dans cette province décide d'y en établir un. Par conséquent, les sociétés assujetties à la formule de répartition ont une capacité limitée d'entreprendre une planification fiscale interprovinciale sans changement correspondant des activités commerciales.

Les sociétés qui sont membres d'un groupe de sociétés sont chacune assujetties à l'imposition de manière indépendante. Même s'il n'y a pas de règle officielle permettant le transfert des revenus, des pertes ou d'autres attributs fiscaux entre les membres d'un groupe de sociétés, les sociétés pourraient faire appel à des opérations entre apparentés et à diverses dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu pour réallouer le revenu entre les membres du groupe. Par exemple, un prêt d'un membre du groupe à un autre réduirait le revenu imposable de la société qui l'emprunte, puisque les paiements d'intérêts sur ce prêt représenteraient une dépense déductible d'impôt, et augmenteraient le revenu imposable du prêteur, étant donné que le revenu d'intérêts serait compris dans le revenu imposable de cette société. De même, les transferts de biens avec un gain cumulé entre les membres du groupe selon le principe de l'imposition différée peuvent mener à la réalisation du gain sur la disposition finale des biens par un autre membre du groupe. Il est possible que ces opérations soient effectuées dans un but commercial véritable et le résultat final pour la répartition du revenu pourrait indiquer le lieu où les activités importantes ont lieu, mais, lorsque de telles opérations correspondent à une hausse du revenu imposable attribué à des administrations à faible taux d'imposition et à une diminution du revenu imposable attribué à des administrations à taux d'imposition élevé, il demeure que le groupe de sociétés verserait, sur l'ensemble, un montant inférieur d'impôts provinciaux qui seraient exigibles sans ces opérations.

Les écarts de taux d'IRS interprovinciaux ne sont pas la seule raison pour laquelle des groupes de sociétés peuvent participer à des opérations intragroupes motivées par l'impôt. Comme il a été indiqué, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, une société qui subit une perte nette dans une année d'imposition donnée peut appliquer la perte au revenu d'une année d'imposition antérieure ou future, mais la perte ne peut pas être transférée directement à une autre société et appliquée au revenu de cette autre société (sauf dans de rares circonstances, comme lorsque la société est acquise et que l'acquéreur poursuit la même activité commerciale). Cet état de fait sous-entend que la perte serait d'une valeur limitée pour un groupe de sociétés si la société qui a subi la perte avait peu ou pas de revenus imposables dans les années d'imposition antérieures et futures et ne pouvait pas appliquer la perte pendant la période de report. À ce titre, les groupes de sociétés sont incités à conclure des opérations entre apparentés qui permettront effectivement d'utiliser les pertes cumulées par un membre du groupe afin de compenser les revenus gagnés par d'autres membres du groupe. Les groupes de sociétés peuvent souvent utiliser la souplesse actuelle du régime fiscal pour transférer les revenus ou les pertes entre les sociétés liées au moyen d'accords de financement, de réorganisations (comme les fusions ou les liquidations), et du transfert de biens selon le principe de l'imposition différée, afin d'avoir accès à ces pertes. Des opérations de ce genre ont une incidence sur la répartition du revenu imposable entre les provinces si les sociétés qui ont subi les pertes et celles qui appliquent les pertes pour réduire leur revenu imposable sont assujetties à des attributions provinciales du revenu différentes.

Des mesures directes de l'ampleur et des tendances des opérations en matière de planification fiscale interprovinciale ne sont pas présentement disponibles. En principe, il serait possible de mesurer la planification fiscale en déterminant et en mesurant l'incidence des types d'opérations utilisées pour transférer le revenu entre les provinces, ou encore en comparant l'attribution du revenu imposable entre les provinces avec une référence théorique qui représenterait la manière d'attribuer les revenus entre les provinces en l'absence d'une planification fiscale.

Ces deux approches présentent des défis importants. Bien souvent, il est impossible de mesurer l'incidence des opérations entre apparentés en raison d'un manque de données, et il peut être difficile de faire la distinction entre les opérations qui sont motivées par des questions de planification fiscale et celles qui se rapportent à des motivations commerciales véritables. Quant à la deuxième approche, la détermination de la manière dont le revenu serait attribué en l'absence d'une planification fiscale présenterait aussi des problèmes conceptuels, et exigerait la formulation d'hypothèses concernant le bon moyen d'attribuer les bénéfices, les revenus et les charges qui sont partagés par les membres d'un groupe.

Néanmoins, en l'absence d'une référence satisfaisante ou de mesures directes des opérations entre apparentés, on s'attendrait à ce que, si des sociétés participaient de manière importante à des activités de planification fiscale interprovinciale, un écart soit noté entre le montant relatif du revenu imposable déclaré dans une administration donnée et le montant relatif d'activité économique dans cette administration. Par exemple, la planification fiscale interprovinciale pourrait se traduire en une part du revenu imposable attribué à une province ayant un faible taux d'imposition supérieure à sa part d'activité économique en général.

Pour chacune des quatre plus grandes provinces, le graphique 3 compare l'écart entre la part du revenu imposable total de la province à sa part du produit intérieur brut (PIB, une mesure courante de l'activité économique) nominal par rapport à l'écart entre le taux d'IRS de la province et le taux d'IRS moyen non pondéré pour toutes les provinces[6]. Une planification fiscale interprovinciale serait soupçonnée si une réduction du taux d'IRS de la province comparativement au taux d'IRS provincial moyen coïncide avec une augmentation de sa part du revenu imposable, sans augmentation correspondante de sa part du PIB.

Graphique 3
Part des particuliers qui demandent le crédit d'impôt pour don de bienfaisance et don moyen, par âge et quantile de revenu, 2012

Québec

Québec - Pour plus de détails, reportez-vous aux paragraphes suivants.

Ontario

Ontario - Pour plus de détails, reportez-vous aux paragraphes suivants.
Nota – L'écart de taux est la différence entre le taux d'IRS d'une province et le taux d'IRS moyen non pondéré pour toutes les provinces excluant la province illustrée. Le revenu imposable est le revenu après rajustements pour les reports rétrospectifs des pertes, et exclut le revenu imposable des sociétés exonérées d'impôt et des sociétés d'État fédérales qui ne sont pas assujetties à l'impôt provincial sur le revenu des sociétés.
Source : Ministère des Finances

Le graphique 3 montre que, dans l'ensemble, les écarts entre les parts du revenu imposable et les parts du PIB semblent liés négativement aux écarts de taux d'imposition provinciaux :

Bien que les tendances observées au graphique 3 fournissent des indications générales, il est difficile de tirer des conclusions fermes de cette analyse, puisqu'un certain nombre d'autres facteurs sont en jeu et pourraient expliquer la corrélation apparente entre les taux d'IRS et les parts du revenu imposable. Le PIB est une mesure de l'activité économique globale qui tient compte non seulement des tendances relatives à l'activité des sociétés, mais aussi de l'activité économique du secteur non constitué en société, des particuliers et des gouvernements. À ce titre, les tendances du PIB peuvent différer considérablement des tendances du revenu imposable des sociétés pour des raisons qui ne sont pas attribuables à la planification fiscale. Un écart entre les parts du revenu imposable et le PIB d'une province peut aussi être attribué à d'autres facteurs que la planification fiscale interprovinciale; par exemple, un écart pourrait survenir si le revenu imposable et le PIB sont touchés différemment par des chocs économiques provinciaux (ce qui pourrait arriver, puisque les tendances du PIB ne tiennent pas compte des reports de pertes).

Étant donné les difficultés associées à la mesure directe de la planification fiscale interprovinciale, la présente étude s'appuie sur une analyse économétrique pour produire des mesures indirectes de l'importance de la planification fiscale interprovinciale. De nombreuses études ont fait appel à des méthodes économétriques pour mesurer la planification fiscale au niveau international, mais un nombre limité seulement d'études a mis l'accent sur la planification fiscale interprovinciale au Canada (souvent appelée « transfert des revenus » dans la littérature). Les études de Lachance et Plante (1994), et Mintz et Smart (2004) sont deux exemples d'études sur la planification fiscale interprovinciale au Canada. Ces deux études ont trouvé une preuve statistique de la planification fiscale interprovinciale au Canada.

Lachance et Plante (1994) ont utilisé des données au niveau provincial pour estimer l'incidence des réductions du taux d'IRS au Québec au cours du début des années 1980 sur les revenus de l'impôt des sociétés du secteur de la fabrication de cette province. Comme pour l'analyse présentée dans la section précédente, leur analyse empirique s'appuie sur l'idée que, sans activités de transfert des revenus, la part du revenu imposable déclaré dans le secteur de la fabrication au Québec devrait refléter la part de la production de ce secteur dans la province[7]. Leurs résultats confirment la présence d'une relation positive entre le revenu imposable et l'activité de production, et le fait que les réductions du taux d'IRS du Québec avaient une incidence positive sur la part du revenu imposable du Québec. Dans l'ensemble, ils ont conclu que les réductions de taux d'IRS du Québec avaient donné lieu à un transfert du revenu imposable à la province sans augmentation équivalente de la production.

Mintz et Smart (2004) ont étudié le transfert des revenus dans l'ensemble des provinces canadiennes. À l'aide de dossiers d'impôt sur le revenu des sociétés qui ont été agrégés en sous-catégories selon la province, le secteur, l'année et le type d'entreprise définis en fonction de la capacité de l'entreprise à transférer des revenus (p. ex., si une entreprise a versé des impôts à une province seulement, si une entreprise était une filiale), ils ont comparé l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS pour les entreprises qui ont des possibilités de transfert des revenus à celles d'entreprises qui n'ont pas de telles possibilités. Leur estimation de l'élasticité du revenu imposable est supérieure pour les catégories d'entreprises qui ont des possibilités de transfert relativement aux catégories d'entreprise qui n'en ont pas[8]. À ce titre, les auteurs ont conclu que « la preuve laisse entendre que le transfert des revenus a des effets prononcés sur les assiettes fiscales provinciales ».

Ces deux études ont été confrontées à des limitations qui se rapportaient à l'utilisation de données agrégées. Dans le cas de Lachance et Plante (1994), leur mesure du revenu imposable tenait compte du total des sociétés au Québec, peu importe les différences telles que l'étendue selon laquelle chaque société pourrait participer à des activités de planification fiscale interprovinciale. Munis de données plus détaillées sur le revenu imposable, Mintz et Smart (2004) ont réalisé des progrès en cernant les sociétés ayant la possibilité de transférer les revenus. Cependant, les restrictions de leurs données ont limité leur capacité à faire la distinction nette entre les sociétés qui avaient la possibilité de participer à la planification fiscale interprovinciale et celles qui n'avaient pas cette possibilité. En particulier, ils n'ont pas pu identifier les membres des groupes de sociétés et les liens entre eux.

En comparaison, la présente étude utilise des données fiscales au niveau des sociétés pour examiner les facteurs déterminants du revenu imposable au sein de groupes de sociétés sous contrôle commun. Comme pour l'étude de Mintz et Smart (2004), l'approche compare l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux pour les sociétés qui ont des possibilités de planification fiscale interprovinciale (appelées sociétés avec possibilité de planification) à celle des sociétés qui n'ont pas cette possibilité (sociétés sans possibilité de planification). L'utilisation de données au niveau des sociétés pour des groupes de sociétés sous contrôle commun au lieu de données agrégées présente deux avantages importants. Premièrement, en observant les taux d'IRS provinciaux auxquels chaque membre d'un groupe est assujetti, il est possible d'identifier clairement les sociétés qui sont incitées à effectuer une planification fiscale interprovinciale. Deuxièmement, l'accès à des renseignements financiers et fiscaux pour chaque société permet de tenir compte plus facilement des effets de l'hétérogénéité entre les sociétés. Les sociétés diffèrent non seulement par leur capacité à utiliser des stratégies de planification fiscale (interprovinciale ou autre) en vue de réduire le revenu imposable, mais aussi dans leur capacité au préalable à générer un revenu imposable. Une meilleure possibilité de tenir compte de cette hétérogénéité permet de mieux isoler l'incidence des taux d'IRS provinciaux sur le revenu imposable déclaré des autres facteurs liés aux différences entre les sociétés.

L'analyse de régression est utilisée pour estimer l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux pour les sociétés avec ou sans possibilité de planification fiscale interprovinciale. Cette approche isole l'incidence des taux d'IRS provinciaux des autres facteurs qui exercent une influence sur le revenu imposable. En particulier, la spécification teste une dimension qui n'a pas encore été examinée, à savoir si la disponibilité de pertes inutilisées au sein du même groupe de sociétés a une incidence sur l'élasticité du revenu imposable. On suppose que, si des groupes de sociétés peuvent réduire le revenu imposable en utilisant les pertes d'une manière plus efficiente sur le plan fiscal, les taux d'IRS provinciaux pourraient jouer un rôle secondaire dans les décisions de planification fiscale, puisque les groupes transféreraient le revenu des sociétés profitables aux sociétés génératrices de pertes, et celles-ci peuvent ne pas nécessairement se trouver dans les provinces à taux d'imposition élevé et dans des provinces à faible taux d'imposition respectivement. Ainsi, on suppose que l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS serait inférieure pour les sociétés qui font partie de groupes qui ont cumulé des pertes inutilisées[9].

Le reste de cette section explique la méthode adoptée pour identifier les sociétés ayant ou non des possibilités de planification fiscale interprovinciale, résume les principales différences entre ces deux groupes de sociétés, donne des renseignements sur l'approche économétrique adoptée pour la présente étude, et présente les résultats.

Toutes les sociétés comprises dans l'analyse de régression appartiennent à des groupes de sociétés sous contrôle commun. Ces groupes sont identifiés en fonction des renseignements sur les actionnaires déclarés à des fins fiscales, ainsi que des renseignements sur les liens de parenté entre sociétés recueillis par Statistique Canada en vertu de la Loi sur les déclarations des personnes morales[10]. Ces renseignements sont utilisés pour relier les sociétés en fonction du degré de propriété commune entre les sociétés. Pour être inclus dans l'analyse de régression, au moins la moitié du capital-actions d'une société doit être détenu par les autres membres d'un groupe de sociétés. Les groupes de sociétés sont identifiés pour les années 2005 à 2012, mais les données ne permettent pas d'analyser des groupes particuliers dans le temps. Ainsi, cette analyse fait appel à des données transversales regroupées pour les années 2005 à 2012.

Comme il a été indiqué, l'ensemble de données se divise entre les sociétés avec possibilité de planification et les sociétés sans possibilité de planification. Ces deux groupes sont définis de la manière suivante :

Les groupes de sociétés sous contrôle commun identifiés à l'aide des données fiscales et administratives représentent près de 68 % du revenu imposable des sociétés déclaré au Canada entre 2005 et 2012. Des sociétés ou des groupes de sociétés sont exclus de cette analyse, notamment les groupes dont le revenu est imposé au taux fédéral d'imposition des petites entreprises, les groupes où tous les membres ont un revenu net nul, et les sociétés qui n'affichent aucune activité commerciale[13]. Après ces exclusions, le sous-ensemble des sociétés retenues pour cette analyse représente 59 % du revenu imposable des sociétés déclaré entre 2005 et 2012.

Cette section présente des renseignements au sujet des caractéristiques des sociétés identifiées comme ayant des possibilités de planification et celles des sociétés identifiées comme n'ayant pas de possibilité de planification. L'échantillon utilisé pour l'analyse économétrique comprend environ 236 000 sociétés avec possibilité de planification et 335 000 sociétés sans possibilité de planification (ces chiffres représentent le total pour la période de 2005 à 2012)[14]. On note plusieurs différences entre ces deux groupes de sociétés (tableau 1).

Les sociétés avec possibilité de planification représentent environ 42 000 groupes de sociétés, alors que les sociétés sans possibilité de planification représentent environ 112 000 groupes de sociétés. Les sociétés avec possibilité de planification appartiennent habituellement à des groupes plus importants que dans le cas des sociétés sans possibilité de planification. Les groupes de sociétés avec possibilité de planification comptent en moyenne 5,6 membres, comparativement à 3,0 membres pour les groupes de sociétés sans possibilité de planification. Les sociétés avec possibilité de planification sont aussi habituellement plus grandes que les sociétés sans possibilité de planification en ce qui concerne le stock de capital moyen (18,8 millions de dollars par rapport à 2,2 millions) et la masse salariale moyenne (8,2 millions par rapport à 0,9 million).

Environ 50 % des sociétés avec possibilité de planification ont un « lien à l'étranger », c'est-à-dire qu'elles sont propriétaires de filiales étrangères ou déclarent des opérations avec lien de dépendance avec des non-résidents, ce qui se compare à seulement 7 % pour les sociétés sans possibilité de planification. Les sociétés avec possibilité de planification sont aussi plus susceptibles de reporter un solde de crédits d'impôt à l'investissement inutilisé (12 % par rapport à 7 %).

Environ 66 % des sociétés avec possibilité de planification sont des sociétés privées sous contrôle canadien, comparativement à 95 % des sociétés sans possibilité de planification[15]. Le revenu imposable des sociétés avec possibilité de planification est concentré dans les secteurs des finances et de l'assurance (29 %), de la fabrication (17 %) et de l'extraction minière, pétrolière et gazière (12 %), alors que le revenu des sociétés sans possibilité de planification est concentré dans les secteurs de la construction (18 %), des finances et de l'assurance (13 %) et de la fabrication (11 %).

Tableau 1
Principales caractéristiques, sociétés avec possibilité de planification par rapport aux sociétés sans possibilité de planification, 2005 à 2012

Sociétés avec
possibilité de
planification
Sociétés sans
possibilité de
planification
Nombre de sociétés 236 008 334 539
Nombre de groupes de sociétés 42 001 111 694
Nombre moyen de sociétés par groupe de sociétés 5,6 3,0
Stock de capital moyen (M$) 18,8 2,2
Masse salariale moyenne (M$) 8,2 0,9
Part des sociétés ayant un lien à l'étranger (%) 48,6 7,1
Part des sociétés ayant des crédits d'impôt à l'investissement inutilisés (%) 12,0 6,8
Part des sociétés qui sont des sociétés privées sous contrôle canadien (%) 66,1 95,3
Revenu net moyen (M$) 8,4 0,6
Part des sociétés ayant des pertes autres qu'en capital pour l'année en cours (%) 29,2 22,9
Pertes autres qu'en capital inutilisées moyennes au début de l'année (M$) 2,1 0,2
Pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année en proportion du revenu net (%) 24,9 29,2
Part des sociétés ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année (%) 43,2 40,2
Part des sociétés dans des groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année (%) 71,8 50,2
Revenu imposable moyen (M$) 3,9 0,4
Répartition du revenu imposable par secteur (%)
Extraction minière, pétrolière et gazière 12,0 2,9
Construction 2,5 18,0
Fabrication 16,8 10,8
Commerce de gros 8,8 9,5
Commerce de détail 3,1 7,1
Finances et assurance 29,3 12,7
Services immobiliers et services de location et de location à bail 3,0 8,8
Services professionnels, scientifiques et techniques 3,7 5,7
Gestion de sociétés et d'entreprises 11,0 8,6
Autres 9,9 15,9
Nota – Le stock de capital inclut le capital corporel et incorporel. La masse salariale se rapporte aux salaires et traitements des employés. Le revenu imposable indique le revenu net avant l'application des reports rétrospectifs de pertes. Voir l'annexe 3 pour de plus amples renseignements. Source : Ministère des Finances

Le tableau 1 compare aussi le profil de revenu et de pertes nets des sociétés avec possibilité de planification et des sociétés sans possibilité de planification. Bien qu'en moyenne les sociétés avec possibilité de planification aient déclaré un revenu net supérieur aux fins de l'impôt par rapport aux sociétés sans possibilité de planification (8,4 millions de dollars en moyenne, par rapport à 0,6 million), elles étaient aussi les plus susceptibles de déclarer une perte autre qu'en capital pour l'année en cours[16]. Environ 29 % des sociétés avec possibilité de planification ont déclaré des pertes autres qu'en capital pour l'année en cours, comparativement à 23 % des sociétés sans possibilité de planification.

Les sociétés avec possibilité de planification ont aussi des pertes autres qu'en capital inutilisées en début d'année plus élevée que les sociétés sans possibilité de planification. Cependant, exprimé en pourcentage du revenu net, les pertes inutilisées des sociétés sans possibilité de planification au début de l'année étaient légèrement plus élevées que celles des sociétés avec possibilité de planification (29 % par rapport à 25 %). Même si les sociétés avec possibilité de planification sont un peu plus susceptibles d'avoir des pertes inutilisées au début de l'année (43 % comparativement à 40 %), elles sont beaucoup plus susceptibles de faire partie d'un groupe où au moins un membre a des pertes inutilisées (72 % comparativement à 50 %). Les sociétés avec possibilité de planification ayant accès à des pertes du groupe appartiennent à des groupes plus importants en moyenne : 7,2 membres comparativement à seulement 3,6 membres pour les sociétés avec possibilité de planification sans pertes du groupe (non indiqué au tableau 1). Enfin, le revenu imposable moyen déclaré par les sociétés avec possibilité de planification s'élève à environ 4 millions de dollars comparativement à 0,4 million pour les sociétés sans possibilité de planification.

Le tableau 2 présente l'importance relative des sociétés avec possibilité de planification et des sociétés sans possibilité de planification comme groupes de contribuables. Le revenu imposable des sociétés avec possibilité de planification qui font partie de groupes qui n'ont pas de pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année représentait 23 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu des sociétés au Canada au cours de la période, alors que celui des sociétés avec possibilité de planification membres d'un groupe ayant des pertes inutilisées en début d'année représentait 29 %. Les sociétés sans possibilité de planification représentaient une bien plus faible part de l'assiette fiscale (5 % pour les sociétés sans possibilité de planification dans des groupes sans pertes inutilisées, et 2 % pour les sociétés sans possibilité de planification membres de groupes ayant des pertes inutilisées). Le reste de l'assiette de l'impôt est composé de sociétés qui ne font pas partie de groupes de sociétés et de sociétés exclues de l'échantillon pour les raisons expliquées à l'annexe 2.

Tableau 2
Répartition de l'assiette totale de l'impôt sur le revenu des sociétés, 2005 à 2012

%
Sociétés membres d'un groupe de sociétés
Sociétés avec possibilité de planification
Dans les groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année 22,5
Dans les groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année 29,1
Sociétés sans possibilité de planification
Dans les groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année 5,4
Dans les groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année 2,4
Exclus de l'échantillon 8,4
Sociétés non membres d'un groupe de sociétés 32,2
Toutes les sociétés 100,0
Nota – On considère qu'un groupe de sociétés a des pertes si la somme des pertes du groupe représente au moins 1 % du revenu net du groupe. Source : Ministère des Finances

L'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux est estimée à l'aide d'une analyse de régression qui tient compte d'autres facteurs pouvant influer sur le revenu imposable, notamment des facteurs propres aux sociétés comme la capacité d'utiliser les pertes et les crédits d'impôt à l'investissement, le stock de capital, les salaires et traitements payés, les liens à l'étranger, le statut de société privée sous contrôle canadien et le secteur[17]. L'analyse garde aussi fixes des facteurs propres à l'année dans le but de tenir compte de chocs subis par toutes les provinces au fil des années.

Le modèle compare l'élasticité des sociétés avec possibilité de planification à celle des sociétés sans possibilité de planification et mesure l'étendue selon laquelle la possibilité d'accès aux pertes inutilisées modifie l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux. On considère qu'une société a la possibilité d'accéder aux pertes inutilisées dans la mesure où au moins un membre du groupe dont fait partie la société reporte des pertes inutilisées au début de l'année.

L'échantillon d'estimation utilisé dans cette analyse présente des défis économétriques parce que le revenu imposable ne peut pas être négatif, et un grand nombre de sociétés déclarent un revenu imposable nul dans une année donnée. Pour contourner ces difficultés, l'incidence des taux d'IRS provinciaux sur le revenu imposable est résumée en estimant, dans un premier temps, la mesure selon laquelle les taux d'IRS provinciaux ont une incidence sur la probabilité qu'une société déclare un revenu imposable positif, et ensuite, l'élasticité du revenu imposable relativement aux taux d'IRS provinciaux pour les sociétés qui déclarent un revenu imposable positif. Les estimations obtenues pour ces deux étapes sont cohérentes; pour faciliter l'exposition, le tableau 3 présente les estimations pour la deuxième étape seulement. Les résultats complets se trouvent à l'annexe 3.

Tableau 3
Estimations de l'élasticité du revenu imposable aux taux provinciaux d'imposition du revenu des sociétés pour les sociétés ayant un revenu imposable positif
%

Sociétés avec
possibilité de
planification
Sociétés sans
possibilité de
planification
Changement attendu au revenu imposable après une augmentation de 1 % du taux d'IRS provincial
Groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -1,1 -0,2
Groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,4 -0,2
Nota – Tous les coefficients sont significatifs à 1 %.

L'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux pour les sociétés sans possibilité de planification ayant un revenu imposable positif est estimé à -0,2. Cela implique qu'une augmentation de 1 % du taux d'IRS provincial (par exemple, une augmentation de 10 % à 10,1 %) était associée, au cours de la période à l'étude, à une baisse de 0,2 % du revenu imposable, après avoir gardé fixes les autres facteurs qui ont une incidence sur le revenu imposable. Les résultats laissent aussi entendre que l'accès aux pertes inutilisées a peu d'incidence sur l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux pour les sociétés sans possibilité de planification.

Les résultats pour les sociétés avec possibilité de planification ayant un revenu positif indiquent que, si une société n'a pas accès à des pertes, une augmentation de 1 % du taux d'IRS provincial était associée à une baisse de 1,1 % du revenu imposable pour la période étudiée. Cette réaction est particulièrement plus élevée que celle des sociétés sans possibilité de planification. Elle correspond aussi à l'attente selon laquelle le revenu imposable est plus sensible aux taux d'IRS provinciaux pour les membres des groupes de sociétés qui ont des activités dans plusieurs provinces et qui peuvent avoir la capacité de conclure des opérations entre apparentés pour transférer les bénéfices entre les provinces[18].

L'accès aux pertes inutilisées réduit l'élasticité du revenu imposable pour les sociétés avec possibilité de planification. Dans ce cas, l'élasticité du revenu imposable diminue de -1,1 à -0,4, un niveau qui correspond à l'élasticité observée pour les sociétés sans possibilité de planification. Cela implique que les sociétés avec possibilité de planification dont les membres reportent des pertes (ce qui représente environ 70 % des sociétés avec possibilité de planification dans l'échantillon) semblent considérablement moins sensibles aux taux provinciaux de l'IRS que les membres des groupes qui n'ont pas de pertes inutilisées. Cette constatation est conforme à l'attente (décrite au début de cette section) selon laquelle les taux d'IRS provinciaux peuvent jouer un rôle secondaire dans les décisions de planification fiscale lorsque les groupes ont des pertes inutilisées dans certaines provinces qui peuvent être appliquées contre le revenu gagné dans d'autres provinces.

Le présent document utilise des techniques économétriques pour estimer l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux. Il fait la distinction entre les sociétés ayant la possibilité de transférer des revenus entre les provinces et les sociétés qui n'ont pas la possibilité d'effectuer des transferts interprovinciaux.

Les résultats laissent entendre que les taux d'IRS provinciaux ont une incidence négative sur le revenu imposable,
c'est-à-dire qu'une augmentation du taux d'IRS d'une province est généralement associée à une baisse du montant de revenu imposable déclaré dans cette province. Ce rapport négatif n'est pas seulement causé par la planification fiscale interprovinciale, puisque les sociétés sans possibilité de planification (c.-à-d. les sociétés qui n'ont pas la possibilité de participer à une planification fiscale interprovinciale) démontrent aussi une élasticité négative, bien qu'elle soit plus faible.

Selon les résultats, la prudence pourrait être de mise avant de conclure que le transfert des revenus a un effet important sur les assiettes fiscales provinciales. Les sociétés qui présentent la plus grande élasticité aux taux d'imposition du revenu des sociétés (les sociétés avec possibilité de planification sans accès à des pertes inutilisées) représentent environ 22 % seulement de l'assiette fiscale. Il est difficile de conclure que les différences interprovinciales du taux d'IRS pour les autres sociétés ont une incidence importante sur le revenu imposable, puisque d'autres sociétés avec possibilité de planification n'affichent pas une élasticité qui est bien différente de celle des sociétés sans possibilité de planification, lesquelles n'ont pas la possibilité d'effectuer un arbitrage des taux d'IRS provinciaux. On pourrait interpréter l'élasticité plus faible constatée pour le groupe de sociétés avec possibilité de planification ayant des pertes comme l'indication que l'emplacement des pertes, au lieu (ou en plus) du taux d'IRS lui-même, est une considération importante dans la direction du transfert de revenus associé aux opérations de planification fiscale interprovinciale. Pris ensemble, ces résultats semblent indiquer qu'il serait peu probable qu'une seule province soit systématiquement touchée, de manière positive ou négative, par la planification fiscale interprovinciale des groupes de sociétés. Par exemple, lorsque des pertes sont disponibles au sein d'un groupe de sociétés, le lieu des pertes est probablement un facteur dans la direction du transfert de revenus associé aux opérations de planification fiscale, facteur qui pourrait varier selon les cycles économiques.

Bien que cette analyse évite les limitations des études précédentes en utilisant des données disponibles pour chaque société membre de groupes de sociétés au Canada, d'autres limitations demeurent. Le modèle qui a été estimé comprend beaucoup de variables permettant de mieux tenir compte des différences qui existent entre les sociétés avec possibilité de planification et les sociétés sans possibilité de planification, mais il peut toujours subsister des différences non observées entre les deux groupes, et ces différences pourraient expliquer certaines des différences observées dans les comportements de ces deux groupes. Par ailleurs, la classification d'un groupe de sociétés comme société avec possibilité de planification ou comme société sans possibilité de planification pourrait être endogène, puisque les groupes qui sont les plus sensibles aux taux d'IRS provinciaux peuvent, pour cette raison, être plus portés à exercer leurs activités dans plusieurs provinces. Il n'a pas été possible, dans le cadre de la présente étude, d'éviter entièrement ces biais de sélection, et l'étude peut donc surestimer les différences entre les sociétés avec possibilité de planification et les sociétés sans possibilité de planification. La prudence est aussi de mise dans la généralisation des résultats. En particulier, puisque l'analyse s'appuie strictement sur des sociétés qui exercent leurs activités dans des groupes de sociétés sous contrôle commun, les résultats ne représentent pas nécessairement toutes les sociétés qui exercent leurs activités au Canada. En outre, puisque l'analyse mettait l'accent sur les sociétés membres de groupes de sociétés et que, à ce titre, elles avaient une plus grande capacité pour entreprendre des opérations de planification fiscale pour minimiser l'impôt total à payer, les estimations de l'élasticité produites dans la présente analyse sont probablement plus élevées que dans le cas d'une moyenne de toutes les sociétés exerçant leurs activités au Canada.

Tableau A1
Taux généraux provinciaux d'imposition du revenu des sociétés prévus par la loi, 2000 à 2014
%, sauf indication contraire

2000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Changement en 2014
par rapport à 2000
(points de %)
Terre-Neuve-et-Labrador 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 0,0
Île-du-Prince-Édouard 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 0,0
Nouvelle-Écosse 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 0,0
Nouveau-Brunswick 17,0 13,0 13,0 13,0 13,0 12,0 11,0 10,0 10,0 12,0 12,0 -5,0
Québec 9,0 8,9 9,9 9,9 11,4 11,9 11,9 11,9 11,9 11,9 11,9 2,9
Ontario 14,5 14,0 14,0 14,0 14,0 14,0 12,0 11,5 11,5 11,5 11,5 -3,0
Manitoba 17,0 15,0 14,5 14,0 13,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 -5,0
Saskatchewan 17,0 17,0 14,0 13,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 -5,0
Alberta 15,5 11,5 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 -5,5
Colombie-Britannique 16,5 12,0 12,0 12,0 11,0 11,0 10,5 10,0 10,0 11,0 11,0 -5,5
Yukon 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 15,0 0,0
Territoires du Nord-Ouest 14,0 14,0 11,5 11,5 11,5 11,5 11,5 11,5 11,5 11,5 11,5 -2,5
Nunavut 14,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 12,0 -2,0

Maximum 17,0 17,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 16,0 -1,0
Minimum 9,0 8,9 9,9 9,9 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 10,0 1,0
Étendue 8,0 8,1 6,1 6,1 6,0 6,0 6,0 6,0 6,0 6,0 6,0 -2,0
Moyenne 15,0 13,7 13,2 13,1 13,0 12,9 12,6 12,5 12,5 12,7 12,7 -2,3
Nota – Les taux généraux d'imposition du revenu des sociétés prévus par la loi en date du 31 décembre de l'année de référence. Le taux moyen renvoie à la moyenne non pondérée de toutes les provinces.
Source : Ministère des Finances

Tableau A2
Parts provinciales du revenu total imposable déclaré par les groupes de sociétés et PIB nominal, 2005 et 2012
%

2005 2012


Part du revenu imposable Part du PIB nominal Part du revenu imposable Part du PIB nominal
Terre-Neuve-et-Labrador 1,6 1,6 1,2 1,9
Île-du-Prince-Édouard 0,2 0,3 0,2 0,3
Nouvelle-Écosse 1,9 2,3 1,6 2,1
Nouveau-Brunswick 1,3 1,8 1,1 1,7
Québec 20,3 19,9 17,6 19,7
Ontario 38,4 39,2 38,0 37,1
Manitoba 1,9 3,0 2,6 3,2
Saskatchewan 2,7 3,2 4,2 4,3
Alberta 21,2 15,9 22,0 17,1
Colombie-Britannique 10,1 12,3 11,2 12,1
Yukon 0,1 0,1 0,1 0,1
Territoires du Nord-Ouest 0,4 0,3 0,2 0,3
Nunavut 0,0 0,1 0,0 0,1
Total 100,0 100,0 100,0 100,0
Sources : Ministère des Finances; Statistique Canada

Les sociétés et les groupes de sociétés qui suivent sont exclus de l'échantillon utilisé pour l'analyse de régression présentée dans le présent document :

Une équation linéaire logarithmique où le revenu imposable est exprimé en tant que fonction du taux d'IRS provincial et d'autres variables explicatives est utilisée pour estimer l'élasticité du revenu imposable. Le coefficient estimé du taux d'IRS provincial se rapporte à l'élasticité du revenu imposable relativement aux taux d'IRS provinciaux. On s'attend à ce que ce terme soit négatif.

L'incidence possible de la capacité d'utiliser les pertes sur l'élasticité du revenu imposable est prise en compte en incluant un terme d'interaction entre le taux d'IRS provincial et une variable dichotomique qui montre la présence de pertes autres qu'en capital au début de l'année pour le groupe. À cette fin, un groupe n'est pas considéré comme ayant des pertes, à moins que la somme des pertes représente au moins 1 % du revenu net du groupe. La variable dichotomique est égale à un lorsque la société appartient à un groupe ayant des pertes; autrement, elle est égale à zéro. Le coefficient estimé pour ce terme d'interaction peut être considéré comme un redressement de l'élasticité du revenu imposable lorsqu'une société a accès aux pertes du groupe. Si l'on suppose que les sociétés qui exploitent leur entreprise en groupes de sociétés ayant des pertes sont moins sensibles aux taux d'IRS provinciaux, ce terme devrait être positif (c.-à-d. qu'il rapprocherait l'élasticité à zéro). L'élasticité réelle du revenu imposable pour les sociétés ayant accès à des pertes du groupe est la somme du coefficient du taux d'IRS provincial et du terme d'interaction. Dans le cas des sociétés sans accès à des pertes du groupe, l'élasticité estimée du revenu imposable est saisie par le coefficient du taux d'IRS provincial. Il faut noter que le terme d'interaction entre le taux d'IRS provincial et la variable dichotomique des pertes du groupe est habituellement non-significative pour les sociétés sans possibilité de planification. Ainsi, ce terme n'est pas pris en compte au tableau 3 du texte.

Puisque la présente étude se penche sur la sensibilité du revenu imposable aux taux d'IRS provinciaux au moment où les décisions de transferts des revenus sont prises, les reports rétrospectifs des pertes et leur incidence subséquente sur le revenu imposable sont intentionnellement exclus du revenu imposable. Autrement dit, la mesure du revenu imposable utilisée dans l'analyse de régression ne tient pas compte des pertes qui sont appliquées au revenu imposable pour des années antérieures.

En plus de tenir compte des effets de facteurs comme le stock de capital et les traitements, qui mesurent la capacité de production d'une société, les régressions gardent fixes les conditions macroéconomiques générales (croissance du PIB réel provincial et de l'indice des prix du PIB), et les facteurs propres aux sociétés, comme les liens à l'étranger, l'accès aux crédits d'impôt à l'investissement (CII) provinciaux cumulés, le statut de société privée sous contrôle canadien, et le secteur. Enfin, les régressions gardent aussi fixes les effets annuels, dans le but de tenir compte de chocs subis par toutes les provinces dans une année donnée. Toutes les valeurs monétaires (comme le revenu imposable, le stock de capital et le PIB provincial) sont exprimées en dollars courants.

Au-delà des différences du taux d'imposition entre les provinces, la disponibilité des CII provinciaux varie selon l'administration. Les sociétés peuvent changer leur comportement de planification fiscale lorsque les impôts provinciaux exigibles peuvent être compensés par des CII provinciaux. Pour tenir compte de cette incidence éventuelle, le modèle inclut une variable qui indique la taille du total des CII provinciaux des sociétés par rapport au total du revenu imposable des sociétés dans la province où se trouve la société. Ces renseignements ne sont pas disponibles au niveau des sociétés, puisque la base de données ne comprend pas les renseignements sur les taux d'IRS provinciaux pour les provinces qui n'ont pas signé un accord de perception fiscale.

L'échantillon d'estimation utilisé dans la présente analyse expose certains défis économétriques. Premièrement, un grand nombre de sociétés déclarent un revenu imposable nul dans une année donnée. Deuxièmement, le revenu imposable est censuré à zéro (de sorte que les valeurs négatives ne sont jamais observées), ce qui implique que la relation entre le revenu imposable et ses facteurs explicatifs n'est pas linéaire. Considérez, par exemple, l'incidence de la croissance du PIB sur le revenu imposable. Si l'on met de côté le rôle des reports rétrospectifs des pertes, une forte croissance du PIB devrait en moyenne entraîner une augmentation du revenu imposable, alors qu'une croissance négative du PIB pourrait entraîner des pertes. Cependant, ces pertes ne sont observées qu'en valeurs nulles (au lieu de valeurs négatives). Par conséquent, l'incidence d'une forte croissance du PIB n'aura pas la même incidence relative sur le revenu imposable qu'une croissance négative du PIB, ce qui en fait une relation non linéaire[19].

Cela implique que l'estimation selon la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO), qui assume une relation linéaire entre le revenu imposable et les variables explicatives, peut ne pas résulter en des estimations fiables des coefficients. Pour répondre à ce problème, une régression selon le modèle probit est utilisée pour estimer l'incidence des taux d'IRS provinciaux sur la probabilité (vraisemblance) qu'une société déclare un revenu imposable positif, alors qu'une régression des MCO est utilisée sur la partie de l'échantillon ayant un revenu imposable positif. Le tableau A3 présente des résultats d'estimation détaillés. Les estimations énumérées du côté gauche du tableau (pour les sociétés avec possibilité de planification et les sociétés sans possibilité de planification) sont des estimations du coefficient des MCO qui comprennent les sociétés ayant un revenu imposable nul, ainsi que celles dont le revenu est positif. La partie du milieu présente les estimations du coefficient d'une régression selon le modèle probit où la variable dépendante est une variable dichotomique égale à un pour les sociétés ayant un revenu imposable positif, et à zéro pour les autres. Ces estimations indiquent la tendance selon laquelle une variable explicative donnée a un impact sur le revenu imposable. Le côté droit du tableau présente les estimations des MCO pour la partie de l'échantillon ayant un revenu imposable positif. Ces estimations sont présentées au tableau 3 du document et peuvent être interprétées comme des estimations de l'élasticité du revenu imposable, pour les sociétés déclarant un revenu positif.

Tableau A3
Résultats détaillés des régressions
Variable dépendante : log (revenu imposable)

Le niveau de signification est indiqué par * pour 5 % et par ** pour 1 %.

Coefficients des MCO
pour l'échantillon
complet
Coefficients
du modèle probit
Coefficients des MCO
du 2e stade



Variables explicatives Coefficient Erreur-type
robuste par
grappes
Coefficient Erreur-type
robuste par
grappes
Coefficient Erreur-type
robuste par
grappes
Sociétés avec possibilité de planification
log(IRSprov) -2,37** 0,23 -0,44** 0,06 -1,09** 0,13
log(IRSprov)*variable dichotomique des pertes du groupe 1,53** 0,26 0,28** 0,06 0,67** 0,15
Log (traitements) 0,24** 0,00 0,04** 0,00 0,13** 0,00
Log (stock de capital) 0,17** 0,00 0,02** 0,00 0,14** 0,00
Log (concentration de l'actionnariat) -0,03 0,15 -0,04 0,03 0,13 0,09
Crédits d'impôt provinciaux 0,07** 0,01 0,01** 0,00 -0,01 0,01
Prix du PIB 1,43** 0,49 0,49** 0,11 -0,20 0,34
Prix du PIB, année précédente 0,87* 0,45 0,12 0,11 0,63* 0,33
Croissance du PIB réel 0,01 0,01 0,00 0,00 0,02** 0,01
Constante 10,63** 0,58 1,07** 0,14 11,76** 0,33
Variable dichotomique pour les pertes du groupe -6,86** 0,64 -1,32** 0,15 -2,28** 0,38
CII 0,05** 0,01 0,00 0,00 0,06** 0,00
Non-SPCC 0,59** 0,05 0,03** 0,01 0,95** 0,04
Lien à l'étranger 0,39** 0,04 0,03** 0,01 0,55** 0,03
Contrôles du secteur Oui Oui Oui
Contrôles des années Oui Oui Oui
R-carrés 0,23 n.d. 0,31
Log de pseudo-vraisemblance n.d. -144 589 n.d.
Nombre d'observations 236 008 236 008 121 810

Sociétés sans possibilité de planification
log(IRSprov) -0,70** 0,12 -0,18** 0,03 -0,24** 0,06
log(IRSprov)*variable dichotomique des pertes du groupe -0,01 0,16 0,02 0,04 0,10 0,09
log(traitements) 0,30** 0,00 0,06** 0,00 0,13** 0,00
log(stock de capital) 0,17** 0,00 0,04** 0,00 0,08** 0,00
log(concentration de l'actionnariat) 0,05 0,08 0,01 0,02 0,03 0,04
Crédits d'impôt provinciaux 0,22** 0,01 0,06** 0,00 0,02** 0,00
Prix du PIB 0,88* 0,36 0,47** 0,10 -0,16 0,20
Prix du PIB, année précédente 2,54** 0,36 0,48** 0,10 1,41** 0,21
Croissance du PIB réel 0,01 0,01 0,00 0,00 0,00 0,00
Constante 6,10** 0,30 0,24** 0,09 10,47** 0,14
Variable dichotomique pour les pertes du groupe -3,33** 0,40 -0,87** 0,11 -0,77** 0,22
CII 0,06** 0,01 0,01** 0,00 0,03** 0,00
Non-SPCC -0,77** 0,07 -0,17** 0,02 -0,06 0,06
Lien à l'étranger 0,04 0,06 -0,05** 0,01 0,41** 0,04
Contrôles du secteur Oui Oui Oui
Contrôles des années Oui Oui Oui
R-carrés 0,32 n.d. 0,26
Log de pseudo-vraisemblance n.d. -181 976 n.d.
Nombre d'observations 334 539 334 539 193 529
Nota – Les erreurs-types sont regroupées par sociétés individuelles.

Même si les spécifications employées dans la présente analyse ont tenté de tenir compte des principaux facteurs sous-jacents du revenu imposable (p. ex., le stock de capital, les traitements, les conditions économiques, etc.), il est possible que d'autres facteurs non pris en compte entrent aussi en jeu. En particulier, il est possible que les taux d'IRS provinciaux soient eux-mêmes endogènes à l'égard des facteurs qui déterminent le revenu imposable. Par exemple, dans la mesure où la baisse du taux d'IRS en Alberta coïncidait avec une croissance exceptionnellement forte de cette économie, le modèle pourrait surestimer l'incidence des taux d'IRS provinciaux. Cependant, les résultats obtenus lorsqu'on élimine l'Alberta de l'échantillon d'estimation n'indiquent pas que tel est le cas.

En tenant compte de la convergence accrue des taux d'IRS provinciaux, on pourrait s'attendre à ce que les bénéfices d'une planification fiscale interprovinciale soient réduits, surtout si des coûts fixes doivent être engagés pour participer à la planification fiscale interprovinciale. Pour vérifier si l'importance de la planification fiscale interprovinciale a diminué au cours des dernières années, l'analyse qui précède a été reprise sur deux périodes distinctes, soit de 2005 à 2009 (une période au cours de laquelle les taux d'IRS provinciaux ont convergé) et de 2010 à 2012 (une période où les écarts de taux d'IRS provinciaux étaient à un minimum). Le tableau A4 présente les résultats de cette analyse supplémentaire.

Tableau A4
Sensibilité du revenu imposable aux taux provinciaux d'imposition du revenu des sociétés,
2005 à 2009 par rapport à 2010 à 2012

Sociétés avec
possibilité de
planification
Sociétés sans
possibilité de
planification
Changement attendu dans la probabilité de déclaration d'un revenu imposable positif découlant d'une augmentation de 1 % du taux d'IRS provincial parmi toutes les sociétés de l'échantillon
2005 à 2009
Groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,2 -0,1
Groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,1 -0,1
2010 à 2012
Groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,2 0
Groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année 0 0
Changement attendu au revenu imposable découlant d'une augmentation
de 1 % du taux d'IRS provincial parmi les sociétés avec un revenu imposable positif
2005 à 2009
Groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -1,4 % 0 %
Groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,5 % 0 %
2010 à 2012
Groupes sans pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,9 % -0,7 %
Groupes ayant des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année -0,3 % 0,1 %
Nota – Tous les coefficients déclarés sont significatifs à 1 % ou à 5 %. Les estimations sont indiquées par un zéro dans le tableau lorsque les coefficients estimés sont non significatifs sur le plan statistique. Le coefficient associé à la variable des pertes du groupe n'est pas significatif sur le plan statistique pour les sociétés sans possibilité de planification (et n'est donc pas indiqué au tableau), sauf pour les sociétés ayant un revenu imposable positif au cours de 2010 à 2012. Les probabilités de la déclaration d'un revenu imposable positif sont les effets marginaux calculés à partir des régressions selon le modèle probit.

Les résultats indiqués au tableau A4 laissent entendre que, comme prévu, les sociétés avec possibilité de planification ont été relativement moins sensibles aux taux d'IRS provinciaux depuis 2010 qu'au cours de la période précédente. Les écarts de taux d'IRS interprovinciaux ne devraient pas dicter la planification fiscale des sociétés sans possibilité de planification, et l'on s'attendrait à une aussi petite différence dans les estimations pour les sociétés avec possibilité de planification pour les deux périodes. Les résultats semblent indiquer des changements à l'incidence des taux d'IRS provinciaux sur les sociétés sans possibilité de planification entre ces périodes, plus particulièrement une réduction de l'incidence des taux d'IRS provinciaux sur la probabilité de déclarer un revenu imposable positif, mais une augmentation de l'élasticité du revenu imposable par rapport aux taux d'IRS provinciaux pour ces sociétés qui déclarent un revenu imposable positif et qui n'ont pas accès à des pertes inutilisées. Ces résultats ne correspondent pas aux attentes, et peuvent indiquer des dynamiques de l'après-crise qui ne sont pas prises en compte de manière appropriée dans le modèle.

Revenu imposable : Revenu imposable aux fins de l'impôt, tel qu'il est calculé sur la déclaration de revenus des sociétés, avant les révisions pour reports rétrospectifs des pertes. Le revenu imposable est non négatif. Pour inclure les observations ayant un revenu imposable nul dans les estimations des MCO de l'échantillon complet, le logarithme du revenu imposable est calculé comme log(revenu imposable + 1).

IRSprov : Taux d'IRS provincial. Pour les sociétés qui ne font pas partie du secteur de la fabrication, le taux général d'IRS prévu par la loi est utilisé. Pour les sociétés du secteur de la fabrication, le taux préférentiel pour le revenu de fabrication et de transformation est utilisé le cas échéant. Pour les sociétés multijuridictionnelles, un taux moyen pondéré est calculé en utilisant le revenu imposable attribué à chaque administration en pondération.

Variable dichotomique des pertes du groupe : Égale à un si au moins un membre du groupe de sociétés a des pertes autres qu'en capital inutilisées au début de l'année qui sont d'au moins 1 % du revenu net du groupe, et de zéro autrement.

Traitements : Traitements et salaires des employés versés par la société, tirés principalement des rapports T4 et complétés par des renseignements tirés des déclarations de revenus pour les sociétés multijuridictionnelles. Le logarithme des traitements et salaires est calculé comme log(masse salariale + 1).

Stock de capital : Stock de capital corporel de la société (comme les immeubles et la machinerie) et de capital incorporel (comme les brevets et la recherche et le développement). Ces renseignements sont tirés de l'Index général des renseignements financiers, et complétés par des renseignements sur la fraction non amortie du coût en capital à la fin de l'année, déclarés à l'annexe 8 de la déclaration de revenus des sociétés T2. Le logarithme du stock de capital est calculé comme log(stock de capital + 1).

Concentration de l'actionnariat : Le pourcentage du capital-actions de la société qui appartient à d'autres membres du groupe de sociétés.

Croissance du PIB : La croissance du PIB par province en dollars réels.

Indice des prix du PIB : Indice des prix du PIB par province.

Crédits d'impôt provinciaux : Total des crédits provinciaux d'impôt à l'investissement des sociétés, en pourcentage du total du revenu imposable de la société dans la province où la société se trouve.

CII : Bilan des crédits d'impôt à l'investissement provinciaux inutilisés. Le logarithme des CII est calculé comme log(CII + 1).

Non-SPCC : Égal à un si la société n'est pas une société privée sous contrôle canadien, et à zéro autrement.

Lien à l'étranger : Égal à un si une société d'un groupe a une filiale à l'étranger ou des opérations avec lien de dépendance avec des non-résidents, et à zéro autrement.

Secteur : Secteur d'exploitation indiqué sur la déclaration de revenus des sociétés.

Lachance, Renaud, et Lucie Plante, « Fiscalité et mobilité interprovinciale des bénéfices : Qui gagne perd », Revue fiscale canadienne, vol. 42, no 3, 1994, p. 843-901.

Mintz, Jack, et Michael Smart, « Income Shifting, Investment, and Tax Competition: Theory and Evidence From Provincial Taxation in Canada », Journal of Public Economics, vol. 88, 2004, p. 1149-1168.


1 À partir d'ici, tout renvoi aux « provinces » comprend aussi les territoires.

2 Le gouvernement fédéral a conclu des accords de perception fiscale pour l'impôt sur le revenu des sociétés avec toutes les provinces, à l'exception du Québec et de l'Alberta. Le fondement de base des accords de perception fiscale est que le gouvernement fédéral accepte de percevoir et d'administrer les impôts provinciaux, en échange de quoi les provinces conviennent d'une assiette fiscale commune.

3 Le tableau A1 à l'annexe 1 présente les taux d'IRS par province pour la période de 2000 à 2014.

4 Le régime fiscal fédéral permet de reporter les pertes en capital et autres qu'en capital à d'autres années d'imposition. Les pertes en capital ou autres qu'en capital inutilisées peuvent être reportées rétrospectivement sur les trois années d'imposition précédentes. Les pertes autres qu'en capital peuvent être reportées prospectivement jusqu'à 20 ans, alors que les pertes en capital peuvent être reportées prospectivement indéfiniment. La période de report prospectif des pertes autres qu'en capital était de sept ans avant le 23 mars 2004 et de 10 ans après le 22 mars 2004 et avant 2006.

5 Les formules de répartition sont définies en vertu du Règlement de l'impôt sur le revenu et s'appliquent au revenu gagné par les sociétés qui se trouvent dans les provinces qui ont signé un accord de perception fiscale. Les règles de répartition du revenu des sociétés des provinces qui n'ont pas signé d'accord de perception fiscale pour l'impôt sur le revenu des sociétés (le Québec et l'Alberta) sont généralement harmonisées avec les règles fédérales. La définition d'établissement stable dans le contexte de l'attribution du revenu des sociétés entre les provinces s'inspire beaucoup de la définition utilisée dans les conventions fiscales internationales, qui renvoie au lieu d'affaire fixe des activités d'une société et implique en général au moins la réalisation d'activités économiques minimales. Cependant, la définition utilisée aux fins de l'attribution entre les provinces est plus large que celle des conventions fiscales, ce qui fait qu'il est plus facile pour les provinces d'établir un lien par rapport à une société en particulier. Par exemple, contrairement à la définition d'une convention fiscale, une société propriétaire foncière dans une province serait réputée y avoir un établissement stable, même si la société n'a pas d'autres lieux d'affaires fixes dans cette province.

6 Le tableau A2 de l'annexe 1 présente des renseignements sur les parts du revenu imposable déclarées par des groupes de sociétés, et compare ces parts aux parts du PIB par province en 2005 et en 2012.

7 La part du revenu imposable se rapporte à la part du revenu imposable total du Québec déclarée par le secteur manufacturier au Canada. Par analogie, la part de la production renvoie à la part du PIB canadien pour le Québec dans le secteur manufacturier.

8 Le taux d'IRS utilisé dans cette étude est indiqué comme le taux après impôt, qui est égal à un moins le taux d'IRS combiné prévu par les lois fédérales et provinciales. Plus particulièrement, les résultats de l'estimation laissent supposer qu'une augmentation de 1 % du taux après impôt devrait entraîner une augmentation de 4,9 % du revenu imposable pour les sociétés avec possibilité de planification, comparativement à seulement 2,3 % pour les sociétés sans possibilité de planification.

9 On ne s'attend pas à ce que les groupes qui affichent des pertes aient une réponse entièrement inélastique aux taux d'imposition; par exemple, lorsque plus d'un membre du groupe est rentable, les sociétés peuvent chercher à utiliser d'abord les pertes à l'égard du revenu du membre qui se trouve dans une province ayant le taux d'imposition le plus élevé.

10 Toutes les sociétés qui font partie d'un groupe de sociétés sous contrôle commun ayant des actifs combinés de plus de 200 millions de dollars, un revenu de plus de 80 millions ou encore des titres de créance ou des capitaux propres détenus par des non-résidents qui dépassent une valeur comptable nette de 1 million doivent déclarer leurs renseignements financiers et de propriété à Statistique Canada chaque année. Avant 2007, ces seuils étaient de 15 millions, 10 millions et 200 000 dollars respectivement. Pour en savoir plus, consultez la Loi sur les déclarations des personnes morales.

11 Le revenu tiré d'activités de fabrication et de transformation est assujetti à un plus faible taux d'IRS au Yukon, en Saskatchewan, en Ontario et à Terre-Neuve-et-Labrador.

12 Le taux d'IRS provincial auquel sont assujetties les sociétés multijuridictionnelles est calculé en tant que moyenne des taux d'IRS des provinces où la société possède un établissement stable, pondérée conformément à l'attribution du revenu imposable de la société entre les provinces.

13 Voir l'annexe 2 pour une explication détaillée de ces exclusions.

14 Puisque les données pour les années 2005 à 2012 sont regroupées en un seul échantillon, les sociétés qui ont exercé leurs activités durant plus d'une année (ou durant toute la période) paraîtront plusieurs fois dans les données.

15 Une société privée sous contrôle canadien est une société qui réside au Canada et n'est pas une société publique ou sous le contrôle de sociétés publiques ou de non-résidents.

16 Le revenu net aux fins de l'impôt diffère du revenu imposable lorsque certaines déductions d'impôt supplémentaires sont demandées, surtout les déductions pour dons de bienfaisance, les dividendes imposables et les reports prospectifs des pertes.

17 Voir l'annexe 3 pour la liste complète des variables incluses dans l'analyse de régression. Étant donné que l'objectif du présent document consiste à repérer la planification fiscale interprovinciale, la variable du taux d'IRS est fondée sur le taux provincial seulement, au lieu du taux d'IRS fédéral et provincial combiné. L'interprétation de l'élasticité du revenu imposable aux taux d'IRS provincial doit être faite avec prudence, et les résultats présentés dans le présent document ne sont pas directement comparables aux résultats présentés dans l'étude de Mintz et Smart (2004) et dans d'autres études qui utilisent les taux d'IRS fédéraux et provinciaux combinés.

18 Certains auteurs, au lieu d'utiliser le taux d'imposition comme l'une des variables explicatives, utilisent une variable définie comme un moins le taux d'imposition (voir la note en bas de page 8). Un coefficient de -1,1 pour l'élasticité du revenu imposable par rapport aux taux d'IRS provinciaux se traduit en une élasticité de 3,3 relativement à un moins le taux d'imposition. En comparaison, Mintz et Smart (2004) ont obtenu une élasticité de 4,9; il faut toutefois noter que l'élasticité obtenue dans la présente étude vise uniquement les taux d'IRS provinciaux, alors que l'élasticité estimée dans Mintz et Smart (2004) visait les taux d'IRS combinés au niveau fédéral et provincial.

19 Bien qu'il soit possible d'estimer une spécification linéaire (contrairement à une spécification linéaire logarithmique), ce qui permettrait d'inclure des valeurs du revenu négatives directement au modèle, la spécification linéaire logarithmique a comme propriété intéressante le fait que les coefficients peuvent être interprétés directement comme estimations de l'élasticité.

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