Module I – Introduction aux arts médiatiques et musées

1. Préambule

Divers groupes de recherche internationaux ont été créés afin de faciliter l'acquisition et la gestion à long terme des œuvres d'art médiatique. Basée à Montréal, l'Alliance de recherche DOCAM (Documentation et conservation du patrimoine des arts médiatiques) est composée de chercheurs d'organisations culturelles et universitaires. En collaboration avec l'Alliance de recherche DOCAM, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a développé des méthodes adaptées à la documentation et à la conservation des œuvres d'art médiatique dans les musées et déterminé les problèmes d'éthique qui leur sont associés.

2. Définition des arts médiatiques

L'Alliance de recherche DOCAM (Documentation et conservation du patrimoine des arts médiatiques) définit les « arts médiatiques » de la manière suivante :

Provenant de diverses époques, ces œuvres sont analogiques ou numériques, mécaniques ou électroniques, souvent multimédias, et comportent divers objets comme des machines, des logiciels, des systèmes électroniques, des images analogiques ou numériques, des matériaux mixtes traditionnels (éléments picturaux ou sculpturaux) et non traditionnels (matériaux et techniques industriels). Note en bas de page 1

Lorsqu'activés, les composants technologiques de l'œuvre créent un système dynamique qui se déploie au fil du temps. Ainsi, ces œuvres d'art sont décrites comme des œuvres temporelles (time-based media). Note en bas de page 2

3. Exigences muséales pour l'art médiatique

Les problèmes suscités par l'obsolescence des composants technologiques et numériques risquent de mettre en péril le patrimoine des arts médiatiques. Ils imposent de nouvelles exigences pour les musées et nécessitent de la collaboration entre l'institution et l'artiste.

Afin de respecter la nature des œuvres d'art médiatique, les professionnels des musées doivent acquérir des connaissances ciblées et de nouvelles pratiques en lien avec leurs activités régulières, telles que :

recherche :
développer des connaissances sur l'historique des technologies et leur fonctionnement;
acquisition :
avec l'artiste, entretenir des liens cordiaux et durables, réaliser une entrevue et signer une entente (contrat) avec lui, relative à la conservation, à l'exposition, à l'installation et à la propriété intellectuelle de l'œuvre;
archivistique/catalogage :
concevoir une méthodologie descriptive et instituer un système de classification adapté aux caractéristiques des œuvres d'art médiatique;
exposition/installation :
documenter l'arrivée (décaissage), l'installation (en accord avec les prescriptions de l'artiste), le démontage et l'encaissage de l'œuvre;
conservation/restauration :
entreposer, migrer, émuler et ré-exposer les composants technologiques et les équipements utilisés, déterminer le meilleur support de contenu pour la source maîtresse de l'œuvre;
éducation :
favoriser l'interaction entre le public et l‘œuvre en utilisant des outils d'éducation variés.

4. Alliance de recherche DOCAM

L'Alliance de recherche DOCAM (Documentation et conservation du patrimoine des arts médiatiques) est une entreprise de recherche multidisciplinaire et multi-institutionnelle regroupant des professionnels du monde muséal et du milieu universitaire. Ces chercheurs proviennent de domaines variés tels que l'archivistique, les arts visuels, la musique, l'histoire de l'art, la muséologie, l'informatique, la bibliothéconomie et les sciences de l'information.

4.1. Objectifs

Les objectifs principaux de DOCAM sont d':

  • assister les institutions muséales dans la recherche de nouvelles méthodologies et d'outils par le biais d'études de cas en arts médiatiques;
  • élaborer un cursus universitaire afin de former la relève issue des musées et des universités et concevoir des contenus pédagogiques pour la formation continue des professionnels.

4.2. Comités de recherche

L'Alliance de recherche DOCAM est composée de cinq comités de recherche aux objectifs complémentaires :

1) Conservation et restauration

Entreprendre des études de cas d'œuvres d'art médiatique dans le but de guider les institutions et de faciliter les processus d'acquisition et de conservation à long terme de ces œuvres :

  • Étude de cas du Centre Canadien d'Architecture (CCA) : Embryological House de Greg Lynn – réalisée par Karen Potje, conservatrice en chef, Howard Shubert, conservateur des dessins et estampes, Andrea Kuchembuck, Lawrence Bird et Guillaume LaBelle, assistants de recherche, CCA, 2007 (disponible en anglais seulement).
  • Étude de cas du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) : Unex Sign 2 (from the Survival Series) (1983-84) de Jenny Holzer – réalisée par Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration, MBAM, Ariane Noël de Tilly, MBAC, et Émilie Boudrias, MBAM, assistantes de recherche, 2008 (à venir).
  • Étude de cas du Musée des beaux-arts de Montréal : Gendarmerie Royale du Canada (1989) de Nam June Paik – réalisée par Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration, et Émilie Boudrias, MBAM, assistante de recherche, 2007 (à venir).
  • Produire un Guide des meilleures pratiques en conservation pour les œuvres à composants technologiques (titre de travail) (2009).

2) Documentation et archivistique

  • Élaborer des stratégies et des méthodes de documentation adaptées aux collections documentaires et aux fonds d'archives pour les œuvres d'art médiatique;
  • Établir une typologie des méthodes de documentation que l'on retrouve dans les archives d'artistes ainsi que dans les musées;
  • Mener des études de cas portant sur des collections documentaires et des fonds d'archives.
  • Dossiers numériques des œuvres de l'exposition e-art : nouvelles technologies et art contemporain – Dix ans d'action de la fondation Daniel Langlois (Musée des beaux-arts de Montréal) – réalisés par Andrea Kuchembuck, assistante de recherche DOCAM, 2007-2008 (à venir).

3) Historique des technologies

Concevoir un répertoire de ressources d'information sur les différentes technologies utilisées, incluant des liens vers des manuels d'utilisation ainsi que des précisions et détails techniques :

4) Structure de catalogage

  • Échafauder une structure de catalogage d'œuvres à composants technologiques comme complément des systèmes traditionnels de gestion de collections muséales;
    • Sondage réalisé par le Musée des beaux-arts de Montréal auprès de 43 institutions muséales nord-américaines, australiennes et européennes, dans le but de mieux cerner les pratiques et les besoins en lien avec la gestion de leurs collections d'œuvres d'art médiatique, incluant :
      • les procédures appliquées à la gestion des arts médiatiques;
      • la nécessité d'un système de classification et d'une terminologie standardisés.
    • Rapport sur L'importance des métadonnées (PDF) pour une préservation intelligente des œuvres d'art médiatique en milieu muséal – réalisé par Tommy Lavallée, MACM, assistant de recherche, Musée d'art contemporain de Montréal, 2007.
  • Entreprendre et réaliser des études de cas pour valider cette nouvelle structure de catalogage;
    • Études de cas réalisées par le Musée des beaux-arts de Montréal (PDF) : Dans tes rêves (1998) de Gisele Amantea; Gendarmerie Royale du Canada (1989) de Nam June Paik – conduit par Émilie Boudrias, MBAM, assistante de recherche, 2007.
    • Études de cas réalisées par le Musée d'art contemporain de Montréal : Battements et papillons (2006) de Jean-Pierre Gauthier, Théorie du complot (2002) de Janet Cardiff; Dervish (1993-1995) de Gary Hill et Générique d'Alexandre Castonguay – menées par Tommy Lavallée, MAC, assistant de recherche, 2007;
    • Études de cas réalisées par le Musée des beaux-arts du Canada (PDF) : The Table: Childhood (1984-2001) de Max Dean et Raffaello D'Andrea et Unex Sign 2 (from the Survival Series) (1983-1984) de Jenny Holzer - Musée d'art contemporain de Montréal : Générique (2001) par Alexandre Castonguay - conduit par Marie-Ève Courchesne, DOCAM, assistante de recherche, 2008.
  • Rédiger un Guide des meilleures pratiques en catalogage pour les œuvres d'art médiatique (2009).

5) Terminologie

Développer des outils de gestion de vocabulaire pour les termes d'art médiatique standardisés par le biais d'un glossaire, d'un thésaurus et d'une ontologie. Glossaire bilingue français-anglais DOCAM – réalisé par Corina MacDonald, assistante de recherche, Université McGill, 2009 (à venir).

5. Documentation et conservation des arts médiatiques

Les musées agissent comme des gardiens en conservant des artefacts culturels pour le plaisir et l'éducation des générations futures. L'obsolescence et la détérioration des composants technologiques des œuvres d'art médiatique risquent de mettre ce patrimoine en péril. Dans ce contexte, les musées doivent cibler de nouvelles stratégies de documentation et de conservation adaptées à la variabilité de ces œuvres.

5.1. Documentation

La documentation se définit comme l'assemblage, la description et la conservation d'éléments pertinents à l'œuvre parmi les éléments suivants : Module II, 4 – Étape 1 « Assembler et analyser la documentation reliée à l'œuvre »

La documentation est utilisée comme stratégie de conservation des arts médiatiques, car elle permet de :

  • prévoir les transformations technologiques de l'œuvre;
  • respecter la volonté de l'artiste concernant l'authenticité et l'intégrité de l'œuvre;
  • réinstaller et recréer l'œuvre sans nécessiter la présence de l'artiste;
  • garder une trace précise de l'évolution et de la détérioration des composants de l'œuvre;
  • conserver des témoignages de l'expérience que l'œuvre a suscitée chez les spectateurs dans un contexte d'exposition.

5.2. Conservation

La conservation des œuvres d'art des disciplines traditionnelles, telles que la peinture, la sculpture, le dessin, la gravure, etc., est fondée sur l'observation, l'identification et l'analyse scientifique de leurs matériaux, au moyen de procédés physico-chimiques. L'objectif ultime de cette approche est de conserver l'œuvre d'art dans son état original afin de permettre d'établir le degré de stabilité et de détérioration des matériaux.

Les transformations de l'œuvre ainsi que les stratégies de conservation peuvent être définies par consensus entre l'artiste, le restaurateur et le conservateur. Le code d'éthique du restaurateur stipule que celui-ci « doit se renseigner sur l'intégrité physique, conceptuelle, historique ou esthétique du bien culturel et respecter cette intégrité dans toutes ses interventions ». Note en bas de page 3 La conservation dépend également de l'effort de techniciens qui peuvent définir les types d'interventions viables à long terme.

La complexité de la conservation des œuvres d'art médiatique est basée sur les facteurs suivants :

Détérioration des technologies
La détérioration apparaît lorsqu'une partie de l'œuvre ne fonctionne plus, à cause d'un bris opératoire ou par dégradation physicochimique de ses matériaux. Du seul fait de leur usage prolongé, toutes les technologies sont sujettes à s'endommager, à se décomposer et, dans le cas des ordinateurs, à se corrompre.
Obsolescence des technologies
L'obsolescence apparaît lorsqu'une technologie devient désuète et ne peut plus être utilisée, en d'autres mots, lorsque les supports de contenu ainsi que les équipements d'opération qui assurent leur entretien cessent d'être commercialement disponibles. Par exemple, les compagnies informatiques produisent régulièrement de nouveaux modèles d'équipement, des plates-formes opérationnelles et des programmes qui remplacent les versions antérieures. Lorsqu'un composant de l'œuvre devient désuet ou obsolète, l'œuvre peut cesser de fonctionner.
Équipements d'opération et supports de contenu
Les œuvres d'art médiatique comportent des composants technologiques qui sont une partie intégrante de l'œuvre et sont qualifiés de supports de contenu. La présence de ces composants est essentielle à l'expérience du visiteur lors de l'exposition car ils contiennent l'information qui constitue la source maîtresse de l'œuvre. Cette source maîtresse n'est pas utilisée lors des expositions et des reproductions de supports de contenu devraient être disponibles afin d'assurer leur conservation. Ces copies peuvent être constituées de logiciels, de bandes Digibeta, Betacam, de DVD (vidéodisque numérique), etc. et font partie du protocole d'achat. Elles sont présentées sur des composants fonctionnels qui constituent l'œuvre. Cet équipement peut inclure des lecteurs DVD, des ordinateurs, des moniteurs à écran cathodique, etc. Contrairement aux supports de contenu, l'équipement n'est pas toujours inclus avec l'œuvre lors de l'acquisition, ce qui signifie que l'institution se voit dans l'obligation de se les procurer.

5.3. Stratégies de conservation

Les stratégies de conservation peuvent être définies de la manière suivante Note en bas de page 4 :

L'entreposage :
consiste à garder physiquement les composants d'une œuvre dans un lieu aménagé pour la préservation afin de maintenir ses caractéristiques physiques ou de sauvegarder ses informations sur un support numérique. L'objectif est de maintenir la conservation de l'œuvre à long terme et l'originalité des composants technologiques.

Dans le clip vidéo suivant, Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'entreposage comme une stratégie de conservation. Note en bas de page 5

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'entreposage comme une stratégie de conservation.

Durée 2:06

Transcript

Transcription de Richard Gagnier parlant de l'entreposage comme une stratégie de conservation.

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'entreposage comme une stratégie de conservation.

L'entreposage, c'est probablement la façon la plus classique de penser à la préservation des œuvres de type médiatique. D'une part une installation médiatique ou une œuvre médiatique, c'est pas seulement un support de contenu. Souvent, ça peut être sculptural. Il peut y avoir des éléments qui sont dans l'espace, qui sont physiques, qui sont de type sculptural, comme je disais, et ça, ces éléments-là sont de différents matériaux, ça il faut essayer de préserver ces originaux-là le plus possible. Ça fait qu'en entreposage, c'est de trouver les conditions qui vont maximiser, finalement, la vie sur la tablette ou en réserve, le plus longtemps possible pour ces différents éléments-là. D'autre part, il y a cette possibilité, par entreposage, justement, de trouver le support de contenu à moyen terme, qui serait le meilleur pour préserver toute l'information de contenu de l'œuvre. Comme, par exemple, si je parle d'une œuvre de type vidéographique, par exemple, d'avoir une bande NTSC c'est peut-être pas le meilleur support, pas NTSC mais plutôt d'avoir une bande de type béta ou un demi-pouce versus un trois quarts de pouce, il faut trouver le meilleur support, finalement, qui va permettre d'entreposer et de maintenir, à moyen terme et à long terme, cette bande-là. Ça aussi, c'est composé de matériaux physiques, c'est-à-dire que c'est une bande constituée d'un polymère plastique quelconque, la plupart du temps c'est un polyester, ça fait qu'il faut trouver la meilleure condition pour l'entreposer, c'est-à-dire de ne pas avoir trop d'humidité, d'avoir aussi des protocoles en termes de vie dans la réserve, par exemple, de rejouer des bandes qui sont de type magnétique. Ça les remagnétise, c'est très bon de faire des choses comme ça. Ça fait que des protocoles, aussi, de préservation qui s'en suivent. Et d'autre part, la même chose pour les équipements. En général, on peut penser que les équipements peuvent être entreposés et, à ce moment, ça ouvre cette possibilité-là de pouvoir acheter deux ou trois équipements dans le très long terme, en pensant à la vie de l'œuvre, si l'on sait que ce sont de bons équipements, qu'on va être capable, pour les prochains 15 ou 20 ans, de pouvoir jouer ces équipements-là sans qu'il y ait de complications par rapport à des éléments électroniques qui sont autour de l'œuvre, par exemple, ou à des éléments qui sont de type programmation, où les plateformes, on va pouvoir encore les jouer et qu'elles vont encore être disponibles. Alors, à ce moment-là, c'est possible de penser à aller doubler ou tripler certains éléments de l'œuvre qui vont nous permettre, finalement, de pouvoir prolonger la vie de l'œuvre.
La migration :
suppose le transfert d'un équipement ou la mise à jour d'une donnée sur un support plus récent. La conversion, la copie, la mise à jour, le reformatage et le transfert sont des formes de migration.

Dans le clip vidéo suivant, Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de la migration comme une stratégie de conservation. Note en bas de page 6

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de la migration comme une stratégie de conservation

Durée 2:17

Transcript

Transcription de Richard Gagnier parlant de la migration comme une stratégie de conservation.

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de la migration comme une stratégie de conservation.

La migration, ça a beaucoup rapport avec le support de contenu, c'est-à-dire où est logée l'information et puis qu'est-ce qui arrive au fur et à mesure des développements technologiques. Par exemple, la grande scission qu'il y a eue, ou la grande transition, on pourrait dire, ça serait peut-être plus juste, qu'il y a eue avec les œuvres médiatiques, c'est le passage de l'analogique, c'est-à-dire des bandes électromagnétiques là, de type vidéo, versus, par exemple, l'apparition du numérique, avec le CD, les DVD, ces différents supports-là. Alors, à ce moment-là, ce que ça permet, c'est que ça permet de pouvoir préserver ces contenus-là le plus longtemps possible, en ayant des médiums qui sont disponibles aujourd'hui, c'est-à-dire qui ne l'étaient pas à l'époque où, historiquement, certains éléments sont apparus. Et, dans ce cas-ci, par exemple, le fait de transférer des bandes vidéo sur support numérique semble être la solution, parce que le support numérique, c'est de la mémoire. On pourrait l'entreposer, par exemple, de façon, en mémoire vive, par exemple, sur l'ordinateur ou même sur des disques durs qui sont amovibles, ou des choses comme ça. Ça, c'est des types de préservations où toute l'information pourrait être maintenue le plus longtemps possible et de façon la plus prolongée aussi. Ça fait qu'à ce moment-là, on abandonne un médium analogique pour aller vers un médium numérique, et on passe comme ça à des supports de contenu qui sont plus contemporains. Ce qui est important dans ce processus-là, c'est que toute l'information est transférée le mieux possible, qu'il y a le moins possible de compression de signal, le moins possible de perte d'informations. En général, les nouvelles technologies, les supports de contenu, sont plus performants que les anciens, ça fait qu'on peut penser que c'est possible de pouvoir transférer toute l'information le mieux possible, ça fait que ça c'est le phénomène de la migration. La migration aussi peut être liée aux faits, encore une fois, par rapport aux équipements où il est possible parfois d'avoir encore des supports analogiques, mais on sait que les équipements ne seront plus disponibles ou de moins en moins, encore une fois à cause de la demande, la production industrielle et le fait de mettre sur le marché de nouveaux modèles, de nouveaux types d'équipement, ce qui fait qu'à un moment donné, c'est pas tant que les supports de contenu se sont détériorés, et ne peuvent…mais c'est plutôt le fait qu'ils ne peuvent plus être joués parce que les équipements ne sont plus disponibles, encore une fois à cause de ce qui se passe au niveau de la technologie et puis de la rapidité à laquelle toute la technologie se développe et qu'il y a toujours de nouveaux modèles qui sont mis en œuvre. Ça fait que ça peut, la migration peut être, à ce moment-là, obligée par le fait que la technologie des équipements ne sera plus peut-être disponible dans un temps assez rapproché.
L'émulation :
consiste en l'imitation des effets et comportements d'une œuvre originale par des moyens différents. La « re-fabrication » ou la substitution des technologies sont des formes d'émulation.

Dans le clip vidéo suivant, Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'émulation comme une stratégie de conservation. Note en bas de page 7

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'émulation comme une stratégie de conservation.

Durée 2:48

Transcript

Transcription de Richard Gagnier parlant de l'émulation comme une stratégie de conservation.

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'émulation comme une stratégie de conservation.

Le cas d'émulation c'est un cas qui est beaucoup plus complexe, c'est-à-dire que c'est justement cet effet de la fin de l'obsolescence de la technologie. C'est d'arriver à recréer l'expérience originale « historique » de l'œuvre, avec des technologies qui sont plus contemporaines avec, par exemple, s'il y a des implications de programmation…des nouveaux programmes qui pourraient être complètement différents des programmes originaux de l'œuvre, parce que les équipements ou les plateformes disponibles de jeu ne sont plus disponibles, mais l'important c'est d'essayer de recréer l'expérience et l'effet que l'œuvre va donner, c'est-à-dire que ce qui est mis en vue par rapport à l'œuvre, par rapport à l'expérience que le spectateur va faire, à ce moment-là on va essayer de recréer presque les mêmes paramètres de l'expérience, c'est-à-dire que c'est au niveau de la réception de l'œuvre. Ça fait qu'à ce moment-là, toute la question, par exemple, du temps, qui est impliquée, bon, parce que toutes ces œuvres-là sont des œuvres qui sont basées sur le temps. Par exemple, on peut penser dans des œuvres interactives anciennes que, souvent les types de programmation qui ont été mis en jeu par rapport aux consoles, aux éléments de réaction qu'on avait par rapport à ce qui est inscrit sur l'interface avec laquelle on interagissait…il y avait un temps qui était beaucoup plus long, il y avait un temps de réponse qui était plus séquentiel contrairement, en général, avec l'amélioration de la programmation et de la technologie, ces types de réponses-là sont beaucoup plus rapides. Ça, c'est une exigence que tout le monde, dans le monde technologique où l'on vit, veut avoir une réponse presque immédiate. Mais ça aussi c'est important de pouvoir mesurer ces temps-là, de redonner cette expérience-là, parce que ça resitue l'œuvre aussi, dans un certain temps historique. D'autre part aussi, ce qui est important, c'est de réaliser aussi les limites technologiques d'une œuvre, au niveau de ses équipements. C'est-à-dire, par exemple, par rapport à la définition de l'image, par rapport à la luminosité, par rapport à des effets de contraste quand on pense, par exemple, à une image, ou même par rapport à une certaine qualité sonore, à la capacité aussi de pouvoir faire une certaine expérience sonore, par rapport à des technologies qui sont disponibles dans un espace donné, c'est important aussi de bien comprendre les limites de ces technologies-là pour ne pas sur-améliorer ou améliorer de beaucoup cette expérience-là, parce qu'encore une fois là, on va faire un saut qui ne correspondra pas, tout à fait, à l'expérience des toutes premières œuvres, parce que par exemple, si on pense à des œuvres des années 60-70, les artistes qui travaillaient avec ces technologies-là poussaient, exacerbaient la capacité technologique de ces œuvres-là, parfois même, pervertissaient ces technologies-là en s'intéressant à différents aspects que la technologie pouvait essayer de développer, et puis ça, c'est important de comprendre aussi quelles sont les limites de ces technologies-là, pour recréer, encore une fois, cette expérience-là. Ça fait que ça c'est tout l'enjeu de l'émulation. Ça fait que donc, ça c'est important aussi dans ce contexte-là, d'avoir une super documentation, ou en tout cas une documentation la mieux faite possible, par rapport à l'expérience originale de l'œuvre.
La « réinterprétation » :
se définit comme une interprétation de l'œuvre chaque fois qu'elle est exposée. Bien qu'elle soit risquée, elle est appropriée pour les œuvres qui se transforment en fonction de leur contexte d'exposition.

Dans le clip vidéo suivant (lire la transcription), Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de la « réinterprétation » comme une stratégie de conservation. Note en bas de page 8

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de l'émulation comme une stratégie de conservation.

Durée 2:54

Transcript

Transcription de Richard Gagnier parlant de la « réinterprétation » comme une stratégie de conservation.

Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), discute de la « réinterprétation » comme une stratégie de conservation.

Enfin, le dernier aspect, qui est la réinterprétation, qui pourrait être liée, en fait, jusqu'à un certain point, à l'émulation. Là, c'est beaucoup plus lié au facteur de la variabilité des médias et des présentations technologiques, telles qu'elles existent dans le domaine des arts visuels et ça, à ce moment-là, c'est beaucoup lié, encore une fois, à des aspects de documentation, c'est-à-dire qu'une œuvre, parfois, n'est pas exactement présentée à chaque fois qu'elle est représentée ou remise en exposition. Souvent, elle n'est pas remise en espace de la même façon par l'artiste. Parfois même, il y a des éléments technologiques qui disparaissent. Par exemple, si on a une œuvre à plusieurs écrans, parfois, pour qu'elle qu'en soit la raison, l'artiste va décider…et ça, souvent, la réinterprétation va être basée sur des aspects de documentation et d'histoire de l'œuvre, qui vont être liés aussi avec la production de l'artiste, et aux interventions que l'artiste va avoir faites de façon séquentielle et répétitive sur la même œuvre. En général, ça serait la base pour pouvoir commencer à faire des réinterprétations, c'est-à-dire c'est de se baser sur les différentes itérations, c'est-à-dire les différentes apparitions de l'oeuvre, mais où l'artiste est intervenu, ou en tout cas des personnes qui sont de la compétence du domaine de la production de l'œuvre, par exemple, des techniciens ou des gens qui étaient dans l'entourage de l'artiste, prennent des décisions par rapport à la présentation, tout en respectant, quand même, les intentions de l'artiste et l'aspect conceptuel de l'œuvre. Ça fait, qu'à ce moment-là, il y a des éléments qui carrément disparaissent. Il y a même des éléments sculpturaux qui parfois peuvent disparaître une fois pour toutes. À travers ça, c'est qu'il finit toujours par y avoir une présentation qui peut devenir la présentation qu'on dit, de référence, qui est souvent liée à l'arrivée de l'œuvre dans une collection permanente ou une institution, ou là, à partir de là, c'est l'institution qui prend la responsabilité de l'œuvre, qui va faire ses différentes documentations, et à partir de là, …à partir de cet élément de référence là, par rapport aux différentes présentations qu'on va faire de l'œuvre à cause, je ne le sais pas, des limites de l'espace, de la spécialité très différente de l'œuvre, on va, selon les paramètres, et selon ce qu'on a pu développer aussi, comprendre de l'histoire de l'œuvre, on va aller, finalement, pouvoir jouer sur la variabilité de certains des paramètres de l'œuvre. Comme, par exemple, à travers aussi des entretiens avec l'artiste, l'artiste va nous dire, par exemple, que le nombre d'écrans n'est pas toujours…il n'est pas toujours important que ce soit exactement le même nombre d'écrans, mais il faut qu'il y en ait un nombre minimum, par exemple. La même chose à l'interaction avec les différents éléments de l'œuvre où, parfois, l'artiste va dire qu'il faut absolument que tous ces éléments-là soient là…celui-là, c'est moins nécessaire…le rapport de celui-là avec celui-là est essentiel alors que l'autre est plus accessoire. Ça fait qu'à ce moment-là, on peut, jusqu'à un certain point, réinstaller l'œuvre, et être quand même, conceptuellement cohérent ave les intentions de l'artiste, parce qu'il y a une histoire de l'œuvre qui s'est inscrite dans le temps et qui nous permet finalement de pouvoir faire ça. La réinterprétation aussi, peut être liée du fait que les technologies ne sont plus disponibles, que les originaux ne sont plus disponibles, qu'on a été obligé de faire des migrations ou un jeu d'émulation ou là, finalement, l'œuvre va être quand même un peu « autre », mais va être quand même quand respecter les intentions conceptuelles de l'œuvre. Ça serait ça l'enjeu, en gros de la réinterprétation.

5.4. Authenticité des œuvres d'art médiatique

Selon Richard Gagnier, Chef du Service de la restauration au Musée des beaux-arts de Montréal, l'authenticité des œuvres se définit de deux manières :

  • par l'utilisation et la sauvegarde des matériaux originaux de l'œuvre, lesquelles permettent le maintien de son implantation historique;
  • par le maintien de l'intégrité, laquelle est liée aux aspects fonctionnels, conceptuels, esthétiques, temporels et spatiaux de l'œuvre, ce qui permet de cette façon de préserver l'expérience originelle du spectateur avec l'œuvre.

Initié par le Réseau des médias variables, le concept des médias variables Note en bas de page 9 définit nombre de pratiques en art contemporain (incluant les arts médiatiques, les arts de la performance et les installations) ayant une part de variabilité dans leurs manifestations. Cette approche propose de décrire les œuvres indépendamment des médiums sur lesquels elles reposent. Note en bas de page 10 Le comportement des œuvres d'art médiatique pourraient être maintenu de façon différente dans la vie de l'œuvre. L'approche des médias variables tente d'évaluer à quel degré chacun de ses composants doit être complètement original ou modifié sans pour autant porter atteinte à son intégrité.

5.5. Conservation des arts éphémères

Nombre d'artistes définissent leurs œuvres comme étant éphémères ou en constante évolution, ce qui est contraire aux objectifs traditionnels de la conservation ainsi qu'au mandat des musées. Il est essentiel de respecter l'état transitionnel de l'œuvre puisqu'il est inhérent à sa nature fondamentale. Cependant, il est possible, en accord avec l'artiste, d'offrir des conditions de présentation et de mise en réserve qui pourront ralentir ce processus, prolongeant l'existence de l'œuvre. Le musée doit donc s'assurer de la documentation complète de l'œuvre pendant sa durée de vie.

6. Éthique et arts médiatiques

6.1. Introduction à la Loi sur le droit d'auteur liée aux œuvres

Au Canada, la Loi sur le droit d'auteur regroupe une série de droits dont le droit d'auteur et les droits moraux.

Le droit d'auteur permet de gérer la reproduction de l'œuvre sous une forme matérielle quelconque, de la présenter en public (droits d'exposition) et de la publier (droits de reproduction). Ces droits peuvent être cédés à une tierce personne avec ou sans restrictions. La cession n'est valable que si elle est mise par écrit et signée par l'artiste.

Les droits moraux comprennent le droit à l'intégrité de l'œuvre, le droit de paternité de l'artiste ainsi que le droit à l'anonymat. Ces droits sont réservés à l'auteur de l'œuvre, ils sont inaliénables, mais l'auteur peut y renoncer. Note en bas de page 11

6.2. Utilisation équitable dans le contexte de la conservation

Les arts médiatiques suscitent des questionnements quant à l'application de la Loi sur le droit d'auteur, notamment en raison de la durée de vie limitée des technologies. La Loi a un impact déterminant sur les stratégies de conservation des œuvres d'art médiatique.

En vertu de ces droits, l'artiste est le seul à pouvoir effectuer des modifications à son œuvre. Toutefois, la Loi comporte une utilisation équitable du droit d'auteur pour les musées. Elle autorise la reproduction d'une œuvre à des fins de gestion ou de conservation dans les situations suivantes, si :

  • l'original se détériore, s'est abîmé ou a été perdu;
  • l'original ne peut être vu, écouté ou manipulé en raison de son état;
  • le support original est désuet ou fait appel à une technique non disponible. Note en bas de page 12

6.3. Considérations contractuelles pour l'artiste et le musée

Les contrats entre le musée et l'artiste permettent de gérer la propriété intellectuelle, l'installation, l'exposition et les stratégies de conservation des œuvres d'art médiatique. Ils peuvent porter sur certains des éléments suivants :

Définition, identification et description de ce que le musée acquiert (description détaillée de l'œuvre et des éléments susceptibles d'évoluer);

Autorisation pour l'application des stratégies de conservation parmi les suivantes :

  • recréation d'un programme informatique;
  • remplacement de certains composants;
  • reproduction de bandes audio-visuelles.

Description du contexte d'exposition et d'installation optimale de l'œuvre;

Identification des coauteurs et des collaborateurs de l'œuvre. Les droits associés à l'œuvre ne sont pas la propriété exclusive de l'artiste, puisque des collaborateurs peuvent créer des composants de l'œuvre. Dans ce contexte, l'artiste doit fournir au musée l'ensemble des autorisations associées à l'exploitation de son œuvre. La recréation d'un logiciel peut, par exemple, nécessiter l'autorisation de son programmeur; Note en bas de page 13

Identification des éléments provenant d'autres corpus artistiques dont l'artiste s'est appropriés pour réaliser son œuvre; Note en bas de page 14

Évaluation de la faisabilité d'une édition limitée de l'œuvre.
Les musées peuvent formuler des contrats avec l'artiste pour restreindre un DVD à une copie exclusive, afin d'en assurer le monopole. Note en bas de page 15
Autorisation d'exposer des documents d'archives.
Les œuvres éphémères peuvent être remplacées par des éléments d'archives dans le contexte d'une exposition. Les musées doivent donc établir un contrat avec l'artiste afin d'obtenir son autorisation à cet égard. Note en bas de page 16

6.4. Philosophie Open Source

Traditionnellement, les œuvres d'art sont perçues comme la propriété exclusive d'un artiste et sont protégées par le droit d'auteur. Certains contrats permettent cependant aux artistes d'accorder plus de liberté au public dans l'utilisation de leurs œuvres.

La philosophie derrière la fondation Free Software Note en bas de page 17 et l'initiative Open Source Note en bas de page 18 est de permettre aux utilisateurs d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier, de modifier ou d'améliorer un logiciel. Pour qu'un logiciel comporte cette désignation, son auteur doit le distribuer sous la licence d'un logiciel libre dont il existe de nombreux modèles.

Le projet Creative Commons, fondé en 2001 à la Stanford Law School, propose des modèles de licences pour autoriser la reproduction et la distribution d'œuvres en ligne. Chaque type de licence propose un niveau spécifique d'exploitation et doit être distribué avec les œuvres. Note en bas de page 19

Initialisé en 1984, le projet GNU Note en bas de page 20 comprend un système de logiciels libres afin d'établir un esprit coopératif. Les logiciels libres GNU sont répertoriés dans une base de données hébergée par la Fondation pour le logiciel libre.

D'autres types de contrats permettent d'appliquer la philosophie de la fondation Free Software et de l'initiative Open Source aux œuvres d'art médiatique. Ainsi, la Licence Art Libre Note en bas de page 21 créée à Paris en 2000 autorise la copie, la diffusion et la transformation des œuvres dans le respect des droits d'auteur.

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