1.3.1 Définition d'une politique
Une politique est un jeu d'énoncés de principes, de valeurs et d'intentions qui résume les attentes et fournit une base de prise de décisions cohérentes et d'attribution de ressources à une fin particulière.Note en bas de page 10 Le terme « politique » découle du mot grec « politikos » (qui signifie relatif à la cité, au gouvernement de l'État). Selon le Petit Robert, c'est « l'art et la pratique du gouvernement des sociétés humaines ». Le mot moderne « police » provient de la même origine. De fait, les politiques constituent l'un des principaux outils de gouvernance d'une institution. Les musées reposent depuis longtemps sur pareilles politiques pour les acquisitions, les collections, les prêts, les retraits d'inventaire (ou aliénations), les questions de personnel et tout autre aspect qui exige une surveillance de la part de l'institution.
Comment les politiques mènent-elles à une saine gouvernance? Elles expriment pour l'ensemble de l'institution le respect et la responsabilité d'un enjeu particulier. Elles protègent les institutions contre les accusations de fautes professionnelles et leur permettent de résoudre les questions avant que des différends ne surgissent. Elles informent le personnel des choses « à faire » ou « à ne pas faire » au sein de l'institution. Elles assurent la responsabilité redditionnelle (c.-à-d. l'obligation de rendre des comptes) des institutions et établissent une norme élevée que doit respecter l'institution. Elles aident les institutions à gérer les liens qui amélioreront le rôle et la perception des institutions, ainsi que leur productivité. Enfin, elles permettent aux institutions de mettre au point des mécanismes pratiques pour résoudre les questions qui ne sont pas abordées dans la loi.
À titre de déclaration de principes de haut niveau, une politique met l'accent sur des énoncés généraux, et non pas sur les détails. Une bonne politique est écrite de manière lisible, inclusive et holistique dans son approche du sujet traité, reconnaît la culture et les valeurs institutionnelles, et est autonome sur le plan technologique. [Traduction libre]Note en bas de page 11 Elle peut être facilement respectée par toute personne relevant d'une institution, et elle est révisée / mise à jour périodiquement pour tenir compte des modifications apportées à la philosophie, à la mission ou à tout nouvel enjeu émergeant de nature institutionnelle. Une bonne politique se conforme à toutes les lois pertinentes à la question de politique, mais n'est pas un simple ramassis de prescriptions juridiques. Souvent, elle peut et doit établir une norme supérieure à celle édictée par les articles de lois de l'administration fédérale, des gouvernements provinciaux ou de l'État. Le domaine des droits moraux procure un exemple de la manière dont cette situation peut survenir. La législation canadienne et la législation américaine traitent toutes deux du concept des droits moraux : le droit canadien s'en remet à un modèle élargi de droits moraux qui est énoncé dans la Convention de Berne, tandis que les lois américaines adoptent un champ d'application plus restreint (tel que décrit dans la loi américaine sur les droits des artistes visuels ou Visual Artists Rights ActNote en bas de page 12 s'inscrivant dans la loi américaine sur les droits d'auteur ou U.S. Copyright Act). Bien que « la lettre de la loi » (c.-à-d. portée et application) varie beaucoup d'un pays à l'autre, l'esprit de la loi — suivant lequel les artistes conservent à l'égard de leurs créations des droits indépendants des droits économiques — s'avère le même. Un musée d'art contemporain des États-Unis qui attribue une grande valeur à son rapport avec les artistes peut souhaiter honorer l'esprit de la loi en adoptant comme politique institutionnelle touchant les droits moraux (telle qu'énoncée dans la Convention de Berne) une politique plus large que ce qu'exige la législation américaine.
Même si les éléments compris dans une politique peuvent varier selon les besoins d'une institution, une politique bien construite inclura toujours les blocs d'information suivants :
- des énoncés précisant ce qui est permis et ce qui ne l'est pas;
- des déclarations sur la manière dont l'institution prévoit assurer le respect (la surveillance) de la politique;
- des précisions sur les répercussions à toute omission à respecter (appliquer) la politique;
- des liens menant à toute autre politique pertinente;
- des liens vers les procédures et pratiques applicables.
1.3.2 Définition d'une procédure
Quoique le présent guide mette l'accent sur les politiques relatives à la propriété intellectuelle, il est important de comprendre les procédures et leurs liens par rapport aux politiques. Il n'est pas inhabituel pour les institutions de confondre les deux, bien qu'il s'agisse de notions nettement distinctes de par leur objet, leur élaboration et leur utilisation (voir Tableau C). Une procédure est une méthode particulière d'accomplir une tâche qui est habituellement mise en œuvre au moyen d' « étapes » successives. Les procédures précisent les questions « qui ? », et « comment ? » que les politiques n'abordent pas. Elles résument la manière dont les opérations quotidiennes doivent s'exécuter. Les procédures sont malléables et peuvent être facilement modifiées, souvent en réponse à des besoins opérationnels spécifiques tels que le roulement du personnel, la réorganisation d'un département, la mise en œuvre d'une nouvelle technologie ou l'avènement de nouveaux projets. Elles sont plus faciles à élaborer et à approuver, puisqu'elles ne nécessitent la participation que des personnes touchées par les « étapes » particulières visées par la modification.
Les musées sont surchargées de procédures — depuis le processus initial d'acquisition d'un élément jusqu'à chacune des activités qui en gouverne l'utilisation. Souvent, ces procédures sont maintenues et régies au moyen de « listes de contrôle » qui énoncent chacune des étapes pertinentes, mais elles peuvent également être appliquées de manière officielle grâce à des lignes directrices.
Idéalement, les procédures devraient découler des politiques, mais la réalité muséale est telle que bon nombre de procédures sont créées en l'absence d'une politique. (La pression à combler les besoins quotidiens favorise une réponse rapide et systématique que permet une procédure.) Peu de musées, par exemple, disposent de politiques sur la PI, mais la plupart ont des procédures quelconques relatives à la propriété intellectuelle, notamment : des listes de contrôle sur les droits et les reproductions; des barèmes de droits et des grilles d'utilisation; et des procédures de filmage et de photographie pour les galeries d'art.
Tableau C : Différences entre « politique » et « procédure »Note en bas de page 13
Politique | Procédure |
Décrit les principes |
Décrit les processus |
Répond aux questions « quoi? » et « pourquoi? » |
Répond aux questions « comment? », « quand? » et « qui? » |
Facilite la gouvernance |
Facilite les opérations |
S'applique de manière générale |
S'applique de manière restreinte |
S'énonce de manière vaste et inclusive |
S'énonce de manière détaillée |
S'adapte aux modifications touchant la mission/philosophie institutionnelle, les liens ou les nouvelles questions émergeantes |
S'adapte aux besoins opérationnels de l'institution |
Se retouche peu souvent |
Se retouche souvent |
1.3.3 Interactions entre les politiques et les procédures
Bien que les politiques et les procédures aient des buts et des rôles fort différents, elles contribuent ensemble à réaliser les objectifs globaux d'une institution. En fait, les politiques sont mises en œuvre au moyen des procédures. Par exemple, une politique muséale peut préciser que le musée reconnaîtra et soulignera en bonne et due forme la propriété de tous les biens de la PI, mais ce sont les procédures qui énonceront exactement la manière dont le personnel du musée y parviendra (p. ex., en utilisant des mentions de sources, des attributions, des avis de droits d'auteur ou des symboles de marques de commerce).