Notes d’allocution pour l’honorable Ginette Petitpas Taylor, ministre de la Santé : Association canadienne pour la santé mentale 2e Congrès annuel La santé mentale pour tous « Vers une société concertée »
Discours
18 septembre 2017
Toronto (Ontario)
Seule la version prononcée fait foi.
Bonjour et bienvenue à tous.
Je commencerai par souligner que l’endroit où nous sommes réunis est le territoire traditionnel du peuple Haudenosaunee [howden oh SAWnee], et, plus récemment, le territoire de la Première Nation des Mississaugas de New Credit, qui est représentée ici aujourd’hui.
Merci à l’aîné Peter Schuler de participer à ces cérémonies d’ouverture.
C’est une journée très spéciale pour moi. C’est mon premier discours à titre de ministre de la Santé, et je suis ravie qu’il porte sur la santé mentale. Il s’agit d’une question qui me tient à cœur. Vous savez, lorsque le premier ministre m’a demandé d’assumer ce rôle, j’étais impressionnée par le portefeuille, notamment en raison de ses répercussions sur la santé mentale.
À vrai dire, la première chose qui m’est venue à l’esprit est l’idée que je pourrais poursuivre le travail accompli dans ce domaine par ma prédécesseure, Jane Philpott.
Certains d’entre vous savent peut-être que j’ai fait carrière comme travailleuse sociale. J’ai passé 25 ans à travailler dans la collectivité et à aider à résoudre des problèmes auxquels les premiers intervenants font face tous les jours. Ces expériences m’ont appris une leçon très importante : que la collaboration avec les fournisseurs de services est essentielle pour améliorer les soins prodigués aux patients.
Dans l’exercice de mes fonctions actuelles, je compte participer à des activités comme celle-ci, qui offrent à divers groups de professionnels des occasions cruciales de se réunir pour examiner ce qui se fait partout au pays, discuter de la façon d’éliminer les obstacles à l’accès et parler de certains moyens novateurs de lutter contre la maladie mentale.
Comme travailleuse sociale, j’étais fière de fournir des services de counseling à des personnes victimes d’actes criminels, surtout quand un traumatisme était apparent. Au cours de cette période, j’ai appris la valeur de la compassion, que j’ai partagée avec mes collègues, et j’ai également travaillé fort pour mettre fin à la stigmatisation souvent associée à la santé mentale.
J’ai également été bénévole pour plusieurs organisations qui se consacrent à l’aide aux victimes d’actes criminels et aux personnes qui vivent avec une maladie mentale, notamment le Comité de prévention du suicide de l’Association canadienne pour la santé mentale, à Moncton.
Par mon travail et mes activités bénévoles, j’ai été témoin des effets des traumatismes, de la stigmatisation et de l’utilisation problématique de substances sur des personnes.
Mais j’ai aussi constaté que certaines de ces personnes – lorsqu’elles profitaient d’un soutien et de services adéquats – peuvent survivre et, ultimement, réussir.
Aujourd’hui, j’aimerais mettre l’accent sur trois thèmes.
1. Discuter de l’état des soins de santé mentale au Canada, tant à l’échelle nationale que dans les communautés autochtones plus particulièrement.
2. Publiciser les mesures que prend le gouvernement du Canada pour aider la population canadienne à avoir accès aux mesures de soutien offertes en santé mentale et pour aborder les inégalités sociales qui influent sur la santé.
3. Faire appel à tous pour mettre fin à la stigmatisation entourant la maladie mentale, qui empêche bon nombre de personnes de demander de l’aide.
1 – État actuel de la santé mentale
Lorsqu’il est question de la santé mentale, le portrait canadien est sombre.
• Plus de 10 Canadiens meurent par suicide chaque jour.
• Au Canada, 1 personne sur 3 rapporte avoir vécu pendant l’enfance une certaine forme de maltraitance, comme de mauvais traitements physiques, de la violence sexuelle ou une exposition à la violence au foyer.
o En fait, la violence familiale représente plus d’un quart des crimes violents rapportés à la police.
• Les problèmes de santé mentale touchent non seulement les personnes et les familles, mais également les collectivités et la société entière. Selon des estimations, la dépression et l’anxiété entraînent pour l’économie canadienne des pertes de productivité d’une valeur de près de 50 milliards de dollars par année.
Ces faits sont un dur rappel pour chacun d’entre nous du travail qu’il reste à accomplir – travail qu’aucun ministère, organisme gouvernemental, organisme de bienfaisance ou organisme privé ne peut accomplir seul. Le thème du congrès l’exprime clairement : « Vers une société concertée ». Je crois que nous sommes tous – professionnels de la santé, travailleurs sociaux, défenseurs et personnes ayant une expérience vécue ou un vécu actuel – d’accord que comme pays, nous devons en faire plus pour aider les personnes qui vivent avec une maladie mentale.
Nous devons simultanément reconnaître les progrès que nous avons accomplis. Comme société, nous parlons maintenant de santé mentale de façon ouverte et franche. Nous avons pris conscience de l’importance du bien-être mental comme indicateur d’une bonne santé, de la profondeur et de l’étendue des défis auxquels nous faisons face ainsi que de la nécessité de prendre des mesures collectives. Ce degré élevé de réalisations représente, à lui seul, d’importants progrès.
Je me tiens devant vous aujourd’hui à titre de ministre de la Santé et de représentante d’un gouvernement qui croit fermement à l’avancement du travail qui doit être fait en santé mentale. La maladie mentale est sortie de l’ombre.
2 – Mesures prises par le gouvernement du Canada
Accroître l’accès aux services de santé mentale
Comme vous le savez, notre gouvernement a conclu un accord avec la totalité des provinces et des territoires qui entraînera des investissements historiques en santé mentale sur les dix (10) prochaines années.
Nous nous sommes engagés à verser cinq (5) milliards de dollars en nouveau financement ciblé pour améliorer l’accès aux services de santé mentale et de traitement des dépendances partout au Canada. C’est la toute première fois qu’un investissement aussi important est consacré à la santé mentale.
Le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires ont appuyé un énoncé de principes communs sur les priorités partagées en santé, lequel détermine les principaux domaines d’intervention, y compris en ce qui concerne la santé mentale et les dépendances.
J’ai hâte à la prochaine étape de ces ententes, qui visent à fixer un ensemble d’indicateurs significatifs pour que la population canadienne puisse comprendre notre progression par rapport à l’intégration des services en santé mentale.
Toutefois, l’amélioration de l’accès aux services en santé mentale au moyen d’une meilleure intégration aux systèmes de santé globaux n’est qu’une partie de la solution. Nous devons également aborder l’incidence des déterminants sociaux sur la santé mentale des Canadiennes et des Canadiens.
Déterminants sociaux de la santé
Nous savons qu’un certain nombre de facteurs sociaux, économiques et environnementaux – appelés déterminants sociaux de la santé – influent sur la santé, y compris sur la santé mentale. Ces facteurs comprennent le logement, les études et l’accès à l’emploi.
Notre gouvernement comprend la nécessité de réduire la pauvreté, d’améliorer l’apprentissage en bas âge et d’accroître l’accès au logement.
Nous nous engageons dans ce but à créer une Stratégie canadienne pour la réduction de la pauvreté en vue de réduire la pauvreté et d’améliorer le bien-être économique de toutes les familles canadiennes, de sorte qu’elles puissent avoir une possibilité réelle et équitable de réussir.
Dans le budget 2017, nous avons engagé 11,2 milliards de dollars pour du nouveau financement sur 11 ans dans le contexte d’une stratégie nationale en matière de logement. Cette stratégie vise à agrandir, à remplacer et à réparer le parc de logements abordables du Canada, ainsi qu'à veiller à ce que les Canadiennes et les Canadiens aient un logement qui répond à leurs besoins. Les personnes vivant avec une maladie mentale constituent l’un des groupes jugés prioritaires.
Notre gouvernement a lancé l’Allocation canadienne pour enfants, qui fournit du soutien aux personnes qui en ont le plus besoin, comme les familles monoparentales et à faible revenu. Grâce à cette initiative, on constate aujourd’hui qu’environ 300 000 enfants ne vivent plus sous le seuil de la pauvreté.
De plus, nous travaillons avec les provinces et les territoires, le secteur privé et les établissements d’enseignement en vue d’explorer de nouvelles approches pour l’innovation et l’acquisition de compétences.
Ce ne sont là que quelques exemples de mesures prises par notre gouvernement pour améliorer la qualité de vie de la population canadienne et, par le fait même, de sa santé mentale. Bien qu’il s’agisse de mesures importantes, nous savons que nous devons continuer à investir dans tous les domaines pour la poursuite de l’équité sociale et qu’il reste encore fort à faire.
Mesures de soutien pour les Autochtones
C’est au sein des communautés autochtones du Canada que le besoin d’équité sociale est le plus criant.
La dure réalité – qui doit changer – est qu’il existe au Canada des écarts indéniables entre les résultats sur la santé et la santé mentale des populations autochtones et ceux des populations non autochtones.
L’État doit assumer une grande partie de la responsabilité de cet état des faits. Les peuples autochtones ont souffert de négligence et de discrimination systémique, notamment en matière d’accès aux soins de santé.
Conditions d’habitation médiocres, chômage, manque de services d’éducation et d’infrastructure dans la communauté, ainsi que séquelles laissées par les pensionnats indiens ont également aggravé la situation.
Combinés, ces facteurs ont beaucoup plombé les résultats sur la santé mentale dans ces communautés.
Les jeunes des Premières Nations ont des taux de suicide de cinq (5) à six (6) fois plus élevés environ que les jeunes non autochtones. La situation est encore plus alarmante pour les jeunes Inuits, qui ont l’un des taux de mort par suicide les plus élevés du monde.
Pour commencer à renverser ces séquelles dues à la négligence et à la discrimination, nous avons engagé dans le budget 2017 des fonds de 828 millions de dollars pour de nouveaux investissements pour améliorer les résultats sur la santé des Premières Nations et des Inuits.
De plus, la décision récente du premier ministre de créer deux nouveaux ministères pour mieux servir les affaires autochtones montre la volonté du gouvernement d’abandonner les structures et les institutions du passé qui ont caractérisé nos relations avec les peuples autochtones à ce jour.
Dans le cadre de ce changement d’éclairage historique, ma prédecesseure à Santé Canada, la ministre Philpott, a été appelée à améliorer la prestation des services et à réduire les inégalités sanitaires et sociales inacceptables auxquelles ces communautés font face. Je suis impatiente de travailler avec elle dans son nouveau rôle pour honorer notre promesse d’améliorer les conditions de vie des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada.
En plus des investissements annuels pour le financement des programmes et des services pour améliorer la santé mentale des Premières Nations et des Inuits, notre gouvernement a annoncé un investissement additionnel de 69 millions de dollars sur trois (3) ans pour soutenir les équipes de bien-être mental locales, les équipes d’intervention de crise et la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être des Premières Nations et des Inuits. À ce jour, la ligne d’aide a reçu plus de 2 000 appels.
Et dans le budget 2017, le gouvernement a promis une somme additionnelle de 118,2 millions de dollars sur cinq (5) ans pour améliorer les services en santé mentale pour les Premières Nations et les Inuits.
Ces investissements majeurs s’ajoutent aux programmes existants au sein de mon propre portefeuille de la Santé pour favoriser la santé mentale au sein des populations autochtones.
À titre d’exemple, Santé Canada a financé la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones à l’appui de près de 138 projets communautaires pour la prévention du suicide chez les jeunes dans les communautés des Premières Nations et des Inuits à l’échelle du Canada.
Santé Canada a aussi versé neuf (9) millions de dollars à la Stratégie de prévention du suicide d’Inuit Tapiriit Kanatami, laquelle offre aux populations inuites des services et ressources en santé mentale personnalisés.
L’Agence de la santé publique du Canada appuie une gamme d’activités et de programmes axés sur les facteurs qui mènent à une bonne santé mentale. À titre d’exemple, des programmes pour la santé maternelle et infantile aident à accroître la résilience des familles et des jeunes enfants vulnérables en appuyant une parentalité positive, un attachement familial et des relations saines. Beaucoup de ces programmes mettent l’accent sur la littératie culturelle et le soutien aux femmes, aux enfants et aux familles autochtones.
Bien que les programmes existants et les nouveaux investissements représentent une partie importante de nos efforts pour corriger les iniquités qu’ont subies les peuples autochtones pendant des générations, il y a encore fort à faire.
Crise des opioïdes
Un autre problème qu’il faut aborder dans le contexte de cette discussion est le lien entre la maladie mentale, l’utilisation problématique de substances et la crise des opioïdes.
Bien qu’une mauvaise santé mentale ne soit pas l’unique cause de l’actuelle crise des opioïdes, il s’agit certainement d’un facteur contributif.
En 2016, il y a eu plus de 2 800 décès apparemment liés aux opioïdes au Canada. Selon nos plus récentes données, le nombre de décès liés aux opioïdes dépassera presque certainement 3 000 morts. Pour mettre le tout en perspective, c’est presque le double du nombre de décès dus aux accidents de la route en 2014 dans l’ensemble du Canada.
C’est une tragédie inacceptable. Ce ne sont pas que des chiffres : ce sont des personnes qui avaient toutes leur propre histoire de besoins non comblés. Et c’est pourquoi le gouvernement fédéral est résolu à adopter par rapport à la crise d’opioïdes une approche de réduction des méfaits complète, axée sur la compassion et la collaboration. Nous continuerons de montrer l’exemple et de travailler avec des professionnels de la santé, des spécialistes des dépendances, des personnes ayant une expérience vécue ou un vécu actuel, des personnes vivant avec des douleurs chroniques, ainsi que les provinces, les territoires et les municipalités pour s’attaquer à cette crise et aux causes sous-jacentes de l’utilisation problématique de substances.
3 – Réduction de la stigmatisation
Comme pour le trouble d’utilisation de substances, nous devons reconnaître la stigmatisation entourant la santé mentale et travailler pour y mettre fin. Nous ne dirions jamais à un ami ou à un proche qu’il doit simplement « passer par dessus » s’il reçoit un diagnostic de cancer ou d’une autre maladie qui touche la santé physique. Alors pourquoi serait-il acceptable d’employer ce genre de langage par rapport à une personne qui vit avec une dépression, un état de stress post traumatique ou des pensées suicidaires?
La stigmatisation est un obstacle qui décourage les gens d’aller chercher de l’aide ou d’en offrir à une personne qui en a besoin.
Des initiatives comme Bell Cause pour la cause contribuent à combattre la stigmatisation qui entoure la santé mentale. Selon le sondage Nielsen de 2015 entrepris au nom de Bell Cause pour la cause, 81 % des Canadiens étaient davantage sensibilisés aux questions liées à la santé mentale qu’ils ne l’étaient en 2010, et 57 % sont d’avis que la stigmatisation entourant la maladie mentale a diminué.
Je félicite la Commission de la santé mentale du Canada de son travail pour soutenir la prévention du suicide, pour aborder l’utilisation problématique de substances et pour améliorer la compréhension qu’a la population canadienne des questions de santé mentale.
Nous observons également des progrès dans l’élimination de l’obstacle de la stigmatisation au sein du gouvernement. Outre les initiatives mentionnées précédemment, notre gouvernement s’engage à aider les personnes qui vivent avec un état de stress post-traumatique à relever les défis auxquels elles font face.
À titre d’exemple, Anciens Combattants Canada prévoit créer pour les anciens combattants un nouveau Centre d’excellence pour les soins des vétérans dont les spécialités seront les soins en santé mentale, l’état de stress post-traumatique et les questions connexes.
D’autres l’ont déjà dit, mais je le répète : la maladie mentale est une maladie, pas une faiblesse.
Pour conclure, permettez-moi de revenir à notre thème d’aujourd’hui : « Vers une société concertée ». Au Canada, chacune et chacun d’entre nous peut et doit en faire plus pour contribuer à l’amélioration de notre santé mentale collective. Nous sommes loin d’être un chef de file en la matière. Nous redoublons maintenant d’efforts en travaillant avec les provinces et les territoires et en investissant de manière ciblée pour mieux prendre soin des Canadiennes et des Canadiens qui vivent avec une maladie mentale.
Nous devons aller au-delà du secteur de la santé et faire la promotion de la santé mentale dans les écoles, les lieux de travail et les collectivités partout au Canada. Une activité comme celle tenue aujourd’hui est une occasion majeure de souligner l’incidence positive que nous pouvons tous avoir les uns sur les autres quand nous écoutons un peu plus longtemps, quand nous faisons montre de plus de compassion et quand nous parlons ouvertement de la santé mentale.
Nous devons améliorer l’accès à des services de qualité et collaborer au-delà des régions, des professions et des administrations pour renforcer l’approche du Canada face à ce défi.
Je remercie l’Association canadienne pour la santé mentale d’avoir organisé le présent congrès. Vous offrez aujourd’hui à des gens de partout au pays une occasion importante de créer des partenariats et d’explorer des moyens viables pour améliorer la santé mentale et favoriser le bien-être mental.
J’ai très hâte de travailler avec vous au cours des mois et années à venir.
Merci à vous tous de mettre en lumière les maladies mentales, d’aborder courageusement les défis et d’apporter de l’espoir et du réconfort à des millions de Canadiennes et de Canadiens.
Merci. Thank you.