Lettre au Commandant d'escadre : visite virtuelle de la 8e Escadre Trenton

Le 13 janvier 2021

 

Colonel Ryan Deming
Commandant
8e Escadre Trenton
C.P. 1000, succursale Forces
Astra (Ontario) K0K 3W0

 

Colonel Deming,

Je vous écris pour faire un suivi de notre visite virtuelle de la 8e Escadre Trenton, du 17 au 19 novembre 2020. Je tiens à vous remercier, ainsi que l’adjudant-chef Baulne et toute votre équipe pour l’accueil chaleureux auquel nous avons eu droit tout au long de notre visite. Nous avons été ravis de rencontrer virtuellement le personnel militaire et civil, les prestataires de soins et les familles des militaires, ainsi que d’entendre leurs préoccupations et leurs commentaires positifs. Les encouragements sincères que vous avez transmis à tout le personnel de l’escadre pour qu’il parle ouvertement à mon équipe ont grandement contribué au succès de notre visite.

Cette lettre a pour but de poursuivre le résumé que je vous ai fait le 20 novembre 2020 et de vous transmettre les préoccupations et commentaires positifs qu'on nous a formulés lors de notre visite. Je suis conscient que vous et votre personnel connaissez déjà certains de ces enjeux, mais j’ai quand même cru bon de les détailler ici et de vous offrir mon aide si jamais vous souhaitez aborder un ou l’autre de ces sujets. Je crois fermement que la collaboration peut apporter des changements positifs et durables pour la communauté de la Défense.

Coût de la vie/logement

Comme nous en avons discuté, une des plus grandes difficultés qu’on nous a signalées a trait au coût de la vie et à l’offre de logements. Les militaires nous ont dit qu’ils peinent à trouver un domicile abordable. Depuis 2017, le coût des maisons dans la région de Trenton a fortement augmenté, et de nombreux militaires ont dit ne pas pouvoir se permettre d’acheter une maison, d’autant plus que dans la version actuelle de la Politique de réinstallation intégrée, ils n’ont pas droit à l’indemnité de vie chère en région.

On constate aussi un allongement de la liste des familles en attente d’une unité de logement résidentiel (ULR) et un manque d’ULR pour militaires vivant seuls. Depuis 2017, l’Agence de logement des Forces canadiennes n’a pas été en mesure de ramener ses listes d’attente à zéro après chaque période active des affectations. Il y a actuellement 250 militaires en attente d’une ULR à Trenton, et il est peu probable qu’ils en obtiennent une. La crise du logement à Trenton a pour conséquence que davantage de militaires choisissent un statut de Restriction imposée (RI) et se séparent de leur famille. Cependant, un point positif est que contrairement à d’autres bases, nous n’avons entendu aucun commentaire négatif sur l’état des ULR de la base.

Réinstallation – BGRS (anciennement Services de réinstallation Brookfield)

Les militaires ont soulevé des préoccupations sur la disponibilité de l’information sur la politique de réinstallation et les services offerts par BGRS. Plus précisément, les militaires ne savaient que la base compte trois coordonnateurs des réinstallations pouvant les aider et répondre à leurs questions. Ils ont aussi déploré le manque de réactivité des représentants de BGRS, le nombre insuffisant de séances d’information et les renseignements inexacts ou contradictoires fournis par les représentants de BGRS. Les militaires ont souvent visité leur salle des rapports pour se plaindre de BGRS, car ils n’obtiennent pas l’assistance ou les réponses requises dans un délai opportun. Les membres de la salle des rapports ne peuvent fournir les réponses, car ils ne sont pas spécialistes de la politique de réinstallation, et les militaires estiment qu’ils ne peuvent les aider. Les militaires ne savaient pas qu’ils pouvaient se plaindre des services inadéquats de BGRS en écrivant à l’adresse de courriel générique du Directeur – Gestion des activités de réinstallation (D Gest AR). Ce fut le sujet le plus souvent abordé lors de notre visite virtuelle.

De plus, les militaires comprennent mal à qui s’adressent les services du Centre de réponses administratives (CRA), qui peut clarifier les questions liées aux politiques. Avant la COVID-19, seul le personnel chargé de soutenir les militaires et leurs familles au sein de la chaîne de commandement pouvait s’adresser au CRA. Toutefois, cela a changé avec la COVID-19 et tous les militaires peuvent maintenant contacter le Centre directement, mais il leur est recommandé de continuer de s’adresser à leur chaîne de commandement pour obtenir de l’assistance.

Soins de santé primaires

Le personnel médical indique qu’il jouit d’une équipe très compétente, mais qu’il n’a pas la capacité de fournir des soins exceptionnels et de traiter les cas complexes. Il peut fournir les soins habituels et il y a une bonne collaboration avec la communauté médicale de Kingston. La pandémie a toutefois mis en lumière la nécessité d’adopter des mesures proactives pour faire face à la pénurie d’effectifs. Tandis qu’une portion des pénuries est due à la difficulté de recruter du personnel médical, on nous a dit qu’il y a des différences régionales. Shilo et Petawawa sont en sous-effectifs, alors que Kingston et Ottawa sont mieux nanties. On a l’impression que ces postes plus attrayants ont plus d’effectifs. Les médecins militaires et techniciens militaires sont les plus touchés.

On nous a aussi fait part de préoccupations quant aux politiques et procédures insuffisantes relativement au traitement médical des cadets lors des camps. On nous a dit que la période estivale est une période critique en matière d’effectifs médicaux, car c’est une période où les professionnels de la santé prennent des vacances et reprennent des forces. Notre bureau a identifié ce problème dans son rapport d’enquête sur les cadets. Nous continuons de soulever cet enjeu auprès du médecin-chef et du commandant du Groupe de soutien national des cadets et des rangers juniors canadiens.

Soins de santé mentale

On nous a informés que la 8e Escadre Trenton est une base à rythme opérationnel élevé et que les ressources en santé mentale sont insuffisantes. Il est nécessaire d’améliorer l’accès aux soins en santé mentale et de réduire les temps d’attente pour consulter un thérapeute.

On nous a dit qu’en raison de la COVID-19, le soutien en santé mentale offert par la Salle d’examen médical (SEM) est limité. Tandis que le programme Sentinelle est présent à la 8 Ere et que des personnes ont été formées pour faire des interventions et de la prévention en matière de suicide, les militaires se sont dits préoccupés par la façon dont cela est mis en oeuvre. Au lieu d’utiliser ce programme, ils vont plutôt chercher de l’assistance à la clinique, ce qui use davantage les ressources médicales disponibles.

Lors de nos discussions ouvertes, on nous a dit qu’il y a environ six aumôniers spécialisés en santé mentale dans tout le Canada et qu’il n’y en a aucun à Trenton. Nous avons entendu qu’il est parfois difficile de fournir les services en santé mentale, car le rythme est trop élevé et que les ressources sont étirées au maximum. On a aussi mentionné qu’il y a peu de soutien pour les aumôniers et que cela, combiné au rythme opérationnel, affecte leur propre santé mentale.

Stabilité et fiabilité d’internet

Le personnel médical et le Centre de ressources pour les familles des militaires (CRFM) nous ont rapporté divers problèmes avec la technologie. Plus précisément, la connexion internet dans la SEM empêche le personnel d’accéder aux dossiers en temps réel. Cela pose problème lorsqu’il faut offrir des soins rapides, efficaces et sécuritaires.

De plus, les mises à jour du Système d’information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC) ont causé des pannes et ont ralenti l’exécution des tâches pour le personnel soignant. Le personnel soignant a souligné que le SISFC ne peut suivre la cadence des changements technologiques offerts dans les systèmes réguliers. Ainsi, il devient difficile de réagir rapidement. Le personnel a l’impression que l’accès en ligne est maintenant beaucoup plus lent qu’il y a deux mois. Les problèmes ont été exacerbés par une restriction des heures de soutien à Services partagés Canada.

Le personnel est également incapable d’utiliser les plus récentes méthodes de soins aux patients, comme la télémédecine. Pendant la pandémie, alors que de bonnes interactions sociales sont importantes, les spécialistes en santé mentale n’ont pas accès aux appels vidéos, le seul moyen de communication possible étant le téléphone.

De plus, les spécialistes ont du mal avec la définition d’appareil périphérique et à obtenir des fonds pour se procurer les articles requis pour fournir les services. Le logiciel existe, mais ne peut être obtenir en raison d’obstacles administratifs, c.-à-d. qu’il s’agit d’une unité intégrée de Kingston qui ne fait pas partie de la 8 Ere.

Enfin, le CRFM a dit avoir de la difficulté à offrir des programmes virtuels à cause de l’instabilité d’internet sans fil dans ses bâtiments.

Familles

Les familles se sont dites préoccupées par les problèmes d’accès aux soins de santé primaires lorsque les militaires sont mutés à Trenton. Bien que cela ne soit pas unique à Trenton, l’accès à un médecin de famille continue d’être problématique, et les familles sont forcées de se tourner vers d’autres services comme les urgences ou les cliniques sans rendez-vous. Cette situation semble plus difficile encore pour les familles dont un enfant a des besoins spéciaux.

Le CRFM a insisté sur l’importance des services de garde d’enfant dans le soutien aux opérations. Le centre a une grande capacité d’accueil, mais fonctionne actuellement aux deux tiers de sa capacité en raison d’un manque d’employés dû à la COVID-19. La pandémie a aussi eu des conséquences sur la possibilité pour les familles de trouver des services de garde d’urgence, car les définitions d’un service « essentiel » varient entre les FAC et la province de l’Ontario. À cause d’un financement insuffisant, le CRFM peut seulement offrir la garde à temps plein. En conséquence, les familles sont incapables d’obtenir des services de garde d’enfant à temps partiel. Il y a aussi de longues périodes d’attente pour obtenir une place en garderie privée, alors les familles doivent compter sur les services fournis par le CRFM.

Il convient de mentionner que cette semaine, j’ai annoncé le lancement d’une enquête systémique sur les familles militaires, plus particulièrement sur les affectations pour motifs personnels[1].

Effectifs disponibles et rythme opérationnel

Comme c’était le cas lorsque mon prédécesseur a visité la base en 2011, des préoccupations à ce sujet ont été exprimées lors de nos rencontres. De nombreux militaires et employés civils ont exprimé leur inquiétude quant aux postes vacants, au rythme opérationnel élevé et à l’obligation d’accomplir davantage avec moins de ressources. Comme je le mentionne ci-dessus, les spécialistes en santé mentale ont dit que la pandémie a accru les besoins en soins de santé pour traiter les cas critiques/complexes; cependant, il n’y a pas eu d’augmentation des effectifs correspondante. Il en a résulté un manque de continuité des soins et la nécessité de trouver des façons de répondre aux changements de rythme opérationnel avec les ressources existantes. On a comparé Trenton à Petawawa, qui jouit de plus de ressources pour faire face à un rythme similaire.

Le CRMF a mentionné que les centres sont extrêmement occupés et que le personnel s’épuise; il est devenu difficile de prendre des périodes de repos.

Langues officielles

Les militaires ont exprimé leur insatisfaction face aux lacunes dans les soins de santé mentale offerts en français. Les membres francophones nous ont décrit les difficultés qu’ils vivent pour obtenir des soins de santé mentale auprès de médecins qui ne parlent pas français. Il y a de longues périodes d’attente pour voir un médecin qui parle français et certaines personnes doivent parcourir de longues distances en voiture pour en voir un.

Les militaires ont indiqué que l’accès à des cours en langue seconde dans tous les métiers améliorerait les soins conformément à la Loi sur les langues officielles. Nous avons appris que les besoins cliniques empêchent souvent le personnel soignant de suivre des cours de langue seconde, ou que ces cours sont offerts plus tard dans la carrière du militaire.

Le CRFM a aussi exprimé des inquiétudes quant à sa capacité d’offrir davantage d’activités en français et à la difficulté de recruter du personnel bilingue.

Infrastructure et équipement

Lors de notre visite, des personnes nous ont fait part de préoccupations quant à l’état des installations à Trenton. On nous a dit qu’il y a des différences entre les centres de loisirs des bases et escadres. On nous a dit que ces différences empêchent le personnel des Programmes de soutien du personnel (PSP) de bien exécuter les programmes.

Nous avons aussi entendu qu’il y a des écarts dans les fonds alloués pour les uniformes des équipes sportives des bases et le Personnel des Fonds non publics (FNP) n’a pas les pouvoirs financiers appropriés pour se procurer l’équipement dont il a besoin pour fournir les programmes et services aux militaires. Les employés des FNP ont dit qu’il faudrait uniformiser les services élémentaires dans l’ensemble des bases et escadre.

Le personnel de soutien s’est dit préoccupé par le fait qu’il doive compter sur les Opérations de l’escadre (opérations immobilières) pour la maintenance et que cela fait souvent obstacle à une prestation réussie des programmes et services. Par exemple, on nous a fait part de problèmes de maintenance des installations aquatiques, qu’on a dû fermer pendant une année alors que les travaux devaient se faire en un mois. Ces délais ont nui à la capacité d’offrir une programmation constante et ont poussé les clients à aller ailleurs.

J’aimerais préciser que beaucoup de ces préoccupations font écho aux plaintes que nous entendons dans l’ensemble de la communauté militaire. Certains de ces enjeux seront intégrés à nos examens systémiques et font partie des points que j’aborde auprès des hauts dirigeants du MDN et des FAC. Je devrais aussi mentionner que mon équipe a, lors de sa visite, échangé avec des individus qui ont fait des plaintes ou demandé des renseignements à titre personnel. Même si je ne le mentionne pas dans le présent compte rendu afin d’assurer une confidentialité absolue dans nos interventions, soyez certain que nous avons communiqué avec ces individus et leur avons offert notre aide au besoin.

Je reconnais aussi que certains des enjeux et difficultés auxquels vous faites face sont hors de votre contrôle. Globalement, la somme des problèmes vécus dans l’environnement unique de Trenton est plus grande que les parties individuelles. Cela dit, je vous invite à continuer de pousser aussi fort que vous le faites pour résoudre les problèmes locaux de votre escadre. N’hésitez pas à communiquer avec moi ou mon bureau si vous avez besoin d’assistance pour quoi que ce soit.

Je tiens aussi à vous remercier, ainsi que votre personnel, pour l’aide que vous nous avez fournie à l’appui d’une visite de prise de contact très réussie.

Veuillez agréer, Colonel Deming, mes sincères salutations.

L’ombudsman,

 

Gregory A. Lick

c.c.: PDG SBMFC

CPM

ALFC

SMA(GI)

[1] https://www.canada.ca/fr/ombudsman-defense-nationale-forces/rapports-nouvelles-statistiques/communiques-declarations-messages/2021/ombudsman-enquete-systemique-familles-militaires.html

Détails de la page

Date de modification :