Allons de l'avant : Lettre

Le 20 janvier 1999
 

L’honorable Art Eggleton, C.P., député
Ministre de la Défense nationale
Quartier général de la Défense nationale
Édifice du mgén G.R. Pearkes
101, promenade Colonel By
Ottawa, Canada K1A 0K2
 

Monsieur le Ministre,
 

Je suis heureux de vous présenter, pour examen, mon rapport intitulé Allons de l’avant – Plan directeur du Bureau de l’Ombudsman. Cette proposition repose sur une vaste recherche de divers modèles d’ombudsmen, ainsi que sur une vaste consultation menée auprès d’un groupe représentatif d’intervenants tant de l’intérieur que de l’extérieur du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes.
 

Les recommandations contenues dans le rapport offrent selon moi les outils nécessaires au fonctionnement d’un bureau neutre, indépendant et crédible qui contribuera à des changements favorables au sein de l’institution.
 

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
 

André Marin
Ombudsman

 

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Introduction

Le plus grand défi que le Bureau de l'Ombudsman doit relever consiste à s'établir rapidement comme un organisme crédible capable d'apporter un changement favorable. À cette fin, après ma nomination, le 9 juin 1998, j'ai aménagé en août 1998 un bureau à l'extérieur des locaux du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes (MDN/FC) et j'ai embauché le personnel requis pour m'aider à élaborer et à mener une consultation. La phase de consultation a mené à la rédaction du présent rapport.
 

L'objet de la consultation comportait trois volets. Le premier volet a permis à mon personnel et à moi-même d'apprendre et de comprendre le fonctionnement du MDN et des FC, étant donné que nous n'avions aucune expérience directe avec l'organisation. Pour ce qui est du deuxième volet, la consultation nous a donné l'occasion de présenter aux employés et aux membres le concept d'un Ombudsman du MDN et des FC. Le troisième volet, le plus important, nous a permis de recueillir des idées et des commentaires sur la réussite du fonctionnement du Bureau. Dans toute la mesure possible, nous avons cherché à déterminer s'il existait un consensus sur certaines questions.

 
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Paramètres de politiques publiques

Au moment de ma nomination, de nombreux points ont été laissés à la consultation que je devais mener, mais vous avez quand même établi plusieurs paramètres de politiques publiques pour le Bureau de l'Ombudsman du MDN et des FC. Ces points constituent la base des recommandations du présent rapport et certains sont même à l'origine de points de vue divergents1 exprimés pendant la consultation. Quoi qu'il en soit, bien que les participants se soient parfois fortement opposés à des questions de politiques publiques déjà décidées, j'ai toujours soutenu que ces questions dépassaient le cadre de la consultation.
 

Situation Hiérarchique 

Je relève directement du ministre de la Défense nationale et je ne fais pas partie de la chaîne de commandement. Je produirai un rapport annuel qui sera rendu public2.
 

Conditions d'emploi

J'ai été nommé avec un mandat de trois ans renouvelable «à titre inamovible».
 

Compétence et mandat fondamentaux

Les injustices et les problèmes individuels et systémiques font partie du mandat du Bureau.
 

Groupe client

L'Ombudsman offrira ses services «aux membres de la Force régulière, aux réservistes et aux anciens militaires, à leurs conjoints, leurs parents ou leurs plus proches parents désignés, ainsi qu'aux employés civils»3.

 

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Méthodologie de la consulation 

La consultation a été élaborée de façon à produire l'information la plus étendue et la plus complète possible dans un laps de temps restreint4. Afin d'accélérer la phase de consultation sans compromettre son exhaustivité, j'ai formé deux équipes de consultation avec des employés du Bureau. J'ai dirigé une équipe tandis que mon conseiller principal en politique Gareth Jones était à la direction de l'autre.
 

Nous avons rencontré plus de 15 000 personnes du MDN et des FC entre le mois d'août et le mois de décembre 1998 - des civils et des militaires des trois éléments et de tous les grades dans diverses régions du pays ainsi qu'en Belgique, en Israël, en Allemagne et en Bosnie. Dans le cas des militaires, les réunions n'avaient pas de caractère officiel et elles regroupaient généralement des militaires du même grade de façon à favoriser la libre expression d'idées sincères, dans toute la mesure possible5. Bien que l'application de cette méthode ait été onéreuse, elle était nécessaire pour que les membres aient plus facilement un accès libre et sans contrainte à moi et à mon personnel. Nous avons aussi rencontré des employés civils chaque fois que cela était possible. Les points de vue exprimés par les participants ont été notés et accompagnent le Plan directeur6. Ce dossier des discussions vous permet d'examiner les remarques qui ont été faites.
 

Nous avons visité le Quartier général de la Défense nationale, des bases, des formations, des escadres, des unités, des stations et des écoles, mais nous avons aussi invité les gens à nous faire parvenir leurs commentaires; pour ce faire, nous avons publié une lettre sur le Réseau d'information de la Défense (RID) ainsi qu'une annonce dans Esprit de Corps, un magazine traitant de questions militaires7. Nous avons aussi publié une lettre semblable dans la Feuille d'érable, le journal officiel du MDN et des FC8.
 

Nous avons également consulté les gens de diverses institutions du genre ombudsman, ainsi que divers ombudsmen militaires et civils9. Cela m'a permis d'étudier et de comparer leur cadre de travail opérationnel et leur mandat respectif. J'ai ainsi pu déterminer les éléments les plus efficaces de l'expérience d'autres organismes de surveillance semblables et adapter ces éléments aux besoins propres du MDN et des FC10. J'ai en outre pu trouver les points faibles qui réduisaient l'efficacité des bureaux d'ombudsmen11. Dans la même veine, j'ai trouvé particulièrement intéressant le Rapport du Vérificateur général du Canada de 1998, dans lequel sont publiés les résultats d'une vérification faite à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Il y a quelques similitudes importantes entre le fonctionnement de la CCDP et celui de l'Ombudsman du MDN et des FC. Les deux ont pour mission de recevoir des plaintes, de faire enquête et de produire des rapports publics sur leurs opérations. En fin de compte, la réussite de la CCDP dépend, comme ce sera le cas pour l'Ombudsman du MDN et des FC, de la crédibilité qu'elle peut établir auprès du gouvernement et du public.
 

La consultation s'est aussi étendue aux anciens membres du MDN et des FC, ainsi qu'à des chefs de file des milieux universitaire et juridique. Nous avons aussi rencontré plusieurs personnes qui ont communiqué avec nous pour demander de l'aide. Ces personnes nous ont exposé leur point de vue sur la façon dont le Bureau devrait fonctionner.
 

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Démarche générale et élaboration du plan directeur

Le travail de l'Ombudsman doit être considéré comme un concept fluide capable de s'adapter aux besoins propres de l'institution que l'Ombudsman a le mandat de desservir. Le contenu et la forme du Plan directeur reflètent cette réalité. Les questions abordées dans le Plan directeur devraient être bien connues de ceux qui, au MDN et dans les FC, ont travaillé au projet d'ombudsman dès le début des années 1990. Quand j'ai été nommé, j'ai en effet pu consulter un tableau intitulé «Mécanismes de règlement des plaintes au MDN et dans les FC» que j'ai joint au Plan directeur. Ce tableau dresse la liste de certains points en suspens tels que «la portée du mandat, les interrelations, l'autorité d'enquête, l'indépendance (locaux, financement, dotation), les modalités et la fréquence des rapports, les facteurs que sont l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, le processus de dotation (reste du personnel) (…)»12. Tous ces points sont repris dans le Plan directeur.
 

Le rôle de l'Ombudsman consiste à donner en tout temps la possibilité de régler les plaintes et les problèmes, ainsi qu'à favoriser le changement dans toute situation où il y a injustice ou iniquité. Le rôle de l'Ombudsman consiste à travailler avec les mécanismes en place de façon indépendante et impartiale. Dans le cas du MDN et des FC, des voies de recours supplémentaires seront bientôt mises en place avec l'adoption du projet de loi C-25. Le Plan directeur respecte non seulement l'existence et le rôle des mécanismes en place, mais il les renforce en offrant au MDN et aux FC toutes les possibilités raisonnables de régler leurs propres problèmes avant que le Bureau de l'Ombudsman n'intervienne officiellement. Même lorsque je trouve que la plainte est justifiée, dans le cadre du régime proposé, le MDN et les FC ont d'autres possibilités de réparer le manquement avant qu'une recommandation ne vous soit transmise.
 

Le Plan directeur prévoit aussi la démarche traditionnelle de conciliation au lieu d'une démarche reposant sur un processus accusatoire. Le Plan directeur reflète en outre le fait que la crédibilité de l'Ombudsman est souvent directement proportionnelle à la crédibilité du processus d'enquête et d'examen qu'il ou qu'elle utilise.
 

Enfin, la transparence et l'obligation de répondre de ses actes dans le cadre du processus ont été insérées dans le modèle que je vous propose. Je considère ces concepts comme essentiels à l'établissement de la crédibilité que nous devons avoir comme organisme de surveillance.
 

Comme vous le savez, un des rôles attribués à l'Ombudsman consiste à servir de «baromètre» ou de «reporteur», et il ou elle s'en acquitte en faisant connaître les préoccupations et les problèmes qui touchent les gens de l'organisation et en proposant des solutions viables et raisonnables. De nombreuses façons, le Plan directeur constitue mon tout premier acte officiel de «baromètre» ou de «reporteur», puisqu'il vous fait connaître les préoccupations et les problèmes mentionnés par les membres du MDN et des FC, entre autres, en ce qui a trait à la manière dont fonctionnera mon Bureau; il vous informe aussi des mesures que je recommande pour les régler.
 

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1 Il y a plusieurs exemples dans le compte rendu de la consultation : «Je ne suis pas en faveur du fait que l'Ombudsman relève du Ministre.» (Rencontre avec Me. Douglas Ruck, c.r., Ombudsman de la Nouvelle-Écosse, le 28 octobre 1998). Beaucoup avaient l'impression qu'une véritable indépendance ne peut pas être obtenue à moins que je relève directement du Parlement : «Pour conserver un air de transparence, les rapports non censurés devraient être remis au Parlement. Les recommandations seront-elles expurgées? L'Ombudsman devrait relever directement du Parlement.» (Réunion avec des MR subalternes, 8e Escadre Trenton, le 8 septembre 1998.) «Établissez les rapports en commun à la législature pour faire disparaître le nuage qui flotte au-dessus de la tête du MDN et des FC. (Réunion avec des MR subalternes, 8e Escadre Trenton, le 8 septembre 1998.) «Comment pouvez-vous critiquer le Ministre, si vous travaillez pour lui?» (Réunion avec les MR subalternes, BFC Gagetown, le 29 octobre 1998). Voyez, cependant, «si l'Ombudsman du MDN relevait du Parlement, il serait le seul ombudsman fédéral à le faire. J'ai l'impression qu'il devrait relever du MDN.» (Déjeuner de travail avec le Commandant et le Conseil de la 8e Escadre, Trenton, le 8 septembre 1998.) «Il est important que l'Ombudsman relève de l'autorité la plus élevée, c'est-à-dire le Ministre.» (Rencontre avec Me. Patrick Robardet, Ph.D., Directeur des affaires juridiques et de la recherche, Bureau du protecteur du citoyen du Québec, le 3 décembre 1998.)
 

2 Me Patrick Robardet, Ph.D., Setting Up An Ombudsman's Office (Basic Principles, Statutory Provisions, Organization and Practices), Document présenté au symposium sur l'intégrité nationale, à Kiev, en Ukraine, les 28 et 29 novembre 1997. «Il faudrait que l'Ombudsman relève, en principe, du plus haut niveau; ceci est exigé par la notion du maintien d'apparence d'indépendance et par la nécessité d'assurer l'efficacité par l'acquisition de l'appui des autorités qui ont le pouvoir d'imposer et de mettre en oeuvre les recommandations.»
 

3 Voir Backgrounder Documentation, le 9 juin 1998.
 

4 Annexe II - Liste des groupes et individus consultés entre août 1998 et janvier 1999.
 

5 Je suis conscient que certains participants pouvaient hésiter à être aussi sincères qu'ils auraient pu l'être sur une tribune de libre expression, même si seuls leurs pairs étaient présents. Pour cette raison, nous avons encouragé tous les militaires à communiquer avec nous directement. Ils ont été nombreux à le faire.
 

6 Nous avons produit un compte rendu de chaque réunion.
 

7 Esprit de Corps - Canadian Military Then and Now, vol. 6, numéro 8, septembre 1998.
 

8 Feuille d'érable, vol. 1, no 9, septembre 1998.
 

9 Annexe II, partie 3 - Liste des ombudsmen et des institutions du genre ombudsman consultées d'août 1998 à décembre 1998. En septembre 1998, j'assistais à la conférence annuelle de 1998 de l'USOA qui s'est tenue à Detroit, au Michigan. À cette conférence assistaient plusieurs centaines d'ombudsmen et de nouveaux représentants de partout dans le monde - il y en avait même une qui venait d'aussi loin que de Namibie. C'est au cours de cette conférence que j'ai invité d'autres ombudsmen à me donner leurs idées, leurs suggestions et leurs recommandations en vue de la mise sur pied de mon Bureau. Ils ont été nombreux à le faire.
 

10 Dean M. Gottehrer et Michael Hostina, Essential Characteristics of a Classical Ombudsman, 1998. «Certains bureaux d'ombudsman sont plus efficaces en raison de leur indépendance, de leur impartialité, de leur crédibilité et de leur confidentialité.»
 

11 Ainsi, la possibilité d'offrir un service confidentiel est essentielle à l'efficacité du Bureau : «De nombreux ombudsmen conservent des dossiers et ne sont pas soumis à la loi qui régit l'accès à l'information - une condition essentielle. La tenue de dossiers mène elle-même à la crédibilité.» (Mme Suzanne Belson, Ombudsman de l'Université Concordia, le 19 août 1998). «Je suis soumise à l'accès à l'information - et cela détruit ce que je fais. J'ai besoin que mes dossiers soient protégés, mais cela n'est pas possible […] donc, je porte très peu de chose aux dossiers. Je ne prends pas de notes.» (Mme Chantal Paradis-Chartier - Ombudsman du personnel, Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le 23 septembre 1998). Pour obtenir plus d'information sur ce point en particulier, voir le chapitre 3 à la rubrique «Confidentialité», à la page 99 du présent rapport. Le pouvoir d'enquête est une autre pierre angulaire du travail de l'Ombudsman et c'est un autre exemple de la façon dont, en l'absence de ce pouvoir, l'efficacité et la crédibilité sont en bout de ligne compromises : «Je n'ai pas de pouvoir d'enquête. Je n'ai pas une telle autorité.» Pour obtenir plus d'information sur les pouvoirs d'enquête, voir le chapitre 4, à la page 139 du présent rapport.
 

12 Annexe III.

 

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