Conseils sur la surveillance de la stabilité biologique de l’eau potable dans les réseaux de distribution

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Organisation : Santé Canada

Publiée : 2020-07-17

Fin de la période de consultation : le 16 octobre 2020

Table des matières

  1. Renseignements généraux sur les documents de conseils
  2. Objet de la consultation
  3. Résumé
    1. Évaluation
    2. Considérations internationales
  4. Partie A : Conseils sur la stabilité biologique de la qualité de l'eau potable de distribution d'eau dans les réseaux
    1. A.1 Introduction
    2. A.2 Portée et objectif
    3. A.3 Causes de la détérioration de la qualité de l'eau
    4. A.4 Méthodes et paramètres de surveillance
    5. A.5 Stratégies de gestion
  5. Partie B : Renseignements de fond
    1. B.1 Réseaux de distribution d'eau potable
      1. B.1.1 Risques directs pour la santé
      2. B.1.2 Risques indirects pour la santé
      3. B.1.3 Événements ou défaillances dans les réseaux de distribution
    2. B.2 Causes de détérioration de la qualité de l'eau
      1. B.2.1 Présence de microorganismes
      2. B.2.2 Type et disponibilité des nutriments
      3. B.2.3 Matériau et état des conduites
      4. B.2.4 Type et concentration de résidus de désinfectant
      5. B.2.5 État général des réseaux de distribution
    3. B.3 Méthodes de surveillance et paramètres
      1. B.3.1 Méthodes rapides
        1. B.3.1.1 Concentration résiduelle de désinfectant et turbidité
        2. B.3.1.2 Analyse par adénosine triphosphate (ATP)
        3. B.3.1.3 Paramètres physiques et chimiques
      2. B.3.2 Méthodes de laboratoire
        1. B.3.2.1 Indicateurs bactériens
        2. B.3.2.2 Numération sur plaque des bactéries hétérotrophes (NPBH)
        3. B.3.2.3 Concentrations de nutriments
        4. B.3.2.4 Métaux
      3. B.3.3 Méthodes avancées
        1. B.3.3.1 Cytométrie en flux (CMF)
        2. B.3.3.2 Méthodes moléculaires
        3. B.3.3.3 Analyse des biofilms
        4. B.3.3.4 Capteurs et modélisation
    4. B.4 Programme de surveillance
      1. B.4.1 Programme exhaustif de surveillance
      2. B.4.2 Fréquence d'échantillonnage
      3. B.4.3 Lieux d'échantillonnage
      4. B.4.4 Analyses des données et réponse
    5. B.5 Gestion des risques microbiologiques
      1. B.5.1 Risques microbiologiques dans la plomberie des bâtiments
  6. Partie C : Références
  7. Partie D : Liste des acronymes

Renseignements généraux sur les documents de conseils

Santé Canada collabore avec les provinces, les territoires et les organismes fédéraux dans l'établissement des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Au fil des ans, de nouvelles méthodologies et approches ont mené Santé Canada, en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable, à élaborer un nouveau type de document, les documents de conseils, pour fournir des conseils et des recommandations sur les questions liées à la qualité de l'eau potable, pour les paramètres qui ne nécessitent pas de recommandation officielle dans le cadre des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada.

Il existe deux cas dans lesquels le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable peut décider d'élaborer un document de conseils. Le premier serait de fournir des recommandations sur les activités ou les mesures de gestion liées à des questions précises qui concernent l'eau potable (p. ex., avis d'ébullition de l'eau), auquel cas le document ne fournirait que des renseignements scientifiques restreints ou une évaluation des risques pour la santé. Le deuxième cas serait de fournir des renseignements sur l'évaluation des risques pour la santé lorsqu'une recommandation n'est pas jugée nécessaire.

Des recommandations sont formulées dans le cadre des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada expressément pour les contaminants qui satisfont à tous les critères suivants :

  1. l'exposition au contaminant pourrait mener à des effets nocifs pour la santé;
  2. le contaminant est fréquemment détecté dans un grand nombre de sources d'eau potable au Canada ou on pourrait s'attendre à ce qu'il le soit;
  3. le contaminant est détecté à une concentration pouvant avoir une importance sanitaire ou à laquelle on pourrait s'attendre à ce qu'il l'est.

Si un contaminant d'intérêt ne satisfait pas à tous ces critères, Santé Canada, en collaboration avec le Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable, peut décider de ne pas établir de recommandation chiffrée ou d'élaborer un document technique. Dans ce cas, un document de conseils peut être rédigé.

Les documents de conseils passent par un processus similaire à celui des documents techniques de recommandation, y compris des consultations publiques affichées dans le site Web de Santé Canada. Ils sont proposés à titre d'information pour les autorités responsables en matière d'eau potable et, dans certains cas, pour fournir des conseils en cas de déversement ou d'autres situations d'urgence.

La partie A de ce document fournit des conseils sur la surveillance de la stabilité biologique de l'eau potable dans les systèmes de distribution; la partie B fournit les informations scientifiques et techniques à l'appui de ces conseils; et la partie C fournit les références.

Objet de la consultation

Le présent document vise à fournir aux organismes de réglementation et aux décideurs des conseils sur la surveillance de la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution.

Ce document est mis à la disposition du public pour une période de consultation de 90 jours. Il vise à mettre à jour et à remplacer le document Conseils sur l'utilisation de la numération des bactéries hétérotrophes dans les approvisionnements d'eau potable au Canada, qui décrit une approche unique pour l'évaluation de la qualité microbiologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution. Le présent document décrit plusieurs approches permettant de surveiller régulièrement la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution.

Le but de cette consultation est d'obtenir des commentaires sur le document d'orientation proposé. Veuillez faire parvenir vos commentaires, accompagnés d'une justification, au besoin, à Santé Canada par courriel à hc.water-eau.sc@canada.ca. Si cela n'est pas possible, veuillez envoyer vos commentaires par la poste à l'adresse suivante :

Bureau de la qualité de l'eau et de l'air, Santé Canada
269, avenue Laurier Ouest, IA 4903D
Ottawa (ON) K1A 0K9

Tous les commentaires doivent être reçus au plus tard le 16 octobre 2020. Les commentaires reçus dans le cadre de cette consultation, ainsi que le nom et l'affiliation de leurs auteurs, seront communiqués aux membres du Comité fédéral-provincial-territorial sur l'eau potable (CEP). Les auteurs qui ne souhaitent pas que leur nom et leur affiliation soient communiqués aux membres du CEP doivent présenter une déclaration à cet effet avec leurs commentaires.

Il est à noter que ce document d'orientation sur la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution sera révisé à la suite de l'évaluation des commentaires reçus et que le document final sera publié. Le présent document doit être considéré uniquement comme une ébauche aux fins de commentaires.

Résumé

Le réseau de distribution de l'eau potable est la dernière barrière de protection avant le robinet des consommateurs. Un réseau de distribution bien entretenu et bien exploité est donc un élément essentiel de l'approvisionnement en eau potable. Afin de maintenir la qualité de l'eau potable dans le réseau de distribution, il est essentiel de comprendre quand des changements se produisent. On doit recourir à une surveillance régulière visant à évaluer la stabilité biologique de l'eau dans les réseaux de distribution.

Santé Canada a récemment terminé son examen de la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution. Le présent document de conseil a été préparé en collaboration avec le CEP et décrit l'importance de la stabilité biologique dans les réseaux de distribution de l'eau potable, ainsi que les méthodes de surveillance et les pratiques exemplaires établies pour assurer une eau potable saine.

Évaluation

Les réseaux de distribution représentent un environnement complexe et dynamique, où peuvent se produire de nombreuses interactions et réactions physiques, chimiques et biologiques susceptibles d'avoir une incidence importante sur la qualité de l'eau. Par conséquent, diverses maladies, y compris les éclosions d'origine hydrique, ont été liées à la dégradation de la qualité de l'eau dans les réseaux de distribution. Malgré cela, les réseaux de distribution de l'eau potable et les changements de la stabilité biologique en leur sein ne sont généralement pas caractérisés ou bien compris. Le présent document vise à fournir aux intervenants, notamment les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux, les décideurs, les propriétaires exploitants de réseau de distribution d'eau et les consultants, des conseils sur l'utilisation des méthodes de surveillance visant à évaluer la stabilité biologique de l'eau dans les réseaux de distribution. Le but est de réduire au minimum les risques pour la santé publique liés aux réseaux de distribution au Canada.

Considérations internationales

Divers organismes nationaux et internationaux ont établi des conseils, des recommandations ou des normes sur l'eau potable concernant la surveillance de la qualité de l'eau et de la stabilité biologique dans les réseaux de distribution. Ces documents diffèrent en raison des époques auxquelles les évaluations ont été faites, ou encore des politiques ou approches en place. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise une approche fondée sur un plan de salubrité de l'eau, qui comprend un programme de surveillance opérationnelle dans les réseaux de distribution et dans les bâtiments. L'OMS suggère également d'optimiser l'élimination des matières organiques naturelles afin de réduire au minimum la croissance des biofilms dans les réseaux de distribution. En Australie, on a défini des paramètres de surveillance opérationnelle et de qualité de l'eau potable afin d'évaluer les risques de stagnation, de formation de biofilms et d'infiltration de contaminants dans les réseaux de distribution. Aux États-Unis, le règlement Revised Total Coliform Rule de l'EPA prescrit un échantillonnage périodique sur les sites faisant partie d'un réseau de distribution, et exige que soient « décelés et corrigés » les lacunes des réseaux de distribution pouvant nuire à la santé. L'EPA fournit également des conseils sur la surveillance de la qualité de l'eau dans les réseaux de distribution sous forme de divers livres blancs et rapports. La Directive sur l'eau potable de l'Union européenne prescrit une fréquence minimale d'échantillonnage des réseaux de distribution, selon le volume d'eau distribué ou produit chaque jour dans une zone d'approvisionnement donnée, et définit une série de paramètres dits de « surveillance et contrôle ».

Partie A : Conseils sur la stabilité biologique de la qualité de l'eau potable de distribution d'eau dans les réseaux

A.1 Introduction

Les réseaux de distribution d'eau potable consistent en un vaste ensemble de tuyauterie, de vannes, de bornes d'incendie, de conduites de service et d'installations de stockage. Ils constituent la dernière barrière de protection avant le robinet des consommateurs. Idéalement, la qualité de l'eau dans le réseau de distribution devrait changer à peine. C'est ce que l'on appelle le « maintien de la stabilité biologique ». Cependant, les réseaux de distribution constituent un environnement complexe et dynamique – en quelque sorte un « réacteur » – où se produisent de nombreuses interactions et réactions physiques, chimiques et biologiques auxquelles participent des microorganismes, des nutriments et des particules. Ce mélange forme un biofilm et des dépôts qui peuvent entraîner une détérioration de la qualité de l'eau et causer divers problèmes, notamment des risques directs (p. ex., éclosions d'origine hydrique) et indirects (p. ex., expositions aux métaux) pour la santé, et des problèmes esthétiques (p. ex., couleur, turbidité, mauvais goût ou odeur). Or, la détérioration de la qualité de l'eau qui se produit pendant sa distribution n'est généralement pas caractérisée ni bien comprise.

A.2 Portée et objectif

Le présent document vise à présenter aux autorités responsables, notamment les municipalités et les services de distribution d'eau, un aperçu des aspects suivants : 1) les causes de la détérioration de la qualité microbienne de l'eau dans les réseaux de distribution; 2) les méthodes et les paramètres pouvant être utilisés pour évaluer la stabilité biologique; et 3) les stratégies de gestion des réseaux de distribution. Bien que le présent document porte principalement sur la composante du réseau de distribution qui achemine l'eau jusqu'aux bâtiments, nous traitons brièvement de la plomberie des bâtiments. Il est reconnu que la responsabilité d'un service public n'inclut généralement pas les systèmes de plomberie à l'intérieur des bâtiments.

Étant donné que les microorganismes, les nutriments et les particules jouent un rôle important dans les changements touchant la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution, le présent document traite des facteurs qui peuvent entraîner une détérioration de la qualité de l'eau, et nous décrivons les outils que les services de distribution d'eau peuvent utiliser pour maintenir la qualité de l'eau.

Les présents conseils remplacent le document Conseils sur l'utilisation de la numération des bactéries hétérotrophes dans les approvisionnements d'eau potable au Canada (Santé Canada, 2012a).

A.3 Causes de la détérioration de la qualité de l'eau

La détérioration de la qualité de l'eau dans le réseau de distribution est due à une multitude de facteurs et de mécanismes, comme indiqué dans le tableau 1.

Tableau 1. Facteurs qui affectent la qualité de l'eau dans le réseau de distribution

Présence de microorganismes

La majorité des microorganismes du réseau de distribution se trouvent dans les biofilms fixés aux parois internes des tuyaux, où ils sont protégés. Les biofilms sont omniprésents dans tous les réseaux de distribution et représentent un défi de taille pour l'industrie de l'eau potable et les gestionnaires des bâtiments.

Type et disponibilité des nutriments

Un certain nombre de nutriments peuvent être présents dans les réseaux de distribution d'eau potable et ainsi favoriser la croissance microbienne, soit en servant de combustible aux microorganismes, soit en consommant la résiduelle de désinfectant.

Matériaux et état de la tuyauterie

Les biofilms et les dépôts s'accumulent dans tous les réseaux de distribution, quel que soit le matériau dont sont faites les conduites. Les tuyaux en fer, en particulier, favorisent l'adhérence et la croissance microbiennes, ce qui entraîne des excroissances surélevées, appelées tubercules, qui peuvent abriter des agents pathogènes opportunistes; et peuvent causer: une demande significantive de désinfectant; la couleur; la turbidité; ou des goûts et odeurs. Ils peuvent aussi diminuer le rendement hydraulique. Outre les matériaux dont est faite la tuyauterie, l'état de celle ci peut avoir une incidence considérable sur la qualité de l'eau dans les réseaux de distribution. À mesure que les conduites vieillissent, elles deviennent sujettes aux fuites et aux ruptures, ce qui entraîne : l'intrusion de contaminants microbiens; la corrosion; et le développement des biofilms.

Type et concentration residuelle de désinfectant

Les résidus de désinfectant possèdent des capacités différentes en termes de pouvoir désinfectant, de réactivité avec les matières organiques et inorganiques, de pénétration des biofilms, de potentiel de formation de sous-produits de désinfection et de potentiel de nitrification. Des concentrations minimales en désinfectant résiduel sont en général recommandées pour contrôler la croissance des biofilms. La qualité de l'eau dans le réseau de distribution peut aussi diminuer considérablement en raison de l'état général du réseau, notamment les conditions hydrauliques, le temps de séjour de l'eau, sa température et son pH. Les changements hydrauliques dans le réseau de distribution sont courants et dépendent fortement de la demande en eau. La demande en eau, à son tour, détermine l'âge de l'eau, ce qui influe sur sa qualité. La température et le pH de l'eau jouent un rôle important dans les divers processus physiques, chimiques et biologiques qui se produisent dans un réseau de distribution d'eau potable et ces facteurs peuvent donc avoir une incidence sur la qualité de l'eau.

État général du réseau de distribution

La qualité de l'eau dans le réseau de distribution peut aussi diminuer considérablement en raison de l'état général du réseau, notamment les conditions hydrauliques, le temps de séjour de l'eau, sa température et son pH. Les changements hydrauliques dans le réseau de distribution sont courants et dépendent fortement de la demande en eau. La demande en eau, à son tour, détermine l'âge de l'eau, ce qui influe sur sa qualité. La température et le pH de l'eau jouent un rôle important dans les divers processus physiques, chimiques et biologiques qui se produisent dans un réseau de distribution d'eau potable et ces facteurs peuvent donc avoir une incidence sur la qualité de l'eau.

A.4 Méthodes et paramètres de surveillance

Comme les réseaux de distribution de l'eau potable constituent en quelque sorte des « réacteurs », il est essentiel de surveiller l'évolution de la stabilité biologique, afin de réduire au minimum les risques potentiels pour les consommateurs. Cela a traditionnellement été fait en utilisant des indicateurs bactériens (p. ex., coliformes totaux et E. coli), et la surveillance de la numération sur plaque des bactéries hétérotrophes (NPBH). Bien que ces méthodes soient utiles et fournissent des renseignements sur les variations de qualité de l'eau qui peuvent avoir une incidence sur la stabilité biologique, elles comportent des limites importantes. On peut employer diverses autres méthodes et paramètres de surveillance pour évaluer les variations de stabilité biologique de l'eau distribuée. Dans le présent document d'orientation, ces méthodes et paramètres ont été classés dans l'une ou l'autre des catégories suivantes : 1) méthodes rapides, 2) méthodes de laboratoire ou 3) méthodes avancées. Les méthodes avancées consistent en méthodes spécialisées qui peuvent nécessiter un partenariat entre les services de distribution d'eau et les universités ou les laboratoires commerciaux de pointe.

Les services de distribution d'eau devraient employer les méthodes et les paramètres les plus appropriés pour surveiller régulièrement la qualité de l'eau dans le réseau de distribution et établir des conditions de base, surveiller les changements et détecter les cas potentiels ou réels de contamination. Les plans de surveillance devraient être fondés sur une évaluation propre au réseau et satisfaire aux exigences de l'organisme responsable de l'eau potable. Le tableau 2 présente les paramètres et les méthodes qu'il est suggéré d'inclure dans un programme de surveillance.

Il est important que les services de distribution d'eau reconnaissent que bon nombre des paramètres énumérés (p. ex., résidus de désinfectant, turbidité) font déjà l'objet d'une surveillance dans le cadre de l'approche « de la source au robinet », pour produire une eau potable saine. D'autres méthodes et paramètres sont relativement faciles à utiliser et donnent des résultats rapides. Certaines méthodes sont avancées et seuls les grands réseaux auront les ressources nécessaires pour les appliquer (p. ex., la cytométrie en flux). Une fois les données recueillies, il faut les analyser pour déterminer si la qualité de l'eau dans le réseau de distribution varie et de quelle façon. Des objectifs de qualité de l'eau peuvent alors être établis. Le plan de surveillance devrait également préciser les mesures à prendre si les objectifs de qualité de l'eau ne sont pas atteints (p. ex., augmenter le chlore résiduel).

Tableau 2. Méthodes et paramètres suggérés pour évaluer la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution.
Objectif de qualité de l'eau Paramètre Méthode rapide Méthode de laboratoire Méthode avancée
Microbes/désinfection Résidus de désinfectant X S / O S / O
c-ATP Note de bas de tableau a X S / O S / O
NPBH-R2A Note de bas de tableaub S / O X S / O
Indicateurs bactériens (coliformes totaux et E. coli) S / O X S / O
Demande/décroissance de désinfectant dans l'eau lors d'un rinçage unidirectionnel S / O X X
Taux de formation de biofilms S / O X X
Numération des cellules bactériennes par CMF Note de bas de tableauc S / O S / O X
Méthodes moléculaires S / O S / O X
Analyse des biofilms S / O S / O X
Solides Turbidité X S / O S / O
Couleur apparente S / O X S / O
Chimie pH X S / O S / O
Température de l'eau X S / O S / O
Potentiel d'oxydoréduction X S / O S / O
Nutriment Carbone organique X X S / O
Ammoniac total et libre X X S / O
Nitrites + nitrates X X S / O
Phosphore total X X S / O
Métaux – Niveau 1 Note de bas de tableau d Aluminium S / O X S / O
Fer S / O X S / O
Manganèse S / O X S / O
Arsenic S / O X S / O
Plomb S / O X S / O
Métaux – Niveau 2 Note de bas de tableau e Formation de tartre et dissolution des métaux S / O X S / O
Note a

cATP, cellular adenosine triphosphate

Retour à la référence de la note de tableau a

Note b

NPBH = numération sur plaque des bactéries hétérotrophes au moyen du milieu R2A.

Retour à la référence de la note de tableau b

Note c

CMF = cytométrie en flux.y

Retour à la référence de la note de tableau c

Note d

Les métaux de niveau 1 comprennent les trois principaux puits d'accumulation (aluminium, fer et manganèse) et les principaux contaminants pouvant nuire à la santé. Les services de distribution d'eau peuvent ajouter des paramètres supplémentaires si un traitement est en place pour un métal particulier.

Retour à la référence de la note de tableau d

Note 3

Métaux de niveau 1 + cuivre, cadmium, chrome, cobalt, nickel, étain, zinc, calcium, magnésium, baryum, strontium, sodium, potassium, vanadium.

Retour à la référence de la note de tableau e

A.5 Stratégies de gestion

Un réseau de distribution bien entretenu et bien exploité est un élément essentiel de l'approvisionnement en eau potable. Voici quelques-unes des meilleures et principales pratiques de gestion pour réduire au minimum les risques liés au réseau de distribution :

D'autres mesures importantes sont requises pour assurer la stabilité biologique du réseau de distribution, notamment la prévention des refoulements et le contrôle des raccordements croisés, le contrôle de la corrosion, ainsi que l'entretien et le nettoyage des conduites du réseau de distribution.

Partie B : Renseignements de fond

B.1 Réseaux de distribution d'eau potable

L'eau potable arrive aux robinets des consommateurs par un vaste réseau de conduites, de vannes, de bornes d'incendie, de conduites de service et d'installations de stockage, le tout formant un réseau de distribution (O'Connor, 2002). Idéalement, la qualité de l'eau devrait changer le moins possible pendant son trajet jusqu'au point de consommation. Cela se produit lorsque l'eau est « biologiquement stable », de sorte que la sécurité du consommateur n'est pas mise en danger, ni l'aspect esthétique de l'eau (Prest et coll., 2016b). Cependant, les réseaux de distribution constituent un environnement complexe et dynamique formant ainsi un « réacteur » dans lequel diverses interactions et réactions biologiques et physico-chimiques ont lieu et auxquelles participent des microorganismes, des nutriments et des particules (figure 1). Ce mélange forme des biofilms et des dépôts qui peuvent être fixés de façon lâche ou ferme. Les biofilms et les dépôts (figure 1) peuvent entraîner une détérioration de la qualité de l'eau et causer divers problèmes, notamment des risques directs et indirects pour la santé, ainsi que des problèmes esthétiques, comme la couleur, la turbidité, ou encore un goût et une odeur désagréables.

Figure 1. Le réseau de distribution de l'eau potable constitue un « réacteur » : il se produit dans celui ci de nombreuses interactions et réactions biologiques et physico-chimiques. Reproduit avec la permission de Liu et coll., 2013c.
Figure 1. Le réseau de distribution de l'eau potable constitue un « réacteur » :  il se produit dans celui ci de nombreuses interactions et réactions biologiques et physico-chimiques. Reproduit avec la permission de Liu et coll., 2013c
Figure 1 - Équivalent textuel

Une illustration montrant les interactions et réactions biologiques et physico-chimiques dans le réseau de distribution de l'eau potable. L'illustration montre une section de tuyau du réseau de distribution de l'eau potable à travers laquelle l'eau coule de gauche à droite. L'eau qui coule dans le tuyau transporte une quantité de particules, de cellules et de nutriments. Une fois dans le tuyau, ces particules, cellules et nutriments interagissent entre eux et avec les composants du tuyau lui-même. Les particules sont montrées tombant au fond du tuyau pour rejoindre une couche de dépôts lâches (alias sédimentation). D'autres particules sont montrées se détachant de la paroi du tuyau (alias remise en suspension), tandis que d'autres sont montrées s'écoulant à travers le tuyau et sortant du tuyau pour rejoindre les particules quittant le côté droit du tuyau. Les nutriments sont représentés comme étant consommés par la couche de biofilm fixée au sommet de la paroi du tuyau, ainsi que par les cellules et les particules. Les cellules sont attachées aux particules et au fond du tuyau, ainsi qu'à la sortie du tuyau. Le biofilm se détache de la paroi du tuyau.

B.1.1 Risques directs pour la santé

Il est difficile de quantifier dans quelle mesure la détérioration de la qualité de l'eau dans le réseau de distribution contribue aux maladies humaines, car de nombreux événements ne sont pas détectés ou reconnus. De plus, les taux de maladies infectieuses endémiques – y compris les maladies d'origine hydrique – sont considérablement sous-déclarés et sous-diagnostiqués pour un certain nombre de raisons (Majowicz et coll., 2004; MacDougall et coll., 2008; Gibbons et coll., 2014). Cette situation est compliquée au Canada, car il n'existe pas de système national de surveillance visant expressément les maladies d'origine hydrique (Pons et coll., 2015). Par conséquent, on dispose de très peu d'information sur l'ampleur et les sources des maladies d'origine hydrique au Canada, y compris celles attribuables à l'eau potable.

Bien qu'il y ait peu de données de surveillance pour le Canada, les données de surveillance américaines montrent clairement l'existence d'un lien entre les réseaux de distribution contaminés et les maladies humaines. Entre 1995 et 2014, plus de 40 éclosions de maladie d'origine hydrique attribuées à des réseaux de distribution défectueux ont été signalées aux États-Unis (Levy et coll., 1998; Barwick et coll., 2000; Craun et Calderon, 2001; Lee et coll., 2002; Blackburn et coll. 2004; Liang et coll. 2006; Yoder et coll., 2008; Brunkard et coll. 2011; CDC, 2013; Beer et coll., 2015; Benedict et coll., 2017). Il en a résulté plus de 4 800 cas de maladie. Une méta-analyse des données américaines, réalisée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a montré que la majorité des éclosions de maladie d'origine hydrique attribuées aux réseaux de distribution étaient liées à des raccordements croisés (figure 2) et que l'agent étiologique le plus courant était les bactéries (OMS, 2014). La libération de biofilms et de dépôts dans le réseau de distribution, lié à un changement de source d'eau, a été mis en cause dans l'éclosion de légionellose survenue à Flint, au Michigan (États-Unis), entre 2014 et 2015 (Rhoads et coll., 2017; Zahran et coll., 2018). Plusieurs éclosions d'origine hydrique attribuables aux réseaux de distribution ont également été signalées ailleurs dans le monde (Nygård et coll., 2004; Jakopanec et coll., 2008; Moreira et Bondelind, 2017), dont une importante éclosion de gastro-entérite en Finlande qui a touché plus de 8 400 personnes; due à la contamination de l'eau distribuée par les effluents d'égout (Laine et coll., 2011).

Certaines études épidémiologiques ont fait état d'un lien entre la consommation d'eau du robinet provenant des réseaux de distribution et des répercussions négatives sur la santé (Hunter et coll. 2005; NRC, 2006; Nygård et coll., 2007; Córdoba et coll., 2010; Lambertini et coll., 2012; Ercumen et coll., 2014; Säve-Söderbergh et coll., 2017). Les modèles utilisés pour étudier les effets sur la santé publique estiment qu'entre 15 et 50 % des maladies gastro-intestinales d'origine hydrique sont attribuables aux réseaux de distribution (Payment et coll., 1997; Messner et coll., 2006; Nygård et coll., 2004, 2007; Murphy et coll., 2016).

Figure 2. Éclosions d'origine hydrique associées aux réseaux de distribution aux États Unis, 1981–2010, en raison d'une défectuosité du système (A) et d'un agent étiologique (B). Figure adaptée et réimprimée avec la permission de Renwick et coll., 2019.
Figure 2. Éclosions d'origine hydrique associées aux réseaux de distribution aux États Unis, 1981–2010, en raison d'une défectuosité du système (A) et d'un agent étiologique (B). Figure adaptée et réimprimée avec la permission de Renwick et coll., 2019
Figure 2 - Équivalent textuel

Une illustration montrant deux graphiques circulaires, A et B. Le graphique circulaire A illustre le pourcentage des éclosions associées aux réseaux de distribution en raison d'une défectuosité du système. Les raccordements croisés constituent le plus gros secteur (42 %) du graphique, suivies par les causes d'origine inconnues (19 %), les bris et réparations des conduites d'eau (chacun 11 %), le relargage (9 %), le stockage (7 %) et les fluctuations de pression (1 %). Le graphique circulaire B illustre le pourcentage des éclosions associées aux réseaux de distribution en raison d'un agent étiologique. Les bactéries représentent le plus gros secteur (33 %) du graphique, suivies des protozoaires (25 %), des produits chimiques et des maladies gastro-intestinales aiguës d'étiologie inconnus (chacun 14 %), des virus (9 %) et des micro-organismes mélangés (5 %).

B.1.2 Risques indirects pour la santé

Les matières qui s'accumulent dans les réseaux de distribution (figure 1) sont colonisées par les coliformes et les bactéries hétérotrophes, nitrifiantes, oxydant le fer et réduisant le soufre (Hill et coll., 2018). Les précipités métalliques, dont l'aluminium, le fer ou le manganèse, présents dans les dépôts peuvent servir de puits d'accumulation pour d'autres contaminants (p. ex., arsenic, chrome, cuivre, plomb) (Cantor 2017). Ces dépôts peuvent être perturbés et « libérés » de manière incontrôlée en raison de perturbations hydrauliques (p. ex., activités de lutte contre l'incendie, les bris de conduite, fonctionnement de la station de pompage) ou d'activités de rinçage incorrectes. Le tableau 3 présente un résumé des concentrations de matières biologiques (biomasse) et des précipités métalliques mesurés dans les dépôts extraits de deux réseaux pleine grandeur à l'aide de diverses vitesses de rinçage. Ces données montrent que d'importantes quantités de précipités métalliques et de biomasse peuvent s'accumuler et causer la détérioration de la qualité de l'eau. À son tour, cette détérioration peut entraîner des maladies chez les humains s'ils ingèrent des concentrations élevées de microorganismes ou de métaux.

La libération de microorganismes ou de métaux est aussi généralement associé à des phénomènes de coloration ou de turbidité (Prince et coll., 2003; Seth et coll., 2004; Husband et coll., 2016). Husband et Boxall (2010) ont signalé que l'eau dans les conduites maîtresses en fonte présentait systématiquement une turbidité plus élevée associée à la libération de matières accumulées. Burlingame et coll. (2006) ont signalé une relation directe entre la turbidité et la libération de matières accumulées dans les tuyaux en fer renfermant des tubercules. Les plaintes des consommateurs concernant la couleur, le goût ou l'odeur désagréable peuvent donc servir d'indicateur de la détérioration de la qualité de l'eau dans un réseau de distribution (Hrudey et Hrudey, 2014). L'eau colorée ne devrait pas être considérée comme salubre tant qu'elle n'a pas été analysée et que sa salubrité n'a pas été confirmée (Friedman et coll., 2016).

Tableau 3. Concentrations de matières biologiques et de précipités métalliques après une extraction à différentes vitesses de rinçage (Hill et coll., 2018).
Communauté bactérienne et matériau du tuyau Vitesse
(pi/s)
NPBH-R2A Note de bas de tableau a
(ufc/mL)
Biomasse viable totaleNote de bas de tableau b
(pg/mL)
Bactéries viables Note de bas de tableau c
(cellules/mL)
Fer
(µg/L)
Manganèse
(µg/L)
A – avec revêtement de ciment 4 930 9,3 89 200 4 000 800
6 750 2,7 28 700Note de bas de tableau d 4 400 180
6 3 300 5,9 54 500Note de bas de tableau d 6 400 200
A – avec revêtement de ciment, et sections sans revêtement 6 380 4.0 34 000 4 300 330
A – fonte sans revêtement 3,0 130 1,2 20 700 3 700 140
4,8 2 400 19 28 100 26 400 870
6,0 430 2,0 37 900 15 100 300
6,0 2 900 54 61 400 16 500 800
6,4 1 030 4,7 31 300 7 500 210
B – fonte sans revêtement 3,0 1 470 270 590 700 193 100 20 600
4,2 15 500 807 689 100Note de bas de tableau d 139 000 30 100
5,4 3 300 430 577 300 155 700 18 400
6,0 1 500 280 601 500 199 000 20 900
6,0 10 400 325 788 300Note de bas de tableau d 153 300 11 300
Note de bas de tableau a

Numération sur plaque de bactéries hétérotrophes (NPBH) avec gélose R2A.

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Note de bas de tableau b

Mesure par adénosine triphosphate cellulaire (cATP).

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Note de bas de tableau c

Mesure par cytométrie en flux (CMF).

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Note de bas de tableau d

Inclut les échantillons totaux positifs en coliforme.

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B.1.3 Événements ou défaillances dans les réseaux de distribution

Entre 2013 et 2019, les bris de conduite et les pertes de pression dans les réseaux de distribution ont été les principales raisons pour lesquelles des avis d'ébullition de l'eau ont été émis au Canada, soit de 72 % des avis (figure 3). Ces données sont fondées sur l'analyse de 5 578 dossiers d'avis d'ébullition de l'eau, émis par 7 des 14 autorités compétentes (Santé Canada, 2019). Une importante éclosion de campylobactériose d'origine hydrique en Norvège a été attribuée à une perte de pression et à la piètre intégrité des réseaux de distribution (Jakopanec et coll., 2008). L'absence de désinfection après la réparation de la conduite a également été un facteur contributif.

Fox et coll. (2016) ont démontré que des contaminants qui se trouvent à l'extérieur d'une petite fuite (diamètre de 5 mm) dans une conduite sous pression pouvaient pénétrer dans cette conduite et être transportés dans le réseau lorsque des pressions transitoires négatives apparaissaient. Des pressions transitoires faibles et négatives peuvent survenir à la suite de l'exploitation ou de l'entretien d'un réseau de distribution ou d'événements imprévus tels que des pannes d'électricité ou des bris de conduite. Les pressions transitoires faibles et négatives permettent également aux contaminants d'entrer dans les réseaux de distribution par les raccordements croisés ou par le refoulement provenant des installations domestiques, industrielles ou institutionnelles (Gullick et coll., 2004).

Figure 3. Raisons de l'émission d'avis d'ébullition de l'eau par les systèmes publics d'approvisionnement en eau potable au Canada (Santé Canada, 2019).
Figure 3. Raisons de l'émission d'avis d'ébullition de l'eau par les systèmes publics d'approvisionnement en eau potable au Canada (Santé Canada, 2019)
Figure 3 - Équivalent textuel

La figure 3 est un graphique à barres montrant que les principales raisons de l'émission d'avis d'ébullition de l'eau sur les réseaux publics étaient; Ligne cassé ou perte de charge dans le système de distribution (72 %), Aucune raison de qualité de l'eau applicable (16 %), Les comptes de turbidité ou particule ne son pas acceptable dans l'eau traitée (4 %), Coliforms totaux détecté dans le réseau d'eau potable (3.4 %), E.coli détecté dans le réseau d'eau potable (2.7 %), Détérioration significative de l'eau à la source pour raisons de conditions environnementales (0.8 %), Contamination subçonnée (0.6 %), Quantité insuffissante (0.3 %), Jonction fautive avec écoulment à contre-courant subçonnée ou confirmé (0.2 %).

B.2 Causes de détérioration de la qualité de l'eau

Dans un monde idéal, la qualité de l'eau devrait demeurer stable jusqu'au point de consommation. On parle alors de stabilité biologique de l'eau potable (van der Kooij, 2000; NRC, 2006; Lautenschlager et coll., 2013; Prest et coll., 2016b). Étant donné la complexité et la nature dynamique des réseaux de distribution, la stabilité biologique peut varier de façon importante, et il s'ensuit une détérioration de la qualité de l'eau potable. Cette détérioration dans les réseaux de distribution est due à une multitude de facteurs et de mécanismes (figure 4 et figure 5). Nous décrivons brièvement certains facteurs et mécanismes menant à la détérioration de la qualité microbienne de l'eau. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter les documents suivants : LeChevallier, 1999; van der Kooij et van der Wielen, 2014; OMS, 2014; LeChevallier et coll., 2015a,b; Prest et coll., 2016a,b,c.

Figure 4. Facteurs contribuant à la détérioration de la qualité de l'eau dans un réseau de distribution de l'eau potable (Source : Sadiq et coll., 2009. Figure adaptée et réimprimée avec autorisation.©AwwaRF).
Figure 4. Facteurs contribuant à la détérioration de la qualité de l'eau dans un réseau de distribution de l'eau potable (Source :  Sadiq et coll., 2009. Figure adaptée et réimprimée avec autorisation.<sup>©</sup>AwwaRF)
Figure 4 - Équivalent textuel

Un organigramme illustrant la complexité des facteurs et des interactions au sein du réseau de distribution de l'eau potable qui entraînent une détérioration de la qualité de l'eau. Plusieurs zones de texte sont incluses qui représentant un large éventail de facteurs et leurs interactions sont souligner pas des flèches. Une gamme de types de facteurs est illustrée, y compris ceux liés à l'état des tuyaux, l'intrusion, les conditions générales du système (par exemple, pH, alcalinité) et la présence de micro-organismes, de désinfectant résiduel et de nutriments. Par exemple, la détérioration des tuyaux est liée à la fréquence élevée de bris, à la corrosion interne et le relargage, et à la formation de tubercules et de biofilm. La formation de biofilm, à son tour, est liée à la croissance et protection des micro-organismes, au détachement et aux bactéries endommagées. Ces facteurs sont liés à divers autres facteurs, et ainsi de suite.

B.2.1 Présence de microorganismes

La présence de microorganismes est due à deux grandes raisons : 1) ils sont introduits dans les réseaux de distribution ou 2) les conditions dans le réseau de distribution favorisent la croissance des microorganismes déjà présents. Les microorganismes peuvent pénétrer dans les réseaux de distribution en survivant au processus de traitement de l'eau, ou par l'intrusion. L'intrusion se produit lorsqu'il y a des ruptures de l'intégrité du réseau, par exemple s'il y a un bris de conduite ou une fuite, ce qui peut résulter des transitoires de pression à court terme (LeChevallier et coll., 2011). Plusieurs études ont démontré que les contaminants microbiens peuvent pénétrer dans les réseaux de distribution (Karim et coll., 2003; LeChevallier et coll., 2003; Besner et coll., 2010, 2011; Yang et coll., 2011; Ebacher et coll., 2012; Fontanazza et coll., 2015; Fox et coll., 2016). De multiples facteurs et mécanismes peuvent favoriser la croissance microbienne, et nous les décrivons dans les sections ci-dessous (Besner et coll., 2012; Lee, 2013; LeChevallier et coll., 2015a; Prest et coll., 2016a,b,c; AWWA, 2017).

Les réseaux de distribution d'eau potable contiennent à la fois des populations fixées (biofilms) et transitoires (planctoniques) de microorganismes qui peuvent contribuer à la détérioration de la qualité de l'eau (figure 5). Le matériel génétique combiné de ces populations microbiennes est appelé « microbiome ». Le microbiome est tributaire de nombreux facteurs, y compris la disponibilité des nutriments, le matériau dont sont faites les conduites, la prédation et l'utilisation de désinfectants (Zhang et coll., 2017). Les microbiomes sont très hétérogènes, et leur composition varie dans le temps, entre les réseaux de distributions, et dans un même réseau de distribution. (Gomez-Alvarez et coll., 2012; Chao et coll., 2013, 2015; Delafont et coll., 2013; Wang et coll., 2014a,b; Zhang et coll., 2017).

Les biofilms sont des amas de microorganismes, généralement enfermés dans une matrice de substances polymères extracellulaires (SPE), contenant des matières organiques et inorganiques, fixées à la surface interne des tuyaux dans les réseaux de distribution de l'eau potable (Prest et coll., 2016a; Liu et coll., 2016; WRF, 2017). La structure formée par les SPE offre une protection contre les prédateurs et les désinfectants, et facilite l'absorption et l'utilisation des nutriments (LeChevallier et coll., 1988; Flemming et Wingender, 2010; Prest et coll., 2016a). Les biofilms sont omniprésents dans tous les réseaux de distribution et fournissent un habitat pour la survie et la croissance de microorganismes, y compris les agents pathogènes (Santé Canada, 2013b). Divers agents pathogènes entériques ont été détectés dans les biofilms (Park et coll., 2001; Howe et coll., 2002; LeChevallier et coll., 2003; Chang et Jung, 2004; Berry et coll., 2006; September et coll., 2007; Gomez-Alvarez et coll., 2015; Revetta et coll., 2016), où ils peuvent s'accumuler et en être libérés sur une longue période (Howe et coll., 2002; Warnecke, 2006; Wingender et Flemming, 2011). Des agents pathogènes non entériques ont également été détectés dans les biofilms, y compris des agents pathogènes opportunistes dans la plomberie des bâtiments, notamment Legionella pneumophila et les mycobactéries non tuberculeuses (p. ex., M. avium, M. intracellulare) (Falkinham et coll., 2015; Wang et coll., 2017). Ces organismes se sont adaptés pour croître et persister dans les biofilms des réseaux de distribution et de plomberie et ont été associés à plusieurs éclosions (Pruden et coll.,2013; Beer et coll., 2015; Falkinham et coll., 2015; Benedict et coll., 2017), y compris l'éclosion de légionellose à Flint, au Michigan (É.-U.) (Zahran et coll., 2018) en 2014-2015. Ces organismes représentent un défi de taille pour l'industrie de l'eau potable et les gestionnaires de bâtiments (voir la section B.4 Programme de surveillance).

Figure 5. Dynamique microbienne dans un réseau de distribution de l'eau potable. Reproduit avec la permission de Prest et coll., 2016a. Tous droits réservés©2016, Frontiers in Microbiology.
Figure 5. Dynamique microbienne dans un réseau de distribution de l'eau potable. Reproduit avec la permission de Prest et coll., 2016a. Tous droits réservés<sup>©</sup>2016, Frontiers in Microbiology
Figure 5 - Équivalent textuel

Une illustration montrant la dynamique microbienne dans un tuyau du réseau de distribution de l'eau potable. L'illustration montre de l'eau traitée entrant dans une section de tuyau du réseau de distribution et sortant au robinet. L'eau traitée qui coule dans le tuyau transporte des bactéries, des particules, des résidus de désinfectant et de nutriment et interagit avec les composants du tuyau. Les bactéries sont montrées consommant des nutriments, se fixant et se détachant du / sur le biofilm sur la paroi du tuyau, entrant en compétition avec d'autres cellules microbiennes, se fixant aux particules et / ou mourant. Les particules tombent au fond du tuyau pour rejoindre une couche de sédiments, de SPE et de croissance bactérienne. D'autres particules se détachent de la paroi du tuyau, se lient aux nutriments et sont remises en suspension. Les nutriments sont montrés consommés par la couche de biofilm-SPE-sédiments attachés à la paroi du tuyau et libérés de la paroi du tuyau (alias relargage). Le résidu de désinfectant interagit avec les bactéries, entraînant la mort et / ou un changement de communauté microbienne et interagir avec la couche de la paroi du tuyau et avec les particules en suspension.

La surveillance des indicateurs bactériens (c.-à-d. coliformes totaux, E. coli) dans le réseau de distribution fournit généralement très peu d'information sur le microbiome, car ces indicateurs sont rarement détectés (Hargesheimer, 2001; U.S. EPA, 2016a). De plus, l'eau en vrac qui est échantillonnée ne représente que 2 % de l'inventaire bactérien total. Les matières accumulées sur la paroi du tuyau représentent le reste (Liu et coll., 2014). C'est la raison pour laquelle l'industrie de l'eau potable a traditionnellement utilisé la numération sur plaque des bactéries hétérotrophes (NPBH) comme indicateur de la qualité globale de l'eau dans un réseau de distribution (Hargeheimer, 2001). Bien que la NPBH soit un indicateur non spécifique et non associé à une contamination fécale, elle peut être corrélée avec une variation de la qualité de l'eau dans le réseau de distribution. Par exemple, une diminution des résidus de désinfectant est généralement associée à une augmentation de la NPBH. Toutefois, l'exigence de ne pas dépasser une période d'attente de 8 heures et le temps nécessaire pour obtenir les résultats (2 à 7 jours) peuvent limiter l'utilisation et les avantages de la NPBH. Un test à l'adénosine triphosphate (ATP) a été mis au point pour mesurer rapidement la biomasse bactérienne totale (Lee et Deininger, 1999). Les trousses disponibles dans le commerce peuvent donner des résultats quelques minutes après la collecte des échantillons (Whalen et coll., 2006; Cantor, 2017; Hill et coll., 2018). Les mesures de l'ATP, ainsi que la tendance des résidus de désinfectant (p. ex. sont-ils en baisse), peuvent permettre de déceler très rapidement une augmentation de l'activité microbienne, ce qui nécessite alors des mesures de suivi. La section B.3 Méthodes de surveillance et paramètres présente de plus amples renseignements sur la NPBH et l'ATP.

La surveillance des coliformes totaux et de E. coli demeure importante, car ce sont des indicateurs de l'intégrité microbienne, de conditions insalubres ou de problèmes d'intégrité physique, et ils forment la base de la surveillance de conformité au Canada.

B.2.2 Type et disponibilité des nutriments

Plusieurs nutriments peuvent être présents dans les réseaux de distribution de l'eau potable et favoriser la croissance microbienne, soit en servant de combustible aux microorganismes, soit en consommant la résiduelle de désinfectant (NRC, 2006). La partie biodégradable de la matière organique naturelle (MON), appelée matière organique biodégradable (MOB), par exemple, a des effets sur la qualité de l'eau dans le réseau de distribution, car elle constitue une source de nutriments qui contribuent à la croissance microbienne et au développement de biofilms (Huck, 1990). Les concentrations de MOB [p. ex., carbone organique assimilable (COA) et de carbone organique biodégradable (COBD)] ne constituent qu'un des composants qui influent sur les changements de la qualité de l'eau dans les réseaux de distribution (Prest et coll., 2016a,b,c). D'autres composés jouent un rôle dans le contrôle de la croissance microbienne dans les réseaux de distribution, notamment le phosphore, l'azote, l'ammoniac, le manganèse, le sulfate, le fer et les substances humiques (Camper, 2004, 2014; Coetser et coll., 2005; Prest et coll., 2016a,b,c). Dans certains pays européens, l'approche adoptée pour parvenir à la stabilité biologique est de minimiser les concentrations des nutriments favorisant la croissance des microorganismes dans l'eau (Lautenschlager et coll., 2013).

Les responsables de systèmes de distribution devraient chercher à réduire au minimum les nutriments dans l'eau traitée (p. ex., carbone organique, ammoniac, nitrates/nitrites, phosphore total) et bien connaître leur concentration dans les réseaux de distribution. Ceci est particulièrement important pour les responsables qui ajoutent des nutriments dans leurs réseaux de distribution pour la chloramination (ammoniac) ou le contrôle de la corrosion (phosphore).

B.2.3 Matériau et état des conduites

Les conduites constituent la majorité des réseaux de distribution de l'eau potable, et leurs propriétés et leur état peuvent avoir une incidence importante sur la qualité de l'eau potable. Les matériaux de la tuyauterie peuvent influer sur la croissance microbienne, la formation de biofilms et leur composition. En règle générale, les conduites en fer favorisent l'adhésion et la croissance microbiennes (tableau 3) (Norton et LeChevallier, 2000; Niquette et coll., 2000; Hill et coll., 2018). Les bactéries oxydant le fer forment des excroissances appelées tubercules. Ces tubercules peuvent abriter des microorganismes, y compris des agents pathogènes opportunistes (Emde et coll., 1992; U.S. EPA, 2002; Batté et coll., 2003; NRC, 2006; Teng et coll., 2008). Par conséquent, les parois d'un tuyau peuvent exiger une demande importante de désinfectant, ce qui rend difficile le maintien de la concentration résiduelle de désinfectant. Les tubercules peuvent également produire une couleur, une turbidité, un goût et une odeur, et peuvent réduire le rendement hydraulique (Husband et Boxall, 2010).

Il a été établi que d'autres matériaux utilisés pour les conduites (p. ex., polyéthylène réticulé, poly(chlorure de vinyle), polybutylène) ont également une incidence sur la concentration des bactéries, leur diversité et leur résistance à la désinfection (Zacheus et coll., 2000; Donlan, 2002; Camper et coll., 2003; Wingender et Flemming, 2004, 2011; van Der Kooij et coll., 2005; Hyun-Jung et coll., 2011; Yu et coll., 2010; Wang et coll., 2014a,b; Inkinen et coll., 2018). Ils jouent aussi un rôle dans le potentiel de formation de biofilms (van der Kooij et Veenendaal, 2001; Tsvetanova et Hoeskstra, 2008; Wen et coll., 2015).

Outre le matériau des conduites, l'état de celles-ci peut avoir une incidence importante sur la qualité microbienne de l'eau potable dans un réseau de distribution (voir la figure 3). À mesure que les conduites vieillissent, ils deviennent sujets aux fuites et aux bris, à la corrosion et au développement de biofilms (O'Connor, 2002). Le vieillissement de l'infrastructure de l'eau constitue une menace importante pour la salubrité de l'eau au Canada (Bulletin de rendement des infrastructures canadiennes, 2016). En Ontario, par exemple, de nombreux de systèmes d'eau ont été construits dans les années 1960 et 1970 (MacDonald, 2001) et ils approchent donc de la fin de leur durée de vie utile, qui est en moyenne de 50 à 70 ans (Tafuri et Field, 2010). Les conduites installés dans les années 1960 et 1970 ont également été associés à une probabilité accrue de défaillance en raison des matériaux utilisés et des mauvaises pratiques d'installation alors employées (Besner et coll., 2001; MacDonald, 2001). Dans d'autres régions du Canada, certains ouvrages datent même d'avant 1867 (Besner et coll., 2001; Saint John Water, 2018).

B.2.4 Type et concentration de résidus de désinfectant

Le type et la concentration de résidus de désinfectant influent également sur la qualité microbienne de l'eau dans les réseaux de distribution. Au Canada, la majorité des services publics d'eau utilisent le chlore libre comme résidu de désinfectant, tandis que les autres utilisent les chloramines (Santé Canada, 2009). Ces désinfectants possèdent des capacités différentes en termes de pouvoir désinfectant, de réactivité avec les matières organiques et inorganiques et de pénétration des biofilms. Le chlore libre est très efficace pour inactiver les bactéries, mais il est beaucoup moins efficace contre les protozoaires, ce qui peut entraîner un changement important dans la composition de la communauté bactérienne dans le réseau de distribution (Servais et coll., 1995; Norton et LeChevallier, 2000; Roeder et coll., 2010; Chiao et coll., 2014; Nescerecka et coll.,2014). L'utilisation des chloramines peut mener à la nitrification, c'est-à-dire le processus microbiologique par lequel l'ammoniac est oxydé séquentiellement en nitrites et en nitrates par les bactéries oxydant l'ammoniac et les bactéries oxydant les nitrites, respectivement (Wilczak, 2006). Cela peut entraîner la croissance de bactéries nitrifiantes, ce qui mène à une perte de résidus de désinfectant et accroît la production de biofilms, et fait augmenter davantage la demande de chlore, la libération d'ammoniac et la croissance microbienne (Wilczak et coll., 1996; Pintar et Slawson, 2003; Scott et coll. 2015; Wilczak, 2006).

Des concentrations minimales en désinfectant résiduel sont en général recommandées pour contrôler la croissance des biofilms (LeChevallier et coll., 1996; LeChevallier et Au, 2004). Par conséquent, la diminution de la concentration résiduelle de désinfectant peut signaler une variation de qualité de l'eau, par exemple l'augmentation de l'activité microbienne ou des problèmes d'intégrité physique (LeChevallier, 1998; LeChevallier et coll., 1996, 1998; Haas, 1999; NRC, 2006; Santé Canada, 2020a,b; Nescerecka et coll.,2014; Prest et coll., 2016a). La variabilité des concentrations résiduelle de désinfectant – mesurées en termes de coefficient de variation – peut être un indicateur utile de la stabilité biologique (LeChevallier et coll., 2015b), et nous en traitons à la section B.3.1.1 Concentration résiduelle de désinfectant et turbidité.

B.2.5 État général des réseaux de distribution

La qualité de l'eau dans le réseau de distribution peut diminuer considérablement en raison de l'état général du réseau, y compris les conditions hydrauliques, le temps de séjour de l'eau, la température de l'eau et le pH. Nous décrivons ci-dessous brièvement comment ces paramètres peuvent mener à la détérioration de la qualité microbienne de l'eau dans les réseaux de distribution. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez consulter Santé Canada, 1995, 2015; NRC, 2006; Nescerecka et coll., 2014; LeChevallier et coll., 2015a; Prest et coll., 2016a; Zlatanovic et coll., 2017.

Les changements hydrauliques dans le réseau de distribution sont chose courante et dépendent fortement de la demande d'eau. En retour, la demande d'eau détermine l'âge de l'eau, ce qui a des répercussions sur la qualité de l'eau. Pendant les périodes de faible demande, les vitesses d'écoulement diminuent, ce qui entraîne une augmentation du temps de séjour de l'eau. Ces conditions peuvent donner lieu à une stagnation de l'eau dans certaines parties des réseaux de distribution, causer le dépôt de particules et induire des circonstances favorisant la croissance microbienne (Gauthier et coll., 1999; Zacheus et coll., 2001; Liu et coll., 2013a, b). Lorsqu'il y a une forte demande (c.-à-d. des pics hydrauliques), l'augmentation du débit peut causer le détachement des biofilms et la remise en suspension des sédiments (voir la figure 1) (Lehtola et coll., 2006; Vreeburg et Boxall, 2007), et entraîner une dispersion accrue des microorganismes, notamment des agents pathogènes (Torvinen et coll., 2004; Wingender et Flemming, 2011), la libération de métaux (Friedman et coll., 2010, 2016; Cantor, 2017; Hill et coll., 2018) et causer une coloration ou de la turbidité (Prince et coll., 2003; Seth et coll., 2004; Husband et coll., 2016).

La température et le pH de l'eau sont importants pour divers processus physiques, chimiques et biologiques qui se produisent dans le réseau de distribution d'eau potable, et peuvent influer sur sa qualité. Par exemple, une température élevée de l'eau peut accélérer la décomposition du chlore, ce qui entraîne une croissance microbienne (Li et coll. 2003; van der Wielen et van der Kooij 2010). Les variations de pH et de température ont également des effets sur la solubilité des métaux (p. ex., le cuivre) présents dans les réseaux de distribution, les températures plus élevées entraînant une augmentation du relargage et de la corrosion (Singh et Mavinic 1991; Boulay et Edwards 2001; Sarver et Edwards 2011). Certains métaux (p. ex., l'aluminium) peuvent également se solubiliser ou précipiter selon le pH et la température, et être transportés et déposés dans tout le réseau (Driscoll et coll., 1987; Halton, 2001; Snoeyink et coll., 2003; Munk et Faure, 2004). En outre, des températures élevées de l'eau peuvent favoriser certains processus biologiques, y compris la croissance microbienne (LeChevallier et coll., 1996; van der Kooij et coll., 2003). Les fluctuations de température peuvent influer sur la fixation des biofilms en raison de la modification de la production de SPE (Liu et coll., 2016). Par conséquent, les variations de température de l'eau peuvent avoir une incidence importante sur la qualité de l'eau dans le réseau de distribution. Bien qu'il soit difficile de contrôler la température, les responsables de systèmes de distribution devraient être conscients de ces changements et en gérer les effets. En ce qui concerne le pH, la variabilité devrait être réduite au minimum à ± 0,2 unité afin de maintenir la stabilité chimique et biologique (Muylwyk et MacDonald, 2001; Friedman et coll., 2010; Santé Canada, 2015). On trouvera de plus amples renseignements sur le recours à la température de l'eau et au pH comme indicateurs de la stabilité biologique à la section B.3.1.3 Paramètres physiques et chimiques.

B.3 Méthodes de surveillance et paramètres

Les réseaux de distribution d'eau potable constituent un environnement complexe et dynamique. Afin de comprendre les changements dans la stabilité biologique de l'eau, on devrait établir et mettre en œuvre un programme de surveillance (voir la section B.4 Programme de surveillance) pour établir les conditions de base, surveiller les changements et détecter les événements de contamination en cours ou potentiels. Il est recommandé d'établir des programmes exhaustifs de surveillance (Cantor, 2017, 2018; Hill et coll., 2018) pour mieux connaître la dynamique microbienne dans le réseau de distribution de l'eau potable, ce qui augmenterait ainsi la probabilité de déceler les périodes à risque élevé. La littérature corrobore les approches multiparamètres visant à surveiller la qualité microbienne dans les réseaux de distribution (Escobar et Randall, 2001; Hammes et Egli, 2005; van der Kooij, 2000; Berney et coll., 2008; Vital et coll., 2010, 2012; Hammes et coll., 2011; Lautenschlager et coll., 2013; Douterelo et coll., 2014a; van der Kooij et van der Wielen, 2014; LeChevallier et coll., 2015a,b; van der Kooij et coll., 2015; Van Nevel et coll., 2017).

La combinaison de plusieurs méthodes et paramètres permet de mieux comprendre la dynamique des réseaux de distribution et son incidence potentielle sur la stabilité biologique, ce qui accroît la probabilité de détecter les périodes à risque élevé pour la santé humaine. L'utilisation de méthodes et paramètres multiples facilite également une détection plus rapide des variations de stabilité biologique, de sorte qu'il est possible d'intervenir à temps afin de réduire au minimum les risques pour les consommateurs (voir la section B.5 Gestion des risques microbiologiques).

Dans les sections qui suivent, les méthodes ou analyses des paramètres ont été classées en trois catégories : 1) méthodes rapides, 2) méthodes de laboratoire et 3) méthodes avancées. Les méthodes avancées peuvent nécessiter un partenariat entre les responsables de systèmes de distribution et les universités.

B.3.1 Méthodes rapides

B.3.1.1 Concentration résiduelle de désinfectant et turbidité

Une diminution de la concentration résiduelle de désinfectant ou une augmentation de la turbidité dans le réseau de distribution de l'eau potable peuvent indiquer une diminution de la stabilité biologique (Cantor, 2017). La mesure de la concentration résiduelle de désinfectant et de la turbidité dans le réseau de distribution de l'eau potable est importante et devrait être effectuée lors du prélèvement d'échantillons d'indicateurs bactériens (voir la section B.3.2.1 Indicateurs bactériens). Une fois les données recueillies, il faut les analyser afin de déterminer leur variabilité. La variabilité, mesurée en termes de coefficient de variation, est un indicateur utile de la stabilité de la qualité de l'eau (Cantor et Cantor, 2009; LeChevallier et coll., 2015b). Un autre paramètre utile consiste à calculer la demande/décroissance de désinfectant des dépôts sur les parois de la tuyauterie lorsque l'on effectue un rinçage unidirectionnel (Hill et coll., 2018).

B.3.1.2 Analyse par adénosine triphosphate (ATP)

Le test de l'adénosine triphosphate gagne en popularité comme indicateur de la biomasse viable totale dans un réseau de distribution (Ochromowicz et Hoekstra, 2005; Whalen et coll., 2006; Siebel et coll., 2008; Hammes et coll., 2010; van der Wielen et van der Kooij, 2010; Nescerecka et coll., 2016; Whalen et coll., 2018). Ce test est peu coûteux et facile à réaliser et il donne les résultats en quelques minutes. L'ATP est une molécule qui libère de l'énergie, et elle est produite par tous les organismes vivants. Elle peut être utilisée comme indicateur de l'activité microbienne. Il existe une méthode d'essai standard pour détecter la teneur en ATP des microorganismes dans l'eau (ASTM International, 2015), et on trouve sur le commerce des trousses conformes à cette méthode.

Il s'agit de filtrer les échantillons d'eau, puis d'ajouter un réactif de lyse afin de libérer l'ATP cellulaire (cATP) des cellules microbiennes capturées sur le filtre (ASTM International, 2015). On ajoute ensuite de la luciférine-luciférase, une enzyme bioluminescente, et on mesure l'intensité lumineuse obtenue à l'aide d'un luminomètre. Les unités relatives de lumière émise sont converties par comparaison avec un étalon d'ATP, ce qui donne la concentration de cATP dans l'échantillon (en pg ATP/mL) (ASTM International, 2015). Cette concentration est proportionnelle au nombre de cellules microbiennes viables présentes dans l'échantillon. La méthode détecte normalement des concentrations de cATP allant de 0,1 pg cATP/mL à 4 x 106 pg cATP/mL dans des échantillons d'eau de 50 mL (ASTM International, 2015).

On peut alors représenter graphiquement les mesures de l'ATP, déceler les tendances et interpréter tous ces résultats conjointement avec les autres résultats de surveillance (Siebel et coll., 2008; Hammes et coll., 2010; Douterelo et coll., 2014a; Nescerecka et coll., 2014; Van Nevel et coll., 2017). Des concentrations de cATP supérieures à 1 pg/mL constituent un seuil de déclenchement de mesures visant à prévenir l'accroissement de l'activité microbienne dans les réseaux de distribution chlorés (Hill et coll., 2018) et chloraminés (Ballantyne et Meteer, 2018).

La mesure de l'ATP accumulée sur des coupons d'acier doux placés dans le réseau de distribution peut être une mesure utile du taux de formation de biofilms (LeChevallier et coll., 2015a,b).

B.3.1.3 Paramètres physiques et chimiques

La température de l'eau, le pH et le potentiel d'oxydoréduction sont des paramètres critiques qui influent sur le cycle de vie des microorganismes et la solubilité des métaux dans les réseaux de distribution. Les valeurs de ces paramètres permettent de comprendre les tendances et variations de la qualité de l'eau dans un réseau de distribution. Par exemple, un fort potentiel d'oxydoréduction indique une qualité de l'eau peu propice à la croissance microbienne (Cantor, 2018). Ces paramètres doivent être analysés sur le terrain, car des changements peuvent survenir très rapidement si les échantillons d'eau sont en contact avec l'air. La couleur peut également indiquer de la libération de biofilms ou de métaux (Husband et Boxall, 2010) et être un indicateur utile d'une variation de la qualité de l'eau. Il est recommandé de mesurer la couleur apparente (Hill et coll., 2018).

B.3.2 Méthodes de laboratoire

B.3.2.1 Indicateurs bactériens

La surveillance de routine des coliformes totaux et d'E. coli est un aspect fondamental de l'approche « de la source au robinet » pour assurer la production d'eau potable saine (CCME, 2004). La présence de ces indicateurs dans le réseau de distribution, même s'ils sont absents juste après le traitement, suggère qu'il y a eu contamination microbienne. Les avantages et les limites de cette approche ont été décrits à la section B.2.1 Présence de microorganismes et dans les Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada sur Escherichia coli et sur les coliformes totaux (Santé Canada, 2020a,b).

B.3.2.2 Numération sur plaque des bactéries hétérotrophes (NPBH)

La détection des microorganismes hétérotrophes a ététraditionellement utilisée pour évaluer la qualité microbienne de l'eau dans les réseaux de distribution (Santé Canada, 2012a). Parmi les microorganismes hétérotrophes, on compte les bactéries, les moisissures et les levures qui ont besoin de carbone organique pour leur croissance (Leclerc, 2003). Ces organismes sont naturellement présents dans l'environnement, y compris l'eau. On peut les mesurer à l'aide des méthodes du type NPBH (APHA et coll., 2017). Les méthodes NPBH standards utilisent la formation de colonies sur des milieux de culture pour estimer la concentration d'hétérotrophes dans un échantillon d'eau potable (Lillis et Bissonette, 2001; Reasoner, 2004; APHA et coll., 2017). Bien qu'aucun milieu de croissance, aucune température ou aucun temps d'incubation n'assure à lui seul la récupération de tous les hétérotrophes, y compris ceux qui pourraient être endommagés, l'utilisation de la gélose R2A s'est révélée la plus performante à cet égard (Deininger et Lee, 2001; Uhl et Schaule, 2003; Gagnon et coll., 2007; Rand et coll., 2014, AWWA, 2017).

Les données obtenues par NPBH sous-estiment grandement la concentration et la diversité des bactéries présentes dans l'eau potable dans un réseau de distribution (OMS, 2003; Van Nevel et coll., 2017) et ne reflètent pas le comportement du microbiome (Proctor et Hammes, 2015; Bautista-de los Santos et coll., 2016). Par conséquent, la NPBH n'est pas un indicateur de la présence microbienne dans le réseau de distribution. Les données obtenues par NPBH avec gélose R2A peuvent plutôt fournir des renseignements valables sur les changements de la qualité de l'eau qui peuvent avoir une incidence sur la stabilité biologique (Gagnon et coll., 2007; Rand et coll., 2014).

B.3.2.3 Concentrations de nutriments

Comme les nutriments (p. ex., le carbone organique, l'ammoniac, les nitrates/nitrites, le phosphore total) contribuent à la croissance bactérienne et au développement des biofilms, les responsables de systèmes de distribution devraient chercher à minimiser leurs concentrations dans l'eau traitée et bien connaître leurs concentrations dans le réseau de distribution. Il est recommandé également de surveiller le carbone organique total ou dissous (LeChevallier et coll., 2015a,b; Cantor, 2017; Hill et coll., 2018). Si les responsables de systèmes de distribution emploient la chloramination, il est important de surveiller les événements de nitrification (p. ex., l'ammoniac total et libre, les nitrites, les nitrates). Si les responsables de systèmes de distribution utilisent des inhibiteurs de corrosion à base de phosphate, une surveillance de l'ensemble du réseau de distribution s'impose afin d'assurer une concentration résiduelle de désinfectant constante, ce qui favorise la stabilité des inhibiteurs.

B.3.2.4 Métaux

L'environnement complexe et dynamique qui existe à l'intérieur des réseaux de distribution fait en sorte que les précipités métalliques sont liés aux biofilms et aux dépôts. Cela peut être dû à des caractéristiques de la qualité de l'eau ou au matériau dont la tuyauterie est faite. Des perturbations hydrauliques peuvent entraîner la libération de concentrations élevées de métaux. Les métaux peuvent être présents sous forme dissoute ou particulaire. Pour la surveillance des réseaux de distribution, il est acceptable de considérer que la forme particulaire est la différence entre la concentration totale et la concentration de métaux dissous. Afin de déterminer les concentrations de métaux dissous, on doit filtrer les échantillons au moment du prélèvement, et non au laboratoire. À tout le moins, on devrait assurer la surveillance des métaux qui sont des puits d'accumulation majeurs (p. ex., l'aluminium, le fer et le manganèse) pour d'autres contaminants liés à la santé. En outre, il est recommandé de surveiller les principaux contaminants qui peuvent avoir un effet sur la santé et dont on sait qu'ils s'accumulent (p. ex., l'arsenic, le plomb et tout autre paramètre propre à un réseau donné et pour lequel un traitement est en place). Certains laboratoires peuvent détecter un nombre important de métaux pour un prix forfaitaire par échantillon. Dans un tel cas, il est recommandé de faire une analyse complète des métaux pour obtenir des renseignements utiles concernant la formation et la dissolution du tartre (Cantor, 2017).

B.3.3 Méthodes avancées

B.3.3.1 Cytométrie en flux (CMF)

La cytométrie en flux (CMF) s'est imposée comme l'une des principales méthodes de surveillance de la qualité microbienne de l'eau dans les réseaux de distribution (Prest et coll., 2013, 2016a,b,c; Douterelo et coll., 2014a; Van Nevel et coll., 2017). Cette méthode caractérise et quantifie les particules en suspension en les faisant passer une à la fois dans un faisceau laser (Shapiro, 2003; figure 6). Le faisceau laser excite les particules fluorescentes qui émettent ensuite de la lumière à une longueur d'onde supérieure. Il est important de noter que les particules biologiques peuvent être rendues fluorescentes, comme dans le cas des bactéries qui sont colorées avec un colorant fluorescent (p. ex., SYBR Green I), ou peuvent être naturellement fluorescentes (p. ex., algues chlorophylliennes) (Hammes et Egli, 2010). La cytométrie en flux offre à la fois des avantages et des inconvénients (tableau 4).

L'interprétation des résultats de la cytométrie en flux est compliquée en raison de la surabondance des données générées et du manque de méthodes normalisées d'analyse (Hammes et Egli, 2010; Van Nevel et coll., 2017). En règle générale, une variation du dénombrement de cellules obtenu par cytométrie en flux est indicatif d'un problème potentiel qu'on doit examiner. Afin de déceler avec précision ce changement, il est essentiel d'établir les concentrations microbiennes dans des conditions normales (c.-à-d., des conditions de référence) (Besmer et coll., 2014). Cela nécessite une surveillance généralisée et à long terme du réseau de distribution de l'eau potable pour déterminer la numération de cellules obtenue par cytométrie en flux dans diverses conditions, et à différentes saisons (Besmer et coll., 2014, 2016). Par conséquent, le recours à la cytométrie en flux pour la surveillance de routine des réseaux de distribution de l'eau potable nécessite au moins quelques années de collecte de données, de concert avec d'autres méthodes de surveillance microbienne, afin de bien pouvoir interpréter les résultats (Van Nevel et coll., 2017).

Figure 6. Cytométrie en flux (CMF).
Figure 6. Cytométrie en flux (CMF)
Figure 6 - Text description

Une illustration montrant les principes de la cytométrie en flux. L'illustration montre une suspension de cellules (colorées), représentée par un liquide composé d'un mélange de petites sphères rouges, jaunes et bleues, entrant dans un appareil en forme d'entonnoir, appelé chambre d'écoulement. Les sphères (cellules) sortent de la chambre en une seule file, c'est-à-dire une à la fois. Lorsque chaque sphère (cellule) sort, elle est représentée passant à travers un faisceau de lumière provenant d'un laser, représenté sous la forme d'une boîte intitulée « source de lumière ». La sphère (cellule) est montrée excitée, représentée par un éclat de lumière et émettant de la fluorescence - un arc-en-ciel de rouge, jaune, vert et bleu. Ce processus est agrandi sur le côté droit de l'illustration, où les couleurs sont représentées comme des faisceaux de lumière séparés qui se relient à un détecteur de fluorescence, représenté par un cylindre mince (pour chaque couleur) avec un chapeau haut de forme gris, et séparés par des miroirs. Des sphères (cellules) de même couleur sont montrées entrant dans le même tube à essai après l'enregistrement de leur fluorescence par un ordinateur.

Tableau 4. Avantages et inconvénients de la cytométrie en flux.
Avantages Références
Capacité de mesurer une variation de la numération des cellules bactériennes. Lautenschlager et coll., 2013; Prest et coll., 2013, 2016a,b,c; Nescerecka et coll., 2014
Méthode rapide (~ 15 minutes), précise et quantitative. Van Nevel et coll., 2017
Très reproductible (p. ex., les écarts-types relatifs sont inférieurs à 2,5 pour un seul utilisateur et un seul appareil). Hammes et coll., 2008; Wang et coll., 2010; Prest et coll., 2013
Se prête à l'automatisation, ce qui permet un débit élevé (la fonction d'analyse des plaques avec puits multiples permet d'analyser jusqu'à 500 échantillons en une journée). Van Nevel et coll., 2013
La technologie de surveillance en ligne permet des mesures de cytométrie en flux en continu pendant plusieurs semaines de suite. Hammes et coll., 2012; Brognaux et coll., 2013; Besmer et coll., 2014; Prest et coll., 2013, 2016a,b,c
Peut distinguer les cellules à faible contenu en acides nucléiques des cellules à haut contenu en acides nucléiques. S / O
Méthode normalisée disponible en Europe, ce qui facilite les comparaisons entre laboratoires. SLMB, 2012; Prest et coll., 2013
Caractérisation détaillée des communautés bactériennes à l'aide des profils de cytométrie. De Roy et coll., 2012; Prest et coll., 2013; Koch et coll., 2014
Les profils de cytométrie offrent une sensibilité accrue pour détecter les petits changements et petites variations au sein d'une communauté bactérienne, et sont conformes à l'analyse de l'ARNr 16. De Roy et coll., 2012; Prest et coll., 2013; Koch et coll., 2014; Props et coll., 2016
Exigences considérables en matière d'équipement, de formation des utilisateurs et de traitement des données. Hammes et Egli, 2010
Difficultés à distinguer les bactéries viables des bactéries non viables. On doit donc employer une technique appropriée de coloration pour établir la viabilité. Berney et coll., 2008; Helmi et coll., 2014
Comparaison des données de cytométrie obtenues par différents types d'instrument S / O
Processus de dénombrement subjectif (c. à d. synchronisation manuelle). Hammes et Egli, 2010; De Roy et coll., 2012; Aghaeepour et coll., 2013; Prest et coll., 2013
Ne fait pas la distinction entre les cellules isolées ou les amas (p. ex., biofilms boueux), ce qui pourrait entraîner un sous-dénombrement. Shapiro, 2003; van der Kooij et van der Wielen, 2014
Nombre limité d'études sur les réseaux de distribution d'eau potable utilisant une concentration résiduelle de désinfectant. Van Nevel et coll., 2017
Des méthodes normalisées n'ont pas encore été élaborées pour les applications concernant l'eau potable. Hammes et Egli, 2010; Lautenschlager et coll., 2013; Prest et coll., 2013
B.3.3.2 Méthodes moléculaires

Il existe plusieurs méthodes moléculaires permettant d'évaluer la diversité des communautés microbiennes dans les réseaux de distribution de l'eau potable (Norton et LeChevallier 2000; Eichler et coll. 2006; Henne et coll. 2012; Pinto et coll. 2012; Liu et coll., 2013a,b; Prest et coll., 2013, 2014, 2016a,b,c; Vierheilig et coll., 2015; Ling et coll., 2016; Van Nevel et coll., 2017). Ces méthodes reposent généralement sur la comparaison de profils ou de séquences de l'acide nucléique [acide désoxyribonucléique (ADN) ou acide ribonucléique (ARN)] qui permettent de déterminer la composition des communautés microbiennes. Habituellement, on traite les échantillons d'eau ou de biofilms afin d'isoler l'ADN ou l'ARN, et les acides nucléiques sont ensuite amplifiés par la réaction en chaîne de la polymérase (PCR). La PCR cible des gènes marqueurs précis, dont l'ARNr 16S pour les bactéries, l'ARNr 18S pour les eucaryotes et les espaceurs internes transcrits pour les champignons. Les produits d'amplification sont ensuite soumis à une électrophorèse, puis les bandes (sur le gel) sont excisées et séquencées. Les séquences subissent une analyse phylogénétique. Il existe une variété de technologies de séquençage de nouvelle génération qui offrent un certain nombre d'avantages par rapport aux méthodes classiques, notamment le séquençage ciblé en temps réel et la portabilité (Tan et coll., 2015; Goordial et coll., 2017; Liu et coll., 2018).

Les approches moléculaires offrent plusieurs avantages. Toutefois, elles souffrent également de quelques lacunes importantes (tableau 5), ce qui a restreint leur utilisation dans la surveillance de routine de l'eau potable dans les réseaux de distribution.

Tableau 5. Avantages et inconvénients des méthodes moléculaires.
Avantages Références
Ne dépend pas de la culture. S / O
Permettent des analyses supplémentaires (futures), grâce à la congélation des acides nucléiques isolés Van Nevel et coll., 2017
Capacité d'identifier les microorganismes viables lorsque c'est l'ARN qui est extrait. Van Nevel et coll., 2017
Les technologies de séquençage de la nouvelle génération permettent un séquençage en temps réel. Tan et coll., 2015; Goordial et coll., 2017
Peuvent être utilisées pour la recherche des sources (c. à d. détermination de l'origine de la contamination). Liu et coll., 2018
Limite de détection inadéquate (c. à d. dépendent du gène ciblé et de la longueur de la séquence) et difficultés d'évaluation de la viabilité. Nocker et coll., 2007, 20177
L'extraction des acides nucléiques prend beaucoup de temps. Nocker et coll., 2007, 2017; Hwang et coll., 2011, 2012; Salter et coll., 2014
Biais de l'amplification par PCR (c. à d. choix de la cible et des amorces). Nocker et coll., 2007, 2017; Hwang et coll., 2011, 2012; Salter et coll., 2014
Hypothèses et approches variables en matière d'extraction, d'analyse et d'interprétation des profils et des séquences. S / O
Représentativité limitée de la diversité microbienne (c. à d. biais en faveur des membres les plus abondants de la communauté microbienne). Hug et coll., 2016
Méthodes coûteuses, nécessitant une formation spécialisée en biologie moléculaire. S / O
B.3.3.3 Analyse des biofilms

La majorité des microorganismes présents dans les réseaux de distribution de l'eau potable sont fixés aux parois internes des conduites, et forment des biofilms (Flemming et coll., 2002). L'analyse des biofilms est un élément clé pour connaître les variations de qualité microbienne de l'eau dans le réseau de distribution. Comme il est difficile d'accéder aux conduites du réseau, le prélèvement d'échantillons de biofilms est donc très difficile. L'analyse des biofilms fait appel à des méthodes spécialisées qui peuvent nécessiter un partenariat entre les responsables de systèmes de distribution, les universités ou les laboratoires commerciaux spécialisés.

En règle générale, les réacteurs à biofilms utilisés sur le comptoir dans les laboratoires permettent d'étudier la formation de biofilms dans des conditions simulées. Bien que ces réacteurs nous aident grandement à comprendre les changements potentiels survenant dans un biofilm, ils ne peuvent pas reproduire entièrement les conditions réelles des réseaux de distribution de l'eau potable (Deines et coll., 2010). Des méthodes plus récentes portent sur l'analyse des biofilms in situ (c.-à-d. à l'intérieur même des réseaux de distribution). Les approches les plus utilisées consistent à étudier des biofilms formés sur des segments de tuyaux découpés (LeChevallier et coll., 1998; Wingender et Flemming, 2004, 2011) ou à utiliser des coupons insérés dans les tuyaux (Douterelo et coll., 2013, 2016a,b). On peut aussi étudier les biofilms en rinçant les tuyaux et en recueillant le matériau entraîné par l'eau en vrac (Douterelo et coll., 2014b), ou encore prélever les biofilms dans les compteurs d'eau domestiques (Hong et coll., 2010; Ling et coll., 2016). Bien que ces approches aient leurs limites, les méthodes basées sur les coupons sont prometteuses parce qu'elles permettent de visualiser le biofilm par des méthodes microscopiques, et on peut en extraire les acides nucléiques pour une caractérisation ultérieure (Douterelo et coll., 2014a).

B.3.3.4 Capteurs et modélisation

Les capteurs en ligne sont utilisés depuis un certain temps pour surveiller les paramètres physiques (p. ex., pression) et chimiques (p. ex., chlore résiduel) dans le réseau de distribution de l'eau potable. Il existe également des capteurs biologiques (biocapteurs) permettant de détecter en temps réel les microorganismes dans les réseaux de distribution (U.S. EPA, 2009; Miles et coll., 2011; Storey et coll., 2011; Samendra et coll., 2014; Højris et coll., 2016; U.S. EPA, 2018a). De plus, des capteurs en ligne multiparamètres permettent de surveiller en temps réel des paramètres importants dans les réseaux de distribution, notamment le chlore, la conductivité, la pression et la température (Durand et coll., 2016). Enfin, on a automatisé diverses techniques de surveillance en ligne de la qualité microbienne dans les réseaux de distribution, comme le test de l'ATP et la cytométrie en flux.

On peut employer des modèles de réseaux de distribution de l'eau pour mieux connaître les changements qui surviennent dans la qualité microbienne de l'eau et élaborer des méthodes de surveillance et d'échantillonnage. Ces modèles informatiques tiennent compte des paramètres hydrauliques des réseaux de distribution, ainsi que d'autres caractéristiques (Powell et coll., 2004; Martel et coll. 2006; Speight et Khanal, 2009), afin de simuler le devenir des contaminants microbiens. Un certain nombre de modèles eixstent, dont le modèle EPANET (U.S. EPA, 2018b) de l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis, qui est un modèle de source ouverte pour l'étude des réseaux de distribution de l'eau potable. Un module EPANET, appelé EPANET-MSX (MSX pour Multi-Species Extension – extension multiespèces), permet d'étudier les interactions entre l'eau en vrac et les parois des conduites.

Les modèles d'évaluation quantitative des risques microbiologiques (EQRM) peuvent également être utilisés conjointement avec les modèles hydrauliques pour mieux comprendre la détérioration de la qualité microbienne de l'eau dans les réseaux de distribution (Blokker et coll., 2014, 2018).

B.4 Programme de surveillance

B.4.1 Programme exhaustif de surveillance

Le tableau 2 (voir la partie a) présente les paramètres ou les méthodes utilisables pouvant constituer la base d'un programme exhaustif de surveillance afin d'évaluer la stabilité biologique de l'eau potable dans les réseaux de distribution. Bon nombre des paramètres énumérés (p. ex., résidus de désinfectant, turbidité) font déjà l'objet d'une surveillance dans le cadre d'une approche « de la source au robinet » visant à produire une eau potable saine. Les autres paramètres et méthodes sont relativement faciles à utiliser et donnent des résultats rapides (voir le section B.3.1.2 Analyse par adénosine triphosphate (ATP) et section B.3.1.3 Paramètres physiques et chimiques).

La clé est d'utiliser les mesures les plus appropriées pour surveiller régulièrement la qualité de l'eau et établir les conditions de référence (p. ex., les variations normales ne nécessitent pas d'intervention). Il est important de reconnaître que les réseaux de distribution varient grandement selon leur conception, leur taille et leur complexité. Par conséquent, aucun programme de surveillance ne peut à lui seul répondre aux besoins de tous les réseaux. Les responsables de systèmes de distribution devraient plutôt élaborer un programme de surveillance fondé sur une évaluation de leur propre réseau et tenir compte du coût et de la facilité d'utilisation des méthodes de surveillance, ainsi que les exigences des autorités responsables de l'eau potable.

On pourra ensuite établir des objectifs et des cibles de qualité de l'eau propres au réseau, ainsi que des valeurs seuils qui déclencheront des mesures préventives ou correctives (Cantor et Cantor, 2009; Ballantyne et Meteer, 2018). Une fois les données recueillies, il faut les analyser pour déterminer si, et comment, la qualité de l'eau dans le réseau de distribution change et si des mesures préventives ou correctives sont nécessaires (voir la section B.4.4 Analyses des données et réponse).

B.4.2 Fréquence d'échantillonnage

La fréquence d'échantillonnage dépend en fin de compte d'une évaluation du réseau de distribution, dont sa taille et sa complexité, et tient compte de toute exigence formulée par les autorités responsables de l'eau potable. Par exemple, la fréquence d'échantillonnage devrait être proportionnelle à la taille de la population desservie. Des directives sur l'échantillonnage des indicateurs microbiens (E. coli et coliformes totaux) dans les réseaux de distribution existent au Canada (Santé Canada, 2020a,b) et ailleurs dans le monde (U.S. EPA, 2013; OMS, 2011, 2014). Les responsables de systèmes de distribution devraient évaluer quels paramètres peuvent être mesurés sur le terrain ou échantillonnés lors du prélèvement d'échantillons d'indicateurs microbiens. Cantor (2018) présente des conseils pratiques concernant la surveillance et l'évaluation de la qualité de l'eau dans les réseaux de distribution.

B.4.3 Lieux d'échantillonnage

Il convient d'accorder une attention particulière afin de bien choisir les endroits où, dans le réseau de distribution, le risque de contamination microbienne est probablement le plus élevé. Pour ce faire, il faut connaître le réseau de distribution, grâce à une description détaillée de l'emplacement des conduites principales et secondaires. Il faut tenir compte également de l'emplacement des installations de stockage, des pompes, des vannes, des compteurs et des raccordements aux consommateurs. D'autres attributs du réseau, y compris le matériau et l'âge des conduites, sont des facteurs importants dont on doit prendre en compte dans le choix des lieux d'échantillonnage. Les données historiques sur la qualité de l'eau font également partie intégrante des éléments à considérer lors du choix des endroits de surveillance. Ces données peuvent indiquer les endroits où le risque de détérioration microbienne est le plus élevé. Il est également important de tenir compte de la demande en eau (c.-à-d. les changements hydrauliques) et des endroits où une contamination s'est déjà produite. Par exemple, une revue de l'âge des conduites et les bris de conduites peut aider à déterminer les endroits où les risques sont les plus élevés. Les détections antérieures d'indicateurs microbiens (p. ex., coliformes totaux, E. coli, NPBH) sont également importantes à prendre en compte dans le choix des lieux de surveillance. Les types de bâtiments (p. ex., écoles, hôpitaux) desservis par le réseau de distribution devraient également être pris en considération, car ils représentent un plus grand nombre d'expositions potentielles.

Il faut tenir compte des matériaux qui composent le robinet d'échantillonnage lorsqu'on choisit les lieux d'échantillonnage, car cet aspect peut influer sur les résultats des analyses microbiennes (Geldreich et coll., 1985; Cox et Giron, 1993; Goatcher et coll., 1992; Geldreich et LeChevallier, 1999). Les modèles de réseaux de distribution d'eau peuvent intégrer des données sur les caractéristiques du réseau et la qualité de l'eau pour permettre l'élaboration de méthodes de surveillance et d'échantillonnage (voir la section B.3.3.4 Capteurs et modélisation).

En plus des données sur la qualité de l'eau et les caractéristiques du réseau de distribution, le choix des lieux de surveillance dépendra également des exigences des autorités responsables de l'eau potable. Par exemple, au Québec, au moins la moitié des échantillons doivent être prélevés à la limite la plus éloignée du réseau de distribution (Islam et coll., 2015). C'est pourquoi on devrait consulter les autorités responsables de l'eau potable avant de déterminer le lieux des points d'échantillonnage.

En règle générale, le point d'entrée du réseau de distribution et les points situés près des zones mortes et des endroits présentant de piètres caractéristiques hydrauliques (p. ex., eau très âgée) devraient être ciblés pour la surveillance (Islam et coll., 2015; Cantor, 2017). Lorsque les lieux d'échantillonnage ont été établis, il est important de s'assurer qu'ils sont spatialement représentatifs (Vital et coll., 2012; Nescerecka et coll., 2014; Hill et coll., 2018). Par exemple, aux États-Unis, le règlement Revised Total Coliform Rule de l'EPA assure la représentativité spatiale, car il permet d'autoriser le prélèvement d'échantillons à des stations d'échantillonnage expressément conçues à cette fin dans le réseau de distribution (U.S. EPA, 2013; LeChevallier, 2014). On devrait aussi tenir compte de la rotation entre les différents lieux d'échantillonnage dans tout le réseau de distribution, car cela peut améliorer la détection (OMS, 2014).

B.4.4 Analyses des données et réponse

Les données produites par les programmes de surveillance régulière des réseaux de distribution devraient faire l'objet d'un suivi afin d'évaluer les tendances et la variabilité. Cela permettra aux responsables de déterminer les conditions de base déterminant la qualité de l'eau, et donc de savoir si, et comment, la stabilité biologique varie dans le réseau de distribution. Les responsables de systèmes de distribution peuvent alors établir des objectifs en matière de qualité de l'eau pour leurs réseaux. Par exemple, dans un réseau, on peut établir comme objectif une concentration de chlore libre de 0,4 mg/L, plutôt que 0,2 mg/L, ou encore on peut vouloir établir un seuil de NPBH ou de cATP comme indicateur précoce de détérioration de la qualité microbienne de l'eau. Des seuils d'intervention et d'alerte propres au réseau devraient également être établis (Cantor et Cantor, 2009). Si les objectifs de qualité de l'eau ne sont pas atteints, des mesures correctives ou préventives, propres au réseau, devraient alors être prises (Ballantyne et Meteer, 2018).

De plus amples renseignements sur la gestion et l'analyse des données de surveillance de la qualité de l'eau figurent dans divers documents (Cantor et Cantor, 2009; AWWA, 2017; Cantor 2018).

B.5 Gestion des risques microbiologiques

Les réseaux de distribution de l'eau potable constituent la dernière barrière de protection avant le robinet du consommateur. Un réseau de distribution bien entretenu et bien exploité est donc un élément essentiel pour assurer un approvisionnement en eau potable saine. Bien que les réseaux de distribution de l'eau potable varient considérablement, ils ont des défis communs, dont la détérioration de la qualité de l'eau (voir la section B.2 Causes de détérioration de la qualité de l'eau). Afin d'assurer la distribution d'une eau potable saine aux consommateurs, les causes de cette détérioration doivent être connues. Il est recommandé que les responsables de systèmes de distribution élaborent un plan de surveillance du réseau afin de déterminer les sources de contamination et les causes de croissance. Les résultats ainsi obtenus éclairent le choix de stratégies appropriées de gestion des risques (c.-à-d. les pratiques exemplaires). Nous décrivons brièvement ci-dessous quelques-unes des principales pratiques exemplaires de gestion visant à minimiser les risques microbiologiques dans les réseaux de distribution. Divers documents portent sur l'examen complet de ces pratiques (NRC, 2006; Kirmeyer et coll., 2014; Mosse et Murray, 2015; Cantor, 2018).

En général, les stratégies visant à minimiser les risques microbiologiques associés aux réseaux de distribution de l'eau potable comprennent :

Parmi les autres mesures qui contribuent au maintien de conditions chimiques et biologiques stables dans les réseaux de distribution, mentionnons la prévention des refoulements et le contrôle des raccordements croisés, le contrôle de la corrosion, ainsi que l'entretien et le nettoyage des conduites du réseau (Karim et coll., 2003; Prévost et coll., 2005; Fleming et coll., 2006; Friedman et coll., 2009; van der Kooij et van der Wielen, 2014; OMS, 2014; LeChevallier et coll., 2015a,b; Friedman et coll., 2016; Prest et coll., 2016a,b,c). Il existe diverses techniques de nettoyage des conduites permettant d'éliminer les biofilms, les dépôts lâches ainsi que les sédiments, y compris le rinçage unidirectionnel et le raclage (Ellison, 2003; Bellas et Tassou, 2005, Quarini et coll., 2010, Vreeburg et coll., 2010; Dang et coll., 2014; Friedman et coll., 2016; Liu et coll., 2017). De plus, une hygiène stricte devrait être pratiquée lors de la construction, de la réparation ou de l'entretien des conduites afin de s'assurer que l'eau potable est transportée jusqu'au consommateur avec un minimum de perte de qualité (Kirmeyer et coll., 2001, 2014).

La prudence est de mise lors des activités de rinçage. Il est important que les responsables de systèmes de distribution déterminent et utilisent les techniques de rinçage les plus appropriées pour ne pas perturber ni libérer les dépôts déjà présents dans l'eau en vrac. Des techniques de rinçage inadéquates peuvent remuer et potentiellement répandre des contaminants à proximité de la zone rincée ou encore plus loin dans le réseau de distribution, ce qui accroît les risques pour la santé publique. Les conditions suivantes peuvent perturber les dépôts déjà en place : une vitesse ou un débit de rinçage excessifs, une vitesse ou un débit de rinçage insuffisants, l'absence d'une maîtrise de la direction, ou encore la durée du rinçage (Hill et coll., 2018). Il est recommandé d'établir des stations automatiques de rinçage si l'objectif est de renouveler l'eau en vrac dans une zone donnée en raison de l'âge de l'eau ou de sa piètre circulation (Hill et coll., 2018).

On trouvera des examens détaillés de la stabilité biologique dans divers documents (Prévost et coll., 2005; van der Kooij et van der Wielen, 2014; LeChevallier et coll., 2015a; Prest et coll., 2016a,b,c). Il existe également des directives permettant d'aider les responsables de systèmes de distribution à établir un programme de surveillance propre à leur reseau (LeChevallier et coll., 2015b; Cantor, 2017, 2018; Hill et coll., 2018).

B.5.1 Risques microbiologiques dans la plomberie des bâtiments

La plomberie des bâtiments désigne la partie des réseaux de distribution de l'eau potable qui est en deçà des limites d'une propriété et qui dessert les écoles, les hôpitaux, les logements publics et privés, les bureaux et autres bâtiments (NRC, 2006; U.S. EPA, 2016). Dans les bâtiments, l'eau est utilisée à diverses fins : consommation d'eau potable, préparation des aliments, lavage et douche, systèmes de refroidissement et divers usages décoratifs (p. ex., fontaines ornementales).

La qualité de l'eau peut diminuer considérablement dans la plomberie des bâtiments et est tributaire des mêmes facteurs que dans les réseaux de distribution de l'eau potable (voir la section B.2 Causes de détérioration de la qualité de l'eau). Cependant, les réseaux de plomberie des bâtiments ont leurs propres défis, à savoir : 1) des temps de séjour plus longs (c.-à-d. stagnation accrue de l'eau); 2) des températures de l'eau plus élevées; 3) des composants et des matériaux de plomberie très variables; 4) des tuyaux de petit diamètre. De longs temps de séjour dans la plomberie des bâtiments ont été liés à des concentrations beaucoup plus élevées de populations microbiennes et à des changements dans la composition des communautés microbiennes (Pepper et coll., 2004; Lautenschlager et coll., 2010; Manuel et coll., 2010; Lipphaus et coll., 2014; Bédard et coll., 2018). Des températures d'eau plus élevées, dues à l'installation de tuyaux dans les pièces chauffées ou à proximité de sources de chaleur, favorisent la croissance microbiennes (Lautenschlager et coll., 2010; Lipphaus et coll., 2014). Cette croissance est également favorisée par l'interaction avec divers matériaux de plomberie, dont les tubes en plastique et les raccords en caoutchouc, qui présentent un potentiel considérable de croissance microbienne (Bucheli-Witschel et coll., 2012). L'utilisation de tuyaux de petit diamètre entraîne un contact accru entre les microorganismes et les tuyaux, ce qui a accroît les effets de ces matériaux (voir la section B.2.3 Matériau et état des conduites), y compris la formation de biofilms et la diminution des concentrations résiduelles de désinfectant (Servais et coll., 1992; Rossman et coll., 1994; Prévost et coll., 1998). Comme nous l'avons mentionné précédemment (voir la section B.2.1 Présence de microorganismes), ces biofilms peuvent contenir des agents pathogènes, y compris ceux persistant dans la plomberie du bâtiment. Les réseaux de plomberie des bâtiments peuvent contribuer à induire de manière spectaculaire la croissance de Legionella sp. et d'autres pathogènes persistants, notamment Pseudomonas aeruginosa et des mycobactéries non tuberculeuses, et il s'agit là d'une préoccupation majeure pour la santé publique, particulièrement dans les hôpitaux (OMS, 2011).

La plomberie des bâtiments peut aussi avoir un effet sur la qualité de l'eau dans le réseau de distribution. Le principal mécanisme par lequel la contamination microbienne peut entrer dans les réseaux de distribution de l'eau potable à partir de la plomberie des bâtiments est le refoulement, c'est-à-dire le siphonnage ou une contre-pression (OMS, 2011, 2014). Il est donc important que des programmes appropriés visant à contrôler le refoulement et les raccordements croisés soient en place (AWWA, 2017).

Étant donné les défis particuliers pour la qualité de l'eau dans les bâtiments, on doit recourir à des stratégies supplémentaires de gestion. Il est important de noter que les responsables de systèmes de distribution ne sont généralement pas responsables de la qualité de l'eau en deçà de la limite des propriétés, c'est-à-dire sur les terrains des utilisateurs. Les propriétaires ou les gestionnaires de terrain doivent surveiller et gérer leurs réseaux d'eau afin de s'assurer qu'ils fournissent une eau salubre au robinet. La gestion de la qualité de l'eau dans les bâtiments commence par l'établissement de cartes et schémas exacts et à jour des conduites d'eau, et l'étiquetage des tuyaux, en particulier dans les grands bâtiments. Ce sont des outils importants pour éviter les raccordements croisés dangereuses et indiquer les zones où l'eau peut stagner.

Bien que l'objet du présent document ne soit pas d'indiquer où, quand et comment il faut surveiller la plomberie des bâtiments, nous présentons néanmoins quelques principes directeurs :

De plus amples renseignements sur la gestion de la salubrité de l'eau dans les bâtiments figurent dans divers documents (OMS, 2011; Santé Canada, 2013a; Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2013; ASHRAE, 2000, 2015, 2018).

Partie C : Références

Partie D : Liste des acronymes

ADN
Acide désoxyribonucléique
ARN
Acide ribonucléique
ASTM
ASTM International
ATP
Adenosine triphosphate
CEF
Cytométrie en flux
COA
Carbone organique assimilable
COBD
Carbone organique biodégradable
EQRM
Évaluation quantitative des risques microbiologiques
MOB
Matière organique biodégradable
MON
Matière organique naturelle
NPBH
Numération sur plaque des bactéries hétérotrophes
NRC
National Research Council
OMS
Organisation mondiale de la santé
SPE
Substances polymères extracellulaires
U.S. EPA
United States Environmental Protection Agency

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