Surveillance civile indépendante : la communauté de la défense ne mérite rien de moins - un exposé de position


PARTIE I – LE CONTEXTE ACTUEL

Un changement de culture dans l’appareil militaire canadien

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Les rouages internes de l’appareil militaire canadien n’ont jamais fait l’objet d’un examen public aussi minutieux et approfondi, beaucoup d’analystes réclamant des changements profonds immédiats. Le scandale le plus récent axé sur l’inconduite sexuelle a révélé l’existence d’une culture qui protège les auteurs d’actes répréhensibles et exige le silence de la part des victimes. Ce n’est pas là un problème nouveau, lequel ne se limite pas à l’inconduite sexuelle. L’observation vaut pour toutes les formes de comportement discriminatoire et d’inconduite, caractérisées par un déséquilibre des pouvoirs et la crainte de représailles. La situation actuelle ne cadre pas avec les attentes que notre pays nourrit à l’égard de ses forces armées ainsi qu’avec l’éthique et les valeurs fondamentales que nos chefs militaires prétendent respecter.

Nos chefs militaires doivent prendre cette alarme au sérieux. Leur solution ne peut plus se limiter à un autre exercice « de contrôle ». Ils doivent examiner rigoureusement la culture qui, enracinée dans les forces armées, a perpétué ces problèmes et prendre des mesures pour réviser en profondeur leurs mécanismes et leurs protocoles internes de recours dans l’intention de regagner la confiance des militaires et de notre pays. Ils n’auront pas la tâche facile.

Peu importe les mesures qu’ils adopteront ou les dispositions qu’ils prendront pour opérer le changement culturel nécessaire, il faudra toujours un mécanisme de surveillance civil indépendant.

Nécessité d’une surveillance civile

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Le Bureau de l’ombudsman a été créé il y a vingt‑trois ans, en dehors de la chaîne de commandement, mais il a des liens administratifs avec le ministère de la Défense nationale et il rend compte à un ministre nommé par le parti politique au pouvoir. Nous réclamons une indépendance totale depuis la création du Bureau, mais la volonté politique de la concrétiser a été nulle. Le scandale récent axé sur l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes illustre tristement comment des commettants sont laissés pour compte dans un système fermé ne comportant aucun mécanisme de recours totalement indépendant.

Des témoins ayant comparu devant le Comité parlementaire au sujet de l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes ont mis en lumière le fait que les victimes et les témoins sont moins susceptibles de se manifester quand ils doivent faire valoir leur point de vue en passant par un système qu’ils perçoivent comme contribuant à la création des circonstances qui ont mené à l’inconduite ou à la mauvaise gestion qu’ils ont subie. Il semble exister un consensus selon lequel il faut un régime de surveillance extérieur à la chaîne de commandement et à tout autre intérêt direct, qu’il soit politique ou administratif.

Les membres de la communauté de la Défense peuvent déjà recourir au Bureau de l’Ombudsman et en attendre une intervention indépendante et confidentielle et une évaluation impartiale et équitable de leur cas. Toutefois, le Bureau pourrait mieux servir ses commettants s’il n’était pas entravé par un mandat insuffisant, ou s’il n’était pas exposé à l’ingérence.

Examen de la justice militaire – Le rapport du juge Fish

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Parallèlement, mais sans que ce soit lié au scandale axé sur l’inconduite sexuelle, une autorité chargée de l’examen indépendant des dispositions de la Loi sur la défense nationale concernant la justice militaire faisait son travail sous la direction de Morris Fish, ancien juge de la Cour suprême. Le Bureau de l’ombudsman a été invité à comparaître devant l’autorité susmentionnée, non pas parce qu’il est mentionné dans ces dispositions, mais parce que cette dernière a reconnu que le Bureau joue un rôle dans le fonctionnement global du système de justice militaire.

Dans son rapport publié le 2 juin 2021Note de bas de page 1 , le juge Fish a souligné qu’un examen du Bureau de l’ombudsman se situait en dehors de la portée de son mandat, mais il a reconnu l’importance d’une surveillance indépendante. Le juge Fish a fait valoir dans une recommandation qu’il « [faudrait] un examen indépendant des mécanismes de surveillance et de redressement pour les Forces armées canadiennes ». Plus précisément, il a déclaré que l’examen devait viser à établir si des mesures supplémentaires s’imposaient pour renforcer l’indépendance et l’efficacité du Bureau de l’ombudsman.

Avec le plus grand respect, j’affirme qu’il n’est pas nécessaire de procéder à un autre examen indépendant. Il y a eu dans le passé un certain nombre d’examens et d’études et aussi des tentatives d’adopter des demi‑solutions pour régler le problème, mais il n’y a eu aucun impératif politique pour agir. Je suis d’avis que ce tout dernier scandale est peut‑être ce qui incitera ceux et celles qui exercent le pouvoir à réagir et à passer à l’action pour introduire des changements institutionnels.

Études antérieures et appels en faveur d’un mécanisme de surveillance indépendant

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La nécessité d’assujettir les forces armées à un mécanisme de surveillance indépendant a été étudiée ad nauseum. Cette question a fait l’objet d’études par diverses autorités dès 1977. Les contextes et les mécanismes proposés ont varié, mais le thème commun est qu’un mécanisme de surveillance indépendant est nécessaire pour réduire le nombre d’abus dans le système militaire fermé. L’annexe A du présent exposé fait voir une chronologie plus complète et une liste détaillée des études antérieures. Cependant, le survol suivant des études les plus pertinentes aide à comprendre l’étendue de l’analyse qui a abouti à la création du Bureau de l’ombudsman.

Le concept d’un ombudsman fédéral général dont le domaine de compétence inclurait aussi les Forces armées canadiennes a été envisagé pour la première fois en 1977; il a été débattu, mais il n’a suscité aucun intérêt politique véritableNote de bas de page 2 . Dans la deuxième moitié des années 1990, la réputation des Forces armées canadiennes était à son plus bas, avec la couverture médiatique constante du scandale en Somalie et du mauvais traitement fait aux femmes militaires, particulièrement en matière d’agression sexuelle et de harcèlement. Ces incidents ont mis en évidence un certain nombre de faiblesses dans l’administration, la reddition de comptes et les mécanismes de règlement des plaintes au sein des Forces armées canadiennes. Tout cela a entraîné une série d’enquêtes, de rapports et d’analyses de la part des forces armées elles‑mêmes et aussi d’experts de l’extérieur engagés pour examiner les systèmes défaillants.

En 1995, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont chargé le brigadier‑général (retraité) Doshen de recommander des solutions de rechange aux « mécanismes de recours » existantsNote de bas de page 3 . Il a conclu qu’un bureau de l’ombudsman classique serait le meilleur mécanisme pour régler les plaintes, mais que la création d’un bureau institutionnel de l’ombudsman coûterait sans doute moins cher. Le Bgén Doshen s’est ensuite vu confier le soin de dresser le plan de mise en œuvre d’un bureau de l’ombudsmanNote de bas de page 4 . Le plan a été mis en sommeil en 1997 par les chefs supérieurs des forces armées, parce qu’ils craignaient qu’un mécanisme de surveillance indépendant érode l’autorité et le leadership militaires.

En 1996, un examen complet du leadership et de la gestion des Forces armées canadiennes a été entrepris par feu le juge en chef du Canada Brian Dickson à la demande du ministre de la Défense nationale de l’époqueNote de bas de page 5 . Le Rapport Dickson précisait ce qui suit :

[…] Il est très important que les membres des Forces canadiennes puissent s'exprimer, compte tenu des exigences de la chaîne de commandement, afin qu'on puisse enquêter de façon indépendante sur leurs préoccupations et leurs plaintes et, s'il y a lieu, qu'on prenne les mesures qui s'imposent. Car, au sens le plus large, le système de justice militaire doit comprendre un mécanisme efficace et indépendant qui permette aux militaires d'exprimer leur opinion sur tout aspect de l'institution militaire, sans qu'ils estiment n'avoir d'autre recours que de s'adresser aux médias. Un tel mécanisme aurait pour effet, éventuellement, de renforcer la chaîne de commandement. 

…Nous tenons à souligner qu'il ne faut pas de mécanisme de surveillance seulement pour le système de justice militaire et la police militaire. Un mécanisme de surveillance est aussi essentiel pour traiter de toutes les questions à l'égard desquelles les membres des Forces canadiennes voudraient pouvoir s'exprimer et être entendus.

…Nous recommandons qu'un bureau indépendant d'examen des plaintes et de surveillance du système, par exemple un ombudsman militaire relevant directement du ministre de la Défense nationale, soit créé dans les Forces canadiennes.

Le Rapport de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie (juin 1997)Note de bas de page 6  recommandait de modifier la Loi sur la défense nationale afin de mettre en place un corps d’examen civil indépendant (appelé inspecteur général) aux compétences indépendantes et bien définies, aux pouvoirs exhaustifs et relevant directement du Parlement. La Commision a insisté sur la nécessité d’un engagement renouvelé en faveur des principes d'indépendance, d'impartialité, de transparence, d'objectivité et de protection contre les représailles pour tous les membres de l'institution :

[…] si l’on ne fait rien pour y remédier, les problèmes qui ont surgi dans le désert somalien et dans les salles de réunion du Quartier général de la Défense nationale continueront d'engendrer l'ignominie dans les milieux militaires. Les victimes en seront le Canada et sa réputation internationale.

Création du Bureau de l’ombudsman du MDN et des FAC

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Le ministère de la Défense nationale a rejeté la recommandation de la Commission d’enquête sur la Somalie qui demandait de mettre sur pied un bureau de l’Inspecteur général qui rendrait compte au Parlement. En fin de compte, le Bureau de l’ombudsman a été créé avec une structure qui le faisait relever du ministre de la Défense nationale. En 1998, le premier ombudsman a été nommé et chargé d’élaborer un cadre opérationnel pour son organisation. Les résultats d’une vaste consultation, menée à l’étranger et au Canada, sont décrits dans le rapport intitulé Allons de l’avant – Plan directeur du Bureau de l’ombudsman (janvier 1999)Note de bas de page 7 .

Conformément aux recommandations du rapport Allons de l’avant, le mandat du Bureau de l’Ombusman a été établi en vertu de Directives ministérielles qui contenaient une disposition explicite selon laquelle le Bureau serait indépendant de l’administration du Ministère et de la chaîne de commandement militaire.

L’intention était que le Bureau de l’ombudsman fonctionnerait aux termes des Directives ministérielles pour une période initiale de six mois afin de permettre aux intervenants d’évaluer son efficacité, avant que sa création soit sanctionnée par une loi. Après la publication des Directives ministérielles, les consultations et les négociations concernant le libellé de la loi se sont poursuivies entre les intervenants pendant l’été de 2001, date où elles ont été rompues. Le Bureau de l’ombudsman s’est ainsi trouvé pris avec une structure de gouvernance inadéquate qui n’avait jamais été conçue pour durer longtemps.

Études faites par l’Ombudsman

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Au cours de nos vingt-trois années d’existence, chaque titulaire du poste d’ombudsman a constaté les effets de la structure de gouvernance inadéquate et a souligné la nécessité de l’indépendance et de la permanence que confirmerait un mandat prescrit par la loi. Notre bureau a publié de multiples rapports pour demander une loi qui remédierait au piètre régime de gouvernance et aux effets de l’ingérence administrative minant son indépendance. Sans un élément saisissant qui capte l’attention du public, les rapports de ce genre tendent à n’avoir aucune suite. En ce qui concerne nos multiples demandes réclamant l’indépendance de notre bureau et l’adoption d’une loi, personne dans les milieux politiques ou autres ne s’y est intéressé. Malheureusement, il faut qu’un scandale se produise pour sensibiliser le public à l’importance et à toutes les répercussions de ces enjeux.

Précédents internationaux

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Le juge Fish a recommandé que d’autres études portent sur la façon dont d’autres démocraties gèrent le régime de surveillance de leurs forces armées. L’annexe B du présent exposé décrit les pouvoirs et les compétences de nos homologues internationaux. D’autres pays ont choisi de donner à leurs organismes de surveillance de l’appareil militaire des pouvoirs législatifs avec suffisamment de mordant pour qu’une suite soit donnée à leurs recommandations. Il est honteux que le Canada soit le seul pays du Groupe des cinq qui ne l’ait pas fait.

Pourquoi un régime de surveillance indépendant n’existe-t-il pas déjà?

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Les études et les autorités affirment toutes que, pour être efficace, le régime de surveillance ne doit aucunement être assujetti à l’influence et au contrôle de ceux qu’il vise. Dans le contexte de nos institutions militaires, cela signifie que le régime doit être indépendant de la chaîne de commandement militaire et de l’administration du ministère civil dans lequel les forces armées sont intégrées. De plus, l’organisme de surveillance doit rendre compte à une entité n’ayant aucun intérêt politique à protéger l’image et l’administration du Ministère et des Forces armées canadiennes.

En dépit d’un accord de principe apparent, tous les efforts faits pour négocier la mise sur pied d’un régime d’indépendance pour le Bureau ont été sabordés par les chefs militaires et les dirigeants du Ministère qui ne voulaient aucunement qu’un organisme extérieur soit autorisé à examiner leur comportement.

La même résistance à toute forme de surveillance indépendante est évidente dans la façon dont les Forces armées canadiennes et le Ministère ont donné suite aux recommandations du Rapport DeschampsNote de bas de page 8  (2015) sur l’inconduite sexuelle. Sept ans après la publication de ce document et face à une nouvelle vague d’indignation publique, les dirigeants militaires et ministériels font leur mea culpa et promettent de faire mieux cette fois‑ci. Ils ont même admis que les recommandations du rapport susmentionné avaient en grande partie été traitées comme une « liste de contrôle »Note de bas de page 9 .

Cette admission prouve incontestablement à elle seule que les dirigeants des Forces armées canadiennes et du Ministère ne doivent pas avoir voix au chapitre lorsqu’il s’agit de décider si et comment ils doivent faire l’objet d’une surveillance.

PARTIE II – L’OMBUDSMAN : UNE PARTIE DE LA SOLUTION

La raison d’être d’un ombudsman est de faire la lumière sur des questions que les responsables des contrôles bureaucratiques conventionnels ont négligées ou auxquelles ils sont passés outre. L’ombudsman s’intéresse aux cas éventuels d’abus de pouvoir ou de mauvaise gestion qui touchent ceux et celles qui sont sans voix. De par sa nature, l’ombudsman accroît la confiance dans le système, car les membres des Forces armées canadiennes et le grand public savent qu’il y a un organisme de surveillance indépendant dont la seule raison d’être est d’attirer l’attention sur les problèmes et de formuler des recommandations pour améliorer le système quand il fait défaut.

Loi proposée

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Le Bureau de l’ombudsman a été mis sur pied pour régler les plaintes concernant l’injustice et la mauvaise gestion dans les Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale. Le Bureau fonctionne en se conformant aux principes régissant la fonction de tout ombudsman : l’équité, l’indépendance, l’objectivité et la confidentialité.

L’ombudsman se penche sur diverses questions au niveau tant individuel que systémique, et il formule des recommandations visant à remédier aux injustices et à apporter des changements positifs durables. Quand les commettants du Bureau estiment que les mécanismes en place leur ont fait faux bond, il peut examiner le processus et la décision concernés afin d’établir si le critère de l’équité a été respecté. Le Bureau examine toutes les questions avec impartialité et en se fondant sur la preuve et il se peut qu’il conclue parfois qu’une plainte est sans fondement.

Nous avons rempli notre mandat avec succès, gagné la confiance de nos commettants et contribué au mieux‑être continu de la communauté de la Défense, mais nous avons dû le faire en composant avec diverses entraves organisationnelles. Afin de desserrer ces dernières, tout en conservant nos fonctions fondamentales, nous proposons l’adoption de la loi dont le libellé provisoire fait l’objet de l’annexe C du présent exposé.

La loi proposée ne s’écarte ni des principes qui fondent le Bureau ni des fonctions essentielles qu’il a remplies au cours des 23 dernières années. Les éléments de son mandat qui ont produit de bons résultats ont été conservés, et ceux qui ont été déficients ont été renforcés. La version provisoire de la loi vise à confirmer la permanence du Bureau, à lui procurer une indépendance administrative totale à l’égard des institutions qu’il supervise, à lui garantir une structure hiérarchique lui permettant de sensibiliser le Parlement aux questions délicates, et à favoriser l’adoption d’autres mesures pour renforcer son efficacité et son efficience.

Pouvoirs stables

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À ce stade‑ci, le Bureau de l’ombudsman n’existe pas aux termes d'une loi. Il existe plutôt en vertu de Directives ministériellesNote de bas de page 10  qui peuvent être annulées ou modifiées n’importe quand. Ces directives ne sont en vigueur que par le biais d’un décret signé par les dirigeants des institutions que le Bureau supervise. Cela signifie que ce dernier pourrait en fait être dissous ou rendu inefficace n’importe quand par l’apport de changements aux directives ou au décret.

Sans pouvoirs stables intégrés dans la loi, les seuls éléments protégeant le Bureau de l’ombudsman sont le bon travail qu’il accomplit et les retombées politiques éventuelles que pourrait produire son démantèlement.

Le projet de loi présenté dans l’annexe C procure au Bueau de l’Ombudsman la permanence et la stabilité qu’il lui faut pour continuer son travail à l’appui de la communauté de la Défense.

Indépendance

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Le mandat actuel du Bureau de l’ombudsman comprend une disposition explicite selon laquelle le Bureau est indépendant de la chaîne de commandement militaire et de l’administration du ministère de la Défense nationale, mais il se heurte constamment à des problèmes de gouvernance et à une ingérence dans ses activités.

En l’absence d’une loi, l’Ombudsman dépend du sous‑ministre de la Défense nationale pour obtenir les autorisations nécessaires relativement à ses ressources humaines et financières. Le Bureau est constamment en train de négocier ses pouvoirs délégués et d’affirmer son indépendance, et il obtient souvent des résultats décevants. Il a publié divers rapports mettant en lumière les difficultés administratives et opérationnelles inhérentes à cette structure et à la façon dont elles nuisent à l’efficacité du BureauNote de bas de page 11 .

Aspect plus troublant, le Bureau de l’ombudsman risque de voir ses pouvoirs modifiés ou supprimés en représailles de la surveillance exercée. Par exemple, les membres du personnel du Bureau sont actuellement considérés comme étant des employés du Ministère; c’est là un fait que ce dernier a cité pour justifier son ingérence dans les affaires du Bureau. Des cas subtils et insidieux ont porté à croire qu’il existe une tendance à user de représailles d’ordre personnel et institutionnel.

La loi proposée procurerait à l’Ombudsman une indépendance administrative et structurelle complète par rapport au Ministère; il pourrait donc remplir ses fonctions sans entrave. D’autres dispositions protégeraient le Bureau contre les poursuites au criminel ou au civil pour des mesures prises de bonne foi dans le cadre de ses fonctionsNote de bas de page 12 .

Structure hiérarchique

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Le fait que le Bureau de l’ombudsman relève du ministre chargé des institutions qu’il supervise suscite des préoccupations également. Peu importe le parti qui forme le gouvernement, le ministre responsable du portefeuille de la Défense voudra contrôler tout ce qui se dira au sujet du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Bien qu’il soit en général facile d’entretenir une relation hiérarchique objective et apolitique avec le ministre de la Défense nationale, les intérêts politiques risquent de se manifester juste avant une période électorale ou en période de crise.

Aux termes de notre mandat actuel, nos rapports sont d’abord mis en attente chez le ministre, ce qui en retarde la publication et la diffusion. Le Bureau a reçu des instructions ministérielles sur l’exécution d’enquêtes systémiques, mais ces instructions ont ensuite été révoquées sans justification opérationnelle. Nous avons aussi vu les dirigeants se cantonner dans l’inaction à l’égard de renseignements délicats risquant de s’avérer peu flatteurs pour les Forces armées canadiennes et le Ministère. Cette situation ne peut plus durer.

Si le Bureau relevait directement du Parlement, toute influence politique serait éliminée, et les recommandations et renseignements pertinents concernant les Forces armées canadiennes et le Ministère parviendraient à tous les députés en temps opportun. Dans le projet de loi constituant l’annexe C, il est proposé que l’Ombudsman relève directement du Parlement.

Confidentialité

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La confidentialité est l’un des principes fondamentaux de la fonction d’ombudsman. À moins d’une solide garantie de confidentialité, les commettants risquent d’hésiter à venir exposer à l’ombudsman leurs plaintes sur la mauvaise gestion ou l’inconduite.

Tant lors des délibérations des comités parlementaires que dans la presse, des militaires ou des employés ont déclaré qu’ils avaient choisi de ne pas s’adresser aux mécanismes internes de règlement des plaintes au sein de l’appareil militaire parce qu’ils craignaient des représailles ou des conséquences pour leur carrière. C’est une des raisons pour lesquelles il est essentiel qu’existe une voie confidentielle que nos commettants pourraient emprunter pour signaler des problèmes sans crainte de représailles.

En l’absence d’une loi, les moyens dont le Bureau de l’ombudsman se sert pour protéger la confidentialité de ses commettants peuvent être légalement déjoués par n’importe quel organisme ayant l’autorité légale d’exiger des documents. Nous avons constamment fait obstacle à de telles exigences et nous avons toujours fait valoir avec succès le critère de la confidentialité. À ce jour, nous n’avons jamais divulgué des renseignements confidentiels de nos commettants sans leur consentement. Malgré tout, il est essentiel que ce principe clé soit protégé par la loi.

Le projet de loi présenté à l’annexe C protège par le sceau de la confidentialité les communications des commettants avec le Bureau et il contient une disposition protégeant explicitement l’Ombudsman et son personnel contre toute obligation de témoigner ou de fournir des preuves au sujet de questions liées à l’exercice des fonctions du Bureau.

Un mandat prescrit par la loi protégerait aussi les renseignements recueillis pendant les enquêtes en les catégorisant dans les exceptions prévues par les lois sur l’accès à l’information et sur la protection des renseignements personnels et par les règlements connexes.

Signalement et transmission aux échelons supérieurs

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Le principal moyen dont le Bureau de l’ombudsman dispose pour favoriser l’apport de changements positifs consiste à formuler des recommandations. Cependant, ces dernières ont peu de valeur pour la communauté de la Défense si elles ne sont pas mises en œuvre. Heureusement, le Bureau possède des outils qui aident à garantir qu’un suivi leur soit donné.

La majorité des demandes de renseignements que nous recevons proviennent de militaires des Forces armées canadiennes en activité de service. Cela signifie que la plupart des efforts opérationnels que nous faisons pour régler les problèmes comportent des communications avec des autorités des Forces armées canadiennes. En général, celles‑ci coopèrent avec nous, et nous pouvons parvenir à une solution sans qu’il faille aller plus loin.

Aucune organisation n’aime qu’une autre partie supervise ou examine ses activités. Il faut s’attendre à de la résistance.

Un des principaux outils dont mon bureau dispose pour exercer des pressions est sa capacité de rendre ses rapports et constatations accessibles au public. Il peut aussi contrôler ses communications et faire des déclarations à la presse. Le projet de loi faisant l’objet de l’annexe C consacrerait ces pouvoirs en permanenceNote de bas de page 13 .

Ce sont là de puissants outils, mais ils ne conviennent pas dans toutes les circonstances. Mon bureau doit souvent traiter des plaintes de nature délicate qui sont déposées par des commettants ne voulant pas nécessairement que nous rendions leur cas public, ou que leur identité soit révélée. Nous cherchons toujours à régler les problèmes au niveau le plus bas possible de la hiérarchie, mais sans la possibilité de rendre l’affaire publique, nous devons pouvoir la porter à l’attention d’autorités supérieures en cas d’inaction ou de retards inacceptables.

C’est pourquoi le projet de loi présenté à l’annexe C contient des dispositions exigeant des autorités qu’elles répondent à nos recommandations et nous permettant de transmettre les dossiers aux paliers supérieurs de la hiérarchie du Ministère et de la chaîne de commandement militaire, jusqu’au ministre et, en fin de compte, au Parlement.

PARTIE III – CONCLUSION

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Le cycle des scandales, suivis par des études, des recommandations émanant de mécanismes de surveillance indépendants, des demi‑solutions et la résistance du Ministère ou des Forces armées canadiennes, ne sera brisé que si des mesures sont prises.

Le Bureau de l’ombudsman réclame l’indépendance dans son rôle d’organe de surveillance objectif au service de la communauté de la Défense. Il a fait de son mieux pour remplir cette fonction avec des pouvoirs insuffisants, mais il est clair qu’il lui faut un mandat sanctionné par la loi et ayant le mordant voulu. Le Bureau a exercé des pressions morales avec succès, et ses recommandations sont acceptées en principe, mais il lui faut des outils de protection et des pouvoirs plus grands pour mieux servir la communauté susmentionnée et tenir les dirigeants responsables de la mise en œuvre de nos recommandations.



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