Jean-Pierre Blais au Festival mondial des médias de Banff

Discours

Banff (Alberta)
Le 13 juin 2017

Jean-Pierre Blais, Président
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

Priorité à l’allocution

Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à venir vous adresser la parole aujourd’hui.

Je tiens à souligner que notre rencontre aujourd’hui se tient sur le territoire traditionnel couvert par le Traité no 7 avec les Premières Nations. Je les remercie et rend hommage à leurs aînés.

Ce matin, je veux parler de ceci : rompre avec le statu quo. Dans cet esprit, j’ai pensé que moi-même, je contreviendrais quelque peu aux conventions. Je vais vous présenter un prologue, un discours et un épilogue, plutôt qu’un simple discours.

Prologue

Je vais commencer avec quelques réflexions sur la diversité. Ce sujet me tient à cœur et, en tant qu’institution, nous avons pris des mesures importantes pour faire avancer cette cause. Permettez-moi de vous citer quelques exemples.

Le système canadien de radiodiffusion joue un rôle important afin de faire progresser la réconciliation entre les communautés autochtones et la société canadienne, et le CRTC veut faire en sorte que les communautés autochtones soient bien servies. Par le biais de notre audience récente sur des licences radio, nous posons des gestes importants afin de corriger l’absence historique de service du système de radiodiffusion à l’intention des communautés autochtones des régions urbaines. En raison de leur nombre, les gens de ces communautés ne constituent pas une force au sein du marché. Mais en tant que citoyens et premiers habitants de ce pays, ils ont le droit d’avoir accès aux services de communications dont ils ont besoin pour contribuer à l’expérience culturelle du Canada. Notre décision sur les licences sera rendue publique au cours des prochains jours.

Récemment, le CRTC a pris des mesures afin de s’assurer que les Canadiens qui ont un trouble d'audition ou de la parole soient bien servis par le système de communication. Le service de relais vidéo, ou SRV, du Canada a été lancé en septembre dernier. Fruit d’une décision du CRTC prise en 2014, le SRV renforce la capacité des Canadiens dont la première langue est l’ASL ou la langue des signes québécoise à participer pleinement au système de communication du Canada, et globalement, à la société canadienne.

Ce n’est pas tout. En avril, lors du Gala de remise de prix de Femmes en communications et technologie, j’ai annoncé que le CRTC amorcera une discussion sur la représentation des femmes dans des postes de direction dans les activités de production visuelle.

À l’interne, nous avons agi pour faire en sorte que notre main-d’œuvre soit représentative de la population canadienne, y compris des membres des communautés autochtones du Canada. Parmi les 417 personnes qui travaillaient au CRTC en mars 2016, 16 provenaient des communautés autochtones. Par ailleurs, 59 autres s’identifiaient comme faisant partie d’une minorité visible. Ces deux chiffres sont supérieurs aux statistiques disponibles sur la population active actuelle.

En partenariat avec Tungasuvvingat Inuit, nous avons lancé un programme destiné à créer des occasions d’emploi et de développement pour les Inuit, ainsi qu’à sensibiliser davantage le personnel du CRTC à la culture Inuit. Imaginez si le gouvernement du Canada, le plus important employeur au pays, en faisait autant. Cela voudrait dire plus de 700 postes pour les jeunes Canadiens Inuits.

De plus, dans la cadre de notre projet de commémoration Canada 150, nous avons renommé nos salles de réunion à notre siège social de Gatineau. La salle de réunion du président porte maintenant les noms de Jonah Kelly et de Jose Kusugak, deux radiodiffuseurs Inuits d’influence. Et notre salle de réunion principale porte le nom de Réal Therrien, un ancien vice-président aux Télécommunications qui a joué un rôle crucial pour faire en sorte que les services de télécommunications atteignent les collectivités du Nord.

Enfin, j’aimerais prendre un moment pour une réflexion personnelle. Alors j’étais avocat au CRTC à la fin des années 1990, j’ai travaillé sur plusieurs dossiers, dont l’un était la demande pour un service de télévision qui allait devenir le Réseau de télévision des peuples autochtones, l’APTN, le premier réseau au pays par et pour les communautés autochtones. Mes collègues et moi-même tentions de trouver un moyen d’en assurer la réussite, dans la mesure où une licence devait être accordée. Or, un soir, je relisais la Loi sur la radiodiffusion et je suis tombé sur l’article 9(1)h). À ce moment, j’ai réalisé qu’il pouvait être invoqué pour accorder la distribution obligatoire d’APTN au sein des services de télévision de base partout au pays, ainsi que des frais d’abonnement obligatoires.

Depuis, APTN est devenu un important média sur le plan culturel, et même très important s’il en est. Le réseau a remporté plusieurs prix pour la qualité de son journalisme d’enquête. J’ai hâte de voir leurs réalisations au cours des prochaines années.

L’utilisation de l’article 9(1)(h) a aussi permis la distribution d’autres services importants et d’intérêt public pour les Canadiens, y compris le service qu’offrent les assemblées du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Certes, je suis fier de nos réalisations; mais il faut faire plus. Et je vous encourage à examiner vos propres façons de faire par rapport à ces enjeux importants.

À l’époque de la radiodiffusion des années 1990, l’APTN était l’exemple parfait du média qui allait au-delà des normes. Ici, pour la première fois, un service traitait des besoins particuliers des communautés autochtones du Canada. Quelle idée! Aujourd’hui, le paysage de la radiodiffusion est nettement différent, ce qui m’amène au discours principal que je vous ai promis aujourd’hui, soit rompre avec le statu quo.

Rompre avec le statut quo

Je commencerai en vous ramenant au 12 juin 2013 alors que j’ai pris la parole à cette tribune pour la première fois. À ce moment, en poste depuis environ un an, j’ai alors partagé avec vous certains des nouveaux moyens auxquels avait recours le CRTC pour mobiliser les Canadiens et modifier ses manières de réglementer. Nous avons amené les Canadiens à participer à nos conversations sur le code sans fil, les renouvellements de licence et les décisions sur la propriété, et ce, au moyen d’outils comme les forums de discussion en ligne que le CRTC n’avait jamais utilisés auparavant pour créer des dossiers publics.

Nous avons également amené les Canadiens au cœur des discussions sur des enjeux comme l’avenir de la télévision, les nouveaux services de télécommunications pour les Canadiens aux prises avec un handicap et la connectivité à large bande. Depuis, nous avons évolué pour devenir une organisation plus inclusive qui analyse les faits à partir d’un bassin de sources plus grand que jamais — une organisation qui agit de manière ouverte et transparente, jamais derrière des portes closes. Nous avons adapté notre propre façon de penser et d’agir, passant d’un mode qui était quasi exclusivement prescriptif — vous ferez ceci, vous ferez cela — à un mode qui s’appuie beaucoup plus sur les résultats.

En cours de route, nous avons rendu plusieurs décisions importantes. Nous avons remis en question des croyances de longue date et ancrées dans la tradition quant à la manière dont s’effectuent la création et la distribution du contenu canadien. Nous avons mis au défi les producteurs, les radiodiffuseurs et les distributeurs de penser plus globalement que jamais — à l’échelle mondiale plutôt qu’à l’échelle nationale ou régionale. Nous avons établi que la large bande constitue un service de base.

Autrement dit, nous avons aidé le système de communications du Canada à se préparer pour un avenir où la large bande constitue une technologie omniprésente.

Encore une fois, autrement dit, nous avons rompu avec le statu quo.

Tous les amateurs de café dans cette salle connaissent peut-être le nom de Howard Schultz. C’est l’ancien PDG d’une petite entreprise nommée Starbucks. Vous en avez peut-être entendu parler. M. Schultz était un des moteurs de l’identité de l’entreprise, telle que nous la connaissons : un endroit où l’on trouve du bon café et où on peut passer du temps — un endroit pour se rassembler.

Un pur innovateur, un jour, M. Schultz a eu cette citation célèbre : « Aujourd’hui, toute entreprise qui préfère le statu quo comme principe de fonctionnement se dirige vers la mort. »

Je ne peux songer à des mots plus justes, en particulier dans le monde des communications et des médias.

Sachez-le : l’enjeu, c’est la large bande!

J’ose dire que la plupart des gens dans cette salle évoluent dans le monde de la radiodiffusion. Certains diraient que c’est aussi mon cas. Et je peux comprendre pourquoi. Le CRTC possède une longue histoire ancrée presque exclusivement dans la surveillance du secteur de la radiodiffusion.

Pierre Juneau, dont le nom a été donné aux prix Juno et qui est aussi maintenant celui de l’atrium du siège social du CRTC, a présidé le Conseil de la radio-télévision canadienne à ses débuts. Son mandat et celui du groupe qu’il présidait portait sur la radiodiffusion — seulement la radiodiffusion. La convergence est survenue en 1976 seulement. Ma foi, comme les choses ont changé, pas uniquement en théorie, mais en pratique.

Aujourd’hui encore, les gens associent le plus fréquemment le CRTC à la radiodiffusion. À leur avis, notre travail porte sur la radiodiffusion et le contenu, sur les quotas et les règles, et c’est tout.

Ils ne pourraient se tromper davantage. Les véritables révolutions sont imperceptibles, en premier.

Actuellement, environ deux tiers de notre travail est axé sur le volet télécommunications de notre grand livre. (S’il existe encore un grand livre conventionnel avec des colonnes bien définies pour chaque industrie. Car la ligne de démarcation entre la radiodiffusion et les télécommunications qui était jadis si bien définie est de plus en plus floue.)

De plus, l’importance de notre travail en télécommunications — et vous pouvez mesurer cela comme vous le voulez : en dollars, en volume, avec l’effet — continuera de s’accroître au fil du temps. Telle est l’influence, l’omniprésence de la large bande aujourd’hui.

La large bande est partout — presque littéralement, grâce aux appareils mobiles. Et cela touche à tout. C’est bien plus que le moyen qui fournit des soins de santé, des services gouvernementaux ou de communications et tant d’autres éléments qui sont essentiels dans nos vies. C’est la plateforme qui permet leur concrétisation. C’est la raison pour laquelle existent des notions comme les résultats en temps réel, la communication de machine à machine, les applications et, j’oserais dire, les fausses nouvelles.

Pour ces raisons, la large bande occupe une place prépondérante dans nos esprits au CRTC. Chose certaine, c’était la raison d’être de notre décision sur les services de télécommunications de base que nous avons publiée en décembre dernier. Lors de notre consultation publique, nous avons demandé aux Canadiens de nous parler des services dont ils ont le plus besoin afin de participer à l’économie numérique. Plus de 50 000 personnes ont répondu à l’appel.

De manière non équivoque, les Canadiens nous ont dit que la large bande améliore leur qualité de vie et leur procure des outils en tant que citoyens. Ils nous ont indiqué que cela les met en lien avec leurs semblables partout à l’échelle de notre grand pays et de la planète. Et ils nous ont dit que c’est l’étincelle qui allume leur caractère novateur et stimule leur esprit créatif.

En fait, ils nous en ont dit davantage. Ils nous ont mentionné qu’un accès déficient à la large bande nuisait à leur bien-être social et économique. Un accès limité à la large bande (quand ce n’est pas l’absence d’accès) étouffe la croissance économique et porte atteinte à leur qualité de vie. Malheureusement, cette situation ne saurait être plus visible dans les collectivités nordiques et éloignées du Canada, où de manière chronique, les fournisseurs de services de télécommunications au pays n’ont pas donné suffisamment de services aux gens.

Notre décision de décembre a pris tout cela en considération. Et plus que jamais, elle a déplacé le centre d’attention de la régulation, mettant de côté la voix pour faire primer la large bande.

Notre décision a fixé l’accès Internet à large bande comme le point de départ pour tous les Canadiens. C’est la nouvelle norme de base pour tous.

Elle a établi de nouveaux objectifs pour ces services de base. Les services à large bande fixe doivent maintenant s’accompagner d’une option de forfait d’utilisation illimitée de données, et la technologie sans fil mobile devrait être non seulement à la disposition des foyers et des entreprises, mais aussi être accessible sur les grands axes routiers du pays.

Elle fixe de nouvelles cibles ambitieuses — des vitesses de 50 mégabits par seconde (mbps) pour le téléchargement et de 10 mbps pour le téléversement dans le cas de l’accès à la large bande fixe. Ces vitesses sont 10 fois plus élevées comparativement à celles que nous avions fixées il y a à peine cinq ans. Et puisque l’accès à la large bande avec ces cibles est loin d’être universel au Canada, la décision a prévu la mise sur pied d’un nouveau fonds de 750 millions de dollars afin de soutenir les projets dans les régions qui ne peuvent satisfaire, ou peut-être devrais-je dire qui n’ont pas encore satisfait, à ces nouveaux niveaux de service.

Je ne dirais pas que notre décision, de manière absolue, a établi la connectivité comme un droit de la personne fondamental pour les Canadiens. Une telle déclaration dépasse le cadre de notre Conseil. Mais je dirais que notre objectif est qu'aucun Canadien ne se voie refuser un tel accès.

Cela dit, il reste du travail à faire et des lacunes à combler. L’abordabilité est un exemple. Le coût de la large bande peut être élevé. Selon un sondage récent d’EKOS réalisé au nom du CRTC sur l’utilisation des services de télécommunications par les Canadiens, environ 66 p 100 des répondants limitent leur utilisation d’Internet en raison du coût ou des restrictions entourant la capacité.

Dans notre décision, nous avons mentionné la nécessité d’une solution globale où la large bande serait abordable pour tous.

Une autre lacune concerne la littératie numérique. Lors de notre consultation, plusieurs groupes nous ont mentionné que de nombreux Canadiens — parmi eux, des personnes âgées et des Autochtones, n’ont pas les compétences pour utiliser efficacement Internet à large bande. Notre sondage EKOS a confirmé cette affirmation. Pour près d’un répondant sur quatre, le manque de compétences limite leur utilisation d’Internet.

Le gouvernement fédéral a déjà commencé à préparer le terrain pour combler ces lacunes. Le Budget de 2017 a proposé un financement de près de 30 millions de dollars sur cinq ans pour l’enseignement de compétences numériques de base, ainsi qu’un montant de 13 millions de dollars afin d’aider les fournisseurs de services à offrir des forfaits abordables de services Internet résidentiels à l’intention des familles à faible revenu. Cela s’ajoute aux 500 millions de dollars alloués au programme gouvernemental sur la large bande Brancher pour innover.

Le secteur privé doit également faire sa part. Par exemple, certains fournisseurs de services Internet proposent maintenant des plans Internet aux Canadiens à faible revenu. Nous encourageons d’autres fournisseurs de services à proposer leurs propres plans. Ni le prix ni la littératie numérique ne devrait être un obstacle à la connectivité.

Il faut une nouvelle façon de penser

Ce sont des gestes positifs qui, sans nul doute, auront des effets désirables, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’ils ne font qu’effleurer la surface du véritable enjeu qui se présente. La manière de penser au gouvernement et dans l’industrie — dans cette salle — continue d’être déficiente. Elle est beaucoup trop axée sur les divisions traditionnelles entre la radiodiffusion et les télécommunications — sur le statu quo comme principe de fonctionnement.

L’avenir ne se trouve pas là. L’avenir, c’est la large bande. C’est les applications. Les quotas, les crédits d’impôt et la façon dont nous fonctionnions il y a 20 ans ne le sont pas. Ce sont des anachronismes. Ils sont tout aussi dépassés dans le monde actuel que les machines à vapeur et les calèches. La clé, c’est la connectivité.

Une part importante de notre travail au CRTC s’est concentrée sur cette réalité indéniable et dérangeante. De fait, plusieurs de nos décisions récentes dans le secteur des télécommunications — sur la différenciation des prix, les services de gros, les services de base et d’autres — ont porté particulièrement sur l’accès à la large bande mobile et fixe. Mais permettez-moi cette question : combien de gens issus du secteur culturel — des entités que vous représentez — ont assisté à ces audiences publiques ou participé aux instances? Peu. Il est difficile d’allumer la flamme des radiodiffuseurs pour un truc aussi aride, semble-t-il, que l’accès à la large bande. Dommage.

Mesdames, Messieurs, la réalité est la suivante : ces audiences comptent plus que jamais. Il ne s’agit pas de règlements sur des idées obscures comme la colocation des bureaux principaux ou le soutien à la structure de prix. Il s’agit de préparer le terrain pour la technologie qui apportera au monde entier les services, les émissions et le contenu que vous créez. Ce n’est pas marginal. C’est fondamental. C’est l’avenir numérique du pays.

La majorité des intervenants aux audiences que je viens tout juste de mentionner ne provenaient pas du secteur de la création. Il s’agissait de personnes et de chercheurs d’ici au Canada et de l’étranger, et des habitués de l’industrie des télécommunications. Mais un groupe a apporté un point de vue différent : les représentants des communautés francophones et acadiennes du Canada. Lors de notre instance sur les services de télécommunications de base, ils nous ont dit que l’avenir des groupes qu’ils représentent ne repose pas sur un débat marginal au sujet du contenu, mais bien sur le fait de rendre ce contenu accessible à la planète.

La connectivité est ce facilitateur. Votre facilitateur. Faites en fi à vos risques.

Cela me préoccupe énormément que des gens au sein de l’industrie et du gouvernement continuent de se frapper la tête contre le mur et d’argumenter en marge des institutions traditionnelles, alors que nous sommes au cœur d’une transformation radicale. Seulement pour un instant, oubliez Téléfilm. Oubliez le Fonds canadien des médias. Oubliez les super agences en production visuelle. Oubliez les crédits d’impôt et les ententes de coproduction avec la Belgique. Ce sont des outils d’une époque révolue. Pensez autrement. Pensez plus grand. Rompez avec le statu quo.

Permettez-moi une analogie.

Lorsque la machine à vapeur a été inventée et popularisée au début du 19e siècle, les exploitants de bateaux pour les canaux au Royaume-Uni se sont rués sur cette nouvelle technologie d’importance. Ils se sont empressés de remplacer les chevaux qui faisaient avancer leurs embarcations avec des machines à vapeur qui allaient changer à jamais le transport maritime.

Mais alors qu’ils étaient concentrés à ajuster leurs marges du jour, ils sont passés à côté d’une évolution encore plus importante, davantage tournée vers l’avenir. Ils n’ont jamais pensé que les gens se mettraient à construire des chemins de fer. Ils n’avaient jamais anticipé que les biens et les personnes pouvaient être transportés beaucoup plus rapidement d’un bout à l’autre du pays que ne pourrait jamais le faire le transport maritime.

Je vous incite fortement à cesser de vous tracasser avec vos bateaux. Cessez d’argumenter au sujet de ce pouce-pied ou de cet autre qui est accroché à votre coque. Cessez d’être ces gens qui s’obstinent à dire que la circulation sur le canal est la voie de l’avenir car c’est le moyen auquel vous avez toujours eu recours. Le statu quo ne peut continuer d’être votre principe de fonctionnement.

Commencez à penser à la large bande. Aujourd’hui, les super autoroutes de l’information représentent la réalité. Pensez à la façon dont nous, au gouvernement et dans l’industrie, pouvons atteindre nos objectifs. Nous sommes tous d’accord sur un but : donner du choix aux Canadiens et faire entendre leurs voix sur la scène mondiale, et nous sommes bénis d’avoir la technologie pour y parvenir. Entendons-nous sur une approche, sur un ensemble de résultats escomptés, et mettons en marche ce train à grande vitesse. Rompons avec le statu quo.

Au fait, je vous propose que la solution à ce défi ne réside pas dans un apport accru d’argent gouvernemental — pas plus que cela inclut de jouer avec les lois, du moins pas avant que nous sachions ce que nous voulons réaliser exactement. Peut-être, oui peut-être, sommes-nous parvenus à une époque où le gouvernement ne doit plus être dans le chemin du secteur culturel.

Ce sera peut-être un sujet de discussion lorsque le gouvernement amorcera ses examens afin de moderniser la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.

La libre circulation des idées

Permettez-moi de boucler la boucle un peu sur cette notion de faire bouger les biens partout au pays, ou devrais-je dire les idées car c’est vraiment la monnaie commune de nos jours. Il y a 200 ans, le rail a permis des changements fondamentaux. Aujourd’hui, la large bande constitue le catalyseur. La large bande fixe et sans fil mobile constitue l’avenir de l’information et du contenu audiovisuel. Au fait, je ne suis pas le seul à penser ainsi. Dans sa plus récente publication intitulée Global Mobile Data Traffic Forecast Update, Cisco est d’avis que le trafic de données mobiles augmentera de 500 % d’ici 2021 — en quatre ans à peine.

En conséquence, il est essentiel que les données puissent circuler librement dans l’univers numérique. Vous avez sans doute entendu parler de la notion de neutralité du Net. Il s’agit du principe selon lequel les fournisseurs de services Internet devraient permettre l’accès à tous les contenus et à toutes les applications, peu importe les sources, et sans favoriser certains produits ou sites Web ou leur faire obstacle.

Au cours des dernières années, le CRTC a pris trois décisions qui établissent clairement nos politiques à l’égard du principe de la neutralité du Net. Nous avons commencé en 2009 avec notre décision sur les pratiques de gestion du trafic Internet. Nous y avons indiqué que les fournisseurs de services Internet devraient investir dans leurs réseaux afin d’éviter les problèmes de congestion, plutôt que de limiter l’utilisation de données ou de ralentir la vitesse de connexion des usagers.

La deuxième décision est survenue en 2015 lorsque nous avons ordonné à deux fournisseurs de services sans fil, Bell Mobilité et Vidéotron, de cesser de donner à leurs propres services de télévision mobiles un avantage indu sur le marché. Les deux exemptaient leurs services de l’utilisation mensuelle de données applicable aux consommateurs. Parallèlement, le contenu provenant d’autres sites Web et d’autres applications comptait dans l’utilisation de données des consommateurs. Cette décision a ouvert la voie à un traitement équitable sur le marché pour les services de télévision mobiles.

Troisièmement, il y a eu notre décision du mois d’avril sur les pratiques de différentiation des prix. Nous avons alors affirmé que tous les fournisseurs de services Internet devraient traiter l’utilisation de données de façon égale. En tant qu’entreprises, celles-ci devraient se faire concurrence sur le prix, la qualité des vitesses de service, les données allouées et de meilleures offres de service, plutôt que de tirer profit des innovations d’autrui. Les fournisseurs de services Internet devraient traiter indifféremment les données utilisées pour accéder aux contenus, quels qu’ils soient. Ainsi, dans le cas du programme Musique illimitée de Vidéotron, l’entreprise ne peut pas exempter certains services de diffusion de musique en continu des frais d’utilisation de données en vertu de certains plans.

Notre décision a protégé la capacité des créateurs et des distributeurs de contenu en ligne — des gens comme vous et les entreprises qui vous embauchent — d’innover en toute liberté. Elle continue de permettre aux consommateurs de choisir le contenu en ligne de leur choix, sans qu’ils soient orientés vers un endroit ou un autre en raison des stratégies de mise en marché et des décisions d’établissement de prix des fournisseurs de services Internet.

Voilà un appui important pour tous les gens dans cette salle. Une telle indépendance représente exactement ce que recherchent les créateurs. Cela vous procure une liberté totale pour rejoindre les auditoires ici au Canada et partout dans le monde — sans le filtre des joueurs dominants qui pensent à leurs propres intérêts, et non à ceux du public. Certains groupes radiophoniques ont reconnu cela et soumis des observations, mais aucune des associations qui représentent tout particulièrement les radiodiffuseurs commerciaux n’a participé à notre instance sur les pratiques de différenciation de prix.

Prises ensembles, ces décisions présentent clairement notre politique sur la neutralité du Net, dont la valeur est infinie dans le monde de la large bande. La dernière chose que nous voulons, pas plus vous que moi, c’est de voir les fournisseurs de services Internet devenir des gardiens. Ce n’est pas leur rôle. Peu importe qui nous sommes, Internet est trop important pour que des entreprises à but lucratif influencent nos choix, et choisissent même les idées auxquelles nous pouvons avoir accès et celles que nous ne voyons pas.

La caisse de résonance

Il n’est pas nécessaire de chercher très loin pour comprendre l’importance de la libre circulation des idées dans le monde contemporain. Nos voisins du Sud traversent une période difficile alors que l’on contourne les médias et que des phénomènes détestables comme les fausses nouvelles et les faits alternatifs orientent l’opinion publique de manière dangereuse. Plus que jamais, il importe de dire la pure vérité et que les gens aient accès à une multitude d’idées.

Malheureusement, un des paradoxes de l’ère d’Internet est le fait qu’en dépit de pouvoir choisir parmi une diversité d’opinions, nos horizons sont plus étroits que jamais. Nous choisissons de consommer les médias et les opinions seulement à partir de sources bien pointues avec lesquelles nous sommes d’accord, plutôt que de nous tourner vers des idées différentes ou de rechercher un éventail plus large de sources d’information. C’est le phénomène que l’on appelle la caisse de résonance. Et il est préoccupant.

Lorsque nous écoutons seulement les idées des gens qui partagent nos points de vue, la diversité en souffre. Des tiers qui proposent des points de vue différents sont ignorés ou méprisés, prétextant un manque de confiance. Cette spirale s’accentue lorsque les données et l’expertise sont délaissées au profit de l’opinion. Les fausses nouvelles deviennent l’outil qu’utilisent les personnalités publiques pour discréditer leurs opposants ou détourner l’attention d’enjeux plus importants. Je le sais très pertinemment par expérience personnelle.

J’ai donné l’exemple des problèmes que cette tendance a entraînés aux États-Unis, mais c’est loin d’être le seul pays où les gens sont coupables de cette pratique empreinte de myopie. Ici au Canada, le marché radiophonique de langue française — les fameux provocateurs de la ville de Québec — construit et renforce ses propres caisses de résonance qui accroissent les divisions sociales.

Je vous soumets l’idée que l’antidote à la caisse de résonance est un diffuseur public solide, vigoureux et responsable. Plus que jamais, Radio-Canada doit rendre des comptes au public quant à la grande qualité et à la fiabilité de sa programmation de nouvelles et d’actualités. Radio-Canada a un rôle crucial à jouer dans l’espace numérique. Elle doit y demeurer et continuer de présenter aux Canadiens un contenu équilibré et intelligent. Et elle doit appliquer cette approche de source d’information fiable à toutes ses activités — ce qui veut dire qu’elle devrait mettre l’accent sur la nouvelle plutôt que sur le commentaire. Elle doit cesser de chercher à vouloir obtenir des clics, et elle doit toujours publier des histoires qui ont été vérifiées auprès de sources crédibles. Il faut que toutes ses analyses puissent être vérifiées avec sérieux et objectivité.

Peut-être le diffuseur public songera-t-il à utiliser l’argent obtenu de la vente de ses actions dans Sirius XM Canada pour appuyer de telles entreprises, incontestablement utiles. Selon nos calculs, cette vente procurera environ 58,8 millions de dollars à Radio-Canada. Sans nul doute, ces idées et d’autres seront mises de l’avant lorsque le CRTC se penchera sur le renouvellement de la licence de Radio-Canada.

Au fait, la caisse de résonnance ne se limite pas seulement aux idées et aux opinions. C’est également un fléau dans le milieu culturel. Elle est tout aussi néfaste pour la diversité du contenu.

La télévision est et doit être une tribune pour partager des identités et des expériences, mais ces algorithmes qui produisent des recommandations sur lesquels comptent plusieurs d’entre nous pour obtenir du contenu novateur ne font que nous amener vers du pareil au même. Il y aura des choses que « vous aimerez » qui s’appuieront sur ce que vous avez déjà regardé. Il y aura des choses que « vous aimerez » qui s’appuieront sur des choses que vos amis apprécient. Dans tout cela, où se trouve la diversité? Comment faire pour échapper à la tyrannie des algorithmes? Un début de réponse se trouve au Sommet de la découvrabilité que nous avons organisé en 2016.

Je me demande : est-ce que le secteur de la radiodiffusion et du contenu média se fait son propre écho? Est-ce que vos points de vue rejoignent les Canadiens qui, en tant que contribuables et abonnés, ont investi plus de 20 milliards de dollars dans vos entreprises au cours des cinq dernières années? Qu’avez-vous à leur présenter? Honnêtement, à la lecture de certains commentaires récents, je crois que certaines personnes dans les cercles créatifs de ce pays sont trop ancrées dans leur monde et se font leur propre écho.

Cela me décourage de voir les mêmes personnes qui présagent rien de moins que les politiques du CRTC mèneront à la « destruction de la production [télévisuelle] nationale au Canada » être étrangement silencieuses sur les sujets qui présentent le CRTC sous un meilleur jour. Où était leur communiqué de presse lorsque, en avril, nous avons annoncé des bénéfices de 29 millions de dollars provenant de la transaction de Sirius XM et qu’une contribution de près de 270 millions de dollars avait été faite entre 2010 et 2015 pour le développement et la promotion de la musique, des créateurs et des artistes du Canada? Et cela, c’est en lien direct avec les politiques du CRTC. Est-ce qu’un investissement d’un quart de milliard de dollars n’est-il pas un jalon qui mériterait à tout le moins une reconnaissance?

Mesdames, Messieurs, la politique publique concernant le secteur des communications n’est plus la chasse gardée des technocrates, des avocats spécialisés en réglementation et des bénéficiaires assis depuis des années sur leurs droits acquis. Vous n’avez pas besoin d’une licence pour voter. Et puisque les Canadiens financent le contenu que vous produisez, ils n’ont pas besoin de cartes de membre de clubs privés pour paver la voie de l’avenir des communications dans ce pays. Ces citoyens ont le droit de s’exprimer pour dire si une partie de leur argent, comme abonné ou comme contribuable, servira à vos entreprises. Le débat public ne devrait connaître aucun obstacle. Il ne devrait y avoir aucune hypothèse qui ne puisse être exprimée. Facebook, Twitter et Reddit ont fait tomber les barrières en vue de permettre des débats publics sur la politique publique qui soient complets et inclusifs au sein de tribunes transparentes et ouvertes.

Idées pour les cinq prochaines années

Le CRTC joue un rôle crucial dans la vie des Canadiens en s’assurant qu’ils aient accès à un choix de services novateurs à coût raisonnable, qu’ils puissent avoir accès à de l’information et à des services qui améliorent leur sécurité, et qu’un riche contenu canadien soit créé et mis à la disposition des gens sur un ensemble de plateformes.

Quand je pense aux cinq prochaines années devant ce Conseil, je suis convaincu que son travail sur ces enjeux se poursuivra. De fait, nous pouvons parier sans crainte que ce travail prendra encore plus d’importance au cours des prochaines années.

J’entrevois trois nouveaux éléments qui constitueront un rejet du statu quo.

Le premier et le plus audacieux : la fin du journalisme imprimé tel que nous le connaissons. Ce n’est pas la première fois que l’on parle de la mort de l’imprimé, mais des changements fondamentaux se préparent — encore plus que par les années passées. Par exemple, récemment, La Presse a annoncé son intention de cesser de publier une version imprimée et de se tourner entièrement vers le numérique en 2018.

L’avènement de la radio, de la télévision et même d’Internet n’a pas fait trembler les fondations de l’imprimé autant que la large bande l’a fait — et qu’elle le fera. La large bande est beaucoup plus puissante et omniprésente que ses prédécesseurs. Qu’est-ce qui remplacera le journalisme imprimé et ses codes journalistiques établis il y a plus de 300 ans? J’ai confiance qu’il y aura une solide présence journalistique en ligne — cela est trop essentiel pour la démocratie pour que ce ne soit pas le cas — mais il faudra du temps avant que l’on assiste à son essor.

Ici, le gouvernement a peut-être un rôle à jouer. Non pas pour financer la cueillette d’information, je m’empresse d’ajouter, mais plutôt pour encourager le renforcement des capacités à l’ère numérique, par exemple en appuyant les écoles de journalisme axées avant tout sur le numérique. Des radiodiffuseurs privés et publics devraient peut-être faire leur des initiatives comme Wikitribune qui visent à démasquer les fausses nouvelles et à rectifier les faits.

Deuxièmement : les quotas de musique à la radio ne seront plus utiles. Aujourd’hui, les jeunes découvrent davantage de musique grâce aux services de diffusion en continu sur Internet qu’à la radio. En conséquence, est-il justifié de continuer à obliger de telles choses sur les ondes? À la télévision, on est en voie de démontrer que les quotas sont dépassés. Et ils sont rapidement en voie de devenir de l’histoire ancienne à la radio — en particulier parmi les radiodiffuseurs de langue française dans le marché du Québec.

Au lieu que le gouvernement rende obligatoire des pratiques aussi inefficaces — et qui au bout du compte amènent les exploitants de stations de radio à promouvoir des propos destructeurs et le format des lignes ouvertes — peut-être que la meilleure façon de soutenir la musique canadienne consiste à obliger les radiodiffuseurs à investir dans des événements pour mettre en lumière le talent musical exceptionnel qui se trouve au Canada — afin de promouvoir plutôt que de protéger, comme je le disais en 2012, bien avant d’autres.

Comprenez-moi bien. Le fait que le Canada soit devenu l’un des plus grands exportateurs de talents musicaux au monde est indéniablement attribuable à une conception proactive de la réglementation et de la politique publique. Cette situation a pu apparaître grâce à la politique gouvernementale destinée à financer de telles initiatives et au travail du CRTC en vue de créer des quotas en radio et à voir à leur application. Mais ce modèle de politique fondée sur l’offre et la demande ne tient plus dans un contexte où Internet donne accès à tout. C’est marcher vers la mort.

Troisièmement : à moins de changements, le CRTC devra intervenir pour accroître la concurrence dans le secteur du sans-fil, ce qui en retour réduira les tarifs du sans-fil de détail, rehaussera les plafonds pour l’utilisation de données et favorisera davantage l’innovation. Aux États-Unis, les fournisseurs de services sans fil ne partagent pas leurs réseaux, ce qui produit une capacité excédentaire. Les entreprises baissent les prix de détail pour attirer davantage de clients et proposent des plans avec utilisation illimitée de données pour exploiter cette capacité. De plus, la capacité excédentaire a créé un marché de la revente, lequel soutient plusieurs exploitants de réseaux mobiles virtuels qui ciblent des segments précis de clientèle.

Au Canada, le partage de réseaux est plus fréquent, avec l’appui d’Industrie Canada à ce moment-là. Grâce à cette pratique, les réseaux canadiens sont très efficients, un aspect important compte tenu de la grandeur du pays et de la faible densité de population. Mais en raison de plusieurs facteurs, y compris le coût élevé d’une entrée concurrentielle sur le marché et l’utilisation de toutes les composantes des réseaux, nous n’assistons pas encore à un niveau de concurrence qui provoquerait une pression à la baisse sur les tarifs de détail.

Jusqu’à ce que la situation actuelle évolue, si jamais c’est le cas, le Canada sera toujours aux prises avec un problème de prix élevés pour le sans-fil de détail. En conséquence, le CRTC devra peut-être intervenir en utilisant un de trois moyens, voire les trois, et dont aucun ne constitue une panacée.

Le premier viserait à réglementer les prix de détail, quoique nous préférerions nettement voir une concurrence accrue entre les fournisseurs qui permettrait de proposer de meilleurs choix aux consommateurs.

Le second consisterait à rendre obligatoire l’accès de gros pour les exploitants de réseaux mobiles virtuels. Après tout, dans son discours du 5 juin, de manière implicite, le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a ouvert la voie à l’abandon de la concurrence fondée sur les installations.

Le troisième serait d’examiner les effets sur la concurrence du partage des réseaux entre les fournisseurs dotés d’installations.

Épilogue

Enfin, j’ai deux souhaits qui concernent l’avenir de l’industrie culturelle du Canada et le CRTC. C’est l’épilogue.

Premièrement, j’espère que la ministre du Patrimoine canadien publiera bientôt sa décision, attendue depuis longtemps, sur l’examen de la politique culturelle – très bientôt même. Le Ministère a lancé sa consultation au printemps 2016. Ne pas connaître la direction qu’entend prendre le gouvernement met tout le monde dans un état d’incertitude : nous au CRTC et vous dans vos entreprises. Voici des questions provocantes que personne n’a encore posées aux contribuables : Y a-t-il un rôle pour le gouvernement en culture? Sera-t-il toujours présent?

C’est indéniable, il importe de prendre ces enjeux en considération, mais à un moment donné, il faut tracer la ligne. Des examens de cette nature, et j’inclus ici les examens de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications qui ont été annoncés dans le Budget de 2017, doivent comporter des objectifs et des échéanciers clairs. Si ce n’est pas le cas, l’incertitude sera encore plus grande pendant des années — l’occasion de débats stériles et pour que s’exercent des moyens de pression sans fin.

Récemment, je suis allé en Australie à l’invitation de la Australian Communications and Media Authority, le CRTC de ce pays, qui procède actuellement à un examen de contenu australien attendu depuis longtemps. Là-bas, j’ai mentionné que les politiciens sont mal outillés pour prendre des décisions en réponse aux bouleversements numériques. Souvent, ils ont été élus avec l’appui des gens qui sont touchés par ces bouleversements. Et en poste, ils continuent de faire l’objet de pressions de la part de ces mêmes personnes.

Ces politiciens connaissent surtout les anciens modèles d’affaires; ils saisissent et apprécient mal les voix émergentes qui sont occupées à innover et non à exercer des pressions. Mais surtout, les politiciens détestent dire « non » aux gens qui veulent un « oui », et un « oui » aux gens qui veulent un « non ».

Le CRTC doit aussi se battre avec les gens en exercice en cette ère de bouleversement. Mais nous n’avons d’autre choix que de prendre des décisions ou devoir faire face à des procédures Mandamus pour avoir omis d’agir. Nous devons fixer la limite, vivre avec les mécontents et s’atteler à la tâche de créer du contenu de classe mondiale pour les Canadiens et le reste du monde.

Nous ne pouvons perpétuellement attendre Godot.

Mon dernier souhait : que l’indépendance du CRTC soit renforcée. Le rôle que nous jouons actuellement est fort important. Cela a toujours été le cas d’un point de vue logistique et culturel, mais ce rôle s’élargira davantage à l’ère de la large bande. Nous sommes l’organisme de réglementation du facilitateur des communications.

J’espère que les conseillers du CRTC seront nommés avec une plus grande indépendance — indépendamment du gouvernement de manière à ce que chacune ou chacun soit évalué seulement sur la base de ses compétences exceptionnelles. J’aimerais aussi que leurs mandats passent de cinq à sept ans. Quelle est la valeur d’un organisme de réglementation indépendant auquel on accorde peu de liberté? Comment un conseil comme le nôtre peut-il être véritablement indépendant lorsque des ministres ne se gênent pas pour publier des déclarations au beau milieu d’instances publiques — non pas une, mais deux fois? Et cela, en dépit d’avoir des pouvoirs bien définis au sein d’un code complet et détaillé du Parlement en ce qui concerne le fait d’intervenir auprès de l’organisme de réglementation indépendant. Voilà des événements qui se sont produits pendant mon mandat.

Comment se fait-il que depuis novembre 2015, le CRTC soit sans vice-président permanent à la Radiodiffusion? Comment se fait-il qu’aucun conseiller n’ait été nommé sur une base permanente depuis octobre 2015? Cela constitue tout simplement une mauvaise gouvernance.

Alors que la connectivité devient le moyen grâce auquel sont échangées les nouvelles et l’information, il serait avisé de s’inspirer de l’expérience des autres pays. Le CRTC pourrait être une organisation drôlement plus efficace si ses conseillers étaient nommés avec une bien plus grande indépendance.

Par exemple, au Maroc et au Mexique, l’indépendance des organismes de réglementation est codifiée dans la constitution du pays. De plus, en France, la surveillance des nominations à l’organisme de réglementation relève du pouvoir législatif. Ne serait-ce pas là un modèle intéressant pour le Canada maintenant que le CRTC voit au maintien du Registre de communication avec les électeurs? Nous sommes devenus un organisme de réglementation électorale.

De fait, peu de gens ont fait ces liens. De manière hypothétique, la campagne électorale d’un ministre du gouvernement pourrait se trouver à contrevenir aux règles électorales dont le CRTC est maintenant chargé.

Conclusion

J’aimerais terminer en vous disant quelques mots au sujet de ce que nous avons accompli dans le passé.

Depuis 2012, j’ai eu 16 collègues conseillers, et trop peu d’entre eux étaient des femmes. De concert avec un personnel de quelque 400 personnes dans nos bureaux partout au Canada, nous avons posé des gestes audacieux afin de moderniser les politiques, les règlements et les cadres du CRTC afin de tenir compte du caractère bouleversant de la large bande et des comportements évolutifs des consommateurs.

Cela s’est avéré un processus complexe qui en a fait sourciller plus d’un. Mais soyons sans équivoque : c’est ce que devrait être le changement — le type de changement qui entraîne véritablement des progrès. Rompre avec le statu quo est difficile.

Des questions difficiles doivent être posées. Des droits doivent être abolis. Des situations doivent être remises en question. Il vient un moment où les décideurs doivent avoir le courage de cesser la consultation et de commencer à prendre des décisions.

Je ne m’excuserai pas de dire la vérité aux gens qui sont au pouvoir. C’est mon travail. Je suis d’une prévisibilité ennuyeuse en ce qui concerne mon approche et ma pensée au regard des politiques. Si cela vous a échappé, c’est que vous avez trop regardé dans votre rétroviseur avec nostalgie.

Le CRTC a contribué à préparer les secteurs canadiens de la radiodiffusion et des télécommunications à l’influence généralisée et transformatrice de la large bande. Il vous appartient maintenant, vous tous dans cette salle, d’adopter ce changement. Ici, je m’adresse tout particulièrement aux entreprises, aux guildes, aux associations et aux syndicats. Rejetez le statu quo en tant que principe de fonctionnement. (Agir autrement, comme le disait M. Schultz, revient à marcher vers la mort.) Voyez plus grand, pensez plus audacieusement et plus globalement que jamais.

L’optimiste en moi espère que vous le ferez — non seulement pour vos propres intérêts commerciaux privés, mais aussi pour l’intérêt de tous les Canadiens. Car, Mesdames, Messieurs, lorsque vos intérêts économiques reposent sur des revenus provenant des abonnés et des contribuables canadiens, vous devez également servir l’intérêt public.

Merci.

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