Stratégie pour la santé des femmes

Table des matières

Message du Ministre

Au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus évident que le système de santé devait tenir davantage compte des questions de santé touchant les femmes. Tout comme il est devenu manifeste qu'il fallait accroître la recherche en ce domaine, plus particulièrement sur les liens qui existent entre la santé des femmes et leur situation sociale et économique.

De tels constats sont d'ailleurs reflétés dans le document Programme d'action, qu'ont adopté le Canada et 188 autres pays à la clôture de la Quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, en septembre 1995. Ce message a été clairement transmis en août 1996 par les trois cents participants et participantes au Forum du Canada et des États-Unis sur la santé des femmes, coparrainé par Santé Canada et le U.S. Department of Health and Human Services.

Dans son rapport final, le Forum national sur la santé déclarait que le système de santé devait mieux répondre aux besoins distincts des femmes et porter une plus grande attention aux facteurs qui influent sur leur santé.

Je suis heureux de publier les détails de la Stratégie pour la santé des femmes de Santé Canada. Le présent document se présente comme un cadre ayant pour but de guider Santé Canada dans la poursuite des travaux amorcés au fil des ans. Dans le cadre de la Stratégie, je me suis engagé à intégrer pleinement l'analyse comparative entre les sexes dans tous les travaux d'élaboration de programmes et de politiques de mon ministère. Le Réseau canadien pour la santé des femmes et les cinq centres d'excellence pour la santé des femmes figurent parmi les piliers de la Stratégie.

Le Budget de 1999 inaugure une nouvelle ère d'engagement de la part du gouvernement fédéral à l'égard de la viabilité à long terme du système de santé du Canada. La Stratégie pour la santé des femmes est un important volet du programme de santé du gouvernement et témoigne de la détermination fédérale à améliorer l'état de santé des femmes du Canada.

Allan Rock
Mars 1999

Santé Canada a pour mission d'aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé. Tout au long de leur vie - pendant l'enfance, pendant l'âge adulte et lorsqu'elles avancent en âge - les femmes connaissent des conditions de vie et des problèmes de santé liés à leurs particularités biologiques et à leur condition sociale. La Stratégie pour la santé des femmes a pour objet de relever ces problèmes et d'y donner suite en veillant à ce que dans tous les domaines de compétence de Santé Canada, les femmes et les questions de santé qui les touchent soient pleinement prises en considération.

I. Introduction

Le présent document énonce la Stratégie pour la santé des femmes de Santé Canada et sa raison d'être. Il décrit la façon dont le système de santé, à divers égards, n'a pas répondu convenablement aux besoins et aux préoccupations des femmes. En outre, il met en lumière quelques-uns des problèmes qui sont à l'origine des décès chez les femmes ainsi que des maladies et des difficultés qui les touchent, et il traite de la qualité de vie et des facteurs sociaux et économiques qui ont une incidence sur la santé des femmes. Enfin, il délimite un large éventail de secteurs où le Ministère peut intervenir face à ces questions. Le présent document renvoie à un certain nombre de concepts et de termes qui sont essentiels pour comprendre l'approche actuelle de Santé Canada, la Stratégie proprement dite et l'analyse qui la sous-tend. On trouvera un glossaire à la page 41.

Prendre conscience des questions

Le peuple canadien est l'un des peuples les plus en santé au monde, et l'espérance de vie des femmes canadiennes est l'une des plus élevées. Néanmoins, notre système de santé n'a pas toujours compris les facteurs qui influent sur l'état de santé des femmes ni abordé les questions touchant les femmes dans les domaines de la recherche, de l'éducation, du leadership et des interventions en matière de santé. Les partis pris ont eu une incidence sur les femmes en tant qu'utilisatrices du système de santé et en tant que dispensatrices de soins de santé, rémunérées ou non.

La santé est un état de total bien-être physique, psychologique et social, et non pas seulement l'absence de maladies ou d'infirmités. Le bien-être affectif, social et physique est déterminé aussi bien par le contexte social, politique et économique que par la biologie (par. 89).

Nations Unies, Programme d'action
Beijing, 1995

Progrès réalisés à ce jour

Au cours des dernières décennies, Santé Canada, ses organismes constitutifs et le système de santé dans son ensemble ont contribué à l'avancement de la santé des femmes dans des domaines comme le cancer du sein, le tabagisme et les nouvelles techniques de reproduction et de génétique, pour n'en nommer que quelques-uns. En septembre 1996, Santé Canada révisait ses directives de réglementation afin d'obliger les compagnies pharmaceutiques à inclure également des femmes dans leurs essais cliniques, dans la même proportion qu'il est prévu que les femmes utiliseront les médicaments. Ceci permettra de remédier au problème qui consiste à appliquer aux femmes les conclusions de recherches menées uniquement sur des hommes. Le Programme national de recherche et de développement en matière de santé a inclus la santé des femmes parmi ses priorités. Ce ne sont là que quelques-uns des exemples de l'engagement de Santé Canada dans la promotion de la santé des femmes.

En dépit de l'importance de ces réalisations, il reste beaucoup à faire. Le Ministère est conscient de la nécessité de tabler sur les progrès récents et de s'employer encore plus énergiquement à améliorer la santé des femmes. C'est pourquoi il a inclus la santé des femmes parmi ses priorités et mis au point une stratégie devant permettre d'amorcer une action face aux préoccupations des femmes en matière de santé.

Les engagements du Canada envers la santé des femmes

La Stratégie pour la santé des femmes repose sur la reconnaissance à l'échelle mondiale que le système de santé doit accorder aux femmes et aux hommes un « traitement » égal dans tous les sens du terme, et viser des résultats équitables pour les femmes comme pour les hommes. Le Canada a affirmé cet engagement lorsqu'il a adopté le Programme d'action, le document final de la Quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, tenue à Beijing en 1995.

Préalablement à la Conférence de Beijing, les Nations Unies avaient invité les pays à se donner un plan d'action national dans le but d'améliorer la situation des femmes. En réponse à cette invitation, le gouvernement fédéral a publié en août 1995 son Plan fédéral pour l'égalité des sexes. Le chapitre 3 du plan, intitulé « Améliorer le mieux-être physique et psychologique des femmes », traitait des aspects essentiels à l'état de santé des femmes au Canada et énonçait l'engagement de mettre en œuvre une stratégie pour la santé des femmes.

La Stratégie pour la santé des femmes : la réponse de Santé Canada

La Stratégie pour la santé des femmes délimite le cadre à l'intérieur duquel Santé Canada s'emploiera à relever les défis d'aujourd'hui et de demain en matière de santé pour la moitié de la population canadienne. La Stratégie confirme les postulats énoncés dans le Programme d'action de Beijing et dans le Plan fédéral, à savoir que tous les aspects de la vie des femmes - leur santé, leur situation sociale, économique et juridique - sont interdépendants et influent sur leur bien-être. Bien que la Stratégie porte principalement sur le système de santé, Santé Canada travaillera en collaboration avec les autres ministères à promouvoir une démarche holistique et multisectorielle dans les politiques qu'il établira en matière de santé et de développement social.

Les États participants prendront toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination envers les femmes dans le secteur des soins de santé afin d'assurer l'accès aux services de santé, y compris aux services de planification familiale, conformément au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
Article 12, Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes

La Stratégie relève un défi important énoncé dans le Programme d'action et dans le Plan fédéral, à savoir que Santé Canada s'engagera, au moyen d'une analyse comparative entre les sexes, à élaborer ses programmes et ses politiques en tenant compte des différences entre les hommes et les femmes. (voir Glossaire).

L'objectif primordial de la Stratégie pour la santé des femmes est d'améliorer la santé des femmes au Canada en faisant en sorte que le système de santé tienne davantage compte des femmes et de leur santé. La Stratégie vise quatre objectifs principaux:

  1. faire en sorte que les politiques et les programmes de Santé Canada tiennent compte des différences biologiques et sociales* entre les sexes et répondent aux besoins des femmes en matière de santé;
  2. accroître la connaissance et la compréhension de la santé des femmes et des besoins des femmes en matière de santé;
  3. soutenir la prestation aux femmes de services de santé appropriés et efficaces;
  4. favoriser la bonne santé par des mesures de prévention et la réduction des facteurs de risque qui compromettent le plus la santé des femmes.

* Voir le Glossaire et plus précisément, les définitions de la « dimension biologique » et de la « dimension sociale » des différences entre les sexes. Pour reconnaître les préoccupations et les besoins distincts des femmes et mettre fin aux partis pris du système de santé, il faut comprendre les deux dimensions par lesquelles les hommes et les femmes se distinguent, à savoir la biologie et les attributs sociaux.

Santé Canada et le Bureau pour la santé des femmes

La mission de Santé Canada consiste à aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé. À cette fin, Santé Canada exerce un leadership, élabore des politiques, mène ou soutient des recherches internes et externes, recueille des données, exerce des activités de surveillance, agit en qualité d'organisme de réglementation, promeut la santé, prévient la maladie et fournit ou finance des services directs aux Premières nations et aux Inuit. Ces sphères de responsabilité relevant du mandat ministériel sont les avenues qu'utilisera Santé Canada pour mettre en œuvre la Stratégie pour la santé des femmes.

La Stratégie sera mise en œuvre dans le contexte de l'approche adoptée par Santé Canada pour l'élaboration des politiques et des programmes, à savoir une approche axée sur la santé de la population (voir Glossaire). Cette approche vise toute la population ou de grands sous-groupes et s'appuie sur des travaux de recherche importants démontrant qu'un ensemble de facteurs d'ordre personnel, social et économique, en plus des services de santé, joue un rôle important dans la promotion et le maintien de la santé.

Dans le cadre de l'approche axée sur l'amélioration de la santé de la population, les programmes et politiques de Santé Canada toucheront les trois étapes de la vie : l'enfance et l'adolescence, la période couvrant le début de la vie adulte jusqu'à l'âge mûr et la vie dans les derniers stades de l'âge adulte. Il sera tenu compte des différences biologiques et sociales entre les sexes dans le traitement de chacune de ces étapes de la vie. Par exemple, la contribution de Santé Canada au Plan d'action national pour les enfants et aux programmes pour les aînés sera influencée par les connaissances touchant ces questions.

Le Bureau pour la santé des femmes coordonnera la Stratégie au sein de Santé Canada. Il exercera un suivi des questions actuelles ou qui se manifestent, et veillera à ce que la Stratégie demeure pertinente au fil des années. Le Bureau prendra une part active à la réalisation du premier objectif de la Stratégie, dans le cadre de son mandat, qui est de s'assurer que tous les programmes et politiques du Ministère tiennent compte des différences entre les sexes. Il lancera des projets en vue d'améliorer sa fonction d'élaboration et de surveillance des politiques, et aidera Santé Canada à se rapprocher de l'objectif d'égalité entre les sexes, dans toutes ses activités.

Le Bureau soutient cinq centres d'excellence pour la santé des femmes de même que le Réseau canadien pour la santé des femmes. Ses activités d'élaboration des politiques sont informées par les nouvelles connaissances en provenance des centres et des autres sources d'information sur la recherche et la santé, comme le précise le deuxième objectif de la Stratégie. Le Bureau travaillera en collaboration avec toutes les sections du Ministère chargées des programmes et des politiques de manière à mettre de l'avant des mesures qui concourront à la réalisation des troisième et quatrième objectifs.

Les femmes ne forment pas un groupe homogène. L'incapacité, la race, l'origine ethnoculturelle et l'orientation sexuelle exercent des influences diverses sur la santé des femmes et sur leur interaction avec le système de santé. La Stratégie pour la santé des femmes tiendra compte des questions liées à la diversité. Ainsi, quelques-uns des cinq centres d'excellence pour la santé des femmes qui sont financés par le gouvernement fédéral concentrent leur action sur les questions de santé intéressant les immigrantes et les femmes autochtones, les femmes à faible revenu et les femmes vivant dans des régions rurales.

Un environnement en constante évolution

Partout au Canada, les systèmes de santé ont subi d'importantes réformes et transformations. Comme en fait mention le rapport final du Forum national sur la santé, bien que la nature même des changements et leur rythme de réalisation varient, la réforme de la santé dans son ensemble découle d'une volonté de freiner les dépenses en matière de santé et du constat que le système a grandement besoin d'être modernisé. L'évolution rapide du monde de la santé est caractérisée par de nombreux aspects : la dépendance réduite à l'égard des grands établissements de soins de santé, le transfert des pouvoirs décisionnels vers des structures régionales et communautaires nouvelles, les séjours à l'hôpital écourtés et le recours accru aux soins à domicile, la recherche de solutions autres que la rémunération à l'acte pour les médecins, l'arrivée de nouvelles catégories de fournisseurs de soins de santé (p. ex., les sages-femmes et infirmières de première ligne), l'insistance accrue sur la prévention et la recherche de l'efficience - que ce soit au niveau des interventions cliniques ou du système de santé dans son ensemble.

Immédiatement après la naissance et pendant leur enfance, les filles utilisent moins les services de santé que les garçons. Par contre, au-delà de l'enfance, les femmes canadiennes utilisent un plus large éventail de soins de santé. Les transformations que subira notre système de soins de santé auront, par conséquent, des répercussions très importantes pour les femmes. La réforme et la modernisation du système de santé seront positives dans la mesure où un nombre moins grand de femmes auront à subir des interventions ou à prendre des médicaments inutiles ou inefficaces, où elles auront accès à une meilleure médecine préventive, aux sages-femmes et à des soins de qualité dans leur propre maison. Mais si les femmes comprennent que leur accès aux services importants est limité, ou que l'effet net de l'insistance accrue sur les soins à domicile est que les femmes assument l'essentiel du fardeau des soins à long terme dispensés dans les familles- qu'il s'agisse de réadaptation ou de soins pour maladies chroniques- alors l'impact de la réforme de la santé paraîtra moins reluisant.

L'évolution rapide de la technologie électronique a des incidences sur le système de santé, à plusieurs égards. La constitution et la connexion de banques de données contenant des renseignements sur la santé des individus, l'administration de traitements via la télémédecine et l'utilisation d'Internet pour changer de l'information en matière de santé sont d'importantes tendances. Ces changements n'ont pas les mêmes conséquences pour les femmes que pour les hommes, car les uns et les autres n'envisagent pas et n'utilisent pas l'information sur la santé de la même façon, et n'y accèdent pas de manière égale. Au seuil de ce nouvel âge de technologie de l'information sur la santé, nous devons faire en sorte que les femmes et les hommes bénéficient également de ces innovations.

D'autres changements importants sont dignes de mention, notamment : l'intérêt grandissant des consommateurs pour les pratiques sanitaires et les thérapies parallèles ou d'appoint; un changement démographique marqué par le vieillissement et le pluralisme croissant de la société; enfin, la mondialisation des marchés et ses effets sur le secteur de la santé. Vus dans une perspective axée sur la comparaison entre les hommes et les femmes, tous ces changements apparaissent sous un jour différent selon qu'ils portent sur l'un ou l'autre des deux groupes.

II. La raison d'être de la Stratégie pour la santé des femmes

Ce n'est que tout récemment encore que les décideurs et les fournisseurs de services de santé ont reconnu, d'une manière concrète, à quel point les facteurs sociaux, économiques et culturels ont une incidence sur la santé des personnes. De la même façon, notre système de santé a mis du temps à reconnaître que les différences biologiques et sociales entre les sexes représentent d'autres déterminants importants de la santé. Pendant de nombreuses années, un mouvement naissant de femmes militant en faveur de la santé ont mis en lumière les partis pris que l'on peut observer dans le système de santé. Au début, le sentiment que le système fonctionnait au détriment des femmes était une perception intuitive et personnelle. Avec le temps, on s'est de plus en plus rendu compte que les lacunes dans le système s'amplifiaient et qu'il fallait trouver une solution globale - y compris des changements dans l'attitude et la pratique.

La Stratégie pour la santé des femmes a été élaborée pour :

  1. faire mieux comprendre le caractère distinct des questions de santé touchant les femmes et
  2. s'attaquer aux partis pris et à l'insensibilité du système de santé envers les femmes et aux questions les touchant.

Le caractère distinct des questions de santé touchant les femmes

La Stratégie pour la santé des femmes s'impose pour sensibiliser davantage les gens au fait qu'en matière de santé, le fait d'être une femme ou un homme entraîne des différences, et ceci dans plusieurs domaines : dans les profils de maladie, de décès et de mortalité; dans la façon dont les femmes et les hommes vivent la maladie; dans leurs interactions respectives avec le système de santé; dans les facteurs de risque qui menacent le bien-être des femmes et des hommes; dans l'influence exercée par les déterminants sociaux, économiques et personnels de la santé. Tous ces aspects sont commentés ci-après et étayés d'exemples communément reconnus. La volonté de mettre davantage en lumière ces points et de rechercher des mesures appropriées contre les partis pris fondés sur le sexe est la principale raison qui justifie l'existence de la Stratégie pour la santé des femmes.

1. Causes de décès chez les femmes

Les femmes ont une espérance de vie qui est de six ans supérieure à celle des hommes.Note de bas de page 1 Le taux de décès est plus élevé chez les hommes que chez les femmes dans tous les groupes d'âge, particulièrement celui des 20 à 44 ans, où la probabilité de décès est plus que le double de celle des femmes.Note de bas de page 2 Ces différences s'expliquent en grande partie par le fait que les hommes meurent de causes « externes », les principales causes de mortalité étant les accidents de véhicules motorisés et le suicide.

Cependant, on constate un revirement de ces statistiques pour ce qui est des décès attribuables au cancer dans le groupe des 20 à 44 ans : les femmes dans la fleur de l'âge meurent en plus grand nombre que les hommes. Selon les prévisions portant sur les décès liés au cancer pour 1998, les femmes du groupe d'âge de 30 à 39 ans, par exemple, afficheront un taux de décès une fois et demie plus élevé que celui des hommes. Dans le groupe d'âge des femmes de 40 à 49 ans, le taux de décès attribuable au cancer sera supérieur du tiers à celui des hommes.Note de bas de page 3 Ces décès sont essentiellement imputables au cancer du sein, dont les causes restent encore grandement inconnues.

De plus, les femmes continuent de mourir de maladies qui sont dans une large mesure évitables, notamment le cancer du col utérin. Un nombre sans précédent de femmes meurent maintenant des suites d'un cancer pulmonaire, une autre maladie qui est largement évitable. En 1994, pour la première fois, le cancer du poumon a surpassé le cancer du sein en tant que principale cause de décès de femmes des suites d'un cancer.Note de bas de page 4 Bien que l'incidence du cancer du sein soit moins élevée chez les femmes noires, celles-ci ont tendance à mourir de cette maladie en plus grand nombre que les femmes blanches, ce qui souligne la nécessité de se pencher sur les questions liées à la diversité.

La mortalité n'est pas le seul indicateur de la santé qui entre en ligne de compte dans l'examen des différences entre les hommes et les femmes. En dépit de l'espérance de vie des femmes, qui atteint près de 81 ans,Note de bas de page 5 la dernière partie de leur vie est souvent caractérisée par l'isolement, l'invalidité et les problèmes de santé.

En général, bien que les femmes vivent plus longtemps que les hommes, soit 6,3 années de plus, elles ne jouissent que d'une année et demie de plus sans incapacité (p. 27).

Rapport sur la santé des Canadiens et des Canadiennes, septembre 1996

Les femmes les plus à risque sont celles qui sont peu instruites, ont un faible revenu et ont peu de contrôle sur leur milieu de travail. Ces femmes sont plus susceptibles de fumer, de mener une vie sédentaire et d'être obèses. C'est le cas également des femmes membres d'une minorité visible, particulièrement des femmes originaires de l'Asie du sud et des femmes noires.
Women, Heart Disease and Stroke in Canada, Heart and Stroke Foundation of Canada, 1997

2. Les maladies et les problèmes de santé des femmes, et la façon dont elles les vivent

Le secteur de la santé s'est beaucoup attardé à l'appareil reproducteur des femmes, et en particulier à ce qui a trait à la maternité. Des succès importants ont été obtenus dans ce domaine. Toutefois, les maladies communes aux hommes et aux femmes n'ont pas toujours été comprises sous l'angle des différences qu'elles présentent selon qu'on est de sexe masculin ou féminin, et ces différences n'ont donc pas été dûment prises en considération par le système de santé.

Les maladies du cœur en sont un exemple. Les mesures de prévention, le diagnostic et le traitement doivent refléter le fait que les symptômes, la progression de la maladie, l'effet des médicaments et le bien-fondé de certaines interventions chirurgicales diffèrent selon qu'on est un homme ou une femme. De plus, dans le domaine de la recherche sur de nouveaux médicaments pour traiter les maladies cardiaques, les femmes ont depuis toujours rarement été du nombre des sujets possibles pour les essais. Les maladies cardiovasculaires (maladies du cœur et accidents cérébrovasculaires) sont la principale cause de décès et l'une des principales causes d'invalidité chez les femmes. Les femmes elles-mêmes, lorsqu'on leur demande quelle est la maladie qui représente le plus grand risque de décès pour elles, nommeront habituellement le cancer du sein,Note de bas de page 6 sans se rendre compte que les maladies cardiovasculaires présentent des risques plus importants. Cette méconnaissance des faits a des répercussions sur les efforts de promotion de la santé.

Dans presque tous les groupes d'âge, les femmes souffrent davantage de maladies chroniques, en particulier de migraines, d'allergies, d'arthrite et de rhumatisme. Les femmes relativement jeunes éprouvent davantage de problèmes de dos et de membres que n'en éprouvent les hommes du même âge.Note de bas de page 7 Les activités de formation, d'élaboration de programmes et de promotion de la santé doivent tenir compte de ces différences.

L'un des domaines où l'on observe les plus grandes différences entre les hommes et les femmes concerne leurs profils respectifs quant aux troubles de santé mentale. Étude après étude constate que les niveaux de dépression sont plus élevés chez les femmes.Note de bas de page 8,Note de bas de page 9 Les jeunes femmes en particulier sont plus enclines à avoir une piètre image d'elles-mêmes.Note de bas de page 10 Le taux d'hospitalisation pour traitement psychiatrique est invariablement plus élevé chez les femmes.Note de bas de page 11 Alors que les hommes se suicident plus fréquemment,Note de bas de page 12 les femmes tentent plus souvent de mettre fin à leurs jours, mais sont plus susceptibles d'échouer.Note de bas de page 13 Toutes ces observations tendent à souligner une différence fondée sur le sexe quant à la façon dont les femmes et les hommes vivent le stress et les événements de la vie et composent avec eux, et quant à la façon dont les uns et les autres expriment leur détresse. Des découvertes récentes au sujet des liens entre le stress et la perturbation du système immunitaire ne font que souligner davantage la nécessité d'étudier le stress dans la vie aussi bien des femmes que des hommes, en tenant mieux compte des différences entre les sexes.Note de bas de page 14

Confirmant les résultats d'études antérieures, l'Enquête nationale sur la santé de la population a révélé une plus grande incidence de dépression chez les femmes que chez les hommes (7,4 % et 3,7 % respectivement selon le cycle 1 de l'Enquête [1994]; 5,5 % et 2,8 % respectivement selon le cycle 2 [1996]). Les femmes sont également plus susceptibles de vivre des états dépressifs récurrents. Sur quatre répondants se déclarant dépressifs, en 1994-1995 comme en 1996-1997, près de trois (72 %) sont des femmes.
Aperçu de l'Enquête nationale sur la santé de la population, Statistique Canada

Les observations quant aux différences en matière de santé mentale ont des répercussions particulières à la fois sur les diagnostics qui sont posés et sur les traitements. De nombreux instruments d'évaluation psychologique, y compris la notation du vécu des clients, n'ont pas été établis de manière à tenir dûment compte des différences entre les sexes et appliquent souvent aux femmes des normes et des définitions de la santé mentale qui sont fondées sur des standards masculins.Note de bas de page 15 Invariablement, les femmes sont étiquetées comme étant plus angoissées et plus tendues que les hommes. Le point de référence devient important quand vient le moment de définir ce qui constitue un profil pathologique et ce qui n'en constitue pas un, ainsi que les répercussions en matière de diagnostic et de traitement.

Les questions de santé sexuelle et génésique sont nombreuses et différent selon qu'on a affaire à des hommes ou à des femmes. Par exemple, s'il est vrai que les femmes touchées par le VIH et le sida peuvent vivre des expériences très similaires à celles des hommes, elles sont souvent confrontées à des décisions difficiles liées à la grossesse et à la possibilité de transmission de la maladie au fœtus.

Enfin, si la ménopause n'est pas une maladie, elle s'accompagne souvent, pour la femme, de nombreux changements physiologiques et de risques accrus de maladie cardiovasculaire ou d'ostéoporose. Ces risques peuvent être influencés par le bagage héréditaire; mais ils peuvent également être réduits ou accrus par le régime alimentaire, le tabagisme, les activités quotidiennes et les facteurs environnementaux, ce qui amène à conclure de la nécessité d'une stratégie complète en matière de santé pour les femmes arrivant à la ménopause.

3. La qualité de vie des femmes

La Stratégie pour la santé des femmes reconnaît que la maladie et la menace de mort ne sont pas les seules préoccupations en matière de santé pour les femmes. Les questions liées à la qualité de vie sont importantes pour ces dernières et peuvent même les prédisposer à la maladie. Une étude menée en 1992 par Vivienne WaltersNote de bas de page 16 a révélé que 68 % des femmes visées par l'étude estimaient que leur principal sujet de plainte était la fatigue qu'elles ressentaient. Elles se sont également plaintes de ressentir du stress et d'éprouver des problèmes de sommeil.

Pendant leurs années de vie adulte, de nombreuses femmes assument une double charge de travail. De façon traditionnelle, elles ont toujours été les membres de la famille à être principalement responsables de l'entretien de la maison et des soins aux enfants de même qu'aux membres de la famille qui sont malades ou âgés. Lorsqu'elles sont devenues actives au sein du marché du travail, elles ont continué d'assumer ces tâches domestiques, tout en occupant un emploi à l'extérieur du foyer. En conséquence, dans le groupe d'âge des femmes de 20 à 44 ans, l'indice du stress au travail qu'affichent les femmes est beaucoup plus élevé que celui des hommes.Note de bas de page 17

Les médias exercent une influence sur la socialisation des hommes et des femmes. Ils contribuent à créer des attentes irréalistes au sujet du poids et de l'apparence, et encouragent subtilement les femmes à accorder beaucoup trop d'importance à ces aspects. Les femmes et les hommes répondent différemment à ces pressions qui s'exercent sur eux. Les femmes, en particulier les jeunes femmes, tendent à être affectées plus négativement par ces messages, comme en font foi la préoccupation largement répandue de la perte de poids,Note de bas de page 18 et de façon encore plus marquée, l'incidence à la hausse des cas d'anorexie et de boulimie.Note de bas de page 19

Les processus naturels liés à la reproduction comme le cycle menstruel, la grossesse, l'accouchement et la ménopause peuvent entraîner de la douleur et de l'inconfort et créer des inconvénients dans la vie de tous les jours. Lorsque ces phénomènes naturels s'accompagnent d'autres sources de stress, ils peuvent occasionner une détresse physique ou mentale propre aux femmes. Depuis de nombreuses années, les porte-parole des mouvements féminins parlent de surmédicalisation des femmes et de leurs problèmes de santé (c'est-à-dire, un recours trop fréquent à des médicaments, et une tendance à considérer comme pathologique l'état des femmes en pareille situation), parce que le secteur de la santé a de la difficulté à établir une distinction entre le cours normal d'un processus naturel et la maladie.

4. Les facteurs de risque et leurs conséquences pour les femmes

Pour les hommes comme pour les femmes, les risques pour la santé découlent d'un certain nombre de facteurs, y compris un comportement actif et à risque, un comportement passif qui nuit à la santé ou qui la mine, les antécédents familiaux et le cadre social et physique dans lequel hommes et femmes vivent.

Les suicides, les accidents de véhicules motorisés et autres types d'accidents sont responsables d'un plus grand nombre de jours de maladie et d'absence du travail et causent davantage de décès chez les hommes que chez les femmes.Note de bas de page 20,Note de bas de page 21 Toutefois, les femmes comme les hommes prennent des risques d'autres types, notamment en ayant des relations sexuelles non protégées qui peuvent entraîner des MTS ou des grossesses non désirées ou en s'injectant des drogues par voie intraveineuse.

Les motivations du comportement à risque et ses conséquences diffèrent selon le sexe de la personne. Pour ce qui est du comportement sexuel, par exemple, il est généralement tenu pour acquis que les hommes s'affirment dans leur sexualité et que les femmes font preuve d'une relative passivité. On estime qu'habituellement, les femmes sont responsables des moyens de contraception, mais elles peuvent parfois éprouver des difficultés à négocier des rapports sexuels protégés avec leur partenaire de sexe masculin. Il s'agit d'un facteur pertinent, par exemple, dans la compréhension de la transmission du VIH chez les femmes. Compte tenu des récentes statistiques selon lesquelles le taux de VIH augmente chez les femmes qui se soumettent au test,Note de bas de page 22 nous devons en apprendre plus sur la dynamique des comportements à risque chez les femmes. Ces comportements sont parfois propres au sexe de la personne et ils changent à mesure que les rôles sociaux et la situation des femmes dans la société évoluent.

On a vu le taux de grossesse atteindre un point élevé en 1974, puis diminuer au milieu des années 1980. Il est à la hausse surtout chez les adolescentes de moins de 15 ans, dont le taux de grossesse est passé de 3,9/1 000 en 1987 à 5,1 en 1993 ( p. 18).
Santé périnatale : Grossesses et taux, Canada 1974-1993, tableau 14B, Statistique Canada, 1996

De même, les femmes sont exposées à différents risques selon qu'elles ont telles ou telles caractéristiques biologiques et sociales. Par exemple, la menace d'ostéoporose chez les femmes âgées, combinée à une perte d'agilité et d'équilibre, est à l'origine d'un nombre élevé de fractures chez ces femmes, ce qui mène souvent à l'incapacité ou au décès.

La violence fondée sur le sexe est un facteur de risque pour beaucoup de femmes et a de vastes conséquences sur leur santé et le système de santé. Une étude menée par Statistique Canada en 1993 a révélé, qu'au cours de leur vie, la moitié des Canadiennes âgées de plus de 16 ans sont victimes d'au moins une agression physique ou sexuelle, telle que définie dans le Code criminel et que ce sont leurs partenaires masculins qui représentent les plus grands risques. La violence dans les fréquentations ainsi que la violence ou le harcèlement sexuel au travail et par les professionnels du système de santé ont tous été documentés dans des études récentes, tout comme l'a été le lourd fardeau financier que constitue la violence pour le système de santé.Note de bas de page 23

9 % des filles et 6 % des garçons de 12 à 14 ans sont des « fumeurs débutants ».

Aperçu de l'Enquête nationale sur la santé de la population de 1996-1997, Le tabagisme chez les Canadiens, Santé Canada

Comme le prouvent les récentes statistiques sur le taux de mortalité attribuable au cancer du poumon chez les femmes, l'une des formes les plus tragiques de comportement à risque élevé observable chez les femmes est le tabagisme. Le rythme auquel les adolescentes commencent à fumer est particulièrement alarmant.Note de bas de page 24 Cette recrudescence du tabagisme chez les femmes n'annonce rien d'intéressant pour la santé des femmes de demain. Elle signifie qu'il faudra mieux se documenter et déployer de plus grands efforts pour rejoindre les adolescents des deux sexes. Une meilleure compréhension des différences entre les sexes et une intervention plus efficace sont essentielles à la réussite des efforts en ce sens.

La situation de certaines femmes fait que celles-ci ont difficilement accès aux mesures préventives ou négligent de prendre de telles mesures pour protéger leur santé. Les cas de cancer du col utérin envahissant sont fréquents chez les femmes qui n'ont jamais été examinées ou ne le sont pas régulièrement. L'Enquête nationale sur la santé de la population de 1996-1997 révèle que le taux de soumission au test de Papanicolaou varie en fonction de la situation économique. Chez les femmes de 18 ans et plus, le taux oscille entre 75 %, pour les femmes au revenu le plus faible, et 90 %, pour les femmes au revenu le plus élevé. Les femmes autochtones sont sur-représentées dans les statistiques sur le cancer du col utérin et constituent un groupe pour lequel des mesures spéciales s'imposent si l'on veut que les mesures préventives connues soient davantage utilisées.

L'inactivité physique est également un problème. Malgré les bienfaits de l'activité physique, les taux d'inactivité chez les femmes de tous âges sont élevés. Le système de santé doit apprendre comment inciter les femmes à adopter des comportements sains, en élaborant des démarches qui tiennent compte de leurs valeurs, de leurs habitudes de vie et de leurs rôles.

Les risques environnementaux et professionnels touchent de plus en plus les femmes. Les métiers qu'elles exercent tendent à les exposer à de longues heures d'inactivité, surtout en position assise, et à des microtraumatismes répétés. Par ailleurs, les femmes peuvent réagir différemment des hommes aux contaminants environnementaux. L'inquiétude que suscite le lien redouté entre les composés organochlorés et le cancer du sein en est un exemple.

5. Les différences entre les sexes en tant que déterminant de la santé

Santé Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont adopté une approche axée sur les déterminants de la santé. Cette approche reconnaît l'existence de nombreux facteurs autres que les soins de santé qui ont une incidence sur l'état de santé d'une personne.

Les 12 déterminants de la santé que Santé Canada a relevés sont :

  • le revenu et la situation sociale;
  • l'emploi;
  • la scolarité;
  • l'environnement social;
  • l'environnement physique;
  • le développement sain de l'enfant;
  • les pratiques personnelles liées à la santé et la capacité d'adaptation;
  • les services de santé;
  • les réseaux de soutien social;
  • la constitution biologique et le patrimoine génétique;
  • les différences sociales entre hommes et femmes;
  • la culture.

En 1996, les enfants grandissant dans une famille monoparentale ayant une femme à sa tête étaient cinq fois plus susceptibles de vivre dans une situation de faible revenu que les enfants de famille biparentale ( 60,8 % des familles monoparentales ayant une femme à leur tête vivaient sur un faible revenu, comparativement à 11,8 % des familles biparentales).tatistique Canada, 1997

Ces déterminants sont très interactifs. Par exemple, le revenu, l'emploi et la scolarité sont interdépendants. Ils ont également d'importantes répercussions sur les autres déterminants tels que les environnements, le développement de l'enfant et les pratiques personnelles liées à la santé.

Les attributs sociaux des hommes et des femmes ont également une forte incidence sur tous les déterminants. Des écarts de salaire, un faible statut professionnel et la pauvreté sont des caractéristiques courantes qui ressortent de toute analyse relative à la situation socio-économique des femmes.

Dans leur vie, les femmes âgées sont plus susceptibles d'être frappées par la pauvreté parce qu'elles n'ont jamais occupé d`emploi rémunéré ou ont participé au marché du travail de façon intermittente, ou encore touchent de maigres salaires assortis de peu d'avantages sociaux.Note de bas de page 25

L'assurance-maladie donne l'accès universel aux services médicaux et hospitaliers. Cependant, étant donné que les femmes, en tant que groupe, sont moins susceptibles que les hommes d'être employées à plein temps, elles sont moins susceptibles d'avoir accès à des services non assurés tels que les médicaments.

En 1993, la plupart des femmes âgées vivant seules ou avec des personnes non apparentées (56 %) avaient un faible revenu, en comparaison avec 38 % chez les hommes âgés seuls ( p. 90).
Portrait statistique des femmes au Canada, troisième édition Statistique Canada, 1996

6. Les préjugés du système de santé

Comme la société en général, le système de santé tend à cantonner les hommes et les femmes dans des stéréotypes, fondés sur des attitudes et des rôles enracinés. Cette situation a eu une incidence sur les femmes, aussi bien en tant qu'utilisatrices du système de santé qu'en leur qualité de dispensatrices de soins, et ce de quatre façons :

  1. une étroitesse de vue;
  2. le fait d'ignorer ou de contourner la présence des femmes - une exclusion qui se traduit par un accès réduit aux ressources et à une sous-représentation, voire à une absence, dans les structures de gestion, dans les recherches et dans le matériel d'éducation;
  3. le fait de traiter les femmes de la même façon que les hommes, lorsqu'il n'y a pas lieu de le faire;
  4. le fait de traiter les femmes différemment, lorsqu'il n'y a pas lieu de le faire.

Étroitesse de vue

  • La société et la biologie confèrent aux femmes le rôle traditionnel de mère et de porteuse d'enfants. Le système de santé a reflété cette réalité en se préoccupant de l'appareil reproducteur et plus particulièrement de la maternité. Le Canada en a retiré des avantages en étant l'un des pays au monde qui affiche les taux les plus bas de mortalité infantile et maternelle,Note de bas de page 26,Note de bas de page 27 mais la santé des femmes va au-delà de la reproduction. La pratique conventionnelle de la médecine, par opposition à une approche holistique, est un autre exemple d'étroitesse de vue.
  • L'étroitesse de vue du système de santé est également manifeste dans sa résistance à voir dans la santé quelque chose de plus que l'absence de maladie et dans sa tendance à limiter les interventions aux domaines médical et chirurgical. Certains fournisseurs de soins de santé font preuve aussi d'étroitesse de vue lorsqu'ils présument, par exemple, que toutes les femmes sont hétérosexuelles, ce qui augmente le niveau de malaise des lesbiennes et les incite à éviter le système ou à négliger les traitements.

Exclusion

  • Les femmes sont sous-représentées dans les postes de décision, d'élaboration de politiques et d'éducation dans un grand nombre de segments du secteur de la santé. Certaines femmes sont doublement défavorisées à cet égard en raison de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle ou encore du fait qu'elles sont handicapées et donc moins susceptibles d'être admises à des rôles clés ou dans des secteurs clés du système de santé.
  • Si les femmes sont bien représentées dans une profession, cette profession tend à être moins valorisée que celles où les hommes dominent. Généralement, les femmes sont sur-représentées dans les soins infirmiers et sous-représentées dans la plupart des spécialisations médicales, lesquelles jouent un rôle de sentinelle et sont les décisionnaires du domaine de la médecine.
  • Dans un rapport paru en 1994, le Comité consultatif sur les questions des femmes dans le domaine de la recherche en santé du Conseil de recherches médicales estimait que seulement 5 % des fonds du Conseil consacrés à la recherche allaient spécialement à des projets sur des questions de santé intéressant les femmes. Les femmes sont également exclues de la recherche comme telle, ce qui crée des problèmes de validité et d'importantes lacunes dans la compréhension de nombreux aspects de la santé des femmes.

Traiter les femmes de la même façon (que les hommes)

  • Le système de santé peut, à tort, traiter hommes et femmes de la même façon. Comme on l'a mentionné, des diagnostics erronés sont posés dans le cas de femmes atteintes d'une maladie cardiaque parce qu'on s'attend à observer chez elles les mêmes symptômes que chez les hommes.
  • Le rôle que jouent très souvent les femmes dans la famille, soit à titre de gardiennes de la santé de la famille ou de dispensatrices de soins primaires, les différencie des patients masculins et n'est pas toujours reconnu par les professionnels de la santé. Les femmes interagissent souvent avec le système de santé au nom de leur conjoint, de leurs enfants, de leurs parents ou d'autres personnes apparentées. C'est pourquoi les femmes peuvent avoir besoin de plus de temps et d'attention de la part du système, voire même d'une attention de nature différente.
  • Chez les femmes, les sorties hâtives de l'hôpital peuvent avoir des conséquences différentes que chez les hommes et se produisent souvent sans que le système de santé comprenne que plus de femmes que d'hommes vivent seules ou sont susceptibles de retourner à une situation familiale dans laquelle elles sont les principales exécutantes des tâches ménagères et où elles ne disposent pas des services d'un prestataire de soins familiaux.
  • Parce que les professionnels de la santé s'attendent souvent à ce que les femmes s'affirment aussi aisément que les hommes dans leur interaction avec le système de santé, ils ne les encouragent pas à participer aux décisions concernant les soins et le traitement. Dans des groupes de consultation sur la santé des femmes, les participantes ont affirmé qu'elles voulaient faire leurs propres choix quant aux examens médicaux, à la ligature des trompes et à leurs fonctions reproductrices, indépendamment de leur âge.Note de bas de page 28
  • Dans certains cas, on réunira dans un même groupe de traitement des membres des deux sexes en dépit du fait que les femmes ont peut-être vécu des expériences différentes qui font qu'elles sont gênées ou se sentent menacées au sein d'un environnement mixte.

Au Canada, 43 % des femmes ont changé de médecin parce qu'elles étaient insatisfaites de la façon dont leur médecin les traitait. Quatre des six motifs les plus fréquemment invoqués avaient trait à « l'attitude du médecin ».Enquête sur la santé, Women's College Hospital, mars 1995

Traiter les femmes différemment

  • Les messages d'intérêt public visant la prévention des grossesses non désirées ont renforcé les attitudes courantes attribuant aux jeunes femmes la plus lourde part du fardeau de la responsabilité. Il serait plus indiqué et pertinent de viser par ces messages à la fois les hommes et les femmes.
  • Les femmes ont longtemps soutenu que les pourvoyeurs de soins de santé les traitent avec condescendance et font peu de cas de leurs plaintes. Tel que mentionné précédemment, le système de santé a aussi conféré à des processus de santé propres aux femmes le statut de pathologie, alors que leur état était tout simplement le fait d'un processus naturel en action.
  • Les partis pris du système de santé ne s'adressent pas seulement aux utilisatrices mais aussi aux personnes qui dispensent des soins, rémunérées ou non. La profession d'infirmière, où les femmes prédominent, a longtemps eu à se battre pour obtenir la reconnaissance de son statut professionnel et la rémunération que ce statut commandait.

La Stratégie pour la santé des femmes s'emploiera à examiner ces partis pris et ces injustices en faisant en sorte qu'on ne se préoccupe plus exclusivement de maternité; en faisant la promotion d'une participation accrue des femmes au processus décisionnel; en mettant davantage en lumière les différences biologiques et sociales qui expliquent que dans certaines circonstances et pour des raisons déterminées, femmes et hommes ne soient pas traités de la même façon, et en proposant des améliorations; en encourageant le recours à des traitements comparables ou similaires, lorsqu'ils sont opportuns.

Il convient de préciser que le système de santé peut se montrer insensible aux besoins tant des hommes que des femmes. L'application de la Stratégie pour la santé des femmes n'a nullement pour effet de minimiser les difficultés que les hommes peuvent connaître ni de nier le fait que les hommes également ont des préoccupations qui leur sont propres en matière de santé, et qui sont liées à leurs différences biologiques et sociales.

La section qui suit décrit les principaux volets de la Stratégie pour la santé des femmes. La Stratégie, prise globalement, vise à répondre aux questions de santé qui affectent plus particulièrement les femmes, à remédier au rôle limité que celles-ci jouent dans le processus décisionnel, ainsi qu'aux lacunes en matière de recherche et d'éducation. Elle propose des processus et des méthodes qui tiendront compte des besoins des femmes, besoins qui découlent de leurs particularités biologiques et de leurs particularités sociales.

III. Principaux éléments de la Stratégie pour la santé des femmes

La Stratégie pour la santé des femmes est un plan et un cadre d'action intégré qui s'attaque aux principales questions de santé touchant les femmes. Elle regroupe les initiatives actuelles et nouvelles de Santé Canada. La Stratégie comporte sept principales caractéristiques : elle est équilibrée, respectueuse de la diversité, égalitaire, fondée sur des données probantes, cohérente, multisectorielle et dynamique.

Le but de la Stratégie pour la santé des femmes est d'améliorer la santé des femmes au Canada en faisant en sorte que le système de santé tienne davantage compte des femmes et de leur santé.

Pour atteindre ce but, nous avons fixé quatre grands objectifs qui devraient amener des changements dans la façon dont Santé Canada s'acquitte de ses principales responsabilités : rôles de leadership, de constitution de réseaux et de coordination; élaboration de politiques; activités de recherche, de surveillance et de collecte de données; fonctions de réglementation; prestation directe de services; promotion de la santé et prévention des maladies.

La Stratégie est équilibrée; elle comprendra tous les groupes d'âge, les aspects biomédical et social, les éléments de politique et de programme, la santé individuelle et la santé de la population, les femmes en tant que consommatrices de soins de santé et en tant que dispensatrices de soins, rémunérées ou non.

On reconnaît aussi la diversité des femmes et le fait qu'elles ne constituent pas un groupe homogène. Santé Canada est conscient que le patrimoine ethnoculturel, l'orientation sexuelle, le niveau de capacité physique et mentale et les caractéristiques démographiques influent sur la santé des femmes et sur leurs interactions avec le système de santé.

La Stratégie pour la santé des femmes est fondée sur une relation égalitaire entre les utilisatrices et les fournisseurs de services et reconnaît les femmes comme des partenaires dans l'élaboration de politiques et de services et dans la recherche.

La Stratégie est fondée sur des données probantes; elle s'appuie sur les préoccupations soulevées par des femmes et par le système de santé et sur des données et des résultats de recherche qui montrent les différences entre les questions de santé qui préoccupent les hommes et celles qui sont particulières aux femmes.

Les stratégies qui sont mises en place pour les femmes et l'analyse des questions qui se rattachent à un domaine doivent être liées aux stratégies et à l'analyse des questions associées à d'autres domaines. Elles peuvent se renforcer mutuellement. La Stratégie sera donc cohérente.

La Stratégie est multisectorielle; on reconnaît que les facteurs sociaux et économiques jouent un rôle important dans la santé et le maintien de la santé, et que la participation de partenaires de nombreux secteurs, tant gouvernementaux que non gouvernementaux, est essentielle.

Enfin, la Stratégie est dynamique. Elle s'adaptera aux nouvelles questions et aux nouvelles connaissances.

La Stratégie pour la santé des femmes est principalement axée sur les politiques et programmes de Santé Canada et sur la mise en œuvre d'activités au Canada. Cependant, de temps à autre, Santé Canada travaillera en collaboration avec d'autres pays et des organismes internationaux sur des questions d'intérêt commun pouvant favoriser la santé des femmes au Canada et dans le monde entier.

Les pages suivantes présentent les quatre objectifs de la Stratégie et décrivent certaines des activités qui seront entreprises pour les réaliser.

Objectif 1:Faire en sorte que les politiques et les programmes de Santé Canada tiennent compte des différences biologiques et sociales entre les sexes et répondent aux besoins des femmes en matière de santé

Le gouvernement fédéral s'engage...à faire en sorte que toutes les mesures législatives et les politiques à venir comporteront, au besoin, une analyse visant à déterminer si elles peuvent avoir des répercussions différentes sur les femmes et les hommes (p. 19).
À l'aube du XXI
e siècle : Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes, 1995

Lorsque cet objectif sera atteint, le Ministère aura intégré entièrement les différences entre les sexes dans ses activités courantes. Cet objectif montre la détermination de Santé Canada à mener ses activités en tenant compte des besoins et des préoccupations des femmes. Pour soutenir cet objectif, on entreprendra un certain nombre d'initiatives :

1.1 Conformément à l'engagement pris dans le Plan fédéral pour l'égalité entre les sexes, Santé Canada adoptera comme pratique générale d'assujettir à une analyse comparative entre les sexes, ses programmes et ses politiques touchant certaines questions comme la modernisation du système de santé, la santé de la population, la gestion du risque, les services directs et la recherche.

1.2 On élaborera des outils, des méthodes et de la documentation de formation pour assurer la mise en oeuvre de cette analyse comparative dans l'ensemble du Ministère et pour aviser les cadres supérieurs des exigences de cette politique.

1.3 On tiendra compte des questions de santé qui concernent les femmes dans les exercices annuels de planification du Ministère.

1.4 Une perspective fondée sur les différences biologiques et sociales entre les hommes et les femmes éclairera Santé Canada dans sa façon de traiter les questions d'éthique, en tenant particulièrement compte de celles intéressant les femmes.

1.5 Lorsqu'on étudiera les demandes de subvention présentées à Santé Canada pour des projets de recherche ou des projets pilotes, l'un des critères sera l'inclusion de considérations sur les différences entre les sexes et les répercussions particulières sur les hommes et sur les femmes.

1.6 Les commissions ou les organes consultatifs qui relèvent du ministère de la Santé seront encouragés à se doter d'un nombre égal de femmes et d'hommes, ainsi qu'à inclure des personnes qui connaissent bien les questions relatives à la diversité et aux différences entre les sexes et qui sont sensibles à ces questions.

1.7 On consultera les organisations féminines et les organisations de santé qui s'intéressent à la santé des femmes, au sujet des principaux dossiers stratégiques.

1.8 On établira un plan pour favoriser la collaboration interministérielle en vue de fixer des objectifs et de mettre en place des initiatives qui porteront sur les facteurs socio-économiques liés à la santé des femmes.

1.9 On appliquera l'analyse comparative entre les sexes aux activités du Ministère visant les enfants, afin que les questions particulières aux filles et aux garçons soient prises en compte dans les politiques et les programmes.

1.10 On appliquera l'analyse comparative entre les sexes aux activités du Ministère relatives à la santé des aînés et à l'impact du système de santé sur les aînés.

1.11 L'Unité des services juridiques, appuyée par la spécialiste en matière d'égalité du ministère de la Justice affectée à Santé Canada, mettra en application un cadre d'analyse qui tient compte des différences entre les femmes et les hommes. Ce cadre portera sur le contentieux, la consultation juridique, les politiques législatives, les services législatifs, et les pratiques relatives aux programmes et à la gestion de Santé Canada.

Objectif 2 Accroître la connaissance et la compréhension de la santé des femmes et des besoins des femmes en matière de santé

La Stratégie pour la santé des femmes sera fondée sur des données probantes. Santé Canada joue un rôle important dans la collecte et l'analyse de données et le soutien d'un certain nombre de programmes et d'activités de recherche. Avec la Stratégie pour la santé des femmes, ces recherches seront davantage axées sur les questions de santé qui concernent les femmes. On veillera à diffuser les résultats des recherches sur une grande échelle, dans un langage simple et clair. Les activités suivantes permettront de réaliser l'objectif 2 :

2.1 Les cinq centres d'excellence pour la santé des femmes continueront à générer et à synthétiser de nouvelles connaissances sur la santé des femmes, particulièrement sur l'influence des déterminants de la santé, aux fins d'information du processus décisionnel.

2.2 L'impact de la réforme et de la restructuration de la santé sur les femmes et la santé des femmes sera l'un des principaux thèmes de recherche des centres d'excellence pour la santé des femmes.

2.3 On dressera un plan fédéral en matière de recherche afin de guider et de faciliter l'établissement des priorités pour les programmes de recherche financés par le gouvernement fédéral. On fera la promotion des questions de santé propres aux femmes durant la mise au point du concept des Instituts canadiens de recherche en santé. Un groupe consultatif national aidera à guider les travaux des centres et du Bureau pour la santé des femmes relativement à la recherche sur la santé des femmes.

2.4 Le Bureau pour la santé des femmes continuera de soutenir le Réseau canadien pour la santé des femmes (RCSF), qui représente plus de 70 organismes ayant leur siège dans tous les territoires et les provinces. Il fournira une infrastructure de communications portant sur la santé des femmes au Canada.

2.5 Les deux initiatives conjointes du programme de coopération Canada-É.-U. sur la recherche et sur les centres et les réseaux d'information permettront, respectivement, aux deux pays de s'échanger les conclusions de recherches sur la santé des femmes et de relier le RCSF et le centre national américain d'information sur la santé des femmes.

2.6 On élaborera des indicateurs généraux de santé et d'utilisation afin de saisir les écarts entre les groupes d'âge et les sexes (au niveau de la dimension biologique et de la dimension sociale) et de tenir compte des douze déterminants de la santé retenus par Santé Canada. Le Bureau pour la santé des femmes travaillera avec les organismes de collecte de données sur la santé, y compris l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), en vue de corriger les préjugés méthodologiques à l'égard des sexes et de combler les lacunes de données. Un rapport sur la santé des femmes sera diffusé tous les quatre ans.

2.7 La politique sur l'inclusion des femmes dans les essais cliniques, annoncée en septembre 1996, fera l'objet d'une surveillance.

2.8 Dans le cadre de l'Initiative de lutte contre la violence familiale qui a été renouvelée récemment, Santé Canada soutiendra la recherche sur les conséquences de la violence faite aux femmes sur la santé. Les résultats de ces études seront diffusés par le Centre national d'information sur la violence dans la famille.

2.9 Par l'intermédiaire de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, un Fonds de recherche et d'évaluation des services pour le personnel infirmier (Fonds RESPI) sera créé afin d'appuyer la recherche sur les soins infirmiers, profession du domaine de la santé où les femmes sont largement dominantes.

2.10 On encouragera la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé, créée pour injecter des ressources substantielles dans la recherche en services de santé au Canada, à accorder une grande priorité aux questions de santé des femmes.

2.11 On appuiera les recherches approfondies sur certaines questions de santé de grande importance pour les femmes, à savoir : les causes du cancer du sein, notamment les préoccupations environnementales; les maladies chroniques; la santé mentale, notamment l'estime de soi chez la petite fille; les obstacles à l'utilisation des services, notamment la diversité et les questions socio-économiques.

2.12 On accélérera la recherche dans le domaine des soins de santé parallèles et d'appoint; on évaluera les risques et les avantages que présente la prestation de soins par des intervenants des médecines parallèles.

2.13 Durant l'établissement des centres d'excellence pour la santé et le bien-être des enfants, Santé Canada veillera à ce que les différences entre les femmes et les hommes soient prises en compte.

Objectif 3 Soutenir la prestation aux femmes de services de santé appropriés et efficaces

Santé Canada fournit un soutien aux groupes et aux secteurs de compétence qui ont la responsabilité directe de la prestation des services de santé. Le Ministère est responsable de l'interprétation et de l'application de la Loi canadienne sur la santé, dont les principes constituent le cadre du système canadien de soins de santé financé par l'État. En plus de chercher à enrichir les connaissances, comme il est mentionné à la section « Objectif 2 », le gouvernement fédéral assume aussi un rôle de leadership et de soutien dans la sensibilisation du public, l'élaboration de pratiques en matière de santé et la préparation de matériel d'éducation. De plus, il offre ou finance des services de santé destinés aux Premières nations et aux Inuit. La Stratégie pour la santé des femmes favorisera la réalisation d'un large éventail d'activités dans ces domaines :

3.1 Dans le cadre du mandat gouvernemental d'interprétation et d'application de la Loi canadienne sur la santé, on tiendra compte des besoins particuliers des femmes en veillant à ce que les effets des interprétations ou des changements de politique sur les femmes soient pleinement évalués.

3.2 Santé Canada intégrera une analyse d'impact comparative sur les femmes et sur les hommes dans sa contribution à l'élaboration des cadres d'imputabilité du système de santé.

3.3 Santé Canada effectuera une analyse comparative des impacts de la modernisation et de l'expansion du système de santé sur les femmes et sur les hommes.

3.4 On portera attention aux questions d'accès, notamment à l'accès aux services de santé pour les femmes défavorisées sur ce plan par suite d'obstacles sociaux, géographiques ou économiques.

3.5 On créera des outils modèles dans le but d'aider les éducateurs, les fournisseurs de services et les planificateurs à appliquer à leur travail une analyse comparative entre les sexes.

3.6 On explorera de nouvelles méthodes pour le remboursement des honoraires des professionnels de la santé, en vue de réduire les incitatifs à la prestation non appropriée de services.

3.7 On surveillera les effets de la restructuration du système de santé sur les femmes et sur le rôle qu'elles jouent à titres de bénévoles ou d'employées rémunérées, en prêtant une attention particulière aux questions suivantes : l'attrition, la perte de l'emploi, le recyclage, le milieu de travail, la capacité de dispenser des soins de qualité, la privatisation et le transfert de responsabilité aux bénévoles et aux membres de la famille.

3.8 Santé Canada recherchera l'apport et la participation des femmes autochtones pour l'élaboration de ses programmes afin de renforcer les soins à domicile et les soins communautaires et de mettre en place des systèmes d'information sur la santé dans les communautés des Premières nations.

3.9 On continuera de réglementer efficacement les nouvelles techniques de reproduction et de génétique dans le but de protéger les femmes et leur dignité. On intensifiera la surveillance post-commercialisation et la surveillance à long terme des inducteurs de l'ovulation.

3.10 Des systèmes efficaces de surveillance post- commercialisation et de contrôle des effets indésirables, qui protégeront la santé des femmes, seront instaurés.

3.11 Santé Canada continuera à encourager la participation des femmes autochtones à ses négociations d'accords de transfert en matière de santé avec les Premières nations, conformément à la politique fédérale sur le droit inhérent des Autochtones à l'autonomie gouvernementale.

3.12 Le programme de coopération entre le Canada et les États Unis sur le cancer du sein accordera un soutien aux personnes chargées d'élaborer des politiques, aux chercheurs, aux fournisseurs de services et aux défenseurs de la cause des femmes en encourageant l'échange des expériences et des compétences.

3.13 Étant donné la sur-représentation des femmes dans les statistiques sur la santé mentale, une attention accrue sera accordée aux problèmes de santé mentale chez les femmes, lesquels touchent surtout les adolescentes et les aînées. L'étude des troubles de l'alimentation et l'évaluation de l'importance des interventions en santé mentale dans les soins primaires sont des exemples de travaux à effectuer en ce domaine.

3.14 On veillera à la promotion de modèles efficaces de soins pour les femmes âgées en vue d'aborder les questions de la fin de la vie et du recours excessif au placement en établissement, et pour appuyer la prestation de soins à domicile et de soins palliatifs.

3.15 On maintiendra la collaboration avec les autres ministères fédéraux et les organismes de fournisseurs de services de santé, en vue de sensibiliser les professionnels de la santé et les autres praticiens au problème de la mutilation des organes génitaux de la femme.

3.16 On poursuivra les efforts déployés pour éduquer les professionnels de la santé et les femmes elles-mêmes en vue de réduire la prescription excessive et la surconsommation de médicaments.

3.17 En collaboration avec les professionnels de la santé et d'autres partenaires, on fera la promotion de la prise de décision éclairée par l'utilisation accrue d'outils comme le Guide canadien de médecine clinique préventive.

3.18 On appuiera la création de modèles de pratiques exemplaires afin de mieux prendre en charge certaines questions comme la violence, l'avortement et la santé mentale.

3.19 On élaborera des modèles d'acquisition de compétences pour appuyer la présence accrue des femmes aux postes de décision et pour préparer ces dernières à défendre efficacement leur cause et à être représentées au sein des conseils, des comités et du système de santé en général.

3.20 En réponse au rapport du Comité consultatif sur les infrastructures, les consultations ministérielles et les activités de suivi tiendront compte des besoins et préoccupations des femmes.

3.21 Le Ministère continuera à diriger et à coordonner l'Initiative de lutte contre la violence familiale ) initiative pluriministérielle ), laquelle conservera parmi ses priorités l'élimination de la violence envers les femmes.

Objectif 4 Promouvoir la santé par des mesures de prévention et la réduction des facteurs de risque qui compromettent le plus la santé des femmes

Santé Canada doit, de par son mandat, atteindre les personnes avant qu'elles n'adoptent un mode de vie nocif pour leur santé, et les aider à éviter les situations, les comportements et les produits à risque élevé qui mènent à des problèmes de santé et à la maladie. La Stratégie pour la santé des femmes comporte un certain nombre de mesures qui permettront d'atteindre cet objectif :

4.1 Santé Canada sera plus proactif afin de s'assurer que les femmes aient accès à des médicaments, à des interventions médicales et à des matériels médicaux sûrs et efficaces.

4.2 On renforcera le Système canadien de surveillance périnatale, qui doit permettre de promouvoir la prestation efficace et efficiente de soins durant la grossesse et la période néonatale.

4.3 On entreprendra des activités de promotion de la santé et de prévention des maladies en vue de réduire les taux de morbidité et de mortalité liés au cancer du col utérin grâce à un dépistage de plus grande envergure.

4.4 Dans le cadre de ses efforts visant à promouvoir davantage l'accessibilité et la qualité accrues du dépistage du cancer du sein, Santé Canada continuera d'œuvrer avec les provinces et les territoires pour favoriser l'établissement de programmes de dépistage et veillera à ce que les mammographies soient effectuées correctement grâce aux dispositions législatives de la Loi sur les dispositifs émettant des radiations et à l'élaboration d'une norme nationale sur l'installation et l'utilisation de l'équipement de diagnostic.

4.5 Des projets de promotion de la santé seront mis sur pied pour lutter contre l'inactivité et favoriser la vie active et la bonne condition physique chez les femmes de tous âges.

4.6 On appuiera des programmes de prévention à l'intention des femmes exposées au risque de contracter le VIH/sida, en collaboration avec les groupes communautaires, les organisations nationales de santé publique et les organisations professionnelles.

4.7 Des activités de prévention porteront expressément sur la réduction des dangers environnementaux qui menacent la santé des femmes. Santé Canada accélérera la détection et l'évaluation des substances anciennes et nouvelles, améliorera la gestion et le contrôle des substances toxiques et surveillera les progrès.

4.8 On se penchera également sur la réduction des risques que le milieu de travail peut présenter pour la santé physique et psychologique et le bien-être des femmes.

4.9 Grâce à des initiatives comme le programme de coopération Canada-É.-U. pour la lutte contre le tabagisme chez les jeunes femmes et les filles, Santé Canada continuera d'appuyer des activités de promotion de la santé et de documenter les tendances et les effets de la réglementation sur les comportements en matière de tabagisme.

4.10 On entreprendra le relevé et la diffusion des meilleures pratiques de prévention, d'abandon et de protection relativement au tabagisme chez les filles et les jeunes femmes. La production de connaissances, la formation et la diffusion en ce qui concerne les meilleures pratiques d'intervention face à des problèmes comme le tabagisme chez les mères, le retour au tabagisme après l'accouchement, le tabagisme chez les filles et les jeunes femmes, et l'exposition des enfants à la fumée secondaire de tabac, sont parmi les initiatives qui seront mises en œuvre.

4.11 On encouragera les valeurs de l'initiative L'École avant tout et les modes de vie sains chez les jeunes Autochtones, surtout chez les filles qui, plus tard à l'âge adulte, joueront un rôle important pour la santé de leur collectivité.

4.12 On encouragera les travaux qui visent à assurer un milieu favorable aux enfants, aux jeunes, aux familles et aux aînés, dans un cadre préconisant l'égalité entre les sexes.

4.13 On entreprendra des activités de promotion de la santé visant à réduire le nombre de grossesses chez les adolescentes, dans un contexte de référence aux déterminants de la santé.

4.14 On mettra au point de l'information et des pratiques exemplaires afin d'aider les familles, en particulier les femmes, à concilier les obligations professionnelles et familiales et à composer avec le stress né de ces doubles obligations.

4.15 Santé Canada entreprendra des travaux pour lutter contre plusieurs grands problèmes chroniques de santé chez les femmes :

  • une stratégie nationale coordonnée sera mise en place en vue de promouvoir la santé cardiovasculaire et de prévenir les maladies du cœur chez les Canadiennes;
  • on élaborera, en partenariat avec la Société de l'ostéoporose du Canada, un guide de prévention à l'intention des femmes;
  • la Stratégie canadienne de prévention et de contrôle du diabète et l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones répondront aux besoins et aux préoccupations des femmes en matière de prévention et de contrôle du diabète, d'éducation, de soins et traitements, et de surveillance.

4.16 Afin de faciliter l'application de directives nationales de nutrition pour la santé maternelle et infantile, et de promouvoir la santé nutritionnelle des femmes grâce à une alimentation saine et à de bons choix alimentaires, on mettra en place un système amélioré d'étiquetage nutritionnel et on entreprendra des activités d'éducation publique.

4.17 Santé Canada modernisera et renforcera le programme fédéral de salubrité des aliments en prenant de nouvelles mesures pour améliorer les systèmes de surveillance, accroître la capacité scientifique et intensifier ses activités de réglementation.

4.18 Santé Canada offrira un appui supplémentaire aux communautés des Premières nations et aux communautés inuites, de même qu'à des communautés non autochtones, afin d'améliorer la santé et la nutrition prénatales et, de ce fait, de réduire la haute mortalité infantile et les issues de grossesse négatives.

4.19 Le rôle des médias dans la socialisation des enfants et des jeunes étant reconnu, Santé Canada continuera à appuyer la sensibilisation aux médias et l'acquisition de compétences médiatiques par les consommateurs par la mise en œuvre de stratégies et la diffusion des meilleures pratiques, afin de mieux sensibiliser les filles et les jeunes femmes aux médias et de les aider ainsi à faire des choix plus sains en matière de mode de vie.

IV. Conclusion

L'élaboration de la Stratégie pour la santé des femmes de Santé Canada a reposé sur des données statistiques et des questions définies et soulevées dans la documentation ainsi que dans des rapports présentés par des associations féminines et des organismes du domaine de la santé. L'initiative sera améliorée et élargie en fonction des recommandations formulées lors des ateliers du Forum du Canada et des États-Unis sur la santé des femmes, en fonction des nouvelles tendances et des nouvelles connaissances et en fonction des consultations organisées à l'occasion par Santé Canada.

En juin 2000, l'Assemblée générale des Nations Unies tiendra une séance spéciale sur l'égalité des femmes en vue de faire le bilan des progrès réalisés par les pays participants depuis la mise en ouvre du Programme d'action de Beijing de 1995. La réunion doit permettre aussi aux pays participants de proposer une vision pour les années à venir. La stratégie de Santé Canada pour la promotion de la santé des femmes contribuera à donner forme à la vision du Canada.

Glossaire

Dimension biologique du mot "sexe"- La dimension biologique renvoie à l'ensemble des caractéristiques biologiques comme l'anatomie (p. ex., la taille et la conformation corporelles) et la physiologie (p. ex., l'activité hormonale et le fonctionnement des organes). Ces caractéristiques diffèrent chez les hommes et les femmes et il faudrait que le système de soins de santé en tienne compte, ce qui n'a pas été fait souvent jusqu'à présent. Mentionnons à titre d'exemple le fait que les prothèses, dispositifs ou instruments médicaux, comme les articulations coxofémorales artificielles et les instruments servant à effectuer les angioplasties, ont été conçus en fonction du corps de l'homme, et que l'on s'attendait à ce qu'ils conviennent à celui de la femme. Lorsqu'on parle des deux grands groupes de l'espèce humaine (les hommes et les femmes), on utilise l'expression « sexes » (p. ex., les essais cliniques comprennent les deux sexes).

Il semblerait que l'expérience d'une position sociale donnée doit être différente pour les hommes et pour les femmes, et ce, de façon telle qu'il est impossible d'en rendre compte par les simples mesures de la classe, du revenu du ménage, de l'état civil et de l'emploi. Note de bas de page 29

Dimension sociale du mot "sexe" - La dimension sociale renvoie à l'ensemble des rôles, des traits de personnalité, des attitudes, des comportements et des valeurs socialement déterminés, de même qu'aux pouvoirs et aux influences relatifs que la société attribue aux deux sexes sur une base différentielle. Les questions de santé, ainsi que les pratiques du système sanitaire et les priorités qu'il identifie, sont fonction de normes sexuées, c-à-d. fondées sur les différences sociales entre femmes et hommes. Par exemple, les femmes sont plus susceptibles de faire l'objet de violence sexuelle ou physique fondée sur le sexe, d'avoir de faibles revenus, d'être monoparentales, d'être exposées à certains risques et menaces pour la santé (p. ex., accidents, MTS, suicide, tabagisme, abus de substances, médicaments de prescription, inactivité physique); souvent ces questions sont abordées sans tenir compte des différences sociales entre les femmes et les hommes. L'adoption de mesures visant à éliminer les inégalités et les partis pris fondés sur le sexe au sein et à l'extérieur du système de santé améliorera la santé de la population.

N.B. Les caractéristiques biologiques influent sur les caractéristiques sociales et vice versa. Par exemple, les rôles attribués traditionnellement aux sexes influent sur la nature et la portée de la violence entre les hommes et les femmes, mais les différences entre les sexes pèsent également dans la balance, car les femmes sont habituellement plus petites et moins fortes physiquement que les hommes. Les dimensions sociale et biologique agissent l'une sur l'autre.

Analyse comparative entre les sexes - Ce processus consiste à examiner les politiques et les programmes pour en évaluer les répercussions réelles ou possibles sur les hommes et sur les femmes.

Certains des secrets les mieux gardés de la longévité et de la bonne santé se trouvent dans les conditions sociales, économiques et culturelles Note de bas de page 30

L'analyse comparative entre les sexes est une approche fondée sur des données probantes qui mène à l'élaboration de programmes et de politiques non discriminatoires à l'égard du sexe, compris dans sa dimension sociale ou biologique. Elle permet de faire en sorte que les circonstances économiques, politiques, sociales et biologiques particulières aux filles et aux garçons, ou aux femmes et aux hommes, soient prises en compte. Elle met en évidence certains problèmes comme la sous-représentation des femmes dans le processus décisionnel ou l'absence des femmes dans le domaine de la recherche. De la même façon, elle peut mettre en lumière un déséquilibre dans le traitement des questions de santé qui touchent les hommes.

Santé de la population- Le document intitulé « Stratégies d'amélioration de la santé de la population - Investir dans la santé des Canadiens » définit la santé de la population comme une approche axée sur l'amélioration de la santé de la population, qui diffère des approches traditionnelles axées sur les soins médicaux et les soins de santé de deux façons : (1) une stratégie d'amélioration de la santé de la population s'intéresse à tous les déterminants de la santé, alors que l'approche traditionnelle axée sur les soins de santé met l'accent sur les facteurs de risque et les éléments cliniques particuliers aux diverses maladies. La santé n'est pas seulement déterminée par le type de soins et de services fournis, mais également par des facteurs sociaux et économiques comme la situation sociale, le revenu, le niveau d'instruction, le développement durant l'enfance et les soutiens sociaux, lesquels sont couramment désignés « déterminants de la santé »; (2) les soins de santé s'appliquent à une personne à la fois, habituellement à une personne qui a déjà un problème de santé ou qui court fortement le risque d'en avoir un. Les stratégies d'amélioration de la santé de la population s'appliquent à une population entière.

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